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Décisions

Cass. com., 4 février 1992, n° 90-15.977

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hatoux

Rapporteur :

Mme Pasturel

Avocat général :

Mme Le Foyer de Costil

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, Me Hennuyer, Me Spinosi

Douai, du 1 mars 1990

1 mars 1990

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 1er mars 1990), que M. Y... qui, dans l'exercice de son activité commerciale, avait conclu avec la société Yacco un contrat d'avance sur ristournes pour un certain montant, a sollicité, le 3 décembre 1987, l'octroi d'une nouvelle avance ; que, de son côté, le Crédit mutuel d'Etaples (la banque) a consenti, le 31 décembre 1987, à le faire bénéficier d'une ouverture de crédit de 70 000 francs pour une période venant à expiration le 31 janvier 1988 ; que, le 19 janvier 1988, la société Yacco a émis un chèque de 137 733 francs à l'ordre de M. Y... et que ce chèque a été adressé le lendemain à Me X..., notaire chargé de recevoir l'acte d'affectation hypothécaire relatif à la nouvelle avance accordée par cette société ; que, le 21 janvier 1988, le Tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. Y... et désigné un administrateur avec mission d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion et de disposition ; que, le 23 janvier 1988, M. Y... a signé l'acte d'affectation hypothécaire auquel était joint l'acte d'avance sur ristournes et est entré en possession du chèque émis à son profit par la société Yacco ; qu'il l'a, le même jour, déposé sur son compte bancaire, permettant ainsi à la banque d'être réglée du montant de son découvert, a émis deux chèques au profit de Me X... et effectué encore quelques opérations de débit ; que la société Yacco a demandé au tribunal de condamner la banque à lui restituer la somme de 137 733 francs ; que M. Y... a été mis en liquidation judiciaire le 30 décembre 1988 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Yacco fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en décidant que le paiement effectué au profit de la banque trouvait sa cause dans l'avance en compte courant qu'elle avait consentie à M. Y... le 31 décembre 1987 pour une période expirant le 31 janvier 1988, tout en constatant que le 13 janvier 1988, M. Y... déposait une déclaration de cessation des paiements et que, le 21 janvier 1988, le tribunal de commerce de Boulogne ouvrait une procédure simplifiée de redressement judiciaire à son encontre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 33 et 56 de la loi du 25 janvier 1985 et 1371 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en se bornant à énoncer que le paiement au profit de Me X... trouvait sa cause dans les prestations qu'il avait fournies à M. Y... et que les paiements au profit des autres créanciers trouvaient leur cause dans les obligations de M. Y..., et qu'ainsi leur enrichissement n'était pas dépourvu de cause sans rechercher si les créances susvisées avaient été antérieures ou postérieures au jugement d'ouverture, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 33 et 56 de la loi du 25 janvier 1985 et 1371 du Code civil ;

Mais attendu que la nullité des paiements effectués par M. Y... postérieurement à l'ouverture de son redressement judiciaire ne pouvait entraîner la restitution au profit de la société Yacco de la somme correspondant au montant de la provision dont la propriété avait été transférée au bénéficiaire du chèque dès l'émission de celui-ci ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux de la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Yacco fait enfin grief à l'arrêt d'avoir ordonné la remise au liquidateur du restant des fonds provenant du chèque et fixé la créance de la société Yacco sur la procédure de liquidation judiciaire à la somme de 137 733 francs, alors, selon le pourvoi, que la créance de restitution née de la nullité d'un contrat à raison du défaut de pouvoir du débiteur constitue une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la créance de la société Yacco n'est pas née de l'inexécution du contrat de prêt mais trouve sa source dans l'obligation pour M. Y... de restituer des fonds dont, l'arrêt le constate par ailleurs, la remise est sans cause et dont, par conséquent, ladite société n'a pas cessé d'être propriétaire ; qu'en déclarant que ladite créance n'est pas née régulièrement et doit entrer dans le passif antérieur à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de M. Y... et en décidant que les fonds devaient être remis au liquidateur, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient et a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que le contrat d'avance sur ristournes ayant été signé après l'ouverture de la procédure collective par le débiteur sans l'assistance de l'administrateur, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que la créance invoquée par la société Yacco n'était pas née régulièrement au sens de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et qu'elle n'entrait pas dans les prévisions de ce texte ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.