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Décisions

Cass. com., 21 mars 2006, n° 04-20.728

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Versailles, du 9 déc. 2004

9 décembre 2004

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts Y... et la société Sody font grief à l'arrêt d'avoir annulé l'acte de cession de créances et condamné, en conséquence, la société Sody à payer diverses sommes au liquidateur de la société Parouest, alors, selon le moyen :

1 / que la nullité des conventions et des paiements prévue par l'article L. 621-108 du Code de commerce n'est que facultative pour le juge, qui, à ce titre, est tenu d'apprécier l'opportunité de la prononcer ;

qu'en affirmant que la nullité de la cession de créance litigieuse devait être prononcée, peu important qu'il ait été soutenu que cette cession n'avait pas été préjudiciable pour la société cédante, au seul motif que les conditions légales de la nullité se trouvaient réunies en l'espèce, l'acte ayant été conclu en connaissance de la cessation des paiements du débiteur, la cour d'appel, qui n'a pas exercé le pouvoir d'appréciation que la loi lui confère, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs au regard du texte précité ;

2 / qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a également violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en se bornant à déclarer "qu'au demeurant l'acte litigieux avait privé la société Parouest de toutes les créances dont elle disposait contre le Z... et que ce dernier avait effectivement payé à la société Sody pour un montant de 38 751 049,71 francs", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Sody n'avait pas encaissé cette somme au nom et pour le compte de six autres magasins du groupe Y... en vertu d'un mandat étranger à la cession de créance querellée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-108 du Code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que l'acte de cession de créance avait été conclu en période suspecte et que son signataire, M. David Y..., président du conseil d'administration de la société Sody, avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Parouest, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante mentionnée à la troisième branche, a, usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 621-108 du Code de commerce, annulé l'acte litigieux ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les consorts Y... et la société Sody font grief à l'arrêt d'avoir condamné cette dernière à payer diverses sommes au liquidateur de la société Parouest , alors, selon le moyen :

1 / que l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs du jugement qu'il critique ; que le liquidateur de la société Parouest a expressément demandé à la cour d'appel de lui donner acte de ce qu'il limitait son appel au chef du dispositif du jugement du 11 février 2003 ainsi conçu : "en vertu du principe de réciprocité des prestations, la liquidation judiciaire de la société Parouest doit rembourser à la société Sody le prix payé pour l'acquisition des droits cédés, soit la somme de 533 571,56 euros (3 500 000 francs) et ce, par prélèvement sur les sommes qui seront reversées par la société Sody à la liquidation judiciaire" ; qu'à aucun moment, le liquidateur n'a élargi son appel à la critique du chef du dispositif du jugement entrepris qui l'avait débouté de ses demandes plus amples, au motif que l'acte de cession de créance n'emportait pas cession des droits initialement détenus par les sociétés Boulogne distribution et Dispasud ; qu'en décidant néanmoins de statuer à nouveau sur l'objet de la cession de créance litigieuse, pour infirmer la décision des premiers juges de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 562 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que, subsidiairement, l'acte de cession de créance argué de nullité précisait le contenu et l'origine des droits cédés par la société Parouest en ces termes : "la société Morangis distribution a diligenté à l'encontre du Z... une procédure tendant au recouvrement de sommes dont elle était créancière au titre des ristournes dues par le Z... et non reversées. Par jugements du 19 juillet 1995 et du 27 novembre 1995, le tribunal de commerce de Paris a condamné le Z... à payer à l'ensemble des sociétés du groupe auquel appartient la société Morangis distribution une somme de 33 934 804 francs .. L'affaire est pendante devant la Cour de Cassation. Par acte en date du 3 mars 1997, la société Morangis distribution a cédé à la société Parouest les droits litigieux qu'elle possède contre le Z..." ; qu'ainsi cet acte ne faisait nulle mention des droits des sociétés Boulogne distribution et Dispasud contre le Z... ;

qu'en jugeant cependant que les droits cédés par les sociétés Boulogne distribution et Dispasud à la société Parouest entraient dans le champ de la cession de créance arguée de nullité, la cour d'appel en a dénaturé les termes dépourvus d'équivoque, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

3 / qu'il en est d'autant plus ainsi que les droits cédés par les sociétés Boulogne distribution et Dispasud à la société Parouest avaient eux-mêmes été cédés à la société Sody en vertu de deux cessions de créance distinctes de la cession de créance querellée, moyennant le prix de 22 000 000 francs et de 3 500 000 francs ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le liquidateur de la société Parouest , qui n'avait pas limité son appel à certains chefs du jugement déféré, sollicitait la restitution des sommes correspondant aux cessions des créances Morandis distribution, Boulogne distribution et Dispasud, en sorte que la cour d'appel n'a pas méconnu l'effet dévolutif de l'appel en infirmant le jugement pour accueillir cette demande ;

Attendu, en second lieu, que c'est par une interprétation souveraine de la volonté des parties, exclusive de dénaturation, que la cour d'appel, se fondant sur le contenu des stipulations de l'acte de cession ainsi que sur l'ensemble des pièces versées aux débats par les parties, qui ne comprenaient pas les actes de cession visés à la troisième branche et invoqués pour la première fois devant la Cour de Cassation, a statué comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que les consorts Y... et la société Sody font encore grief à l'arrêt d'avoir débouté cette dernière de sa demande de compensation et d'avoir dit que la créance de restitution du prix est éteinte, alors, selon le moyen :

1 / que l'obligation de restitution du prix consécutive à l'annulation facultative d'un contrat prononcée par le juge en vertu des pouvoirs que lui accorde l'article L. 621-108 du Code de commerce naît de la décision de justice qui prononce la nullité de ce contrat ; qu'en déclarant que la créance de restitution du prix de la cession de créance annulée par le jugement du 11 février 2003 trouvait son origine antérieurement au jugement d'ouverture du 6 avril 1999 et devait ainsi être déclarée, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 621-43 du Code de commerce ;

2 / que la faculté donnée au juge par l'article L. 621-108 d'annuler les conventions conclues par le débiteur en période suspecte tend au rétablissement de l'égalité des créanciers ; qu'il s'ensuit que le juge est tenu d'ordonner les restitutions réciproques propres à assurer le retour au statu quo ante et d'admettre leur compensation lorsqu'elle lui est demandée, sa décision valant alors admission au passif de la créance qui résulte, le cas échéant, du solde de compensation ; qu'en jugeant que la créance de restitution du prix de la cession de créance annulée se trouvait éteinte faute d'avoir été déclarée et en refusant la compensation des restitutions demandée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3 / qu'il résulte de l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme que toute personne a droit au respect de ses biens ; que si les droits nationaux peuvent subordonner la conservation par les créanciers de leurs droits patrimoniaux contre le débiteur à des formalités de déclaration au passif, c'est à la condition de ne pas les priver de toute possibilité concrète de satisfaire cette exigence ; qu'a méconnu le texte susvisé, la cour d'appel qui constate l'extinction de la créance de restitution du prix dont la société Sody était titulaire à la suite de l'annulation de la cession de créance litigieuse, faute de déclaration au passif, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le délai pour intenter une action en relevé de forclusion était d'ores et déjà épuisé lorsque la société Sody avait été assignée en nullité, circonstance dont il s'évinçait que cette société n'avait jamais été mise en mesure d'agir pour la sauvegarde de son droit patrimonial à restitution ;

Mais attendu que la créance résultant de l'obligation de rembourser le prix d'une cession, à la suite de l'annulation de cette cession, en application des articles L. 621-107 et L. 621-108 du Code de commerce, a son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'ayant annulé, sur le fondement de l'article L. 621-108 du Code de commerce, l'acte de cession de droits litigieux, enregistré le 21 novembre 1997, passé entre la société Parouest et la société Sody pendant la période suspecte, l'arrêt retient à bon droit, et sans encourir le grief de la troisième branche, que la créance, n'ayant pas été déclarée et ne pouvant plus l'être du fait de l'expiration du délai pour intenter une action en relevé de forclusion, se trouve éteinte ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.