Cass. com., 13 décembre 2017, n° 16-21.265
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que l'association La Principauté (l'association) a été mise en redressement judiciaire le 1er septembre 2009, M. X... étant désigné mandataire judiciaire ; que la société Crédit coopératif (la banque) a déclaré plusieurs créances, relatives à des prêts, pour des sommes globales représentant le capital restant dû et les intérêts contractuels dus entre l'ouverture de la procédure collective et les termes respectifs de chacun des prêts ; que par ordonnance du 31 août 2010, le juge-commissaire a admis les créances de la banque à titre privilégié pour les montants déclarés ; que l'association a été mise en liquidation judiciaire après adoption d'un plan de cession par un jugement du 15 octobre 2010 ; que le 21 juillet 2011, le liquidateur a procédé au paiement des créances privilégiées et a demandé à la banque d'actualiser ses créances en ce qui concerne les intérêts ; qu'il a encore, selon deux états du 31 décembre 2012, colloqué la banque pour des sommes complémentaires au titre des mêmes prêts ; que par lettre du 16 octobre 2013, la banque a communiqué au liquidateur le détail de ses créances en distinguant les intérêts ayant couru depuis le jugement d'ouverture du redressement judiciaire jusqu'au jour du paiement du principal intervenu le 21 juillet 2011 ; qu'en faisant valoir que ce décompte mettait en évidence l'existence d'un trop-perçu par la banque, le liquidateur a, par acte du 21 juillet 2014, fait assigner celle-ci en remboursement de la somme de 373 616,85 euros ; que le tribunal a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir par elle opposée à l'action en paiement de M. X..., ès qualités, alors, selon le moyen, que l'action en paiement de M. X..., agissant en qualité de liquidateur de l'association La Principauté, tendait, sous couvert de réclamer le remboursement d'un trop-perçu, à la remise en cause du caractère définitif de l'ordonnance du juge-commissaire du 31 août 2010 concernant les créances litigieuses de la société Crédit coopératif ayant fait l'objet d'un règlement de la part du liquidateur, ordonnance rendue dans une instance qui impliquait les mêmes parties et ayant le même objet, peu important la différence de fondement juridique ; qu'en déclarant recevable une telle demande, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et qu'elle soit entre les mêmes parties et formée par elles ou contre elles en la même qualité, l'arrêt retient que l'action engagée par le liquidateur ne s'analyse pas en une contestation portant sur la nature, l'existence ou le montant des créances déclarées, mais tend à réclamer la restitution de fonds dont le liquidateur soutient qu'ils n'auraient pas dû être distribués au créancier ; qu'il en déduit à bon droit qu'en l'absence d'identité d'objet et de cause de l'action en répétition de l'indu dont la cour d'appel est saisie, d'une part, et de l'instance relative à la déclaration de créance ayant donné lieu à la décision d'admission du juge-commissaire, d'autre part, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée doit être rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil, ensemble les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce et l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour condamner la banque à restituer au liquidateur la somme de 373 616,85 euros augmentée des intérêts au taux légal, l'arrêt, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la banque avait déclaré, au titre des prêts numéros 00033220 et 097033060 le capital restant dû à la date du jugement d'ouverture, augmenté d'une somme représentant les intérêts conventionnels dus à compter de cette date jusqu'aux termes contractuels de chacun des prêts les 29 février 2024 et 6 mars 2018 et constaté que ces créances avaient été intégralement admises par le juge-commissaire, énonce que la liquidation judiciaire prononcée le 15 octobre 2010 a emporté la déchéance du terme rendant les fonds prêtés immédiatement exigibles et retient que le paiement de l'entier capital par le liquidateur intervenu le 21 juillet 2011 a eu pour effet d'éteindre la dette, de sorte que les intérêts des prêts ont cessé de courir à compter de cette date et que la banque ne peut prétendre à un règlement au titre des intérêts pour la période postérieure au paiement de ses créances ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les créances d'intérêts contractuels déclarées par la banque, pour la période comprise entre l'ouverture du redressement judiciaire et le terme de chacun des prêts, avaient été admises en totalité par le juge-commissaire, par une décision devenue irrévocable, et énoncé que la liquidation judiciaire de l'association prononcée le 15 octobre 2010 avait emporté la déchéance du terme, ce dont il résultait que les paiements effectués par le liquidateur au profit de la banque ne constituaient que l'exécution d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée et ne pouvaient donner lieu à répétition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en toutes ses dispositions, rejette les demandes de la société Crédit coopératif, dit que cette dernière supportera les dépens et paiera à M. X... une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.