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Décisions

Cass. com., 11 mai 2010, n° 09-13.106

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Foussard, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Caen, du 5 févr. 2009

5 février 2009

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Banque Scalbert-Dupont-Cin que sur le pourvoi incident relevé par M. X..., en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Saveurs océanes:

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 21 mars 2006, la société Saveurs océanes (la société Saveurs) a été mise en redressement judiciaire ; que, le 18 juillet 2006, un plan de cession a été arrêté au profit de la société «Les Nouveaux Jardins de la Mer», le transfert de propriété étant intervenu par acte du 26 septembre 2006 ; que le tribunal a constaté le transfert des sûretés immobilières consenties à la société Banque Scalbert-Dupont-Cin (la banque) dans le cadre de deux prêts contractés par la société débitrice, les 12 juin 1998 et 6 décembre 1999, pour lui permettre de financer l'acquisition des immeubles hypothéqués et la prise en charge de leurs échéances à venir, le repreneur s'étant par ailleurs engagé à reprendre leur intégralité pour le montant du capital qui restait dû au 31 janvier 2006 ; que la banque a déclaré à titre chirographaire le solde d'un compte débiteur, un billet financier, les échéances impayées et le capital restant dû, outre des indemnités de résiliation au titre d'un prêt du 30 septembre 2003, ainsi qu'à titre privilégié les échéances impayées et le capital restant dû, outre les intérêts conventionnels et indemnités de résiliation anticipées, des deux prêts hypothécaires de 1998 et 1999 ;

Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir admis au passif de la société Saveurs des intérêts majorés tant au titre du prêt du 12 juin 1998 qu'au titre de celui du 6 décembre 1999, d'avoir, par confirmation de l'ordonnance entreprise, admis au passif de la société Saveurs des intérêts majorés au titre du prêt du 30 septembre 2003, ainsi que d'avoir admis au passif une indemnité de résiliation anticipée au titre de ce dernier prêt, alors, selon le moyen, que dès lors que les sommes antérieurement échues à la procédure collective ont été acquittées, le non-paiement à leur date des échéances ultérieures trouve son origine exclusive dans les règles gouvernant la procédure collective et l'apurement du passif ; qu'à raison du principe d'égalité qui gouverne le traitement des créanciers, il est exclu qu'un créancier, fût-ce sur le fondement d'une stipulation contractuelle, puisse obtenir une somme pour non-paiement de la dette à son échéance ; qu'en effet, aucune considération ne peut justifier qu'à la faveur d'une simple clause, un créancier puisse être soustrait au principe d'égalité qui veut que tous les créanciers subissent dans les mêmes conditions les effets de la procédure collective s'agissant du paiement des dettes nées antérieurement à son ouverture ; qu'en décidant le contraire et en tenant pour licite la clause prévoyant des intérêts majorés, les juges du fond ont violé les articles 6 et 2285 du code civil, le principe de l'égalité des créanciers, ensemble les articles L. 622-21 et L. 622-24 du code du commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la clause, contenue dans les prêts susmentionnés, prévoyant une majoration d'intérêt de 3 % sanctionnant le défaut ou le retard de paiement, lequel constitue un manquement dans l'exécution par le débiteur de ses obligations, a pour finalité de réparer le préjudice causé par ce manquement et constitue ainsi une clause pénale, dont les parties peuvent librement convenir lors de la signature du contrat, qui n'est pas contraire à la règle d'égalité des créanciers et que le juge-commissaire peut réduire, si elle est manifestement excessive ; qu'il relève en outre que la clause, contenue dans le prêt du 30 septembre 2003, prévoyant une indemnité forfaitaire de 5 % des montants dus, dans les cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire, et que la banque avait régulièrement déclaré sa créance, incluant l'indemnité de résiliation au titre du prêt du 30 septembre 2003, en invoquant la déchéance du terme suite au non-paiement des échéances des prêts ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, usant de son pouvoir souverain d'appréciation, a pu en déduire qu'une telle clause de majoration n'apparaissait pas excessive et que la clause, sanctionnant tout débiteur qu'il soit ou non en redressement judiciaire, n'aggravait pas la situation de celui placé dans ce dernier cas ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu les articles L. 622-24 et L. 642-12 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que pour statuer sur l'existence et le montant de la créance déclarée à titre privilégié, l'arrêt retient que la banque n'est créancière de la société Saveurs qu'en ce qui concerne les échéances des contrats de prêt antérieures à la date de prise d'effet du transfert des contrats ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les échéances de remboursement de prêts accordés à un débiteur avant sa mise en redressement judiciaire sont des créances nées avant l'ouverture de la procédure collective soumises comme telles à la déclaration au passif et dont l'admission doit être prononcée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a admis la créance de la société Banque Scalbert-Dupont-Cin pour le prêt du 12 juin 1998 à concurrence de 1 578,25 euros fois sept mois au titre du capital et intérêts conventionnels restant dus outre une majoration de 3 % calculée sur les intérêts de ces sept mois et pour le prêt du 6 décembre 1999 à concurrence de 3 394,74 euros fois sept mois au titre du capital et des intérêts conventionnels restant dus outre une majoration de 3 % calculée sur le montant des intérêts calculé sur ces sept mois, l'arrêt rendu le 5 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.