Cass. com., 3 avril 2019, n° 18-11.162
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
Me Le Prado, SCP Ghestin
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la procédure de sauvegarde de la société Hôtel Aalborg (la société Aalborg) a été ouverte par un jugement du 21 mai 2013, M. Q... étant désigné mandataire judiciaire ; que le 3 juillet 2013, la société CIC Lyonnaise de banque (la banque) a adressé au mandataire judiciaire trois déclarations de créances au titre du solde débiteur d'un compte courant et de deux prêts ; que la société Aalborg a contesté le pouvoir du signataire des déclarations et soulevé la nullité du taux effectif global (TEG) mentionné par la banque ; que par une ordonnance du 3 septembre 2014, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 11 février 2016, le juge-commissaire, saisi de la déclaration de créance relative au solde débiteur du compte courant d'un montant de 34 232,44 euros, a reçu en la forme la déclaration de créance de la banque, prononcé un sursis à statuer, et renvoyé les parties devant le juge du fond ; que par un arrêt du 20 septembre 2017 (chambre commerciale, financière et économique, pourvoi n° W 16-14.343), l'arrêt du 11 février 2016 a été cassé en toutes ses dispositions, la cause et les parties étant renvoyées devant la cour d'appel de Chambéry ; que par un acte du 17 octobre 2014, la banque a assigné la société Aalborg devant le tribunal pour voir statuer sur la contestation relative au TEG ; qu'invoquant le caractère tardif de cette saisine du juge du fond, la société Aalborg a présenté une requête au juge-commissaire, lui demandant de rejeter la créance ; que par une ordonnance du 29 avril 2016 (n° 2016JC01560), le juge-commissaire a rejeté la créance ; que la banque a fait appel de l'ordonnance ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Aalborg fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable en raison de la forclusion de la contestation la demande d'annulation du TEG du solde du compte courant et d'admettre la créance alors, selon le moyen, que lorsque le juge commissaire sursoit à statuer sur une contestation d'une créance alléguée et invite les parties à saisir le juge compétent pour apprécier le bien-fondé de cette créance dans le délai d'un mois de la notification de sa décision, il incombe au créancier d'effectuer régulièrement cette saisine dans ce délai à peine de forclusion et en conséquence de rejet de sa créance alléguée ; que la banque prétendait appliquer à sa créance en principal un Teg erroné contesté par la société Aalborg et le mandataire judiciaire ; qu'en déclarant que le défaut de saisine du juge compétent dans le délai légal entraînait la forclusion de la contestation de la prétendue créance d'intérêts de la banque et en conséquence l'admission de cette créance, sans rechercher s'il n'incombait pas à ce prétendu créancier d'établir le bien-fondé du Teg qu'il avait appliqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 624-5 du code de commerce, ensemble de l'article 1315 ancien du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'ordonnance du 3 septembre 2014 avait été notifiée le 16 septembre 2014 et que la banque avait assigné la société Aalborg devant le juge du fond compétent pour trancher la contestation relative au TEG par un acte du 17 octobre 2014, soit le lendemain de l'expiration du délai, la cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'à défaut de saisine de ce juge dans le délai d'un mois de la notification de la décision de sursis à statuer, par le créancier, mais aussi par la société débitrice à l'origine de la contestation, la demande de celle-ci tendant à l'annulation du TEG était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 562 du code de procédure civile ;
Attendu que pour admettre la créance de la banque, l'arrêt relève que le juge compétent pour trancher la demande d'annulation du TEG appliqué par la banque n'a pas été régulièrement saisi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'autre contestation de la société Aalborg relative à la régularité de la déclaration de créance était pendante devant la cour d'appel de Chambéry, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il admet au passif de la société Hôtel Aalborg la créance de la société CIC Lyonnaise de banque pour la somme de 34 232,44 euros correspondant au solde débiteur du compte courant, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt n° RG 16/02178 rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.