Cass. com., 18 septembre 2007, n° 06-13.824
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Besançon
Avocats :
Me Bertrand, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky
Statuant tant sur le pourvoi principal de MM. X... et Y..., agissant en leur qualité de représentant des créanciers de la société AOM Air liberté, que sur le pourvoi incident de M. Z..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cette société ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Finova capital limited, 49399 Leasing limited, 49617 Leasing limited, 49618 Leasing limited et 49855 Leasing limited (les bailleresses) ont donné à bail quatre aéronefs à la société AOM Air liberté (société AOM) par contrats des 21 novembre 1999 et 19 avril 2000 ; qu'un jugement du 19 juin 2001 a ouvert le redressement judiciaire de la société AOM et désigné MM. Z... et A... en qualité d'administrateurs ; que le 27 juillet 2001, le plan de cession de la société AOM a été arrêté au profit de la société Holco, MM. Z... et A... étant nommés commissaires à l'exécution du plan ; que par courrier du 7 août 2001, ceux-ci ont notifié aux bailleresses leur intention de ne pas poursuivre les contrats de location des aéronefs ; que les avions ont été restitués les 11 et 18 octobre 2001 ; que les bailleresses ont assigné MM. Y... et X..., en leur qualité de représentants des créanciers de la société AOM, ainsi que ses administrateurs judiciaires, en paiement de différentes sommes au titre des obligations découlant des contrats de location des aéronefs ; que la cour d'appel a condamné MM. X... et Y..., ès qualités, solidairement avec M. Z..., à payer diverses sommes aux bailleresses ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal, contestée par la défense :
Attendu qu'il est soutenu que ce pourvoi est irrecevable faute par MM. X... et Y..., ès qualités, de justifier d'un intérêt à agir à la date du dépôt de leur mémoire en demande, le chef du dispositif qu'ils critiquent ayant été rectifié et ne leur faisant plus grief ;
Mais attendu que l'existence de l'intérêt conditionnant la recevabilité du recours s'apprécie au jour où celui-ci est formé et ne peut dépendre de circonstances postérieures ; que le pourvoi principal est recevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu qu'il n'est pas contesté par MM. X... et Y..., ès qualités, que l'arrêt du 27 janvier 2006, en ce qu'il les a condamnés à payer diverses sommes aux bailleresses, a été rectifié par un arrêt irrévocable du 28 avril 2006 qui les a mis hors de cause ; que, dès lors, la décision intervenue rend sans objet le pourvoi principal ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, en ses qualités, à payer aux bailleresses diverses sommes au titre des manquements aux obligations d'entretien et de restitution des avions, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités liées à l'inexécution contractuelle doivent faire l'objet d'une déclaration de créance de la part du cocontractant ; que M. Z..., ès qualités, faisait valoir que les indemnités liées aux frais d'entretien et de restitution dont le paiement était réclamé par les sociétés de leasing auraient dû faire l'objet d'une déclaration de créance, dans un délai d'un mois à compter du 7 août 2001 ; qu'en estimant cependant que ces créances nées des manquements aux obligations d'entretien et de restitution constituaient une créance de l'article L. 621-32 du code de commerce et n'avaient donc pas à être déclarées quand les indemnités liées à une inexécution contractuelle étaient soumises à déclaration de créance, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles L. 621-28 et L. 621-43 du code de commerce ;
2°/ qu'en affirmant que "les pièces produites démontrent d'ailleurs que la créance de réparation est née postérieurement au jugement d'ouverture", sans viser ni analyser, même sommairement, les pièces qui lui permettaient de parvenir à une telle conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que les clauses contractuelles sont opposables aux mandataires judiciaires qui renoncent aux contrats qu'ils avaient poursuivis et que ceux-ci sont tenus de restituer les biens en bon état, la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui ont été soumis et qu'elle a analysés, a constaté qu'il résultait de ces éléments que la créance de réparation était née postérieurement au jugement d'ouverture et constituait une créance de l'article L. 621-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur ce moyen, pris en sa première branche : Vu les articles L. 621-28 et L. 621-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner M. Z..., ès qualités, à payer aux bailleresses le montant des loyers entre le jour de la renonciation à la poursuite des contrats de location et le jour de la restitution des avions, l'arrêt après avoir énoncé que les contrats en cours ne sont pas résiliés par le simple fait de la procédure collective, en l'absence de mise en demeure des sociétés de crédit-bail, la renonciation du liquidateur à poursuivre les contrats n'entraînant pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais conférant au seul contractant le droit de la faire prononcer en justice, retient que c'est à bon droit que les sociétés de crédit-bail demandent le paiement des loyers jusqu'à la date de restitution, qui doit être considérée comme la résiliation des contrats, que par contre la demande des mandataires judiciaires de faire arrêter le cours des loyers à la date à laquelle ils ont notifié leur intention de faire cesser les contrats ne peut être accueillie puisque la renonciation n'entraîne pas résiliation et que ces créances nées des contrats en cours relèvent des dispositions de l'article L. 621-32 du code de commerce ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que M. Z..., ès qualités, avait renoncé à la poursuite des contrats de crédit-bail sans avoir été mis en demeure, alors qu'elle ne pouvait condamner celui-ci au paiement au titre des loyers échus postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire, à l'exception de ceux afférents à la période comprise entre cette ouverture et la date de la renonciation, qui entraient seuls dans les prévisions de l'article L. 621-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et non ceux échus postérieurement, sauf à relever à l'encontre du débiteur une faute ayant causé un préjudice aux bailleresses, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Et sur le même moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches : Vu les articles L. 621-28, alinéa 1er, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et 66, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que pour condamner M. Z..., ès qualités, à payer aux bailleresses le montant du manque à gagner à la suite de la renonciation des commissaires à l'exécution du plan aux contrats de location des aéronefs et ordonner sa compensation avec les acomptes de garantie, l'arrêt retient que les bailleresses se fondent sur l'article 20.5 a des contrats pour affecter les acomptes de garantie au manque à gagner qu'elles ont subi, que cet article stipule que le locataire indemnisera le bailleur de toute perte de profit encourue en raison de l'incapacité du bailleur à placer l'aéronef auprès d'un autre locataire dans des conditions aussi favorables pour le bailleur que celles du présent contrat, que les appelantes justifient avoir procédé à des locations de courte durée des aéronefs pour leur remise en état alors que les contrats venaient à expiration en novembre 2002 ou octobre 2003, que le manque à gagner étant établi, il convient de déduire de cette somme les acomptes de garantie ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance fondée sur le manque à gagner résultant de la renonciation par le mandataire judiciaire à la poursuite des contrats de crédit-bail équivaut à une créance au titre de la résiliation de ces contrats, exclue de la priorité de paiement instituée par l'article L. 621-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et doit être déclarée au passif de la procédure collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la sixième branche :
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a mis hors de cause MM. A..., X... et Y..., ès qualités, l'arrêt rendu le 27 janvier 2006, rectifié par l'arrêt rendu le 28 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.