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Décisions

Cass. com., 30 octobre 2007, n° 04-16.655

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Gérard

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

Me Blondel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Rennes, du 23 avr. 2004

23 avril 2004

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 avril 2004), que le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (le CEPME) a accordé, les 31 octobre 1984 et 24 septembre 1985, à M. X... et à son épouse, Mme Y..., deux prêts respectivement de 265 000 francs et de 312 000 francs ; que M. X... ayant été mis en redressement judiciaire le 27 avril 1992, le CEPME a déclaré ses créances, admises par décision définitive du 12 mai 1992 ; que le CEPME ayant cédé, le 29 mars 2001, ses créances à l'encontre de Mme Y... à la société Créances conseil, cette société l'a assignée en paiement des sommes restant dues ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Créances conseil les sommes de 19 293,57 euros avec les intérêts au taux de 9,75 % sur la somme de 12 575,27 euros à compter du 25 juin 2002 et de 30 599,86 euros avec les intérêts au taux de 9,25 % sur la somme de 13 056,47 euros à compter du 25 juin 2002, alors, selon le moyen :

1°) que l'action en justice exercée par un créancier en payement contre son débiteur à l'égard duquel il ne dispose pas d'un titre exécutoire se prescrit par dix ans en application de l'article L. 110-4 I du code de commerce, quand bien même le créancier poursuivant disposerait d'un titre exécutoire contre un codébiteur solidaire ; qu'il appert des énonciations de l'arrêt que si la société Créances conseil, venant aux droits du CEPME, bénéficiait d'une décision d'admission de sa créance du 12 mai 1992 au passif de la procédure de M. X..., elle avait introduit une nouvelle action en payement de sa créance contre Mme Y..., codébitrice solidaire, par assignation du 19 juillet 2002, contre laquelle elle ne disposait pas de titre exécutoire ; d'où il suit que l'interruption de la prescription de l'action de la société Créances conseil, réalisée par la déclaration à la procédure collective de M. X..., avait pris fin à l'égard de la codébitrice solidaire le jour de la décision d'admission et que l'action introduite contre cette dernière le 19 juillet 2002 était prescrite ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole les articles 1206, 2249, alinéa 1er, 2274, alinéa 2, 2262 du code civil et L. 110-4 I du code de commerce ;

2°) qu'il résulte des exigences inhérentes à la prévisibilité du droit, à la sécurité juridique et à la prééminence du droit que le délai légal de la prescription de l'action en payement d'une dette solidaire contre un codébiteur ne peut être modifié par le seul effet d'un jugement de condamnation obtenu contre un seul codébiteur solidaire, l'autre n'étant ni partie, ni appelé à l'instance ayant débouché sur ce jugement et n'ayant pu faire valoir aucun moyen de défense qui lui aurait été propre ; que si les codébiteurs solidaires peuvent, dans certains cas et à certaines conditions, se représenter mutuellement, cette représentation ne peut avoir pour effet de modifier ou d'altérer les droits que chaque débiteur tient de la loi en matière de prescription ; d'où il suit qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, que la décision d'admission des créances, devenue irrévocable, est opposable au codébiteur solidaire tant en ce qui concerne l'existence et le montant des créances que la substitution de la prescription trentenaire à la prescription originaire ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, après avoir relevé que la décision du juge-commissaire du 12 mai 1992 était définitive, a retenu que l'action engagée contre Mme Y... par la société Créances conseil, le 19 juillet 2002, avant l'expiration du délai de trente ans, était recevable ;

Attendu, d'autre part, que le codébiteur solidaire pouvant former réclamation à l'état des créances déposé au greffe du tribunal par le juge-commissaire, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs de la seconde branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.