Cass. com., 22 mai 2007, n° 05-21.936
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Orsini
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Laugier et Caston
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2005), que par jugement du 19 juin 2001, le tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société Air liberté AOM (la société) et désigné MM. X... et Y... en qualité d'administrateurs ; que par jugement du 27 juillet 2001, le plan de cession de la société a été arrêté au profit de la société Holco, MM. X... et Y... étant nommés aux fonctions de commissaires à l'exécution du plan ; que durant la période d'observation, la société a utilisé les ressources de l'aéroport de Nice Côte-d'Azur et s'est rendue débitrice de redevances envers la chambre de commerce et d'industrie de Nice Côte-d'Azur (la chambre de commerce), gestionnaire de l'aéroport ; que par ordonnance de référé du 3 juillet 2002, confirmée par un arrêt du 14 février 2003, MM. Y... et X..., ès qualités, ont été condamnés à payer à la chambre de commerce une certaine somme au titre de ces redevances ; que soutenant que MM. Y... et X... avaient commis, en leur qualité de commissaire à l'exécution du plan, une faute engageant leur responsabilité personnelle en s'abstenant d'exécuter ces décisions de justice, la chambre de commerce les a assignés en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches : Attendu que la chambre de commerce fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que dans l'exercice de son droit de poursuite individuelle, et sans porter atteinte à un quelconque ordre de paiement, le créancier dont la créance est née régulièrement après le jugement d'ouverture peut obtenir un titre exécutoire et le paiement des créances échues ; qu'en opposant, par ailleurs, à la chambre de commerce que les "administrateurs" ne pouvaient se défaire des sommes versées en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations dès lors "qu'existaient des créanciers prioritaires au sens de l'article L. 621-32 du code de commerce", ce qui aurait impliqué de disposer de sommes "ne pouvant être réparties qu'en suivant l'ordre fixé par la loi", la cour d'appel a violé l'article L. 621-32 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'il en était d'autant plus ainsi que les créances de ces "créanciers prioritaires" n'étaient pas encore fixées définitivement et que ces derniers n'avaient pas sollicité leur paiement, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 621-32 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;
3°/ qu'aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations n'est recevable ; qu'en faisant également état de l'insaisissabilité des sommes versées en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations, quand l'insaisissabilité ne faisait pas obstacle à ce que les "administrateurs" puissent disposer des sommes litigieuses pour régler les contrats dont l'exécution avait été poursuivie, la cour d'appel a violé l'article L. 621-32 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;
4°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en ajoutant d'office et sans inviter les parties à s'en expliquer que la chambre de commerce n'avait pas cherché à diligenter d'autres mesures d'exécution sur des biens saisissables de la société, ce que son titre exécutoire lui donnait la possibilité de faire, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
5°/ que commet une faute l'administrateur qui poursuit l'exécution de contrats après l'ouverture d'une procédure collective tout en sachant qu'il ne pourra honorer ceux-ci ; qu'en toute hypothèse, en admettant que les "administrateurs" n'étaient pas fautifs, quand bien même ils avaient poursuivi l'activité de la société sans s'assurer qu'ils pourraient régler les redevances dues aux chambres de commerce et d'industrie gérant les aéroports et s'étaient interdit tout règlement en rendant indisponibles -prétendument- les sommes à d'autres créanciers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.
Mais attendu, en premier lieu, que le commissaire à l'exécution du plan et le liquidateur ont l'obligation de verser à la caisse des dépôts et consignations toutes les sommes qu'ils perçoivent dans l'exercice de leur mission ; que dès leur dépôt, ces sommes qui sont, aux termes de l'article L. 627-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, insaisissables, échappent aux poursuites individuelles des créanciers postérieurs, et sont affectées au règlement des créanciers selon leur rang ;
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les fonds qui auraient pu permettre le paiement de la chambre de commerce se trouvaient, à la date du 31 mars 2003, à la Caisse des dépôts et consignations, et constaté qu'existaient des créanciers prioritaires au sens de l'article L. 621-32 du code de commerce, l'arrêt retient que ces fonds ne pouvaient être répartis qu'en suivant l'ordre fixé par la loi ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'a pas remis en cause le droit de poursuite individuelle dont disposait la chambre de commerce pour obtenir paiement de sa créance, ni violé le principe de la contradiction, a pu retenir que MM. Libert et Baronnie, commissaires à l'exécution du plan, n'ont pas commis de faute en refusant de se dessaisir des fonds déposés à la Caisse des dépôts et consignations ;
Et attendu, en second lieu, que la responsabilité des commissaires à l'exécution du plan ne pouvait être recherchée au titre des conditions de la poursuite de l'activité ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.