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Décisions

Cass. com., 11 octobre 2011, n° 10-20.604

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Ortscheidt

Bordeaux, du 22 mars 2010

22 mars 2010

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Architecture design et développement et la société Christophe Mandon, ès qualités, que sur le pourvoi incident relevé par la SCI Domaine du Parc de Caudéran :

Met hors de cause, sur sa demande, la société Mutuelles du Mans assurances ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI Domaine du Parc de Caudéran (la SCI) a confié à l'Eurl X... (la société X...) une mission de maîtrise d ‘ oeuvre concernant la réalisation d'un ensemble immobilier ; qu'invoquant un dépassement du coût des travaux et des retards dans leur exécution, la SCI a assigné en paiement de dommages-intérêts la société X... qui a sollicité à titre reconventionnel le règlement de ses honoraires ; qu'un jugement du 23 février 2005 a partiellement accueilli ces demandes et ordonné une expertise ; que le 20 décembre 2006, la société X..., désormais dénommée Architecture et design développement (la société Architecture), a été mise en redressement judiciaire, la société Christophe Mandon étant désignée mandataire judiciaire ; qu'après dépôt du rapport de l'expert, le tribunal, par jugement du 25 septembre 2007, a condamné la société Architecture à payer à la SCI la somme de 523 248, 88 euros au titre du dépassement du coût des travaux et rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des frais financiers supplémentaires consécutifs aux retards, la SCI étant pour sa part condamnée à payer à la société Architecture la somme de 11 360, 07 euros au titre des honoraires ; que devant la cour d'appel, la société Architecture a invoqué l'inopposabilité à son égard des créances de la SCI non déclarées ; que par un jugement irrévocable du 19 novembre 2009, la requête en relevé de forclusion de la SCI a été déclarée irrecevable, faute d'avoir été présentée dans le délai de l'article L. 622-26 du code de commerce ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Architecture à réparer son préjudice résultant de l'extinction de sa créance sur le fondement de l'article 1382 du code civil, alors, selon le moyen, que le créancier n'ayant pas bénéficié de l'avertissement aux créanciers connus d'avoir à déclarer leur créance par suite de son omission de la liste certifiée des créanciers et du montant des dettes, est recevable à agir contre le débiteur en réparation du préjudice lié à l'extinction de sa créance, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, lorsque ce dernier a commis une fraude en dissimulant intentionnellement sa dette ; qu'en se contentant de relever que la société X... ne pouvait se voir reprocher un défaut d'information personnelle à l'égard de la SCI Domaine du Parc, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le silence gardé par cette société sur son redressement judiciaire ne constituait une fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les mesures d'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'une société commerciale font l'objet d'une publicité légale opposable aux tiers et surtout aux créanciers potentiels et retenu que la société X... ne saurait se voir reprocher un défaut d'information personnelle à l'égard de l'un de ses créanciers personnels, la cour d'appel, faisant ainsi ressortir l'absence de fraude commise par le débiteur, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen de ce pourvoi, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 et l'article 372 du code de procédure civile ;

Attendu, selon les deux premiers de ces textes, que les instances en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, sont interrompues jusqu'à la déclaration faite par le créancier poursuivant de sa créance et sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ; qu'aux termes du dernier de ces textes, les actes accomplis et les jugements, même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus, à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ;

Attendu que l'arrêt, après avoir constaté que la société Architecture faisait l'objet d'une procédure collective, confirme partiellement le jugement du 27 septembre 2007, en ce qu'il a condamné cette société à payer à la SCI la somme de 523 248, 88 euros au titre du dépassement du coût des travaux et, l'infirmant partiellement, la condamne à payer à la SCI la somme de 41 600 euros en réparation du préjudice financier ;

Attendu qu'il résulte du rapprochement de cet arrêt et des productions que la SCI n'a pas déclaré ses créances contractuelles dans le délai de l'article R. 622-24 du code de commerce au passif de la société Architecture, mise en redressement judiciaire par jugement du 20 décembre 2006 et dont le plan de redressement a été arrêté le 26 mars 2008 ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui a été rendu après l'interruption de l'instance et qui n'a pas été confirmé par la société Architecture et par la société Christophe Mandon, ès qualités, lesquels se pourvoient en cassation, doit être réputé non avenu mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement du 25 septembre 2007 du chef de cette condamnation ;

Et attendu que l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

DIT non avenu l'arrêt du 22 mars 2010 rendu par la cour d'appel de Bordeaux mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement du 25 septembre 2007 ayant condamné la société Architecture à payer à la SCI du Parc de Caudéran la somme de 532 248, 88 euros au titre du dépassement du coût des travaux, et en ce qu'il a condamné cette dernière au paiement de la somme de 41 600 euros au titre des frais financiers ;

DIT non avenu le jugement du 25 septembre 2007 en ce qu'il a condamné la société Architecture à payer à la SCI la somme de 532 248, 88 euros au titre du dépassement du coût des travaux ;

Rejette le pourvoi incident formé par la SCI Domaine du Parc de Caudéran.