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Décisions

Cass. com., 23 octobre 2019, n° 18-14.823

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Paris, du 26 oct. 2017

26 octobre 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Paris habitat OPH, devenue la société Epic Paris-habitat, bailleur de M. B... pour son logement d'habitation, après avoir adressé à ce dernier un commandement de payer un arriéré de loyers et de charges, l'a assigné devant le juge des référés, le 2 juin 2015, en paiement de ces sommes et en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail ; qu'une ordonnance de référé du 8 juin 2016 ayant accueilli ces demandes, M. B..., qui avait été mis en liquidation judiciaire le 30 mars 2016, en a relevé appel, afin que l'ordonnance soit déclarée non avenue ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et cinquième branches :

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire et d'ordonner son expulsion alors, selon le moyen :

1°) que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que l'action introduite par le bailleur, avant la mise en liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en forcé de chose jugée, être poursuivie après ce jugement ; qu'en confirmant l'ordonnance de référé ayant constaté la résiliation du bail par l'effet du commandement, quand elle avait constaté qu'une procédure collective avait été ouverte à l'égard de M. B... par un jugement du 30 mars 2016 et était tenue de relever, au besoin d'office, les effets attachés au principe de l'interdiction des poursuites individuelles, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce ;

2°) que l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées doit réaliser un diagnostic social et financier au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l'audience, ainsi qu'a la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; que ces formalités sont prescrites a peine d'irrecevabilité de la demande aux fins de constat de la résiliation du contrat de bail, de sorte que la cour d'appel est tenue de vérifier, le cas échéant d'office, qu'elles ont e te re alise es ; qu'en ne vérifiant pas si un tel diagnostic avait e te re alise et transmis au juge avant l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 24, III de la loi du 6 juillet 1989 ;

Mais attendu, en premier lieu, que, ni l'article L. 622-21 du code de commerce, ni l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, ne font obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de bail d'habitation par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement de liquidation judiciaire, dès lors que le locataire n'a pas demandé de délais de paiement, cette circonstance permettant seule de suspendre les effets de la clause ; que n'ayant pas relevé que M. B... avait demandé des délais de paiement, la cour d'appel a pu constater l'acquisition de la clause résolutoire qui avait produit ses effets avant le jugement d'ouverture ;

Et attendu, en second lieu, qu'en application de l'article 24, III, de la loi précitée du 6 juillet 1989, seule l'assignation aux fins de constat de la résiliation du bail doit être notifiée, à peine d'irrecevabilité de la demande, au représentant de l'État dans le département ; qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que le représentant de l'État avait été avisé de l'assignation plus de deux mois avant l'audience, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les recherches inopérantes invoquées par la cinquième branche, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :

Vu l'article L. 622-21 du code de commerce ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance ayant fait droit aux demandes du bailleur tendant à la condamnation de M. B... au paiement de sommes d'argent dues antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, l'arrêt retient que, si aucune reprise d'instance n'est intervenue dans les conditions énoncées par l'article L. 622-22 du code de commerce, l'ordonnance ne saurait être déclarée non avenue, dès lors que le mandataire judiciaire ne l'a pas contestée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'instance en référé tendant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent, fût-ce au titre d'une créance personnelle du débiteur, n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le texte susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci ;

Et sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 641-13 du code de commerce ;

Attendu que la cour d'appel a également condamné M. B... à payer une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 5 avril 2016 et jusqu'à libération des lieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, la créance d'indemnité d'occupation due, après résiliation du bail portant sur l'habitation personnelle de M. B..., à compter du 5 avril 2016, étant une créance postérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire, le 30 mars 2016, elle ne pouvait être payée à l'échéance que si elle réunissait les conditions prévues par le texte susvisé, ce qu'il lui appartenait de vérifier, la cour d'appel a violé celui-ci ;

Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt étant cassé de tous les chefs de son dispositif prononçant des condamnations au paiement de sommes d'argent, ces cassations entraînent, par voie de conséquence, celle de la disposition condamnant M. B... à une amende civile pour appel abusif, qui ne peut subsister, dès lors qu'il résulte des précédentes cassations que l'appelant était fondé, au moins partiellement, en son appel ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance du 8 juin 2016, il condamne M. B... à payer à la société Paris habitat OPH la somme de 11 387,32 euros au titre des loyers charges, fixe l'indemnité d'occupation mensuelle due à la société Paris habitat OPH au loyer majoré des charges récupérables jusqu'à libération effective des lieux et condamne M. B... à payer à la société Paris habitat OPH l'indemnité mensuelle d'occupation précitée jusqu'à libération effective des lieux, et en ce qu'il condamne M. B... au paiement d'une amende civile de 3 000 euros, l'arrêt rendu le 26 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.