Livv
Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 3 mai 2021, n° 19/01205

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

A Vos Clims (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Garrigues

Conseillers :

M. Rouger, M. Robert

TGI Toulouse, du 23 janv. 2019

23 janvier 2019

EXPOSE DU LITIGE

M et Mme S. sont propriétaires d'une maison d'habitation située au (...).

Suivant devis accepté en date du 9 novembre 2012, ils ont confié à la Sarl A Vos Clims (Sarl AVC) l'installation d'un système de climatisation réversible dans leur logement, au premier étage concernant la partie nuit, leur maison étant par ailleurs déjà équipée d'un système de chauffage au sol.

En février 2015, M. S. a constaté la présence importante d'eau dans les gaines de climatisation, lesquelles ont menacé de rompre sous le poids de l'eau.

M et Mme S. ont réalisé une déclaration de sinistre auprès de leur assureur, lequel a mandaté la société Sateb aux fins d'expertise amiable.

Ne parvenant pas à une résolution amiable du litige, les époux S. ont saisi le juge des référés d'une demande d'expertise, ordonnée le 26 janvier 2016.

Par ordonnance en date du 5 juillet 2016, les opérations d'expertise ont été rendues communes à la Sa Axa, assureur de responsabilité de la Sarl AVC.

L'expert a déposé son rapport le 21 octobre 2016.

Par acte d'huissier de justice en date du 28 juin 2017, M et Mme S. ont fait assigner la Sarl AVC devant le tribunal de grande instance de Toulouse sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil afin d'obtenir réparation de leurs dommages.

Par jugement contradictoire en date du 23 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- débouté M et Mme S. de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné M et Mme S. aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ;

- condamné M et Mme S. à payer à la Sarl AVC la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que les causes des désordres étaient imputables à une erreur d'utilisation par le propriétaire, l'expert excluant la mauvaise qualité des matériaux, une erreur d'exécution de l'installation et un manque d'entretien par le propriétaire.

Par déclaration du 6 mars 2019, les époux S. ont relevé appel de la décision en critiquant l'ensemble de ses dispositions.

DEMANDES DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 26 novembre 2020, M et Mme S., appelants, demandent à la cour, au visa de l'article 1147 du Code civil, de :

- infirmer la décision dont appel ;

- juger que la Sarl AVC a manqué à son obligation d'information et de conseil à leur égard ;

- juger par conséquent que la Sarl AVC a engagé sa responsabilité contractuelle à leur égard ;

- condamner par conséquent la Sarl AVC au paiement des sommes suivantes en réparation des préjudices subis, retenus par l'expert judiciaire :

 2 639,70 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice lié aux travaux de remise en état

 28 800 € à titre de dommages-intérêts au titre de préjudice de jouissance dont le montant sera à parfaire au jour du jugement ;

 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi ;

- condamner la Sarl AVC à payer à la somme de 3 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont les frais d'expertise judiciaire ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

M et Mme S. exposent qu'ils ont souhaité mettre en place un système de refroidissement de l'air en été et de chauffage ponctuel en mi-saison, uniquement au premier étage de leur habitation contenant le coin nuit car leur maison était déjà équipée d'un système de chauffage au sol sur les deux niveaux.

Ils précisent qu'ils recherchent la responsabilité de la Sarl AVC pour manquement à son obligation d'information et de conseil quant à l'adéquation du système mis en place avec les caractéristiques de leur habitation et les besoins exprimés.

Ils ajoutent que la Sarl AVC a été particulièrement négligente dans l'étude de la faisabilité et de l'adéquation du système mis en place, son gérant ayant reconnu qu'il n'avait pas fait de vérification du mode d'aération de la maison avant de proposer son devis, et n'ayant pas non plus pris en compte que les gaines et l'unité intérieure seraient installées dans les combles, lesquels étaient et sont toujours non isolés.

Ils soutiennent que leur préjudice de jouissance n'a pas été correctement quantifié par l'expert et le premier juge. Le système étant également utilisé pour le chauffage en demi-saison, ils estiment avoir subi un préjudice de 800 € par mois (50 % de la valeur locative de la maison) et ce neuf mois par an.

Enfin, ils réclament également la réparation d'un préjudice moral constitué par tous les tracas administratifs liés à la reconnaissance des désordres qu'ils subissent.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 27 novembre 2020, la Sarl A Vos Clims, intimée, demande à la cour de :

À titre principal

- constater que les époux S. ont commis de graves erreurs dans l'utilisation du système pompe à chaleur, notamment en posant des obturateurs privant ainsi le système de toute circulation d'air causant ainsi le phénomène de condensation ;

- juger qu'aucun manquement à l'obligation de conseil ne peut lui être reproché ;

- en tout état de cause, constater une absence totale de lien de causalité avec le dommage, ce dernier ayant pour origine la pose des obturateurs par les époux S. privant ainsi le système de toute circulation d'air causant ainsi le phénomène de condensation ;

- en conséquence, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

 Débouté les époux S. de l'ensemble de leurs demandes,

 Condamné les époux S. aux dépens d'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

 Condamné les époux S. à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire

- réduire à de plus justes proportions la demande d'indemnisation formulée par les époux S. ;

- limiter leur préjudice de jouissance à la somme de 1 500 € ;

- écarter l'existence d'un préjudice moral ;

Y ajouter,

- condamner les époux S. à lui verser, au titre de la procédure d'appel, la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Olivier V., avocat associé au sein de la Selarl V. Avocats.

La Sarl AVC expose qu'elle a été consultée pour l'installation d'un système de pompe à chaleur réversible devant être installé en R+1, qu'elle a réalisé une étude calorifique permettant un abaissement de température de 7°C par une température extérieure de 35 °C et une température intérieure de 20°C pour une température extérieure de -5°C, que M et Mme S. ne lui ont en aucun cas indiqué que le système n'allait être utilisé qu'en période estivale ou à la mi-saison, contrairement à ce qu'ils allèguent et que lors de la livraison, le technicien leur a expliqué le fonctionnement du matériel installé et remis une notice technique.

Elle soutient que sa responsabilité ne saurait être retenue dans la mesure où les dommages proviennent d'une utilisation atypique du système imputable à M et Mme S., l'obturation des grilles de soufflage étant à l'origine du phénomène de condensation et ayant été poursuivie malgré les observations d'un technicien de la Sarl AVC.

Elle estime qu'elle n'a pas manqué à son obligation de renseignement et de conseil dès lors qu'elle ne pouvait pas imaginer que le système ne serait pas utilisé en période hivernale ou froide et que M et Mme S. n'utiliseraient que le chauffage au sol pendant ces périodes, et que l'absence de VMC n'est en rien à l'origine du dommage.

A titre subsidiaire, elle conclut au rejet et/ou la réduction des demandes de M et Mme S..

MOTIFS

Le rapport d'expertise

Les désordres constatés par l'expert B. consistent en une apparition d'eau en grande quantité dans les gaines de reprise d'air, du fait de la condensation sur les parois intérieures de la gaine et de la PAC, et nécessitent la dépose des gaines existantes et la pose de nouvelles gaines pour un coût de 2 639,70 € TTC.

Selon lui, l'origine des désordres provient de :

- la mise à l'arrêt du système de chauffage PAC gainable tout en utilisant un autre système de chauffage ;

- la pose d'obturateurs non étanches à la vapeur d'eau sur les grilles de soufflage et reprise,

Et ces désordres sont accentués par l'absence de VMC dans la maison.

Il estime que les causes des désordres sont imputables à une erreur d'utilisation par le propriétaire et ne sont pas imputables à la mauvaise qualité des matériaux, à une erreur d'exécution de l'installation ou à un manque d'entretien par le propriétaire.

Sur la question d'un manque d'information de la part de la Sarl AVC à l'égard de ses clients, il indique que le phénomène qui s'est produit chez M et Mme S. est un cas presque unique, car poser un système de pompe à chaleur pour ne pas s'en servir l'hiver en chauffage en préférant un autre type de chauffage est plutôt rare, et poser des obturateurs sur les grilles de reprise et de soufflage en hiver est à son sens certainement unique. Il estime en conséquence difficile d'accuser la Sarl Avc de ne pas avoir informé ses clients des effets négatifs occasionnés par un mode d'utilisation très atypique du système de PAC gainable, d'autant plus que rien sur ce sujet n'était mentionné dans la notice du fabricant.

Sur le fond

L'obligation de conseil mise à la charge du vendeur professionnel porte à la fois sur le choix du bien, dont le vendeur doit s'assurer de l'aptitude à répondre aux besoins de l'acheteur et, le cas échéant, sur les précautions d'emploi qu'appelle le même bien pour que son utilisation soit conforme à sa destination.

La Sarl AVC, qui était non seulement vendeur mais aussi installateur du système de climatisation devait vérifier l'adéquation du bien aux besoins de M et Mme S. et les informer sur les modalités d'installation et de fonctionnement les plus adaptées, étant précisé que c'est au professionnel de justifier qu'il a rempli son obligation d'information et de conseil.

M et Mme S. étaient profanes en matière de climatisation réversible. L'utilisation qualifiée de 'très atypique' par l'expert, qu'ils ont faite du système installé par la Sarl AVC, et l'apparition rapide des dommages suffisent à démontrer que cette dernière a manqué à son obligation d'information et de conseil à leur égard, tant dans le choix du système que dans les conseils d'utilisation. L'attestation établie le 18 novembre 2019, sept ans après l'installation du système, par Kevin C., technicien employé par la Sarl AVC, n'est pas suffisante pour justifier que cette obligation aurait été remplie, ce dernier n'ayant de surcroît pas participé à la détermination du système à mettre en œuvre et affirmant « ne pas avoir informé M et Mme S. qu'il ne fallait pas faire fonctionner le système » et non les avoir informés qu'il fallait le faire fonctionner de manière continue.

La difficulté avait été perçue par l'expert commis par leur assureur protection juridique qui avait indiqué que l'origine technique du sinistre était à rechercher dans une insuffisance de ventilation du logement en l'absence de VMC et surtout dans le défaut d'utilisation de la pompe à chaleur en hiver, mais parallèlement estimé que la responsabilité de l'installateur pouvait être recherchée pour défaut de conseil dès lors que l'absence de la VMC était visible lors de l'étude du projet et que l'installateur devait avertir le client sur le mode de fonctionnement à privilégier en continu de l'installation.

La Sarl AVC doit en conséquence être déclarée responsable des désordres et de leurs conséquences dommageables.

Cela étant, il apparaît que M et Mme S. ont commis une faute de nature à exonérer la Sarl AVC des conséquences de sa responsabilité à hauteur de 50 %.

Il est en effet établi que M. S., pour des raisons de confort et d'énergie, a procédé à la pose d'obturateurs en matière plastique sur les grilles de soufflage, ce qui a supprimé toute circulation d'air dans les gaines sans pour autant stopper le déplacement de vapeur d'eau qui s'infiltre partout sous l'effet de sa pression partielle. L'expert explique que, sans obturateur, un courant d'air, même léger, se serait créé dans les gaines par les forces issues de la différence de densité entre un air froid situé en haut et un air chaud situé en bas, et que cet air chaud aurait réchauffé l'intérieur des gaines et de l'unité intérieure de la pompe à chaleur jusqu'à atteindre voire dépasser la température de rosée de l'air, ce qui lui permet de conclure sans être techniquement contredit que le phénomène de condensation ne serait probablement pas apparu si les obturateurs n'avaient pas été posés.

La pose de ces obturateurs correspond à une modification fautive par le maître de l'ouvrage du système de climatisation mis en œuvre par la Sarl AVC.

La Sarl AVC sera en conséquence condamnée à payer à M et Mme

S. :

- 50 % du coût de la réparation des désordres, soit 2 639,70 € / 2 =

1 319,85 € TTC ;

- 50 % du préjudice de jouissance subi par M et Mme S. du fait de la privation du système de climatisation depuis l'été 2015 ; ce préjudice doit être limité aux deux mois annuels pendant lesquels la climatisation des chambres est réellement nécessaire et fixé à 250 € par mois, soit à la fin de l'été 2020 un préjudice de : 12 mois x 250 = 3 000 € / 2 = 1 500 € ; le préjudice résultant de la privation de climatisation dans les chambres ne saurait en effet être fixé à la moitié de la valeur locative de la maison et M et Mme S. ne sont par ailleurs pas fondés à réclamer la réparation d'un préjudice de jouissance pour sept autres mois de l'année alors qu'ils disposaient d'un système principal de chauffage au sol.

Enfin, ils ne rapportent pas la preuve du préjudice moral qu'ils prétendent avoir subi du fait des désordres et de la procédure qui a été nécessaire pour obtenir réparation de leurs dommages.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu du partage de responsabilité retenu sur la demande principale, il y a lieu de partager par moitié entre les parties les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et de les débouter de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 23 janvier 2019 ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare la Sarl A Vos Clims responsable à hauteur de 50 % des désordres affectant le système de climatisation réversible mis en œuvre au domicile de M et Mme S. et de leurs conséquences dommageables ;

Condamne en conséquence la Sarl A Vos Clims à payer à M et Mme S. :

- la somme de 1 319,85 € TTC au titre des travaux de remise en état ;

- la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance

Déboute M et Mme S. du surplus de leurs demandes ;

Partage par moitié entre les parties la charge des dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

Les déboute de leurs demandes formulées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Accorde à la Selarl V., avocats, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.