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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 5 mai 2021, n° 19/04336

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Edenis (Association)

Défendeur :

Ligne Vauzelle (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beneix-Bacher

Conseillers :

M. Blanque-Jean, M. Maffre

Avocats :

Selas Inter-Barreaux Altij, Selafa TAJ

TGI Toulouse, du 5 juill. 2019

5 juillet 2019

FAITS ET PROCÉDURE

Le 23 juillet 2012, le groupe Promo Accueil -devenu par la suite association Edenis- a passé commande auprès des sociétés Conforel et Ligne Vauzelle de divers mobiliers destinés à sa résidence Edelweiss : la société Ligne Vauzelle lui a livré des fauteuils et des chaises les 3 et 12 octobre 2012 et émis deux factures en date des 9 et 19 octobre 2019 pour les montants de 38 922,03 euros TTC et 4 249,63 euros TTC.

À l'été 2015, l'association Edenis s'est plainte auprès de ses deux fournisseurs d'une dégradation prématurée des chaises et fauteuils recouverts du revêtement dit Ultimate Touch. Les sociétés Conforel et Ligne Vauzelle ont sollicité le fabricant de ce tissu, la société Panaz Ltd de droit anglais : la société Conforel a offert de remplacer le revêtement.

À défaut de réponses jugées satisfaisantes de la part du second vendeur, l'association Edenis a, par acte d'huissier du 6 décembre 2016, fait assigner la SAS Ligne Vauzelle devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d'indemnisation, exposant que le mobilier vendu et livré par la société était atteint de vices cachés le rendant impropre à son usage.

La société Ligne Vauzelle a appelé en la cause la société Panaz Ltd : par ordonnance du 11 octobre 2018, le juge de la mise en état a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société Panaz Ltd, ordonné la disjonction des affaires, débouté l'association Edenis de sa demande de provision et mis à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à la société Ligne Vauzelle au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 5 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a notamment :

- débouté la SAS Ligne Vauzelle de sa demande visant à voir déclarer irrecevable l'action de l'association Edenis qui n'a pas été engagée dans le délai d'un an à compter de la livraison des chaises et fauteuils litigieux en contravention des stipulations de l'article 8 des conditions générales de vente de la SAS Ligne Vauzelle liant les parties,

- débouté l'association Edenis de sa demande, présentée sur le fondement des vices cachés, de condamnation de la SAS Ligne Vauzelle à lui verser la somme de 10 622,27€ correspondant au coût de remplacement des meubles affectés de vice, outre les intérêts au taux de la banque centrale européenne augmenté de 10 points à compter du 9 octobre 2012,

- débouté l'association Edenis de sa demande, présentée sur le fondement d'un manquement à l'obligation de conseil et d'information, de condamnation de la SAS Ligne Vauzelle à lui verser la somme de 10 622,27€ correspondant au coût de remplacement des meubles affectés de vice, outre les intérêts au taux de la banque centrale européenne augmenté de 10 points à compter du 9 octobre 2012,

- débouté l'association Edenis de sa demande en indemnisation de son préjudice moral présentée à l'encontre de la SAS Ligne Vauzelle,

- débouté l'association Edenis de sa demande en indemnisation eu égard à une résistance abusive de la SAS Ligne Vauzelle,

- débouté la SAS Ligne Vauzelle de sa demande reconventionnelle en indemnisation d'un préjudice résultant d'une atteinte à son image commerciale présentée à l'encontre de l'association Edenis,

- condamné l'association Edenis à verser une indemnité de 2 000 € (deux mille euros) à la SAS Ligne Vauzelle en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné l'association Edenis aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Suivant déclaration du 3 octobre 2019, l'association Edenis a interjeté appel du jugement du 5 juillet 2019, limité aux chefs de jugement suivants :

« Déboute l'association Edenis de sa demande, présentée sur le fondement des vices cachés, de condamnation de la SAS Ligne Vauzelle à lui verser la somme de 10 622,27€ correspondant au coût de remplacement des meubles affectés de vice, outre les intérêts au taux de la banque centrale européenne augmenté de 10 points à compter du 9 octobre 2012,

Déboute l'association Edenis de sa demande, présentée sur le fondement d'un manquement à l'obligation de conseil et d'information, de condamnation de la SAS Ligne Vauzelle à lui verser la somme de 10 622,27€ correspondant au coût de remplacement des meubles affectés de vice, outre les intérêts au taux de la banque centrale européenne augmenté de 10 points à compter du 9 octobre 2012,

Déboute l'association Edenis de sa demande, en indemnisation de son préjudice moral présentée à l'encontre de la SAS Ligne Vauzelle,

Déboute l'association Edenis de sa demande en indemnisation eu égard à une résistance abusive de la SAS Ligne Vauzelle,

Condamne l'association Edenis à verser une indemnité de 2 000 € (deux mille euros) à la SAS Ligne Vauzelle en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne l'association Edenis aux entiers dépens. »

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions du 18 septembre 2020, l'association Edenis prie la cour de, vu feus les articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil, les articles 1603 et suivants du Code civil, les articles 1641 et suivants du Code civil, feus les articles 1382 et 1383 du Code civil, les articles 1353 du Code civil et 9 du Code de procédure civile et l'article 1343-2 du Code civil,

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- réformer le jugement dont appel du tribunal de grande instance de Toulouse du 5 juillet 2019, RG 16/04575,

Statuant à nouveau,

- déclarer l'association Edenis recevable et bien fondée en son action à l'encontre de la société Ligne Vauzelle en garantie des vices cachés, à défaut en responsabilité pour manquement à son devoir d'information et de conseil, à défaut en responsabilité pour manquement à son obligation d'information et de délivrance,

En conséquence,

- condamner la société Ligne Vauzelle à payer à l'association Edenis la somme de 10 622,27€ avec intérêts au taux légal à compter de la réception au 26 mai 2016 de la mise en demeure du 20 mai 2016, au titre du coût du remplacement des chaises et fauteuils,

- condamner la société Ligne Vauzelle à payer à l'association Edenis la somme de 3 000,00€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

En toutes hypothèses,

- débouter la société Ligne Vauzelle de ses moyens, fins, demandes et prétentions,

- condamner la société Ligne Vauzelle à payer à l'association Edenis la somme de 2 000,00€ à titre de résistance abusive,

- débouter la société Ligne Vauzelle à ses, moyens, fins, demandes et prétentions,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière à compter des présentes conclusions du 24 décembre 2019 dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil,

- condamner la société Ligne Vauzelle à payer à l'association Edenis la somme de 6 000,00€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner la société Ligne Vauzelle aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'association Edenis déclare que l'anormalité de la détérioration affectant le mobilier n'est pas discutable, si les avis divergent sur sa cause : la société Panaz Ltd a imputé la dégradation à un entretien inadapté et à l'usage de produits chimiques au lieu d'eau froide mais, n'étant pas un professionnel ou un spécialiste du revêtement Ultimate Touch, l'appelante considère que la cause réside dans un vice caché du revêtement ou dans une inadaptation du mobilier à son usage ou encore dans une inadaptation de l'entretien du mobilier ce qui renvoie à une carence de la société Ligne Vauzelle dans son devoir d'information, de sorte que la responsabilité de celle-ci est nécessairement engagée.

S'agissant de la garantie des vices cachés, les 54 chaises et fauteuils équipés du revêtement litigieux ont présenté une détérioration anormalement importante et prématurée moins de 3 ans après le début de leur utilisation et ont dû être remplacés: le caractère très prématuré de cette dégradation rend plus que plausible que la cause des désordres soit inhérente au revêtement lui-même et qu'elle ait préexisté à la vente, révélant un grave défaut de qualité du revêtement, et le vendeur professionnel est irréfragablement présumé avoir connaissance du vice caché de la chose vendue ; de son côté, la société Conforel a remplacé ce revêtement, pareillement dégradé, qui équipait également le mobilier livré par elle.

La gravité des détériorations justifiait un remplacement pur et simple : or, aucun établissement professionnel, même de santé, ne peut renouveler un tel investissement tous les 2 ou 3 ans, s'agissant de 10 622,27 euros HT payés à la société Ligne Vauzelle. L'association subit également un préjudice d'image, pour avoir dû laisser ce mobilier détérioré à la disposition de ses résidents et à la vue de potentiels résidents venus visiter l'établissement.

Sur l'irrecevabilité de l'action en garantie des vices cachés soulevée par l'intimée au regard de l'article 8 des conditions générales, l'appelante objecte qu'elles ne lui sont pas opposables faute d'avoir été portées à sa connaissance : la signature sur la facture vaut seulement acceptation du paiement et elle est postérieure à la livraison, un vendeur professionnel qui a connaissance du vice caché en sa qualité de professionnel ne peut se prévaloir d'une clause limitative ou exclusive de garantie, et de telles clauses ne peuvent produire effet qu'entre professionnels de la même spécialité.

S'agissant du devoir d'information et de conseil et de l'obligation d'information et de délivrance, l'association Edenis fait valoir que, dans la présente affaire, les seuls professionnels et spécialistes des revêtements de chaises et fauteuils sont les sociétés Ligne Vauzelle et Panaz Ltd : fournisseur et vendeur affirment que les désordres trouveraient leur source dans le non-respect des préconisations d'entretien. Pour autant, si l'appelante admet que ce revêtement puisse appeler un entretien particulier tout en exprimant ses réserves, n'ayant jamais été confrontée à une telle dégradation malgré un entretien identique, elle objecte que les préconisations particulières évoquées par Panaz n'ont jamais été portées à sa connaissance par la société Ligne Vauzelle, même dans une notice d'entretien, que ce soit à la commande, lors de la livraison ou encore à l'occasion de la révélation des désordres. L'intimée reconnaît expressément, ou au moins implicitement, ne pas l'en avoir informée.

Si elle l'avait su, l'association Edenis aurait fait le choix d'un revêtement différent : gérant des maisons de retraite médicalisées, elle doit pouvoir désinfecter chaises et fauteuils, et au demeurant, la société Panaz qui fournit des tissus dits Tissus d'ameublement ou Tissus d'ameublement pour le secteur de la santé, ne propose pas le revêtement Ultimate Touch pour le secteur de la santé, de sorte que la société Ligne Vauzelle a engagé sa responsabilité en lui conseillant un tissu ne convenant pas à son activité.

Ou bien elle aurait diffusé auprès de son personnel les préconisations d'entretien spécifiques à ce revêtement : en l'espèce, les salariés ont entretenu les meubles litigieux comme les autres, avec les produits désinfectants habituels et sans se limiter à un chiffon humidifié d'eau froide; seul le mobilier revêtu du tissu Ultimate Touch s'est dégradé et, des deux professionnels le lui ayant vendu, seule l'intimée a refusé d'assumer ses responsabilités.

Contrairement à ce qu'elle avance, la société Ligne Vauzelle ne prouve ni que le mobilier livré était adapté à son utilisation ni qu'elle l'a informée sur les conditions d'entretien et conseillée : affirmer que nul ne peut ignorer qu'un mobilier en similicuir ne doit pas être nettoyé avec des produits chimiques agressifs est insuffisant, l'association Edenis n'étant pas un professionnel de revêtements de meubles.

Sur la demande reconventionnelle de l'intimée en paiement de dommages et intérêts pour atteinte à son image commerciale, l'association Edenis oppose que la présente procédure n'a pas fait l'objet d'une publicité particulière, que la baisse de chiffre d'affaires alléguée n'est pas prouvée : elle ne serait survenue qu'en 2018, soit 3 ans après la découverte des désordres et leurs échanges à ce sujet, et pas nécessairement circonscrite à la Haute-Garonne, de sorte que le lien de causalité n'est pas non plus démontré.

Au contraire, la société Ligne Vauzelle a nié sa responsabilité et la garantie légale due et ignoré ses demandes durant plus d'un an, ce qui caractérise une résistance abusive.

Suivant dernières conclusions du 14 septembre 2020 portant appel incident, la société Ligne Vauzelle demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Toulouse en date du 5 juillet 2019 en ce qu'il a :

- débouté Edenis de sa demande, présentée sur le fondement des vices cachés, de condamnation de Ligne Vauzelle à lui verser la somme de 10 622,27€ correspondant au coût de remplacement des meubles affectés de vice, outre les intérêts au taux de la banque centrale européenne augmenté de dix (10) points à compter du 9 octobre 2012,

- débouté Edenis de sa demande, présentée sur le fondement d'un manquement à l'obligation de conseil et d'information, de condamnation de Ligne Vauzelle à lui verser la somme de 10 622, 27€ correspondant au coût de remplacement des meubles affectés de vice, outre les intérêts au taux de la banque centrale européenne augmenté de dix (10) points à compter du 9 octobre 2012,

- débouté Edenis de sa demande en indemnisation de son préjudice moral présentée à l'encontre de Ligne Vauzelle,

- débouté Edenis de sa demande en indemnisation eu égard à une résistance abusive de Ligne Vauzelle,

- condamné Edenis à verser une indemnité de 2 000€ à Ligne Vauzelle en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné Edenis aux entiers dépens,

- débouter Edenis de l'intégralité de ses demandes,

- déclarer Ligne Vauzelle recevable et bien fondée en son appel incident ;

- infirmer le jugement sus énoncé, en ce qu'il a :

- débouté Ligne Vauzelle de sa demande visant à voir déclarer irrecevable l'action d'Edenis qui n'a pas été engagée dans le délai d'u an à compter de la livraison des chaises et des fauteuils litigieux en contravention des stipulations de l'article 8 des conditions générales de vente de Ligne Vauzelle liant les parties,

- débouté Ligne Vauzelle de sa demande reconventionnelle en indemnisation d'un préjudice résultant d'une atteinte à son image commerciale présentée à l'encontre d'Edenis,

En statuant à nouveau :

- déclarer l'action d'Edenis irrecevable,

En tout état de cause

- débouter Edenis de l'intégralité de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Edenis au paiement de la somme de trois mille euros (3 000€) à Ligne Vauzelle au titre du préjudice d'atteinte à son image commerciale,

- condamner Edenis à payer à Ligne Vauzelle la somme de quatre mille euros (4 000€) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Edenis aux entiers dépens de première instance et d'appel par application de l'article 696 du Code de procédure civile.

La société Ligne Vauzelle expose en substance que lorsque l'association Edenis lui a fait part de la dégradation du revêtement Ultimate Touch près de trois ans après la livraison du mobilier, la société Panaz qui a fabriqué ce tissu a été interrogée et a imputé sa détérioration à l'utilisation de produits chimiques : elle a donc réfuté sa responsabilité quand Edenis l'a mise en demeure le 7 septembre 2016.

L'association Edenis qui n'a mandaté aucune expertise contradictoire n'apporte aucun élément de preuve d'un vice caché affectant la totalité des 54 pièces de mobilier vendues :

- Le constat d'huissier ne porte que sur 28 fauteuils dont on ne sait s'ils ont été vendus par la société Ligne Vauzelle,

- Le remplacement concédé par la société Conforel constitue un geste commercial et non la reconnaissance d'une responsabilité,

- La mauvaise qualité des photographies produites ne permet pas non plus de déterminer le désordre.

En réalité, le mobilier livré ne présente aucun vice caché et les dégradations constatées sur le tissu Ultimate Touch sont liées à un entretien inapproprié comme l'affirme le président de Panaz, fournisseur du revêtement, certainement par utilisation excessive de solvants ; Edenis reconnaît dans ses conclusions d'appel n°2 avoir fait usage de produits désinfectants, contenant de nombreux solvants agressifs : une usure telle que constatée par l'huissier de justice s'explique par un nettoyage agressif avec des produits non adaptés et/ou une utilisation inappropriée du mobilier.

S'agissant de son devoir de conseil, la société Ligne Vauzelle affirme avoir fourni un mobilier parfaitement conforme aux spécifications contractuelles mentionnées dans les confirmations de commande formalisant l'accord des parties : Edenis a acheté un matériel standard, adapté à son activité professionnelle et ne nécessitant pas d'entretien spécifique ou de recommandation particulière concernant son utilisation et entretien, et le devoir de conseil et d'information du vendeur ne va pas jusqu'à anticiper d'éventuels usages inappropriés et entretien anormal.

L'association Edenis est d'ailleurs son seul client ayant formulé une telle réclamation et elle ne l'a jamais interrogée sur la possibilité d'utiliser un produit non habituel et très corrosif pour l'entretien de ce mobilier.

L'appelante ne démontre nullement qu'un préjudice moral soit consécutif à la détérioration du matériel et la société Ligne Vauzelle n'a pas cherché à retarder l'issue du procès ni fait preuve de résistance abusive.

Suivant appel incident, le vendeur met en avant l'article 8 des conditions générales aux termes duquel la garantie des vices cachés doit être invoquée dans le délai d'un an de la livraison : le délai de 4 ans écoulé entre la livraison et l'assignation rend l'action irrecevable. Cette clause est parfaitement opposable à l'association Edenis qui a expressément accepté les conditions générales de vente suivant bordereau de livraison du 3 octobre et facture du 9 octobre 2012 et n'a soulevé aucune réserve lors de la livraison des meubles.

La présente procédure a porté atteinte à son image commerciale et par conséquence à son activité dans la Haute-Garonne : alors qu'elle progressait davantage que dans les autres départements, de 15 à 22 % entre la livraison et le début du litige, le chiffre d'affaires est devenu anormalement bas après l'ouverture de cette procédure.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 25 janvier 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'association Edenis fonde sa demande d'indemnisation sur la garantie des vices cachés due par la société Ligne Vauzelle et sur son devoir de conseil et son obligation de délivrance en sa qualité de vendeur.

Sur la garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le vice de la chose s'entend de toute défectuosité qui empêche la chose de rendre pleinement les services que l'on en attend. Il réside dans le mauvais état ou le mauvais fonctionnement de la chose, l'impossibilité de s'en servir dans des conditions satisfaisantes, les conséquences nuisibles produites à l'occasion d'une utilisation normale. Il faut que la qualité faisant défaut soit une des principales que l'on reconnaît à la chose.

La preuve de l'antériorité du vice à la vente incombe à l'acquéreur.

En outre, il résulte des articles 1643 à 1646 du même code que le vendeur profane qui ne connaissait pas les vices de la chose vendue est tenu uniquement à la restitution du prix de vente, en tout ou partie selon la gravité des vices et le choix de l'acquéreur de conserver ou non la chose, et au remboursement des frais occasionnés par la vente en cas de résolution, tandis que celui qui en avait connaissance s'expose également au paiement de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice causé à l'acquéreur. Au contraire, le vendeur professionnel est présumé connaître les vices.

L'article 1648 précise que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

En l'espèce, l'association Edenis fait valoir que les 54 chaises et fauteuils équipés du revêtement litigieux ont présenté une détérioration anormalement importante et prématurée moins de 3 ans après le début de leur utilisation et que le caractère prématuré de cette dégradation rend plus que plausible que la cause des désordres soit inhérente au revêtement lui-même et du grave défaut de qualité de celui-ci.

La société Ligne Vauzelle oppose en premier lieu que l'action de l'association Edenis est irrecevable au regard de l'article 8 des conditions générales, acceptées et opposables à l'appelante, qui limite à un an à compter de la livraison le délai dans lequel la garantie des vices cachés peut être invoquée.

L'association Edenis objecte que ces dispositions ne lui sont pas opposables faute d'avoir été portées à sa connaissance et de pouvoir produire effet entre professionnels de spécialités différentes.

Pour autant, l'appelante ne conteste pas avoir apposé sa signature en dernière page (5) de la facture du 9 octobre 2012 sur laquelle figure la mention : « je déclare avoir pris connaissance des conditions générales de vente, au verso des documents commerciaux », tout comme en page 2 de la facture du 19 octobre 2012, de sorte que ce document a valeur contractuelle et lui est opposable, comme retenu à juste titre par le premier juge.

Or, à l'article 8 des conditions générales de vente, la société Ligne Vauzelle indique qu'elle « garantit les produits pendant une durée d'un an à compter de leur date de livraison contre tout vice caché provenant d'un défaut de matière, de conception ou de fabrication affectant les produits et les rendant impropres à l'utilisation à laquelle ils sont destinés. »

Cependant, cette clause contractuelle limitative de la garantie des vices cachés a été passée entre deux professionnels de spécialités différentes, puisque le domaine d'activité de l'association Edenis est l'hébergement médicalisé pour personnes âgées, alors que celui de la société Ligne Vauzelle est, à la lecture de l'extrait Kbis, « mobiliers de restauration, achat, vente, étude, réalisation, fabrication, maintenance, pose, commercialisation, location de tous matériels et mobiliers destinés aux cafés restaurants et collectivités. » : les cocontractants ne disposaient pas de compétences techniques égales en matière de mobilier de collectivité.

Dès lors, la clause limitative de responsabilité invoquée par la société Ligne Vauzelle est inopposable à l'association Edenis : c'est donc à bon droit qu'a été rejetée la demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action en garantie des vices cachés engagée au-delà du délai contractuel d'un an à compter de la livraison du mobilier litigieux.

Sur le fond, l'association Edenis fait découler l'existence d'un vice caché du revêtement Ultimate Touch préexistant à la vente de sa détérioration anormalement importante et prématurée.

En réalité, les pièces 5-1 et 5-2 de l'appelante montrent que ses premières doléances ont été formulées au mois d'août 2015, soit 2 ans et 10 mois après la livraison et l'utilisation quotidienne du matériel, et elle n'établit la matérialité des détériorations déplorées que par le constat d'huissier du 5 juillet 2016, soit 3 ans et 9 mois plus tard: une telle distance dans le temps ne permet pas de considérer que le défaut invoqué préexistait nécessairement à la vente et serait donc inhérent au revêtement Ultimate Touch.

Or, l'association Edenis ne verse aux débats aucune pièce relative aux causes de ces désordres : elle ne démontre donc pas que la détérioration du mobilier litigieux tient à un vice du revêtement Ultimate Touch, antérieur à la vente, plutôt qu'à l'utilisation qui en a été faite ensuite, échouant ainsi à faire la preuve qui lui incombe.

En conséquence, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande fondée sur la garantie des vices cachés.

Sur le devoir d'information et de conseil du vendeur

Les articles 1134 et 1135 du code civil, dans leur version applicable au litige, disposent que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise doivent être exécutées de bonne foi et obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.

Le vendeur professionnel est ainsi tenu à un devoir de conseil envers l'acquéreur : il doit donner à son client toutes les informations utiles et le conseiller sur le choix adéquat en fonction de l'usage auquel le produit est destiné, et pour se faire, se renseigner sur ses besoins et l'informer ensuite des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à l'utilisation prévue.

Le devoir de conseil est une obligation de moyens, le vendeur doit démontrer qu'il s'en est acquitté et il est en faute si, n'ayant pas donné à l'acheteur toutes les informations sur les contraintes ou inconvénients de la chose proposée lui permettant de choisir l'acquisition adaptée à ses besoins, il ne lui en a pas fourni une qui corresponde à cet usage ou ne l'a pas dissuadé d'acquérir celle qui s'y révèle impropre.

En l'espèce, l'association Edenis, si elle admet que le revêtement Ultimate Touch puisse appeler un entretien particulier, soutient qu'elle n'en a pas été informée et que si elle l'avait su, elle aurait fait le choix d'un revêtement différent, faisant observer qu'elle gère des maisons de retraite médicalisées et doit pouvoir désinfecter le mobilier et que la société Panaz ne fait pas figurer le revêtement Ultimate Touch dans sa gamme de tissus spécifiques au secteur de la santé : la société Ligne Vauzelle a engagé sa responsabilité en lui conseillant un tissu ne convenant pas à son activité.

La société Ligne Vauzelle considère au contraire que le mobilier fourni est un matériel standard, adapté à l'activité professionnelle de l'acquéreur et ne nécessitant ni entretien spécifique ni recommandation particulière pour son utilisation et son entretien, conforme aux spécifications contractuelles : le devoir de conseil et d'information du vendeur ne va pas jusqu'à anticiper d'éventuels usages inappropriés tel qu'un entretien anormal.

Le vendeur fait ainsi sienne l'explication du fabricant du tissu litigieux selon laquelle sa détérioration est imputable à l'utilisation de produits désinfectants agressifs pour le nettoyage du mobilier, alors qu' « Ultimate Touch nécessite uniquement un chiffon en microfibre légèrement humidifié dans de l'eau froide » selon la traduction du courriel de la société Panaz Ltd en date du 15 octobre 2015, et l'appelante ne conteste pas que ce soit là en effet le mode d'entretien adapté audit revêtement.

Au regard de l'obligation de conseil pesant sur le vendeur, il importe peu de savoir que le mobilier vendu est un mobilier standard et il est insuffisant de dire qu'il est conforme au contrat : il incombe à la société Ligne Vauzelle de démontrer qu'elle s'est mise en situation d'orienter le choix de l'association Edenis vers un matériel adapté à ses besoins après s'être informée sur ceux-ci.

Or, l'intimée qui, selon son objet social, fournit en meubles tout type de collectivité, n'ignorait pas qu'en l'espèce, elle avait pour cliente une collectivité particulière, tournée vers l'accueil médicalisé de personnes âgées : cette dimension de soins et d'accueil d'un public plus vulnérable que d'autres justifie une exigence particulière en matière d'hygiène et d'entretien des locaux, et si la société Ligne Vauzelle ne voit toujours pas là un motif d'inadéquation du mobilier lavable seulement à l'eau froide qu'elle a proposé, il lui appartenait d'interroger sa cliente sur ses besoins en la matière, la destination du mobilier (bureaux administratifs ou chambres des résidents) et les rythme et modalités de nettoyage en découlant.

Cet échange indispensable avec l'acquéreur lui incombait d'autant plus que les tissus de la société Panaz qu'elle lui a proposés ne figurent pas tous dans la même rubrique du catalogue du fabricant : il résulte des pièces 10-1 à 10-3 de l'appelante que celui-ci distingue différentes catégories de tissus en fonction, précisément, de leur destination, et s'agissant des tissus d'ameublement, il en range certains, qualifiés de tissus d'ameublement santé, dans une rubrique spécifique dite Santé et les présente comme conçus « pour les environnements difficiles qui exigent ce qu'il y a de meilleur ».

Il était donc aisé à la société Ligne Vauzelle, qui disposait en sa qualité de vendeur professionnel des informations et outils nécessaires, de repérer les besoins spécifiques de l'association Edenis et les revêtements répondant à ceux-ci, quitte à vérifier plus avant si le tissu non spécialisé souhaité, Ultimate Touch, pouvait néanmoins convenir à sa cliente en adaptant les modalités d'entretien.

Or, l'intimée ne prétend nullement avoir informé l'acquéreur sur les caractéristiques du produit proposé en terme de composition, destination et entretien : ce faisant, elle ne lui a pas permis de faire un choix adapté à ses besoins, puisqu'un mobilier que l'on peut seulement rincer, voire essuyer, avec un chiffon à peine humidifié à l'eau froide ne peut convenir à une maison de retraite médicalisée soumise à des contraintes particulières en matière d'hygiène et d'aseptie eu égard au public accueilli.

La société Ligne Vauzelle a donc engagé sa responsabilité envers l'association Edenis sur le fondement de l'obligation d'information et de conseil.

Sur les dommages et intérêts

L'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits litigieux, prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, considérant que les détériorations subies justifiaient le remplacement du mobilier, l'association Edenis revendique le paiement d'une somme de 10 622,27 euros correspondant aux factures acquittées auprès de la société Ligne Vauzelle pour les 54 meubles revêtus du tissu Ultimate Touch achetés, et l'indemnisation de son préjudice d'image pour avoir dû laisser ce mobilier détérioré à la disposition de ses résidents et à la vue des visiteurs.

La société Ligne Vauzelle oppose que le constat d'huissier produit ne porte que sur 28 fauteuils et qu'on ne sait pas s'ils ont été vendus par elle.

S'agissant des constats de l'huissier mandaté, il résulte du procès-verbal du 5 juillet 2016 que :

- dans la salle de restaurant, les assises et dossiers des 28 fauteuils présents sont affectés d'une usure importante, avec un revêtement craquelé et une surface se délitant et laissant apparaître une sous-couche blanche : les constatations ont donc bien porté sur 28 pièces même si toutes n'ont pas été photographiées et les photos annexées sont conformes à la description, sachant que la société Ligne Vauzelle a fourni 30 fauteuils revêtus du tissu litigieux pour le restaurant de la [...] a seulement livré des tables,

- d'autres fauteuils supportant le même revêtement, avec ou sans parties en velours, non dénombrés et non photographiés, présentent le même défaut dans la salle de gymnastique et de kinésithérapie et dans le salon, de même que 2 nouveaux fauteuils d'un modèle différent, photographiés mais non situés, sachant que la société Ligne Vauzelle a fourni 8 chaises revêtues du tissu litigieux pour la salle d'activités et 2 chaises et 2 fauteuils identiques pour la bibliothèque ainsi que 12 fauteuils revêtus de deux tissus dont Ultimate Touch mais que Conforel a également livré des fauteuils recouverts de deux types de tissus, cette même matière et une autre, pour les mêmes espaces : or, il n'est pas certain que ce deuxième fournisseur avait repris son mobilier pour en remplacer le revêtement avant le 30 juin 2016 comme souhaité par l'association Edenis, et donc avant le constat d'huissier du 5 juillet 2016.

Dès lors, il peut seulement être retenu avec certitude que 28 des 30 fauteuils livrés par la société Ligne Vauzelle pour le restaurant de la résidence ont présenté une usure importante justifiant au moins un remplacement de leur revêtement, et même si les deux derniers n'ont pas été photographiés, ils ont nécessairement connu la même évolution, demeurant leur composition et leur utilisation identiques. De fait, l'association Edenis produit une facture du 26 janvier 2018 portant notamment sur l'achat de 26 fauteuils à la société Conforel pour la même résidence.

Dans ces conditions, il convient de condamner la société Ligne Vauzelle à payer à l'association Edenis la somme de 5 187 euros correspondant au prix des 30 fauteuils porteurs du revêtement Ultimate Touch achetés à cette société pour le restaurant de la résidence Edelweiss.

En application de l'article 1231-7 du code civil, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. En l'espèce, l'appelante sollicite que les intérêts au taux légal assortissant cette condamnation soient dus à compter de la mise en demeure du 20 mai 2016. Toutefois, il ne s'agit pas ici du retard de paiement d'une somme d'argent, de sorte qu'en l'absence d'arguments spécifiques au soutien de la prétention, les intérêts dus courront à compter de la présente décision.

Pour ces motifs, la demande de capitalisation d'intérêts échus à compter des conclusions en date du 24 décembre 2019 par application de l'article 1343-2 du Code civil ne peut être accueillie.

Par ailleurs, l'image dégradée de son accueil renvoyée aux résidents et visiteurs par l'état des fauteuils vendus par la société Ligne Vauzelle a occasionné un préjudice moral à l'association Edenis qui doit être réparé par l'octroi d'une indemnisation de 1500 euros.

Enfin, l'appelante réclame la somme 2 000,00€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive aux motifs que la société Ligne Vauzelle a nié sa responsabilité et la garantie légale due et ignoré ses demandes durant plus d'un an.

De fait, l'intimée ne justifie d'aucune réponse aux courriels de l'association Edenis en août et novembre 2015, y compris donc après réception le 15 octobre 2015 des informations attendues de la part du fabricant du tissu litigieux, ne faisant connaître sa position que le 9 novembre 2016 après les mises en demeure des 20 mai et 7 septembre 2016, ce qui a fait perdre un temps important à l'appelante : la société Ligne Vauzelle devra lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de ce préjudice.

Par suite, l'instance judiciaire finalement introduite n'est pas constitutive d'une faute de l'association Edenis envers la société Ligne Vauzelle, de sorte que l'intimée est mal fondée à réclamer indemnisation d'un préjudice d'atteinte à son image commerciale et sera en conséquence déboutée de sa demande.

Sur les frais et dépens

La société Ligne Vauzelle qui succombe, supportera les entiers dépens et ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande au contraire qu'elle verse à l'association Edenis une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour sa défense.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

- débouté la société Ligne Vauzelle de sa demande visant à voir déclarer irrecevable l'action de l'association Edenis,

- débouté la société Ligne Vauzelle de sa demande en indemnisation d'un préjudice pour atteinte à son image commerciale,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Ligne Vauzelle à payer à l'association Edenis la somme de 5 187 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu à capitalisation d'intérêts échus à compter des conclusions de l'appelante en date du 24 décembre 2019,

Condamne la société Ligne Vauzelle à payer à l'association Edenis la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Y ajoutant,

Condamne la société Ligne Vauzelle à verser à l'association Edenis la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Ligne Vauzelle aux entiers dépens.