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Décisions

Cass. com., 1 février 2000, n° 97-14.940

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Foussard, Me Bertrand, SCP Defrenois et Levis

Paris, 1re ch. A, du 29 avr. 1997

29 avril 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 avril 1997) rendu en matière de référé, que, le 24 novembre 1995, les sociétés Euralair international (société Euralair) et Air Liberté ont signé un protocole d'accord en exécution duquel la première société a apporté, le 23 février 1996, à la seconde, divers éléments d'actif en contrepartie d'une prise de participation dans son capital ; qu'après l'ouverture du redressement judiciaire de la société Air Liberté, et l'adoption d'un plan de continuation de son entreprise, plan dont l'exécution incombait notamment à la société British Airways, la société Euralair a demandé que, préalablement à l'exercice d'une action en annulation de la convention du 23 février 1996, soit ordonnée une expertise tendant à lui permettre de rapporter la preuve de manoeuvres dolosives affectant le consentement qu'elle avait donné à ce traité d'apport ; que la cour d'appel a accueilli la demande ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Air Liberté et British Airways reprochent à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action en revendication doit être exercée dans le délai de trois mois à compter de l'ouverture de la procédure de redressement ; que ce délai, qui est préfixe, ne peut faire l'objet d'aucune interruption, ni d'aucune suspension ; qu'en énonçant que l'action en revendication supposait préalablement l'exercice de l'action en nullité, pour considérer implicitement que le délai de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 n'avait pas couru, les juges du fond ont violé ce texte ; et alors, d'autre part, qu'en omettant de rechercher, comme elle y était expressément invitée par la société Air Liberté et la société British Airways, si la procédure n'était pas dépourvue d'utilité, à raison de ce que, tout d'abord, faute de revendication dans le délai de trois mois, aucune restitution en nature ne pouvait être désormais opérée, et à raison de ce que, ensuite, faute de déclaration au passif de la société Air Liberté, aucune réparation par équivalent ne pouvait être octroyée à la société Euralair, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en présence de la demande d'expertise formée par la société Euralair, laquelle constituait le préalable d'une action en annulation du traité d'apport conclu antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Air Liberté, la cour d'appel a retenu que l'action de la société Euralair ne tendait, à titre principal, ni à la revendication des actifs apportés, ni à la condamnation de la société Air Liberté au paiement d'une somme d'argent, ni à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une telle somme ; qu'ainsi, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Air Liberté et British Airways reprochent encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que s'il n appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, de trancher les moyens susceptibles d'être invoqués dans le cadre de l'action que le demandeur se propose ultérieurement d'exercer, il a néanmoins l'obligation, avant d'émettre une appréciation sur l'utilité de la mesure, qui doit être caractérisée pour que celle-ci soit prescrite, de rechercher, au vu des moyens invoqués par le défendeur, si l'action que le demandeur envisage d'exercer n'est pas manifestement irrecevable ou mal fondée ; qu'en repoussant les moyens invoqués par les sociétés Air Liberté et British Airways pour établir l'inutilité de la mesure, sans analyser, même sommairement, ces moyens, et rechercher s'ils n étaient pas de nature à établir que l'action que la société Euralair se proposait d'exercer était manifestement mal fondée, les juges du fond, qui n ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui ne pouvait se prononcer, en référé, sur le bien-fondé de la demande sur le fond, n'était pas tenue d'effectuer les recherches dont fait état le moyen, dès lors que cette demande tendait, à titre principal, à l'annulation pour dol d'un contrat conclu antérieurement au jugement d'ouverture, c'est-à-dire pour une cause autre que le défaut de paiement d'une somme d'argent ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les sociétés Air Liberté et British Airways reprochent en outre à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'un article de presse ne saurait, à défaut d'être corroboré par d'autres éléments de preuve, justifier une expertise quant à l'exactitude des comptes d'une société ; qu'à cet égard, l'arrêt a été rendu en violation de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, faute d'avoir constaté que l'assignation des administrateurs et des représentants des créanciers, portant sur le report de la date de cessation des paiements, faisait état d'inexactitudes entachant les comptes de la société Air Liberté, à la date du 31 octobre 1995, le seul visa de cette assignation ne saurait conférer une base légale à l'arrêt au regard de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que l'allégation d'une partie à la procédure, fût-ce dans le cadre d'une autre instance, ne constitue pas un élément de preuve ; qu'en se fondant sur les allégations des mandataires de justice énoncées dans le cadre de leur assignation en report de la date de cessation des paiements, bien que les mandataires de justice soient parties à la procédure, les juges du fond ont violé les articles 6 et 145 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, loin de rechercher dans les faits évoqués par le moyen des éléments de preuve du dol, la cour d'appel a seulement déduit de ces faits que la société Euralair démontrait l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès sur le fond, la preuve dont pouvait dépendre la solution du litige ; qu'elle a, ainsi, fait l'exacte application des textes cités par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Air Liberté et British Airways reprochent enfin à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans le cadre de la procédure prévue à l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, la mesure d'instruction que sollicite le demandeur constitue l'objet même du litige ; qu'en l'espèce, dans la requête visant à l'obtention d'une autorisation d'assigner à jour fixe annexée à l'assignation et fixant irrévocablement les prétentions émises en cause d'appel, la société Euralair se bornait à solliciter, en dehors des demandes visant les comptes, qu'un expert recherche si, à la date du 23 février 1996, la société Air Liberté était ou non en mesure "de faire face à son passif exigible avec son actif disponible" (définition de l'état de cessation des paiements) ; qu'en ordonnant une expertise sur le point de savoir si, à la date du 23 février 1996, la société Air Liberté était ou non économiquement viable, les juges du second degré ont méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en ordonnant d'office une mesure d'instruction sur le point de savoir si, à la date du 23 février 1996, la société Air Liberté était ou non économiquement viable, sans rouvrir les débats pour permettre à la société Air Liberté et à la société British Airways de s'expliquer, et notamment pour mettre la société Air Liberté en mesure de faire valoir les moyens destinés à sauvegarder ses intérêts légitimes, les juges du second degré ont violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, saisie par les conclusions contenues dans la requête aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe, d'une demande d'expertise présentée par la société Euralair qui soutenait que, lors de la signature du traité d'apport, la situation de la société Air Liberté était définitivement obérée tandis que la réalité du chiffre d'affaires annoncé par cette dernière société, au titre de l'exercice 1995, constituait un élément déterminant de la conclusion du traité d'apport, la cour d'appel n'a violé aucun des textes cités par le moyen en donnant à l'expert désigné la mission de rechercher si, relativement aux éléments retenus pour fixer le chiffre d'affaires réalisé par la société Air Liberté, les comptes de l'exercice clôturé le 31 octobre 1995 étaient, ou non, affectés d'erreurs et si, en l'état des résultats financiers exacts de la société Air Liberté à la date du 23 février 1996, celle-ci était, ou non, économiquement viable ; que le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.