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Décisions

CA Bastia, ch. civ., 23 octobre 2013, n° 12/00617

BASTIA

Arrêt

Confirmation

CA Bastia n° 12/00617

23 octobre 2013

EXPOSE DU LITIGE


Par acte authentique du 29 février 1984, M. Pierre X...a vendu aux époux Jean et Marie-Jeanne Y..., née A..., ainsi qu'aux époux Edouard et Marie Z..., née Carlini, acquéreurs indivis dans la proportion de moitié pour chacun des couples, un immeuble à usage mixte (habitation et commercial) situé à l'Ile Rousse..., ainsi qu'un fonds de commerce de restaurant dénommé " ... ", exploité dans cet immeuble. Par acte sous seing privé du 1er janvier 2000, M. Y...et M. Z...ont donné en location-gérance à M. X..., le fonds de commerce ci-dessus désigné, pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction, puis il a été mis fin à cette location-gérance, à la date du 25 novembre 2010, par un acte de résiliation amiable. Contestant la validité du bail commercial du 1er janvier 2011 dont se prévaut M. X..., par acte d'huissier du 12 avril 2011, M. Y...et M. Z...ont assigné ce dernier devant le tribunal de grande instance de Bastia en vue de faire juger que ce bail était un faux, la signature y figurant n'étant pas celle de M. Y..., d'obtenir la nullité de cet acte comme n'étant pas signé de M. Z..., ainsi que le paiement de diverses sommes, au titre d'une indemnité d'occupation, de dommages et intérêts et de frais irrépétibles.


Par jugement contradictoire du 19 juin 2012, le tribunal a :

- débouté M. Y...et M. Z...de leur demande tendant à entendre déclarer faux, le bail commercial du 1er janvier 2011,

- déclaré nul le bail commercial du 1er janvier 2011,

- ordonné l'expulsion de M. X...ainsi que de tous occupants de son chef, dans un délai de trois mois suivant la signification du jugement et sous astreinte provisoire de cinquante euros par jour de retard passé le délai de trois mois, avec au besoin, le concours de la force publique,

- condamné M. X...à payer à M. Y...et M. Z...une indemnité d'occupation mensuelle de 1 200 euros à compter du 1er janvier 2011, la somme de 1 500 euros à titre de demande de dommages et intérêt, ainsi que celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. X...de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. X...aux dépens.


Par déclaration reçue le 25 juillet 2012, M. X...a interjeté appel de cette décision. Par ses conclusions déposées le 26 septembre 2012, l'appelant demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté MM. Y...et Z...de leur demande tendant à déclarer faux le bail commercial du 1er janvier 2011, de le réformer pour le surplus et statuant à nouveau de ces chefs, de débouter ces derniers de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions. A titre subsidiaire, si la juridiction estimait devoir prononcer la nullité du bail commercial, il sollicite la condamnation de M. Y...à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts. M. X...demande la condamnation in solidum de MM. Y...et Z...à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jean-François Mariani, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code. Par leurs conclusions déposées le 09 janvier 2013, MM. Y...et Z..., sur le fondement des articles 300 et suivants du code de procédure civile régissant le faux à titre principal, 815-3, 544 et 1382 du code civil, demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande tendant à déclarer nul le bail du 1er janvier 2011, statuant à nouveau de :

- dire et juger que la signature de M. Y...figurant sur le bail commercial litigieux est un faux,


En conséquence

-dire et juger ce document nul et de nul effet,

- en toute hypothèse, confirmer les autres dispositions du jugement déféré, sauf à augmenter le quantum de l'indemnité d'occupation et des dommages et intérêts alloués,

En conséquence,

- constater l'absence de signature du bail par M. Z...et la nullité subséquente dudit bail commercial,

Dans tous les cas,

- ordonner l'expulsion de M. X...ainsi que celle de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à dater de la signification de la décision à intervenir,

- condamner M. X...au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 3 500 euros à dater du 01 janvier 2011,

- condamner M. X...au paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- débouter M. X...de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

- condamner M. X...au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées et au jugement déféré. L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 mars 2013.


MOTIFS DE LA DECISION


Sur le faux


En première instance, M. Y...contestait avoir signé le bail commercial du 1er janvier 2011et soutenait que c'était un faux. Le tribunal a considéré que, d'une part, les documents versés aux débats par Y...ne démontraient pas que la signature portée sur le bail commercial était un faux dans la mesure où M. Y...ne produisait que la photocopie, parfois illisible, des pièces alors qu'une photocopie n'a elle-même aucune valeur juridique et que, d'autre part, ce dernier ne produisait aucun document d'état-civil de comparaison pour accréditer ses dires.


En cause d'appel, les intimés reprennent leurs moyens et arguments et affirment à nouveau, que le bail commercial dont il s'agit est un faux grossier qui ne saurait produire aucun effet. Ils précisent que M. X...refuse de produire l'original du bail litigieux, malgré plusieurs sommations d'avoir à communiquer ce document et produisent, outre les pièces versées aux débats devant le tribunal, une copie de la pièce d'identité de M. Y...et une signature en original de ce dernier sur papier libre, pour permettre d'effectuer utilement la comparaison avec la signature apposée sur la copie dudit bail commercial. M. X...conteste cette allégation de faux, il affirme que rien ne permet de dire que la signature figurant sur ledit bail n'est pas celle de M. Y...et fait état de ce qu'il n'a pas caché ce bail ni sa nouvelle activité aux intimés.


L'article 288 du code civil prévoir " il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture ". En l'espèce, la cour constate que, d'une part, en cause d'appel comme en première instance, l'appelant ne produit pas l'original du bail commercial litigieux et que, d'autre part, les intimés justifient avoir adressé, par l'intermédiaire de leur conseil, trois sommations de communiquer l'exemplaire original de ce bail, les 09 janvier 2012, 24 octobre 2012 et 05 novembre 2012. La vérification de signature s'effectuera donc, sans l'original de ce document et avec les éléments de comparaison versés devant la cour. Au vu de l'écriture de la mention " lu et approuvé " de la signature figurant sur le document original produit en cause d'appel par les intimés, et, au surplus, de la signature figurant sur les autres documents versés aux débats, à savoir : l'acte authentique de vente du 29 février 1984, l'acte de location-gérance du 1er janvier 2000, la carte du combattant et la carte nationale d'identité de M. Y..., la mention " lu et approuvé " et la signature au nom de ce dernier apposées sur le bail commercial litigieux n'émanent pas de M. Y...et sont, de toute évidence, une imitation de son écriture et de sa signature. Au surplus, d'une part, en application de l'article 1425 du code civil, le bail commercial litigieux devait être également consenti par les épouses des intimés, ces derniers étant mariés sous le régime de la communauté comme indiqué sur l'acte notarié de vente sus-visé et, d'autre part, en vertu de l'article 815-3 du même code, les locaux appartenant à une indivision ne pouvant faire l'objet d'un bail commercial sans le concours de tous les coindivisaires ou avec un mandat spécial donné à l'un d'eux, dès lors, l'appelant ne peut valablement se prévaloir de l'existence d'un mandat apparent donné par M. Z...à M. Y...pour signer ce bail.


En conséquence, la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Y...et M. Z...de leur demande tendant à entendre déclarer faux, le bail commercial du 1er janvier 2011 et, statuant à nouveau de ce chef, déclare que le bail commercial du 1er janvier 2011 est un faux et, dès lors, est nul et de nul effet et confirmera ladite décision pour le surplus. Sur la demande de dommages et intérêts sollicitée par l'appelant. La demande de dommages et intérêts formulée en cause d'appel par M. X...ne saurait valablement prospérer, au regard de la présente décision de la cour. En conséquence, cette demande sera rejetée, comme non fondée.


Sur la demande de dommages et intérêts sollicitée par les intimés. Au soutien de leur demande de dommages et intérêts, les intimés invoquent un préjudice subi du fait de la réalisation d'un faux et de son utilisation pour se faire consentir des droits locatifs de manière indue. Il n'est pas contestable que l'appelant, en établissant un faux contrat de bail commercial, a manqué de loyauté et d'honnêteté à l'égard des intimés et leur a, ainsi, causé un préjudice.


A défaut de précision et d'élément nouveau à ce sujet et au regard du montant de l'indemnité d'occupation mise à la charge de l'appelant à compter du 1er janvier 2011, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X...à payer à M. Y...et M. Z...la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêt. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. L'équité commande de condamner l'appelant à payer aux intimés la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'appelant, succombant en son recours, supportera les dépens d'appel.


PAR CES MOTIFS,

LA COUR :


Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. Jean Y...et M. Edouard Z...de leur demande tendant à entendre déclarer faux, le bail commercial du 1er janvier 2011.