Livv
Décisions

Cass. com., 5 mai 2021, n° 19-23.575

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

BTSG2 (ès qual.), Mona Lisa Holding (Sté), Mona Lisa hôtels et résidences (Sté), Assinie (Sté), Hôtelière de la Valette (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Barbot

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

Me Bertrand, SCP Ortscheidt

Paris, du 12 sept. 2019

12 septembre 2019

Faits et procédure

1°) Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2019), la société Mona Lisa Holding était la société mère d'un groupe dont les activités étaient réparties entre un pôle promotion et un pôle exploitation.

2°) Le 2 mars 2009, les sociétés appartenant au pôle exploitation, parmi lesquelles les sociétés Mona Lisa hôtels et résidences (la société ML hôtels et résidences), Sol e Mar et Aurelia Maussane, ont été mises en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 28 janvier 2010, la société BTSG2 étant désignée liquidateur.

3°) Le 28 janvier 2013, le liquidateur a assigné, notamment, MM. [Q] et [J], en leur qualité de dirigeants de droit, en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, troisième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé

4°) En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui ne n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5°) M. [Q] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au liquidateur les sommes de 1 000 000 d'euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société ML hôtels et résidences, 100 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Sol e Mar, et 100 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Aurelia Maussane, alors « que le directeur général délégué, dont les pouvoirs, leur étendue et leur durée sont déterminés par le conseil d'administration, en accord avec le directeur général, exerce une fonction d'auxiliaire de ce dernier auquel il est subordonné et n'a donc pas qualité de dirigeant de droit ; qu'en considérant que M. [Q] aurait eu qualité de dirigeant de droit de la société Mona Lisa hôtels et résidences, après avoir constaté qu'il n'avait que la qualité de directeur général délégué, de sorte qu'il était l'auxiliaire subordonné du directeur général, la cour d'appel a violé les articles L. 225-53 et L. 225-56 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6°) Contrairement à ce que postule le moyen, il résulte des articles L. 225-53 et L. 225-56, II, du code de commerce que le directeur général délégué d'une société anonyme, qui est chargé d'assister le directeur général et dispose de pouvoirs dont l'étendue est déterminé par le conseil d'administration, a la qualité de dirigeant de droit au sens de l'article L. 651-2 du même code, de sorte qu'il engage sa responsabilité pour les fautes de gestion commises dans l'exercice des pouvoirs qui lui ont été délégués.

7°) Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'il concerne la société ML hôtels et résidences

Enoncé du moyen

8°) M. [Q] fait le même grief à l'arrêt, alors « que méconnaît son obligation de motivation le juge qui se détermine par le seul visa des documents de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'en se contentant d'affirmer qu'il "résulterait des pièces du dossier" que M. [Q] aurait été dirigeant de droit, sans pour autant préciser sur quelles pièces elle fondait cette appréciation, ni les analyser, même sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9°) M. [Q] ayant lui-même reconnu, dans ses conclusions devant la cour d'appel, qu'il avait été désigné en qualité de directeur général délégué de la société ML hôtels et résidences, il n'est pas recevable à présenter, devant la Cour de cassation, un moyen contraire avec cette position, en qu'il sous-entend que la preuve de sa qualité de dirigeant de cette société n'était pas rapportée.

10°) Le moyen est donc irrecevable.

Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'il concerne les sociétés Sol e Mar et Aurelia Maussane

Enoncé du moyen

11°) M. [Q] fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que méconnaît son obligation de motivation le juge qui se détermine par le seul visa des documents de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'en se contentant d'affirmer qu'il "résulterait des pièces du dossier" que M. [Q] aurait été dirigeant de droit, sans pour autant préciser sur quelles pièces elle fondait cette appréciation, ni les analyser, même sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

12°) Il résulte de ce texte que les juges du fond, qui disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation quant à la valeur et la portée des éléments qui leur sont soumis et qui ne sont pas tenus de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'ils décident d'écarter, doivent procéder à une analyse, même sommaire, des pièces sur lesquelles ils fondent leur décision.

13°) Pour condamner M. [Q] à supporter l'insuffisance d'actif des sociétés Sol e Mar et Aurelia Maussane, l'arrêt retient qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. [Q] était cogérant, avec M. [J], de la société Sol e Mar à compter de sa constitution, intervenue le « quatre 2006 », jusqu'au jour de la liquidation judiciaire, et de la société Aurelia Maussane à compter de sa constitution, le 20 septembre 2006, jusqu'au jour du prononcé de la liquidation judiciaire.

14°) En statuant ainsi, par voie de simple affirmation, sans analyser, même sommairement, les pièces communiquées par le liquidateur à l'appui de ses assertions quant à la qualité de cogérant de M. [Q] au sein des sociétés Sol e Mar et Aurelia Maussane, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

15°) M. [Q] fait enfin le même grief à l'arrêt, alors « qu'en condamnant M. [Q] à payer à la société BTSG ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Aurelia Maussane la somme de 100 000 euros, sans constater aucun passif, partant aucune insuffisance d'actif concernant cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

16°) La condamnation d'un dirigeant sur le fondement du texte susvisé est subordonnée à l'existence d'une insuffisance d'actif certaine, laquelle détermine le montant maximal de la condamnation susceptible d'être prononcée.

17°) Pour condamner M. [Q] à payer au liquidateur de la société Aurelia Maussane la somme de 100 000 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, l'arrêt se borne à relever l'existence de fautes de gestion et la qualité de dirigeant de M. [Q] au sein de cette société.

18°) En statuant ainsi, sans préciser, au jour où elle statuait, le montant de l'insuffisance d'actif constatée dans la procédure collective de la société Aurelia Maussane, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [Q] à payer à la société BTSG2, en qualité de liquidateur des sociétés Mona Lisa Holding, Mona Lisa hôtels et résidences, Assinie, société d'exploitation du golf et de l'hôtel de Mignaloux Beauvoir, société Hôtelière de la Valette, JD, Sol e Mar, Manoir de Beauvoir et Aurelia Maussane, les sommes de 100 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Sol e Mar et 100 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Aurelia Maussane, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.