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Décisions

Cass. com., 31 janvier 2006, n° 04-15.315

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Cohen-Branche

Avocat général :

M. Main

Avocats :

SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Aix-en-Provence, du 11 févr. 2004

11 février 2004

Donne acte à la société Etablissements Beauvois du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre de M. X... pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société industrielle de développement technique (la SIDT) ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2004), que la société Etablissements Beauvois (le bénéficiaire) a remis le 27 avril 2001 à la Société marseillaise de crédit (la banque) deux chèques datés du 24 avril 2001 tirés par la SIDT, qui ont été portés au crédit de son compte et présentés à l'encaissement ; que, le même jour, le 27 avril 2001, le tireur des chèques litigieux a été mis en liquidation judiciaire ; que les chèques ont été retournés impayés pour ce motif, puis contre-passés le 3 mai suivant par la banque au débit du compte du bénéficiaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le bénéficiaire fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la banque à lui verser la somme de 105 584,75 francs correspondant au montant des deux chèques contre-passés après leur inscription au compte courant, alors, selon le pourvoi :

1°) qu'il appartient à la partie qui conteste la date d'émission d'un chèque de l'établir ; qu'en mettant dès lors à la charge du bénéficiaire des chèques litigieux datés du "24 juin 2001", la preuve qu'ils auraient été émis à cette date précise et non à la date de leur encaissement le "27 juin 2001", pour justifier la décision de la banque de refuser leur règlement, motif pris que la SIDT aurait été mise en liquidation judiciaire le "27 juin 2001", la cour d'appel a renversé le fardeau de la preuve de la date d'émission de ces effets de commerce qui pesait sur la banque demanderesse à leur nullité pour paiement postérieur au jugement d'ouverture et, ce faisant, violé l'article 1315 du Code civil ;

2°) que le transfert de la provision est réalisé par l'émission du chèque consistant à la fois en sa création et en sa mise en circulation, émission qui réalise le dessaisissement du tireur au profit du bénéficiaire acquérant immédiatement la propriété de cette provision, que pour approuver la banque qui avait refusé de procéder au règlement de deux chèques datés du "24 juin 2001" et remis à l'encaissement le "27 juin 2001", jour du jugement d'ouverture de la liquidation des biens de la SIDT, la cour d'appel a considéré que la date exacte d'émission de ces chèques n'était pas prouvée par le bénéficiaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher et constater à quelle date ce chèque aurait été réellement émis selon elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 131-31 et L. 131-70 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé à bon droit que la date d'émission d'un chèque ne peut être présumée être celle de sa création, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu que le bénéficiaire ne versait aucune pièce, telle des factures acquittées, susceptible d'établir que le tireur s'était dessaisi à son profit des chèques litigieux avant le 27 avril 2001, jour du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective du tireur ;

Et attendu, d'autre part, que la date d'émission d'un chèque étant un fait qui peut être établi par tout moyen, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a fixé cette date, en l'absence de tout autre élément, à celle de la remise des chèques litigieux à l'encaissement ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le bénéficiaire des chèques fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes de réparation à l'encontre de la banque pour contre-passation abusive d'une écriture, alors, selon le moyen, que la banque qui contre-passe une écriture sans autorisation de sa cliente ou demande de l'organe de la procédure collective en cas de paiement effectué par la société tireur après le jugement d'ouverture de la procédure collective engage sa responsabilité ; qu'en retenant dès lors que la banque, après avoir encaissé les chèques litigieux, avait pu contre-passer l'écriture sans autorisation du juge commissaire et sans engager sa responsabilité à l'égard du bénéficiaire, sur sa seule conviction que le chèque devait être nul pour avoir été émis par la société le jour même de sa mise en liquidation judiciaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations et a violé les articles L. 621-24 du Code de commerce et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la banque avait encaissé les chèques, mais a relevé que celle-ci, en les portant au crédit du compte de son client, n'en avait fait que l'avance sous réserve de leur encaissement, et a retenu que leur bénéficiaire, faute de preuve de l'émission des titres antérieurement à la procédure collective, n'avait acquis aucun droit sur leur provision a, à bon droit, jugé que la mise en oeuvre de la contre-passation des chèques litigieux n'était pas subordonnée à l'autorisation du juge-commissaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.