Livv
Décisions

Cass. com., 12 janvier 2010, n° 08-20.241

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Gérard

Avocat général :

M. Bonnet

Avocats :

SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Gaschignard, SCP Vincent et Ohl

Bourges, du 17 juill. 2008

17 juillet 2008

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la BNP Paribas que sur le pourvoi incident relevé par la Selarl Aurélie X..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Y... ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable, et le premier moyen du pourvoi incident, pris chacun en leur première branche, réunis :

Vu l'article L. 131-31 du code monétaire et financier ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'un chèque est émis et sa provision transférée dès que le tireur s'en est dessaisi au profit du bénéficiaire, toute mention contraire étant réputée non écrite ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Y..., ayant connu des difficultés de trésorerie, a convenu avec la société Gaz de France, aux droits de laquelle vient la société GDF-Suez, de procéder à un règlement échelonné des sommes dues ; que, conformément à cet accord, la société Y... a adressé, le 30 septembre 2005, quatre chèques, dont le dernier, établi pour un montant de 35 000 euros, portait la date du 30 décembre 2005 ; que ce dernier chèque a été rejeté par le banquier tiré, la BNP-Paribas (la banque), au motif que le compte était indisponible à la suite du redressement judiciaire de la société Y..., prononcé le 4 janvier 2006 ; que n'ayant pu obtenir le règlement amiable de ce chèque, la société Gaz de France a assigné la banque et la Selarl Aurélie X..., liquidateur judiciaire de la société Y... (le liquidateur), le redressement ayant été converti en liquidation judiciaire ;

Attendu que pour dire que le chèque de 35 000 euros a été émis par la société Y... au profit de la société Gaz de France à la date du 30 décembre 2005, antérieurement à l'ouverture collective, l'arrêt, après avoir constaté que les chèques ont été adressés par la société Y... le 30 septembre 2005, relève que les parties se sont accordées pour que la créance de la société Gaz de France fasse l'objet de chèques dont la provision serait transférée de façon échelonnée à cette dernière société ; qu'après avoir énoncé que l'émission d'un chèque est un fait qui peut être établi par tout moyen et qu'un chèque est émis au moment où le tireur s'en dessaisit au profit du bénéficiaire, l'arrêt retient que l'émission des chèques en cause opérant transfert de la provision s'est donc réalisée à la date portée sur chacun d'eux, date à laquelle le tireur a entendu s'en dessaisir pour sa présentation à l'encaissement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles L. 131-31 du code monétaire et financier et L. 622-7 du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la provision d'un chèque émis par un tireur avant d'être mis en redressement judiciaire n'est transférée au profit du bénéficiaire qu'autant qu'elle ait existé au jour du jugement d'ouverture ;

Attendu que pour condamner in solidum la banque et le liquidateur ès qualités au paiement de la somme de 33 621, 25 euros, outre intérêts au taux légal, l'arrêt, après avoir relevé que le transfert de la provision concernant le dernier chèque est intervenu le 30 décembre 2005, avant le jugement du 4 janvier 2006 prononçant le redressement judiciaire, et en avoir déduit que, sauf à prouver le défaut de provision à la date du 30 décembre 2005, la somme mentionnée sur le chèque est due par la société Y... à la société Gaz de France, retient que le relevé du compte de la société Y... ouvert dans les livres de la banque du 30 novembre au 31 décembre 2005 fait apparaître un solde créditeur de 33 621, 25 euros à cette dernière date ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que le chèque litigieux avait été émis avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.