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Décisions

Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-21.479

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Arbellot

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocat :

SCP Odent et Poulet

Chambéry, du 21 mai 2013

21 mai 2013

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 mai 2013), que, par acte notarié du 29 octobre 2009, la société Bailly a donné en location-gérance un fonds de commerce à M. X...; que, le 1er juillet 2010, celui-ci a été mis en liquidation judiciaire ; que, se prévalant d'une altération de ses facultés mentales lors de la conclusion du contrat, M. X...a assigné la société Bailly en annulation de ce contrat pour insanité d'esprit et en répétition des loyers versés ;

Attendu que la société Bailly fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat alors, selon le moyen :

1°/ que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens ; que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; que si l'action en nullité d'un contrat pour insanité d'esprit n'appartient, de son vivant, qu'à l'intéressé, cela ne signifie nullement qu'elle constitue une action strictement attachée à la personne qui échappe au dessaisissement lorsque le débiteur est en liquidation judiciaire ; qu'en jugeant que l'action en nullité exercée par M. X...est une action personnelle qui demeurait recevable malgré la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son égard, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 641-9 du code de commerce et 414-2 du code civil ;

2°/ que l'annulation d'un contrat pour insanité d'esprit nécessite que la partie qui la requiert prouve qu'elle a été victime d'un trouble mental au moment où elle l'a souscrit ; que le trouble doit être suffisamment grave pour supprimer la faculté de discernement ; que la cour d'appel a relevé qu'il ressort du certificat établi le 29 juin 2010 par le docteur Y...que M. X...a fait « l'objet d'un suivi spécialisé depuis 2008, plusieurs hospitalisations ayant eu lieu, d'abord dans une unité à temps plein du 24 octobre au 13 novembre 2008, puis en hôpital de jour du 13 novembre 2008 au 7 juillet 2009, les soins s'étant ensuite poursuivis en ambulatoire » ; « que dans le cadre de son évolution psychopathologique et de son trouble bipolaire, M. X...a vécu une nouvelle décompensation dans le courant de l'automne 2009... où il se trouvait dans une phase haute de sa maladie bipolaire soit dans un état hypomaniaque caractérisé par une absence critique des comportements » ; que « cette absence pathologique de discernement lors de la signature de l'acte de location gérance du 29 octobre 2009 est confirmée par le caractère manifestement disproportionné de la redevance mensuelle » ; qu'en statuant ainsi par des motifs insuffisants à établir que M. X...aurait été victime d'un trouble mental au moment de l'acte suffisamment grave pour altérer son consentement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 414-1 du code civil ;

3°/ que la société Bailly faisait valoir dans ses conclusions que M. X...n'était pas sous l'emprise d'un trouble mental au moment de la signature de l'acte de location-gérance, affirmant notamment que l'acte ayant une forme notariée, M. X...était doté d'un conseil, conseil qui avait remis à M. X...une « reconnaissance de conseils » que celui-ci a lui-même versée aux débats ; que la mère de M. X...est intervenue à l'acte pour consentir à l'affectation hypothécaire d'un bien lui appartenant ; qu'en retenant que M. X...souffrait d'une « absence pathologique de discernement lors de la signature de l'acte de location gérance du 29 octobre 2009 » sans s'expliquer sur ces éléments tendant à démontrer que les facultés de M. X...n'étaient pas atteintes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la société Bailly faisait valoir dans ses conclusions que la baisse du chiffre d'affaires entre 2007 et 2009 résultait du fait que l'ancien gérant n'avait pu consacrer un temps suffisant à l'exploitation du fonds mais qu'une meilleure maîtrise des charges avait permis de dégager un résultat d'exploitation en constante progression, d'où un résultat de l'exercice en constante augmentation (993, 58 euros en 2007, 1 243, 11 euros en 2008 et 28 020, 93 euros en 2009 et que M. X...avait versé aux débats une reconnaissance de conseils dans laquelle il reconnaissait que son attention avait été attirée sur le loyer du au titre de la location-gérance ; qu'en jugeant que l'absence de discernement lors de la signature de l'acte était confirmée par le caractère manifestement disproportionné de la redevance mensuelle de 10 042 euros HT les trois premiers mois puis de 12 542 euros HT à partir du quatrième, alors que les résultats annuels des quatre derniers exercices étaient respectivement de 1 243, 11 euros (2008), 993, 58 euros (2007), 1 541, 02 euros (2006) et 1 350, 94 euros (2005) » sans s'expliquer sur ces éléments, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir énoncé qu'aux termes de l'article 414-2 du code civil, l'action en nullité fondée sur l'insanité d'esprit n'appartient de son vivant qu'à l'intéressé, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action exercée par M. X..., étant exclusivement attachée à sa personne, était recevable en dépit de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son égard ;

Et attendu, en second lieu, que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de défaut de réponse à conclusions, le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain de la cour d'appel qui, n'étant pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle avait décidé d'écarter, a estimé que la preuve de l'insanité d'esprit de M. X...au moment de l'acte avait été rapportée ;

D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.