Cass. com., 14 mai 1996, n° 94-15.919
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Le Dauphin
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Mme Thomas-Raquin, Me Cossa
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 avril 1994), que la société Dupeguy ayant assigné la société des Montres Rolex (société Rolex) en paiement du prix de fournitures de marchandises, la société Rolex lui a opposé la compensation entre cette dette et sa créance née du paiement de deux lettres de change falsifiées, déclarée et admise au passif du redressement judiciaire de la société Dupeguy ;
Attendu que la société Rolex fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Dupeguy, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la compensation légale opère de plein droit entre des créances certaines, liquides et exigibles ; que la cour d'appel ayant constaté elle-même qu'avant même l'ouverture du redressement judiciaire le président-directeur général de la société Dupeguy avait reconnu devoir restitution de la somme de 306 080 francs indûment perçus, ce dont il découlait que la dette était certaine, liquide et exigible et par conséquent que la créance réciproque de la société Dupeguy se trouvait éteinte de plein droit, la cour d'appel ne pouvait méconnaître le jeu de cette compensation sans violer les articles 1289 et 1290 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en écartant la compensation fondée sur la connexité par un motif niant l'existence de cette connexité, cependant que la société Dupeguy se bornait à poursuivre la confirmation du jugement non fondé sur ce motif, sans provoquer les observations préalables des parties sur ce moyen qu'elle entendait ainsi relever d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que sont connexes, et par conséquent compensables en dépit d'un jugement de redressement judiciaire, des créances issues d'une même convention ou d'un même ensemble de conventions ; que tel est le cas lorsque, dans l'exécution d'une suite de travaux, certains paiements ont été effectués de façon indue, la créance de répétition de l'indu procédant de la même relation contractuelle que la dette de fournitures ; qu'il importe peu que le paiement indu ait trouvé sa source dans une manoeuvre constitutive d'escroquerie ; qu'en niant, pour cette seule raison inopérante, la connexité des obligations réciproques permettant leur compensation la cour d'appel a violé les articles 1289 du Code civil et 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, d'une part, que, loin de se prévaloir du jeu de la compensation légale, la société Rolex a soutenu qu'il existait un lien de connexité entre sa propre créance, née avant l'ouverture du redressement judiciaire de la société Dupeguy, et la créance de cette dernière, " née après le jugement de redressement judiciaire " ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de la réponse à la première branche que la cour d'appel n'a pas méconnu le principe de la contradiction en se prononçant comme elle a fait ;
Attendu, enfin, que l'arrêt relève que la société Rolex expose elle-même que sa créance sur la société Dupeguy procède d'une escroquerie et que les sommes réglées à cette société ne correspondaient à aucune commande et à aucune livraison ; qu'en l'état de ces constatations, faisant apparaître que ladite créance était dépourvue de fondement contractuel, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il n'existait pas de lien de connexité entre les obligations en cause ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, comme nouveau et mélangé de droit et de fait, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.