Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12-27.044
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Odent et Poulet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 2012), que la société ITS Fabry (la société ITS), qui avait conclu avec la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour), le 20 janvier 2009, une convention dite de partenariat, a revendu à cette dernière, après avoir réalisé certaines prestations, des marchandises acquises auprès de la société Carrefour import ; que la société ITS, qui avait été mise en redressement judiciaire par jugement du 13 décembre 2010, a fait assigner la société Carrefour en paiement du montant de certaines factures ; que la société Carrefour, cessionnaire, en vertu d'un acte du 31 mai 2011, d'une partie de la créance déclarée par la société Carrefour import au passif du redressement judiciaire de la société ITS au titre de ses ventes à cette dernière, lui a opposé la compensation entre cette créance et celle de la société ITS ;
Attendu que la société Carrefour fait grief à l'arrêt de la condamner à payer la somme de 1 910 632,59 euros à la société ITS, alors, selon le moyen :
1°) qu'à défaut de tirer les conséquences légales de ses propres constatations sur l'existence d'une clause de compensation conventionnelle dans la convention de partenariat du 20 janvier 2009, d'où il résultait que la compensation par la société Carrefour était valablement opérée sur la base de cette convention, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil ;
2°) que l'existence de deux conventions distinctes entre trois parties différentes n'exclut pas qu'elles s'inscrivent dans un ensemble contractuel unique ; qu'en écartant l'existence d'une « opération globale unique », au motif inopérant que des « relations triangulaires » mais « parallèles » auraient existé entre les parties et qu'une clause de compensation conventionnelle n'aurait été stipulée qu'en faveur de Carrefour, cependant que l'existence de deux conventions distinctes entre trois parties différentes n'excluait pas un ensemble contractuel unique, dès lors que la société ITS revendait exclusivement à la société Carrefour des marchandises acquises exclusivement auprès de la société Carrefour import et ayant effectué des prestations logistiques et de conditionnement dans l'intérêt des deux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 2189, 1290 et 1291 du code civil ;
3°) qu'en s'étant fondée sur la circonstance inopérante que la société Carrefour aurait elle-même demandé le rejet de factures de la société ITS émises à l'ordre d'autres entités du groupe Carrefour, quand ces autres entités n'étaient principalement pas la société Carrefour import mais d'autres personnes morales du groupe (Carrefour France, Carrefour Magencel et Logidis) et que l'intimée n'avait présenté cette demande que subsidiairement, sur le quantum de la créance dont l'appelante se prévalait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil ;
4°) qu'à défaut de répondre aux conclusions de la société Carrefour faisant valoir que la société ITS lui avait elle-même réclamé le paiement de factures libellées à l'ordre de la société Carrefour import, ce dont il résultait qu'elle considérait elle-même qu'un ensemble contractuel unique les avait liées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) qu'en ayant reproché à la cour d'avoir considéré que la compensation opérée par la société Carrefour ne l'avait été que dans le but avoué de faire échec à la règle de l'égalité des créanciers, quand elle avait expliqué qu'elle n'y avait eu recours que pour éviter de régler des marchandises que la société ITS avait revendues, sans les avoir jamais payées, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134, 1289, 1290 et 1291 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société Carrefour ayant fait valoir non que la compensation s'était opérée en exécution de la convention du 20 janvier 2009 mais qu'il y avait lieu de constater que les créances réciproques existant entre elle et la société ITS à la suite de la cession de créance du 31 mai 2011 procédaient d'un ensemble économique global, invoquant ainsi le bénéfice de la compensation judiciaire des créances connexes, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel s'est prononcée comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé, sans encourir le grief de la cinquième branche, que la reconnaissance d'une « opération économique globale » permettrait à la société Carrefour, par le jeu d'une cession de créance, de créer la connexité nécessaire à la compensation sollicitée dans le seul but avoué de faire échec au principe de l'égalité entre les créanciers d'une société en procédure collective, faisant ainsi ressortir que la cession à la société Carrefour d'une partie de la créance de la société Carrefour import avait été accomplie à seule fin de satisfaire à l'exigence de réciprocité requise pour la mise en oeuvre de la compensation, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la quatrième branche, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.