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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ., 6 mai 2021, n° 19/03310

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

GVG Sport (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruyère

Conseillers :

Mme Léger, Mme Sanjuan Puchol

Avocats :

Me Vajou, Me Carel, Me Silem

TGI Carpentras, du 11 juill. 2019

11 juillet 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

M. X, domicilié à Cairanne, a été, de 1995 à 2007, salarié en qualité de technico commercial de la Sas GVG Sport, fabriquant notamment des articles de sport, filiale du groupe de la société JBV.

En 2008, il a été nommé gérant de la société Concept Foam 04, autre filiale de la société JBV.

Inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité d'intermédiaire de commerce en produits divers à partir de 2008, à compter du 1er février 2010, M. X a successivement signé des contrats d'agent commercial avec la Sas GVG Sport, division E (divers Industrie), dans le sud de la France, jusqu'à l'année 2016 incluse.

Les parties ne se sont pas entendues pour conclure un nouveau contrat couvrant l'année 2017.

Néanmoins, la précédente convention étant à durée indéterminée, les relations se sont poursuivies sur cette base.

Le 29 décembre 2017, M. X a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Carpentras pour obtenir les commissions lui revenant, impayées à hauteur de 58 607,46 euros.

Par ordonnance du 28 février 2018, le magistrat ainsi saisi a constaté le versement de la somme de 43 999,28 euros le 23 janvier 2018 et a dit qu'il y avait contestation sérieuse pour le surplus.

Par acte délivré le 26 mars 2018, M. X a assigné devant le tribunal de grande instance de Carpentras la Sas GVG Sport pour obtenir que soit prononcée la résolution de son contrat d'agent commercial à la date du 1er décembre 2017 à l'initiative du mandant et que celui-ci soit condamné à lui verser diverses sommes correspondant au montant des factures impayées, au paiement d'une indemnité de résiliation et au paiement d'une somme au titre du droit de suite sur les affaires traitées à titre de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Carpentras a :

- condamné la Sas GVG Sport à payer à M. X la somme de 58 607,46 euros pour solde de ses commissions d'agent commercial, les parties s'accordant sur le constat que la somme de 56863,10 euros ;

- rappelé que cette condamnation se confond et ne se cumule avec celle prononcée par le juge des référés par ordonnance du 28 février 2018 à hauteur de la somme de 43 999,28 euros dans le litige opposant les mêmes parties ;

- prononcé la résolution du contrat d'agent commercial liant les parties aux torts de la Sas GVG Sport ;

- condamné la Sas GVG Sport à payer à M. X la somme de 225 000 euros au titre de l'indemnité instituée par l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

- condamné la Sas GVG Sport aux dépens de l'instance ;

- condamné la Sas GVG Sport à payer à M. X la somme de 3 000 euros au titre de l'indemnité instituée par l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

La Sas GVG Sport a interjeté appel de cette décision par déclaration du 8 août 2019.

Dans le dernier état de ses écritures notifiées par voie électronique le 29 janvier 2021 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de dire son appel recevable et bien fondé, d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- dire que la juridiction compétente est le Tribunal judiciaire de Rouen,

- Par conséquent, renvoyer devant la Cour d'Appel de Rouen,

Dans l'hypothèse où la Cour retiendrait sa compétence,

- constater les fautes graves commises par M. X,

- débouter M. X de l'intégralité de ses demandes,

Subsidiairement,

- réduire le montant de l'indemnité de rupture à 50 000 euros,

Plus subsidiairement,

- dire que le montant de l'indemnité de rupture ne pourra excéder les 225 000 euros retenus par le Tribunal,

- débouter M. X de toutes autres demandes, plus amples ou contraires ou de tout appel incident,

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait l'existence d'un droit de suite,

- limiter ce dernier à la somme de 29 343,83 euros,

Reconventionnellement,

- condamner M. X à lui payer la somme de 129 040 euros à titre de dommages et intérêts,

- au besoin effectuer une compensation entre les sommes qui seraient respectivement dues entre les parties,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X de sa demande relative au droit de suite,

En tout état de cause,

- débouter M. X de toutes autres demandes, plus amples ou contraires ou de son appel incident,

- condamner M. X à lui payer la somme de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, ainsi que 8 000 euros au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient essentiellement que :

- le Tribunal du domicile du défendeur, en l'espèce le tribunal judiciaire de Rouen, est seul compétent en application des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile au regard de la nature des quatre prétentions réclamées par M. X qui ne concernent pas pour trois d'entre elles l'exécution de la convention d'agent commercial mais la fin du contrat de sorte que le recours à l'article 46 alinéa 2 du code de procédure civile retenu par le premier juge pour retenir sa compétence n'est pas justifié ;

- le non-paiement très partiel des factures de commissions de M. X ne peut justifier à lui seul la résolution du contrat d'agent commercial aux torts de la Sas GVG Sport et les griefs retenus par le premier juge afférents à l'organisation de cette dernière ne sont pas fondés ;

- M. X a commis des fautes graves justifiant qu'il soit privé de son droit à indemnité en application des dispositions de l'article L134-13 du code de commerce au regard du manquement au devoir de loyauté impliquant à la fois un devoir d'information et une obligation de non-concurrence ;

- les fautes sont caractérisées par l'absence de visites, le non-respect des stipulations contractuelles de la convention, la gestion et l'exploitation du site internet gvg-industrie.com sur lequel il a usurpé les droits sur le nom de domaine et qu'il a mis en maintenance à partir du mois de novembre 2017 alors qu'il allait prendre acte de la rupture de son contrat d'agent commercial ainsi que le dépôt de la marque « La halle aux mousses » le 18 octobre 2017 ;

- subsidiairement, le montant de l'indemnité de résiliation devra être réduit et la demande afférente au droit de suite devra être rejetée et ne saurait en tout état de cause être supérieure à la somme de 29 343,83 euros correspondant au montant des commissions dues sur une période de trois mois ;

- le préjudice subi imputable au manquement à l'obligation de loyauté devra être réparé.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2021 auxquelles il sera également renvoyé, l'intimé demande à la cour de :

- rejeter toutes les demandes de la Sas GVG Sport ;

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fixé l'indemnité instituée par l'article L134-12 du Code de commerce à la somme de 225 000 euros et rejeté les demandes de dommages-intérêts au titre du droit de suite ;

- infirmer le jugement sur ce point,

En conséquence,

- condamner la Sas GVG Sport à lui verser une indemnité de résiliation de 312 526,70 euros HT, et subsidiairement à verser la somme de 234 604 euros ;

- condamner la Sas GVG Sport à lui verser au regard du droit de suite dont il bénéficie sur les affaires qu'il a traité à verser la somme de 547 398,83 euros HT à titre de dommages intérêts et subsidiairement à verser la somme de 352 126,05 euros ;

- condamner la Sas GVG Sport à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter toutes les demandes de la Sas GVG Sport

- la condamner aux entiers dépens.

Il conclut en réponse que :

- ses prétentions ont trait à l'exécution de la convention et l'agent commercial est un prestataire de service de vente qui s'exécute au lieu où il centralise ses activités pour le compte du mandant, soit à son domicile professionnel correspondant à son domicile situé à Cairanne et l'exception d'incompétence doit donc être rejetée ;

- le fait de ne pas payer des commissions à l'agent commercial justifie à lui seul la résolution du contrat d'agent commercial aux torts de la société et le contrat prévoyait une commission sur le chiffre d'affaires et non sur les encaissements ;

- la Sas GVG Sport n'a pas mis l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat ;

- il a parfaitement rempli ses obligations et n'a commis aucune faute.

Par ordonnance du 9 octobre 2020, la procédure a été clôturée le 2 février 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du 16 février 2021 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 8 avril 2021 prorogé au 6 mai 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exception d'incompétence :

Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les exceptions de procédure. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou ne soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

En l'espèce, le tribunal avait invité les parties à présenter leurs observations sur l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée relevant de la compétence exclusive du juge de la mise en état.

En l'absence d'observation présentée par les parties, le premier juge a retenu sa compétence sur le fondement des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile aux motifs que les demandes présentées par M. X ne tendaient pas seulement à l'obtention d'une indemnité de fin de contrat mais relevaient de l'exécution de la convention d'agent commercial et ouvraient ainsi au demandeur l'option de compétence applicable en matière contractuelle concernant la juridiction du lieu de l'exécution de la convention.

L'appelante soulève l'exception d'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Carpentras et sollicite le renvoi devant la cour d'appel de Rouen sur le fondement des dispositions de l'article 90 du code de procédure civile au regard du lieu du siège social de la société GVG Sport et se prévaut de la compétence exclusive de la juridiction du lieu du domicile du défendeur en application de l'article 42 du code de procédure civile au regard de la nature de la demande afférente à l'obtention d'une indemnité de fin de contrat d'agent commercial ne relevant pas de l'exécution de la convention.

L'exception d'incompétence n'ayant pas été soulevée devant le juge de la mise en état ayant compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure, le premier juge, qui a pourtant relevé cette règle, n'a pas tiré les conséquences de cette dernière en ayant motivé sa décision sur le fondement des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile alors que l'exception d'incompétence soulevée devant le tribunal était irrecevable.

La décision sera donc infirmée sur ce point et l'exception d'incompétence territoriale sera déclarée irrecevable.

Sur la rupture du contrat :

Le tribunal a prononcé la résolution du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société GVG Sport aux motifs de l'absence de paiement des commissions dans les délais en utilisant des arguments fallacieux pour s'y opposer et a également retenu que le mandant avait unilatéralement porté des clients sur d'autres divisions que celles de M. X, signe d'une organisation insuffisante préjudiciable aux agents commerciaux.

L'appelante se prévaut d'un usage dans l'entreprise selon lequel les commissions étaient réglées à l'agent commercial après règlement des factures dues par le client et précise qu'au jour de la délivrance de l'assignation, il ne restait dû que la somme de 1 744,36 euros et considère que le non-paiement très partiel des factures de commission ne pouvait justifier à lui seul la résolution du contrat aux torts de la société.

Elle conteste les griefs retenus à son encontre par le premier juge et se prévaut de règles de répartition et d'attribution de la clientèle très claires dont M. X n'a précisément pas tenu compte dans la prospection de ses clients.

M. X soutient de son côté que le mandant a provoqué la rupture du contrat d'agent commercial en procédant au détournement de clients sur d'autres filiales et argue de l'absence de clarté des critères de répartition, la note de juin 2016 étant de surcroît postérieure aux démarchages des clients reprochés par la société.

Aux termes des stipulations contractuelles du contrat d'agent commercial, l'agent commercial devait percevoir une rémunération de 5% sur le chiffre d'affaires HT, la rémunération étant payée mensuellement sur factures présentées par l'agent.

La société mandante est ainsi mal fondée à arguer d'un usage dont il n'était nullement fait mention dans le contrat tendant à retarder le paiement des commissions à la date d'encaissement des factures par la société alors que la société s'était engagée à régler les commissions d'agent commercial mensuellement sur simple présentation des factures.

Il est établi que les factures litigieuses suivantes :

- du 31 août 2017 d'un montant de 19 450,14 euros

- du 30 septembre 2017 d'un montant de 14 575,62 euros

- du 31 octobre 2017 d'un montant de 11 708,88 euros

N'ont été réglées que le 23 janvier 2018 soit avec cinq mois de retard pour la plus ancienne et trois mois de retard pour la plus récente et que la facture du 30 novembre 2017 d'un montant de 12 872,82 euros a été réglée le 27 mars 2018 soit avec un retard de quatre mois.

Il est également avéré que ces règlements sont intervenus postérieurement à la délivrance de l'assignation devant le juge des référés le 29 décembre 2017 et que la facture du 30 novembre 2017 a été réglée postérieurement à la délivrance de l'assignation au fond le 26 mars 2018.

La société ne pouvait valablement opposer le non-paiement ou le retard de paiement des factures par les clients pour retarder le paiement des factures de commissions présentées par l'agent commercial.

S'agissant de la répartition des clients, il résulte des contrats d'agent commercial signés par M. X depuis l'année 2010 qu'il exerçait initialement son mandat pour les clients de la division Industrie sud devenue la division E à partir de 2015 et pour tout client du secteur industriel accepté par la direction GVG.

Il ressort des fiches clients produites par l'appelante que les divisions répertoriées sous forme de lettre sont effectivement mentionnées sur les fiches, tout comme les dates de création des comptes clients.

Si la société GVG sport produit une note interne diffusée en juin 2016 rappelant le principe

d'attribution client prévoyant que l'attribution du client à une division peut être modifiée par la direction marketing s'il est déjà client d'une autre division, il ressort du courrier adressé par la direction à la société FGT Cartonnage le 9 juin 2016 que le système informatique a révélé que cette société était déjà cliente depuis avril 2014 de la société Innofoam 64, filiage du groupe GVG et qu'il a été décidé de la rattacher à la division G compte tenu des liaisons commerciales entre la division G et la filiale concernée.

Dans un courrier explicatif notamment adressé à M. X le même jour, la direction GVG indiquait que « les interfaces clients sont susceptibles d'arriver, en particulier avec internet. C'est pourquoi nous allons éditer 'le principe d'attribution clients' dans une note séparée. Il est dommage, mais M. X ne pouvait pas le savoir, de perdre 15 % sur la vente du même produit au même client. C'est la raison pour laquelle nous éditerons chaque mois la liste des clients par division et par société du groupe ».

Ces éléments établissent que le système de répartition des clients était effectivement susceptible de donner lieu à un suivi par plusieurs agents commerciaux et il ne peut être fait grief à M. X d'avoir porté atteinte aux règles d'attribution dont le contenu n'avait pas encore été clairement déterminé.

C'est en revanche vainement que M. X excipe de l'annulation de commandes s'agissant notamment de la Boutique du progrès alors qu'il est établi que l'annulation était justifiée par l'absence de validation des prix proposés par l'agent commercial par la direction.

Il est toutefois établi que M. X a sollicité à plusieurs reprises entre le mois de décembre 2016 et le mois d'avril 2017 des rencontres avec son mandant auxquelles il n'a pas été donné suite. Il est également avéré que M. X a pris l'attache de la direction pour obtenir des informations précises sur des demandes formulées par des clients (client PSD, groupe Manutan, contrat client Pum, Prs technlogies) auxquels il n'a pas obtenu de réponse, ce qui a mis en péril la concrétisation de nouvelles relations contractuelles.

S'agissant du client Black et Decker pour lequel les prix n'ont pas été validés par la direction, il résulte des termes du courrier adressé à ce client par la direction le 13 juillet 2017 que l'offre commerciale de M. X a été annulée avec l'indication donnée au client de ce que les demandes de prix seront traitées par la direction du site, compte tenu « des effets pervers internes à GVG ».

En l'état de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le non-paiement des commissions à échéance justifiait la résolution du contrat aux torts de la société GVG sport, M. X ayant par ailleurs souffert au cours de la même période de difficultés de communication avec la société mandante ayant eu des répercussions sur l'exercice de son contrat d'agent commercial.

Sur les fautes imputées à M. X :

L'appelante excipe de la faute grave imputable à M. X de nature à priver l'agent commercial de son droit à obtenir l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat en se fondant sur les dispositions de l'article L134-13 du code de commerce.

La faute grave se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun rendant impossible le maintien du lien contractuel.

L'article L134-4 alinéa 2 du code de commerce dispose que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.

L'appelante se prévaut en premier lieu de l'absence de visites réalisées par M. X à l'égard de la clientèle dont elle entend voir sanctionner l'attitude totalement passive contraire au mandat d'agent commercial.

Aux termes de l'article 2 du contrat, l'agent commercial a pour mandat de provoquer les commandes des produits.

La société GVG expose avoir réalisé un audit sous forme de sondage afférent au site internet et au suivi commercial et logistique et produit le retour de seulement quatre fiches clients dont elle entend voir tirer des conséquences alors qu'elle a mentionné dans son courrier présentant les griefs reprochés à M. X adressé le 16 mars 2018 que celui-ci disposait de 183 clients actifs dans son portefeuille.

Les éléments mentionnés dans ces fiches synthétiques ne sauraient caractériser une faute grave imputable à M. X tant en raison de l'absence de caractère significatif des indications fournies qu'en raison de leur nombre non représentatif au regard du portefeuille confié à M. X.

Le grief n'est donc pas fondé et a été écarté à juste titre par le premier juge.

L'appelante considère que M. X a manqué à ses obligations contractuelles fixées par les articles 2 et 3 du contrat selon lesquels le mandant est libre d'accepter ou de refuser les commandes, l'agent commercial ne pouvant engager le mandant de quelque manière que ce soit et n'est en droit ni de conclure des contrats au nom du mandant, ni de recevoir les règlements des clients.

Elle soutient que M. X a dépassé les limites de son mandat en offrant des tarifs au désavantage de la société GVG sport.

Elle excipe à cet égard de la situation née de l'offre faite par M. X à la société FGT au mois de juin 2016, de l'offre de juin 2017 adressée à la société Black et Decker et de l'offre de février 2017 à la société Richardson.

Les messages adressés à ces trois sociétés faisant état de l'absence de validation des tarifs proposés par M. X par la direction de la société sont produits.

Le grief concernant la société FGT n'est pas fondé en ce qu'il est précisément né de l'existence de relations antérieures avec une filiale de la société du groupe dont il est établi que M. X n'avait pas connaissance, situation qui a d'ailleurs été à l'origine d'une clarification des conditions d'attribution de la clientèle à partir de cette date.

M. X n'apporte en revanche aucun élément s'agissant des griefs concernant les deux offres commerciales litigieuses pour lesquelles il est établi que la direction de GVG a revu les tarifs initialement proposés par l'agent commercial à la hausse.

En l'absence de production d'une quelconque grille tarifaire par les parties et compte tenu des cas isolés concernant deux clients du portefeuille de M. X, les agissements reprochés à l'agent commercial ne caractérisent pas une faute grave.

L'appelante reproche également à M. X la gestion et l'exploitation du site internet gvg-industrie.com lequel a été mis en maintenance depuis le mois de novembre 2017 ce qui a privé la société de visites et de commandes à partir du site, élément qu'elle considère en lien avec le contrat d'agent commercial.

Elle reproche à M. X d'avoir usurpé les droits sur le nom de domaine via les emails titulaires et administrateurs.

L'intimé oppose que le litige est sans lien avec le contrat d'agent commercial, le site ayant été créé par la société Concept Foam et non par M. X à titre personnel et expose que le litige est actuellement pendant devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Les parties s'opposent sur les conditions dans lesquelles M. X a été missionné aux fins de développer le site internet de la société mandante.

M. X se prévaut de la signature de conventions d'assistance commerciale renouvelées annuellement depuis 2007 entre la société Concept Foam 04 et la société GVG sport et soutient que le site internet a été créé par ses soins pour le compte de la société Concept Foam 04 et revendique la propriété du site sur le fondement des dispositions de l'article L111-1 du code de la propriété intellectuelle.

La société GVG considère que M. X a abusé de la confiance qui lui avait été accordée en ayant procédé à la modification de l'adresse électronique de l'administrateur du nom de domaine, l'adresse professionnelle utilisée depuis 2008 ayant été remplacée le 6 octobre 2016 par l'adresse personnelle de M. X, modification également accompagnée du changement du nom du représentant légal de la société titulaire.

Il n'appartient pas à la cour de statuer sur les droits de propriété intellectuelle sur le site internet mais de rechercher si les faits reprochés à M. X sont susceptibles de constituer un manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat d'agent commercial.

Dans la lettre adressée par M. X à la société GVG sport le 7 septembre 2017, celui-ci a rappelé les termes de l'engagement signé entre la société GVG et la société Concept Foam ayant pour objet de développer la société GVG en précisant que « pour réaliser cet objectif, il m'a été demandé, en ma qualité de travailleur indépendant non salarié, de concevoir et de réaliser des outils de développement qui pourraient être ensuite mis à votre disposition via l'exploitation du site internet que j'ai conçu ».

Or, il résulte de l'analyse du rapport « Domaintools » réalisé le 18 décembre 2018 que le nom de domaine que l'adresse électronique de l'administrateur du site gvg-industrie.com initialement enregistrée comme [email protected] a été modifiée le 6 octobre 2016 par l'adresse [email protected],

Modification également accompagnée du changement du nom de l'administrateur devenu X à la même date alors qu'il s'agissait précédemment de Van Gheluwe Marie-José.

Il est également établi que le site internet de la société a été placé en état de maintenance le 3 novembre 2017 sur la seule initiative de M. X.

Ces éléments attestent d'un manquement de l'agent commercial à son obligation de loyauté.

L'appelante se prévaut en outre du dépôt de la marque « La Halle aux mousses » par son agent commercial le 18 octobre 2017 alors que cette marque, bien que non antérieurement déposée par la société GVG, était exploitée par cette dernière depuis 2011.

M. X revendique de son côté le nom générique créé par ses soins pour désigner ses outils et son plan de communication et soutient avoir créé cette marque en 2010, éditée en 2011 par le biais de Concept Foam conformément au contrat d'assistance commerciale signé avec la société GVG.

La cour n'a pas compétence pour statuer sur les droits de propriété intellectuelle dont le tribunal judiciaire de Marseille a d'ailleurs été saisi par assignation du 11 mai 2020 délivrée par la société GVG sport à l'encontre de M. X.

Il est cependant établi que M. X a déposé la marque « La halle aux mousses » par déclaration enregistrée à l'INPI le 18 octobre 2017 soit moins de deux mois avant la notification de la rupture de son contrat d'agent commercial à la société GVG réalisée par l'intermédiaire de son conseil le 1er décembre 2017.

Cet agissement constitue également un manquement au devoir de loyauté de l'agent commercial.

Contrairement à la décision du premier juge, les manquements relevés caractérisent une faute grave en ce qu'ils ont été précisément commis à l'insu de la société mandante et se sont manifestés par des actes démontrant l'existence d'une intention de nuire aux intérêts de celle-ci.

Ces fautes sont de nature à priver M. X de l'indemnité compensatrice de fin de contrat et la décision déférée lui ayant alloué la somme de 225 000 euros à ce titre sera donc infirmée et M. X sera débouté de sa demande d'indemnité de ce chef.

Sur la demande au titre du droit de suite :

M. X sollicite principalement la somme de 547 398,83 euros HT et subsidiairement, la somme de 352 126,05 euros à titre de dommages-intérêts au regard du droit de suite dont il entend bénéficier sur les affaires qu'il a traitées sur le fondement des dispositions de l'article L134-7 du code de commerce, somme calculée à hauteur de 5 % du chiffre d'affaires de trois années.

L'appelante oppose que M. X ne peut se prévaloir du chiffre d'affaires prévisionnel pour l'année 2017 contractuellement fixé à 2 700 000 euros que l'agent commercial n'a pas réalisé et considère que le droit de suite ne pourrait être en tout état de cause supérieur aux commissions dues sur une durée de trois mois, soit la somme maximale de 29 343,83 euros calculée à partir du chiffre d'affaires réalisé par la division E pour l'année 2017.

Elle conclut cependant principalement au rejet de la demande présentée par M. X qu'elle estime injustifiée.

L'article L 134-7 du code de commerce prévoit que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque dans les conditions prévues à l'article L134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

Ce texte pose ainsi deux conditions cumulatives pour l'obtention d'un droit de suite sur les commissions que sont la preuve d'une opération commerciale principalement due à l'activité de l'agent commercial et intervenue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat.

Au regard de ces exigences, c'est vainement que M. X entend obtenir un droit de suite calculé de manière purement théorique à partir du chiffre d'affaires prévisionnel des années 2018 à 2020, le droit de suite ne pouvant en aucune manière être calculé à partir de simples objectifs contractuels et supposant au contraire la prise en compte d'un chiffre d'affaires effectivement réalisé par la société.

La méthodologie de calcul sollicitée à titre principal par M. X doit donc être purement et simplement écartée.

M. X est également mal fondé en sa demande de prise en compte de trois années de chiffre d'affaires au moyen du renouvellement de contrats sur le long terme alors que le délai raisonnable doit être déterminé par la durée moyenne de concrétisation d'une affaire dans la branche d'activité concernée entre la sollicitation du client par l'agent et la concrétisation de la commande que les éléments d'espèce permettent de fixer à trois mois.

Sont produites les statistiques de vente de l'année 2016 et de l'année 2017 pour la division E distinguant la clientèle déjà incluse dans le portefeuille de clients remis à M. X lors de sa prise de fonctions en 2010 et les nouveaux clients démarchés par ce dernier. Les statistiques font également apparaître les variations positives et négatives du chiffre d'affaires réalisé auprès de chaque client par rapport à l'année N-1. L'extraction au sein de ces données de quelques unes d'entre elles n'est pas révélatrice des actions engagées par l'agent commercial au cours de son contrat d'agence.

La production des chiffres d'affaires réalisés par la division E de la société depuis 2010 démontre cependant une progression constante avec un pic en 2014 et une légère décrue en 2015 et une stabilisation du chiffre entre 2016 et 2017.

Ces éléments permettent ainsi de justifier l'octroi d'un droit de suite à M. X calculé conformément à la méthodologie proposée par l'intimée soit de la manière suivante :

2 347 507 euros (CA 2017) /12 mois X 3 mois (délai raisonnable) X 5% = 29 343,83 euros.

La société GVG sport sera donc condamnée à payer la somme de 29 343,83 euros à M. X au titre du droit de suite.

Sur la demande reconventionnelle de la société GVG :

La société GVG sollicite la somme de 129 040 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de M. X à son obligation de loyauté constitué par la fermeture du site internet. Elle réclame ainsi l'indemnisation des gains manqués au titre de la perte du chiffre d'affaires qui en est résultée pour la période comprise entre septembre 2017 à mai 2019 ainsi que les dépenses qui ont dû être engagées pour y remédier, outre le préjudice immatériel lié à l'éviction totale de l'internet de l'activité développée par la société.

Il est établi que le site internet a été mis en maintenance par M. X à compter du mois de novembre 2017 et que celui-ci s'est prévalu de la rupture de son contrat d'agent commercial à partir du 1er décembre 2017. La société GVG est ainsi mal fondée à solliciter une indemnisation sur une période de 21 mois, le préjudice allégué ne pouvant être imputé à M. X postérieurement à la cessation de son activité pour le compte de la société GVG à laquelle il appartenait de faire diligence pour la mise en place d'un nouveau site internet.

Le manquement à l'obligation de loyauté imputable à M. X constitué par la mise en maintenance du site internet au cours du mois de novembre 2017 sera réparé par l'allocation de la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts.

La compensation des sommes respectivement dues entre les parties au titre de l'exécution du contrat de mandat sera ordonnée.

Sur les autres demandes :

Compte tenu de la succombance respective des parties, il sera fait masse des entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront supportés par moitié par chacune des parties.

L'équité commande en l'espèce de ne faire aucune application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les parties seront respectivement déboutées de leur prétention à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société GVG sport à payer à M. X la somme de 225 000 euros au titre de l'indemnité instituée par l'article L134-12 du code de commerce, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau sur ces chefs,

Dit que M. X a commis une faute grave au sens de l'article L134-13 du code de commerce ;

Déboute M. X de sa demande d'indemnité au titre de l'article L134-12 du code de commerce ;

Condamne la société GVG sport à payer à M. X la somme de 29 343,83 euros au titre du droit de suite ;

Condamne M. X à payer à la société GVG sport la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne la compensation des sommes respectivement dues par les parties ;

Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Dit qu'il sera fait masse des entiers dépens, de première instance et d'appel, lesquels seront supportés par moitié par la société GVG Sport et par M. X.