Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 6 mai 2021, n° 19/06898

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Musical Ouest (SARL)

Défendeur :

Trinnov Audio (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

Avocats :

Me Cléry-Melin, Me Cassagne

T. com. Paris, du 4 févr. 2019

4 février 2019

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Musical Ouest est une société qui a pour activité l'expertise technique de matériels audio-numériques professionnels, la production multimédia et l'organisation occasionnelle de spectacles.

La société Trinnov Audio est une société française spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de matériel audio haut de gramme à destination des professionnels.

Afin de développer la vente de ses produits à l'international, la société Trinnov Audio a conclu le 17 mars 2014 avec la société Musical Ouest un contrat de mission intitulé « Développement export marchés professionnels ».

Le contrat, dont le terme était initialement fixé au 31 décembre 2014, a été renouvelé en un contrat à durée indéterminée qui a lié les parties jusqu'à sa résiliation par la société Trinnov.

Par courrier en date du 25 novembre 2016, la société Trinnov a ainsi fait part à la société Musical Ouest de sa décision de résilier le contrat, unilatéralement et avec effet immédiat.

Considérant cette rupture comme abusive et considérant qu'il s'agissait d'un contrat d'agent commercial, la SARL Musical Ouest a, par acte d'huissier de justice du 1er décembre 2017, assigné la SA Trinnov Audio devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamnée à lui verser une indemnité de rupture de 184 425,10 euros et une indemnité de préavis de 24 405,20 euros.

A titre subsidiaire, la société Musical Ouest sollicitait le paiement de la somme de 24 405,20 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, en tout état de cause, 35 286,04 euros pour le non-respect du business plan, et 15 000 euros au titre du préjudice moral subi.

La société Trinnov Audio a formé une demande reconventionnelle aux fins de voir condamner la société Musical Ouest à lui verser les sommes de 30 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale, 50 000 euros au titre du préjudice de réputation, et 4 259,32 euros au titre de frais de déplacement facturés en dehors du barème applicable.

Par jugement du 4 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que le contrat du 17 mars 2014 entre la SARL Musical Ouest et la SA Trinnov Audio n'était pas un contrat d'agence commerciale ;

- débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 24 405,20 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait du non-respect d'un préavis légal de trois mois ;

- débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 184 425,10 euros en application de l'article 134-11 du code de commerce ;

- condamné la SA Trinnov Audio à verser à la SARL Musical Ouest une indemnité de 22 756,19 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales ;

- débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 35 286,04 euros au titre du préjudice lié à la réalisation du « Business Plan » du 15 décembre 2015 ;

- débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

- débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 30 000 euros sur le fondement de 1383 du code civil en réparation du préjudice subi au titre d'actes de concurrence déloyale ;

- débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 50 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice de réputation ;

- débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 4.259,32 euros au titre de la surfacturation des frais de déplacement ;

- condamné la SA Trinnov Audio à verser à la SARL Musical Ouest la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la SA Trinnov Audio aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de la société Trinnov AudioA.

Par déclaration du 28 mars 2019, la SARL Musical Ouest a interjeté appel de ce jugement en

ce qu'il a :

- dit que le contrat du 17 mars 2014 entre la SARL Musical Ouest et la SA Trinnov Audio n'était pas un contrat d'agence commerciale ;

- débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 24 405,20 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait du non-respect d'un préavis légal de trois mois ;

- débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 184 425,10 euros en application de l'article 134-11 du code de commerce ;

- fixé la condamnation de SA Trinnov Audio en réparation du préjudice subi par SARL Musical Ouest du fait de la rupture brutale des relations commerciales à hauteur de 22 756,19 euros ;

- débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 35 286,04 euros au titre du préjudice lié à la réalisation du « Business Plan » du 15 décembre 2015 ;

- débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 15 000 euros au titre du préjudice moral.

Par conclusions en date du 26 septembre 2019, la société Trinnov Audio a formé appel incident.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 14 décembre 2020, la SARL Musical

Ouest demande à la cour de :

Vu l'article 12 du code de procédure civile,

Vu les articles L.134-1 et suivants du code de commerce,

Vu l'article L.442-6 du code de commerce,

Vu les articles 1134 et 1150 (anciens) du code civil,

Vu le contrat de mission en date du 17 mars 2014,

- infirmer le jugement rendu le 4 février 2019 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

Dit que le contrat du 17 mars 2014 entre la SARL Musical Ouest et la SA Trinnov Audio n'était pas un contrat d'agence commerciale ;

Débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 24 405,20 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait du non-respect d'un préavis légal de trois mois ;

Débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 184 425,10 euros en application de l'article 134-11 du code de commerce ;

Fixé la condamnation de SA Trinnov Audio en réparation du préjudice subi par SARL Musical Ouest du fait de la rupture brutale des relations commerciales à hauteur de 22 756,19 euros ;

Débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 35 286,04 euros au titre du préjudice lié à la réalisation du « Business Plan » du 15 décembre 2015 ;

Débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 15 000 euros au titre du préjudice moral.

- confirmer le jugement rendu le 4 février 2019 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

Débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 30 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice subi au titre d'actes de concurrence déloyale ;

Débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 50 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice de réputation ;

Débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 4 259,32 euros au titre de la surfacturation des frais de déplacement ;

Condamné la SA Trinnov Audio à verser à la SARL Musical Ouest la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

À titre principal,

Dire et juger que le contrat du 17 mars 2014 a créé des relations d'agence commerciale entre Musical Ouest et Trinnov Audio ;

Constater que le contrat du 17 mars 2014 a été reconduit sous la forme d'un contrat à durée indéterminée ;

Constater que Trinnov Audio a rompu ses relations commerciales avec Musical Ouest de manière unilatérale et sans préavis le 25 novembre 2016 ;

Condamner Trinnov Audio à verser à Musical Ouest une indemnité de 24 405,20 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait du non-respect du préavis légal de trois mois ;

Condamner Trinnov Audio à verser à Musical Ouest une indemnité de 184 425,10 euros en application de l'article 134-11 du code de commerce ;

À titre subsidiaire,

Constater la relation commerciale de 32 mois entre Musical Ouest et Trinnov Audio ;

Dire et juger que Musical Ouest aurait dû bénéficier d'un préavis de rupture de trois mois ;

Condamner Trinnov Audio à verser à Musical Ouest une indemnité de 24 405,20 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait de la rupture brutale des relations commerciales ;

En tout état de cause,

Condamner Trinnov Audio à verser à Musical Ouest une indemnité de 35 286,04 euros au titre du préjudice causé par les fautes contractuelles de Trinnov Audio dans la réalisation du « Business Plan » du 15 décembre 2015 ;

Condamner Trinnov Audio à verser à Musical Ouest une indemnité de 15 000 euros au titre du préjudice moral que cette dernière a subi ;

Débouter Trinnov Audio de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles au titre de la concurrence déloyale, de l'atteinte à l'image et des frais kilométriques ;

Débouter Trinnov Audio de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner Trinnov Audio à verser à Musical Ouest la somme de 15 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20 janvier 2021, la société Trinnov

Audio demande à la cour de :

Vu les articles 1147 du code civil ancien, 1382 du code civil, L.134-1 et suivants du code de commerce,

Sur les demandes principales de Musical Ouest :

- infirmer le jugement rendu le 4 février 2019 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

Dit que Trinnov ne démontrait pas l'existence d'une faute de Musical Ouest pouvant justifier la résiliation du contrat ;

Condamné Trinnov au paiement d'une indemnité de 22 756,19 euros au bénéfice de Musical Ouest ;

Débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 30 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice subi au titre d'actes de concurrence déloyale ;

Débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 50 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice de réputation ;

Débouté la SA Trinnov Audio de sa demande de 4 259,32 euros au titre de la surfacturation des frais de déplacement ;

Débouté la SA Trinnov Audio de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SA Trinnov Audio à verser à la SARL Musical Ouest la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- confirmer le jugement rendu le 4 février 2019 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

Dit que le contrat du 17 mars 2014 entre la SARL Musical Ouest et la SA Trinnov Audio n'était pas un contrat d'agence commerciale ;

Débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 184 425,10 euros en application de l'article 134-11 du code de commerce ;

Débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 35 286,04 euros au titre du préjudice lié à la réalisation du « Business Plan » du 15 décembre 2015 ;

Débouté la SARL Musical Ouest de sa demande indemnitaire de 15 000 euros au titre du préjudice moral.

Et statuant à nouveau :

A titre principal,

- dire et juger que le contrat conclu Trinnov Audio et Musical Ouest n'est pas un contrat d'agence commerciale ;

- débouter Musical Ouest de l'ensemble de ses demandes fondées sur les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce ;

- dire et juger que Musical Ouest s'est rendue coupable d'un comportement déloyal vis-à-vis de Trinnov ;

- dire et juger que Trinnov était bien fondée à mettre fin sans préavis à ses relations contractuelles avec Musical Ouest ;

- débouter Musical Ouest de ses demandes fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce au titre d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que Musical Ouest s'est rendue coupable d'une faute grave au sens de l'article L.134-13 du code de commerce et de la jurisprudence y afférente ;

- débouter Musical Ouest de l'ensemble de ses demandes fondées sur les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce ;

Sur les demandes accessoires de Musical Ouest :

- dire et juger que Trinnov ne saurait encourir une quelconque responsabilité au titre de la non atteinte des objectifs fixés dans le « business plan » établi par Musical Ouest ;

- débouter Musical Ouest de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

Sur les demandes reconventionnelles de Trinnov :

- dire et juger que Musical Ouest s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale vis-à-vis de Trinnov ;

- condamner Musical Ouest au paiement de 30 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice subi par Trinnov à ce titre ;

- dire et juger que le comportement de Musical Ouest a gravement nuit à la réputation de Trinnov sur le marché de l'audio professionnel ;

- condamner Musical Ouest au paiement de 50.000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice subi par Trinnov à ce titre ;

- dire et juger que Musical Ouest a surfacturé ses frais de déplacement en utilisant un indice de frais kilométriques erroné ;

- condamner Musical Ouest au paiement de la somme de 4 259,32 euros au titre du remboursement de l'indû ;

En tout état de cause,

 -condamner la société Musical Ouest au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 janvier 2021.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification du contrat

La société Musical Ouest soutient que le contrat doit être qualifié de contrat d'agent commercial aux motifs que :

- La relation commerciale développée par les parties est caractéristique d'un contrat d'agence commerciale dès lors que la société Musical Ouest et son gérant bénéficient d'une totale indépendance et ne sont soumis à aucun lien de subordination avec la société Trinnov, que la société Musical Ouest a pour mission principale la négociation et la conclusion des opérations de vente directe pour le compte de la société Trinnov et la société Musical Ouest est rémunérée sous la forme de commissions.

- Le défaut d'immatriculation de la société Musical Ouest au registre spécial des agents commerciaux ne saurait la priver du bénéficie du statut d'agent commercial dès lors que l'article L.134-1 du code de commerce ne subordonne pas l'application du statut d'agent commercial à l'inscription sur ce registre qui est une mesure de police professionnelle.

- La société Musical Ouest a joué un rôle central et permanent vis-à-vis des distributeurs existants ou de nouveaux distributeurs ou dans la négociation pour le compte de la société Trinnov puisque l'activité qu'elle a déployée dans la négociation et la conclusion de contrats de distribution et de revente des produits Trinnov sur les marchés professionnels à l'export a généré pour cette société un chiffre d'affaires de 1 027 326,62 euros en deux ans.

- La société Musical Ouest a fait entrer les distributeurs Vintage King aux Etats-Unis et SEC en Suisse dans le périmètre de distribution de la société Trinnov Audio, laquelle a bel et bien signé les contrats négociés et préparés par la société Musical Ouest et, quand bien même la preuve de la signature effective des projets de ces contrats ne serait pas rapportée, leur seule négociation suffit à retenir la qualification d'agent commercial.

La société Trinnov réplique que le statut d'agent commercial est inapplicable aux motifs que :

- A la lecture du contrat du 17 mars 2014, l'intention des parties était de confier à la société Musical Ouest une mission générale de développement des ventes des produits professionnels de la société Trinnov Audio à l'international, consistant à animer le réseau existant et à développer le réseau de distributeurs étrangers en identifiant de nouveaux marchés et distributeurs, ce qui ne correspond pas au travail d'un agent commercial.

- Si le contrat évoque la possibilité pour la société Musical Ouest de conclure des ventes en direct, ce type d'action n'était qu'un accessoire de sa mission générale, cette dernière n'ayant d'ailleurs réalisé aucune vente directe à l'étranger.

- La société Musical Ouest ne disposait d'aucun mandat de négociation au nom et pour le compte de la société Trinnov ni d'aucune marge de manœuvre dans la conclusion de contrats de distribution dès lors qu'elle devait se conformer aux instructions de la société Trinnov et que la signature de tout nouveau contrat restait à la discrétion de cette dernière.

- Quand bien même la société Musical Ouest aurait eu un mandat de négociation des contrats avec de potentiels distributeurs, il ne s'agirait pas de contrats de vente au sens de l'article L.134-1 du code de commerce mais de contrats de distribution.

L'article L.134-1 du code de commerce, qui transpose l'article 1 de la directive européenne n°86/653/CEE du 18 décembre 1986, dispose que : « L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières. ».

Il est de principe que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée. De même, l'inscription de l'intermédiaire au registre spécial des agents commerciaux n'est une condition ni suffisante, ni nécessaire à la reconnaissance de ce statut.

Le contrat signé entre les parties du 17 mars 2014 énonce au paragraphe « 1. Mission » que la société Trinnov Audio SA confie à la société Musical Ouest une mission de développement commercial international pour l'année 2014 intitulée « Mission de Développement Export des Marchés Professionnels ». Il s'agit par cette mission de définir et mettre en œuvre une stratégie de développement commercial et de promouvoir la vente de tous les produits du client, sur les marchés audio-professionnels incluant notamment le broadcast (radio, TV), le cinéma (home-studios, production et post production), la musique (home-studios, production, post-production et la sonorisation (sauf salles de cinéma), à l'étranger (hors du territoire national). »

Le contrat indique par ailleurs les modalités de réalisation de la mission :

« Dans la réalisation de sa mission, la société Musical Ouest devra en accord avec le client :

- établir une stratégie (géographie, choix des réseaux cibles etc) de commercialisation à court, moyen et long terme,

- participer à l'animation et entretien du réseau de distribution existant et à constituer et assurer le reporting correspondant auprès du client,

- définir et proposer au client un plan de communication et marketing, le budgétiser et le faire accepter au préalable par le client. Un tel plan comprendra par exemple :

- un agenda de participation aux salons internationaux,

- des propositions de maintenance et évolution des supports de communication (site web, brochures, affiches, annonces de presse, publicités ».

La société Trinnov Audio reconnaît ce qui est expressément prévu au contrat que l'intention des parties était de confier à la société Musical Ouest une mission générale de développement des ventes des produits professionnels de la société Trinnov à l'international et de parvenir à développer le réseau de distributeurs étrangers en identifiant de nouveaux marchés et de potentiels nouveaux distributeurs avec lesquels la société Trinnov aurait pu conclure de nouveaux accords.

L'action de développer les ventes de produits correspond à la mission première de l'agent commercial telle qu'elle est définie à l'article L. 134-1 du code de commerce.

Le fait que la mission de la société Musical Ouest devait avant tout prendre la forme d'une animation du réseau existant, notamment par des visites régulières aux distributeurs afin de leur présenter les évolutions des produits de la société Trinnov, et en leur offrant un soutien technique afin de faciliter les ventes auprès de leurs propres clients est sans incidence sur l'appartenance au statut d'agent commercial, le but final étant de maintenir et de développer la clientèle de la société Trinnov Audio.

Était également incluse dans la mission la recherche de nouveaux clients.

L'agent commercial doit s'adapter à la nature des produits vendus. La société Trinnov Audio décrit le rôle de M. D... de la société Musical Ouest comme consistant à apporter une assistance technique et commerciale aux distributeurs, afin que ces derniers puissent développer leurs ventes aux clients finaux.

Le rôle de support au distributeur, apporté par la société Musical Ouest sur le plan technique, indispensable en raison de la technicité des produits de la société Trinnov Audio participe à ce que celle-ci conserve ses distributeurs, réseau par lequel elle commercialise ses produits et développe son activité.

Le fait que les contrats passés soient des contrats de distribution est indifférent puisque la présence d'intermédiaires entre la société Trinnov Audio et les clients finaux ne fait pas obstacle à l'existence du statut d'agent commercial.

La société Musical Ouest avance un chiffre d'affaire sur les marchés professionnels à l'export de 1 027 326,62 euros entre 2014 et 2016 ce qui n'est pas contesté par la société Trinnov Audio. Si le pourcentage de l'activité réalisée par la société Musical Ouest était en décroissance par rapport au chiffre d'affaire global de la société Trinnov Audio, le montant du chiffre d'affaires était en forte progression.

La société Trinnov Audio indique avoir refusé de signer certains contrats de distribution négociés par la société Musical Ouest au motif qu'ils ne correspondaient pas au contrat type imposé par elle-même. Cependant, la société Trinnov Audio reconnaît entretenir des relations commerciales avec les distributeurs de ses produits, dont les contrats ont été négociés par la société Musical Ouest,

La société Vintage King adressait le 15 octobre 2014 à M. D..., gérant de la société Musical Ouest le courriel suivant établissant que celle-ci est à l'origine des relations commerciales :« Salut C..., je suis heureux d'entendre que l'AES Show s'est bien passé et que tu as ressenti l'énergie positive de Vintage King LA. Nous sommes excités de ce partenariat avec Trinnov et avons hâte de nous mettre bientôt à vendre ! »...« Nous sommes en train de nous motiver sur la possibilité d'acheter 3 MC et ST2-Pro comme proposé tant que tu es en mesure de nous accorder les délais de paiement échelonnés que tu mentionnais. Aussi, nous nous sommes mis d'accord sur un droit de retour dans la mesure où nos bureaux de Ferndale et Nashville n'ont pas encore eu l'occasion d'expérimenter le produit. J'attends avec impatience ces détails (…) Dans l'annexe F [du projet de contrat], il est dit que les réparations doivent être réalisées par Trinnov en cas de dysfonctionnement. Dis-moi si je me trompe [...]. Moi aussi j'aurai préféré quitter l'AES avec un contrat signé, mais je crois que nous avons progressé cette dernière semaine plus que ce qu'aucun contrat aurait pu nous donner ».

Le 18 novembre 2018, Francesco Mattuzzi (SEC), attestait que « quelques jours après cette visite, C... D... qui démarrait tout juste chez Trinnov en tant que responsable des ventes pour les pros, a développé ce premier contact et a élaboré un contrat de distribution pour les produit Trinnov en Suisse, lequel incluait un plan de transition entre le précédent distributeur "Défi Technique" ».

Il est ainsi démontré que les contrats négociés entre la société Trinnov Audio et les sociétés Vintage King et SEC l'ont été grâce à l'intervention de la société Musical Ouest.

Contrairement à ce que soutient la société Trinnov Audio, la société Musical Ouest négocie des contrats et démontre que selon le tableau de bord financier produit par la société Musical Ouest, le chiffre d'affaires réalisé par la société Trinnov Audio avec les sociétés Vintage King et SEC était nul avant l'intervention en 2014 de la société Musical Ouest.

La société Musical Ouest verse aux débats le contrat signé par la société Videlio Cap' Ciné le 3 août 2015, corroboré par une facture du 4 novembre 2015 et par la société Mastering Mansion (Espagne) en 2016, corroboré par une facture de 2016.

Le courriel suivant adressé le 13 mai 2016 par la société Musical Ouest qui démarche le distributeur russe Live Sound démontre son pouvoir de négociation : « Dans ces conditions, je recherche des partenaires de long-terme qui souhaiteraient miser sur Trinnov Pro et développer nos ventes et notre notoriété en Russie [...] Pour nos véritables partenaires, nous offrons une remise de revente de 30% la première année. Ensuite, si le volume des ventes atteint la cible définie ensemble, nous augmentons progressivement l'incitation financière [...]. Si vous n'êtes pas intéressé par une telle position de revendeur, mais seulement comme intégrateur, j'offre une remise de 20% sur nos produits de base, 10% sur nos produits de tiers. Vous devrez payer vos propres frais de déplacement pour la formation de vos utilisateurs en cas de support local ».

L'article 5 du contrat stipule que la rémunération de la société Musical Ouest est composée outre d'un fixe « d'un montant variable sous la forme de commissions de 7,5% du CA généré durant la période [...] ».

Disposant du pouvoir d'animer le réseau de distribution existant et de négocier des nouveaux contrats au nom et pour le compte du mandant, bénéficiant d'une totale liberté dans l'organisation de son travail, percevant une partie de sa rémunération sous forme de commissions, la société Musical Ouest exerce une activité répondant aux critères énoncés aux dispositions de l'article L.134-1 du code de commerce pour prétendre au statut d'agent commercial.

Sur le droit à indemnisation

La société Musical Ouest considère qu'aucune faute grave de nature à la priver du bénéficie de ses indemnités ne saurait lui être reprochée aux motifs que :

- Son comportement n'a jamais été déloyal, que les déclarations rapportant les prétendus propos dénigrants ne présentent aucune garantie de crédibilité et d'impartialité puisqu'elles proviennent toutes soit des distributeurs de la société Trinnov, soit de ses propres salariés, qu'enfin, les allégations relatives à un prétendu détournement de l'activité de la société Trinnov sont une déformation grossière et illogique du projet de la société Musical Ouest.

- La faute grave au sens de l'article L.134-13, 1° du code de commerce est appréciée restrictivement par la Cour de cassation, laquelle a retenu, dans une espèce similaire, qu'il convenait de rechercher si le projet avait effectivement été mis à exécution ou s'il présentait un caractère réellement sérieux et que sa seule conception ne constituait pas en soi une faute grave, de sorte que le reproche formulé en l'espèce n'est pas constitutif d'une faute grave.

La société Trinnov Audio fait valoir que :

- En dénigrant publiquement la direction de la société Trinnov tant devant ses clients que devant ses salariés et en indiquant à son plus gros client européen et à ses salariés qu'elle avait pour projet de détourner à son profit l'activité audio professionnelle de la société Trinnov, la société Musical Ouest a commis une faute grave au sens de l'article L.134-13 du code de commerce qui la prive de tout droit à préavis ou indemnité.

- Le fait, pour le gérant de la société Musical Ouest, de présenter son projet au plus gros client européen de la société Trinnov à l'export et de lui indiquer qu'il avait d'ores et déjà trouvé des financements pour le mener à bien, constitue un début d'exécution du projet.

L'article L.134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information (alinéa 2) ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat (alinéa 3).

L'article L. 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu' « en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent. »

Par ailleurs, l'article L.134-16 du code de commerce prévoit qu'est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions de l'article précité.

Il est de principe enfin que les parties peuvent licitement convenir à l'avance d'une indemnité de rupture, dès lors que celle-ci assure à tout le moins la réparation intégrale du préjudice subi par l'agent commercial.

L'article L.134-13 du code de commerce précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 du même code n'est pas due dans les cas suivants :

« 1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence. »

Il est admis que la faute grave, privative d'indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

Par courrier recommandé du 25 novembre 2016 avec avis de réception, la société Trinnov Audio a mis fin sans préavis au contrat qui la liait avec la société Musical Ouest en invoquant les faits suivants : « Nous avons été informés de fait d'une particulière gravité concernant votre société. En effet, il apparaît que vous avez profité de l'exercice de votre mission pour dénigrer notre société auprès de nos clients, à qui vous avez fait part de votre volonté de reprendre à votre profit l'activité audio professionnelle de Trinnov. Vous avez indiqué à ces mêmes clients que vous aviez l'intention de récupérer certains de nos salariés pour ce faire, ce qui nous a été confirmé par les intéressés. Il est donc bien évident que les relations entre nos sociétés ne peuvent manifestement pas continuer. »

Dans son courrier en réponse du 30 novembre 2016, M. D..., gérant de la société Musical Ouest contestait avoir tenu des propos dénigrants à l'égard de la société Trinnov Audio ; il vantait la haute qualité des produits Trinnov et son avancée technologique mais déplorait les faits suivants : page 2, « lors de nombreuses discussions avec les salariés de Trinnov avec qui je collabore au quotidien, nous avons constamment partagé une énorme frustration de ne pouvoir disposer des moyens nécessaires à satisfaire nos clients en qualité de finition et selon le calendrier promis par vous-même. Les ventes dont Musical Ouest avait la charge ont été largement affectées et réduites du fait d'une gestion erratique et chaotiques tant au niveau de de la production que des développements' »

Page 3 : « Je peux me targuer sans contestation d'avoir été le principal initiateur, premier concepteur et l'aiguillon permanent de la série D-Mon dont l'annonce et les premiers prototypes ont été salués pour la pertinence de ses fonctionnalités initiales par tous les revendeurs, tous les clients'.. ; Il n'est que l'incurie de votre direction des développements et de la production qui ont très largement freiné les ventes de processeurs de cette série. »

La société Medialantic, distributeur allemand et 2ème plus gros client à l'export de Trinnov, atteste qu'« au cours des deux dernières années, M. D... s'est plaint de manière répétée, tant en ma présence qu'en présence d'autres personnes, du défaut de management de Trinnov et de l'incapacité des trois associés, E... I..., S... J... et Rémy B..., à gérer la société. Il a déclaré que la majorité de l'équipe de R&D était malheureuse et frustrée de cette situation. »

La société Emerging, distributeur anglais et 3ème plus gros client à l'export de Trinnov, témoigne que « pendant le salon IBC de 2016, P... m'a dit que l'atmosphère de travail au sein de Trinnov n'était pas bonne et m'a fait comprendre que plusieurs employés étaient mécontents et voulaient quitter la société. (…) Il m'a demandé à plusieurs occasions d'exprimer mon insatisfaction en tant que distributeur ainsi que mon mécontentement concernant la progression des caractéristiques du D-MON vers les spécifications figurant sur la brochure. Il m'a aussi dit qu'il était continuellement en conflit avec vous parce que la société n'était pas pleinement engagée sur les produits professionnels, ce qui n'était évidemment pas rassurant pour le futur de ma société si Trinnov laissait décliner les produits professionnels et ne s'engageait pas sur la voie de nouveaux développements dans le futur. Il a suggéré que la gestion des produits professionnels serait de meilleure qualité s'il en prenait la tête à la place de l'équipe dirigeante actuelle ».

M. E... N..., ancien salarié de Trinnov, relate qu' «en privé, Monsieur P... D... n'a pas manqué d'exprimer, parfois avec virulence et devant le reste de l'équipe, son profond désaccord avec les décisions prises par la direction. En effet, fort de sa propre expérience de dirigeant, Monsieur P... D... était en outre convaincu que la société, ou du moins la division audio pro, se porterait mieux s'il en prenait la direction, ce qu'il n'a pas hésité à revendiquer auprès de certains membres de l'équipe. »

Mme M... H..., responsable des ventes chez Trinnov atteste que « M. C... D... m'a fait part de ses désaccords vis-à-vis de la direction autant sur le plan professionnel (stratégie, finance) que de la gestion du personnel (management). Aussi, il a mentionné que les trois co-fondateurs, M. E... I..., M. A... B... et M. S... J... étaient incapables de diriger une société et encore moins de la développer ».

Le fait qu'une personne atteste avoir refusé de témoigner contre M. D... et qu'une autre ait témoigné en sa faveur ne sont pas de nature à contredire les dires concordants des témoins de la société Trinnov Audio . De la même manière, M D... met en doute les déclarations de M. L... en faisant valoir que celui-ci a craint de perdre son statut de distributeur pour l'Allemagne ce que dénie la société Trinnov Audio qui indique n'avoir jamais envisagé de s'en séparer ce qui ne résulte que d'un courriel rédigé par M D..., lui-même.

Les propos dénigrants tenus par M. D... de la société Musical Ouest sont corroborées par les attestations de distributeurs, d'un ancien salarié de la société Trinnov Audio, d'un salarié responsable des ventes. De plus, le courrier adressé par M. D..., en réponse au courrier de rupture des relations émanant de la société Trinnov Audio exprime l'animosité que celui-ci éprouve envers l'équipe de direction de la société Trinnov Audio à laquelle il reproche son manque de dynamisme dans la gestion des produits notamment à l'international.

Contrairement à ce qu'allègue la société Musical Ouest, les dires recueillis dans les attestations concernent essentiellement non des rumeurs mais des propos entendus par les intéressés et tenus par M. D..., dirigeant de la société Musical Ouest. De plus, les faits relatés sont précis, concordants et les attestations circonstanciées.

La société Medialantic atteste ainsi :

« Samedi dernier au salon Tonmeistertatung à Cologne, P... D... m'a confié qu'il travaillait depuis un moment sur un plan visant à reprendre à son compte la ligne de produits professionnels de Trinnov Audio et de créer à cette fin une nouvelle société sous sa direction...».

« De plus, M. D... a indiqué qu'il était déjà en train de mener des discussions en interne avec certains membres de l'équipe de R&D de Trinnov et qu'ils étaient prêts à rejoindre la nouvelle société destinée à être dirigée par M. D.... A cet égard, il a nommé Samuel Tracol et Françoise ».

M.E... N... atteste que : « Un peu plus tard, toujours en privé et devant plusieurs membres de l'équipe dont je faisais partie, monsieur P... D... a franchi un cap en évoquant explicitement un scénario dans lequel il trouverait des investisseurs afin de reprendre le contrôle de la société, qui était selon lui dirigée par des incapables. »

Ces deux attestations émanant d'un distributeur et d'un ancien salarié établissent les velléités de M. D... de créer une nouvelle société en reprenant la gamme de produits de la société Trinnov Audio et avec certains salariés. Si ce projet n'a pas été mis en œuvre, le fait de l'évoquer devant un distributeur ou un salarié non pas de manière objective mais au détriment de la société Trinnov Audio est contraire au mandat confié à l'agent commercial.

Aux termes du contrat, la société Musical Ouest avait pour mission de définir et mettre en œuvre une stratégie de développement commercial et de promouvoir la vente de tous les produits de la société Trinnov Audio et devait en accord avec celle-ci établir une stratégie de commercialisation, participer à l'animation et entretien du réseau de distribution existant et devait dans la réalisation de sa mission s'appuyer sur les compétences, services et supports de toute nature de la société Trinnov Audio.

Le fait de dénigrer de manière grave et répétée auprès de deux des plus gros distributeurs les dirigeants de la société Trinnov est de nature à la déstabiliser et à avoir une incidence négative sur son activité.

Les propos rapportés par des personnes d'horizons différents qui n'ont pu se concerter est contraire au mandat d'intérêt commun du contrat d'agence commerciale et au devoir de loyauté des cocontractants prévu expressément par l'article L.134-4 du code de commerce.

Cette attitude caractérise la faute grave du mandataire ayant justifié qu'il ait été mis fin au contrat d'agent commercial sans préavis et sans le versement d'une indemnité de rupture.

Au vu de ces éléments, la société Musical Ouest sera déboutée de sa demande de versement de la somme de 24 405,20 euros au titre du préavis de rupture de trois mois et de sa demande de versement d'une indemnité de 184 425,10 euros.

Sur le préjudice résultant du non-respect du bussiness plan

La société Musical Ouest expose que le business plan du 15 décembre 2015 a été validé par le conseil d'administration de la société Trinnov qui s'est alors engagée à fournir les moyens humains et financiers requis pour en assurer le succès, qu'en ne remplissant pas ses obligations de manière satisfaisante, la société Trinnov a commis des fautes entraînant la réalisation d'un chiffre d'affaires nettement inférieur à celui anticipé par le business plan.

La société Trinnov Audio réplique qu'elle n'a jamais approuvé ce business plan et qu'elle a bien au contraire émis toutes réserves quant à son réalisme, qu'en outre, la société Musical Ouest a établi ce business plan sur le postulat que 80% des ventes concerneraient le produit D-MON, postulat qui n'était pas validé par la société Trinnov, que c'est au contraire la société Trinnov qui a subi un préjudice du fait de la fixation de la société Musical Ouest sur le produit D-MON alors qu'il n'était pas commercialisable.

La société Musical Ouest ne produit aucun engagement de la société Trinnov Audio comportant pour elle l'obligation d'assurer à son agent commercial un chiffre d'affaire minimum et qui n'aurait pas été respectée. La société Musical Ouest reproche à la société Trinnov Audio un manque de diligences dans la commercialisation des produits D-Mon sans les formaliser ; de plus, il appartenait à la société Trinnov Audio de choisir les orientations commerciales de son activité et celle-ci indique n'avoir jamais accepté de mobiliser l'ensemble de ses ressources au développement du produit D-MON afin de ne pas mettre en péril le reste de son activité et la société elle-même. Or, la société Musical Ouest fonde sa demande sur le développement de ce produit ce qui n'a pas été entériné par la société Trinnov Audio.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur le préjudice moral

La société Musical Ouest sollicite la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi en raison de la brutalité extrême de la résiliation du contrat, qui aurait choqué M. D... et l'aurait mis dans l'impossibilité d'accéder à sa boite emails, lui faisant perdre tous les documents nécessaires à sa défense et l'empêchant d'informer ses nombreux contacts de la fin du partenariat, de la déloyauté de la société Trinnov, qui aurait profondément affecté M. D..., et du déménagement de ce dernier à Paris dans le seul but de se rapprocher du siège de la société Trinnov, qui aurait impacté son niveau de vie à la baisse.

La résiliation du contrat étant justifiée par l'attitude de la société Musical Ouest, celle-ci ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice moral. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Trinnov Audio

La société Trinnov Audio fait valoir que :

« En entreprenant de détourner à son profit l'activité audio professionnelle de la société Trinnov, en tentant de débaucher des salariés essentiels à son activité et en essayant de rallier des distributeurs à sa cause, la société Musical Ouest a commis des faits constitutifs de concurrence déloyale qui entrainent par eux-mêmes l'existence d'un préjudice et réclame, au vu de la gravité des faits, une indemnisation à hauteur de 30 000 euros ; »

La société Musical Ouest a porté atteinte à son image en prétendant auprès des distributeurs que le produit D-MON était prêt à être commercialisé alors qu'il était encore en phase de développement, que ce comportement a conduit à un fiasco retentissant avec la société SEC Audio, son distributeur suisse, et a eu un impact extrêmement défavorable sur son image de marque ;

A l'issue de la résiliation du contrat, elle s'est aperçue que la société Musical Ouest avait utilisé un indice de forfait kilométrique erroné afin d'obtenir un remboursement de ses frais de déplacement supérieur à la réalité, et sollicite à ce titre le remboursement des sommes indûment payées, soit un montant total de 4 259,32 euros.

La société Musical Ouest réplique que les prétentions formulées à titre reconventionnel par la société Trinnov Audio, tant sur une prétendue concurrence déloyale que sur une prétendue atteinte à l'image et sur une surfacturation de frais, sont totalement infondées dans la mesure où la société Trinnov Audio ne démontre ni la faute de la société Musical Ouest, ni le fait que la facturation serait contraire à l'accord des parties, et ne justifie pas plus de leur montant.

Sur la concurrence déloyale

Si M. D... avait le projet de développer des produits en faisant concurrence à la société Trinnov

Audio et ne s'en dissimulait pas tout en soutenant que s'il dirigeait la société Trinnov Audio, les résultats seraient autres, aucun fait de concurrence déloyale n'est cependant caractérisé à son égard. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'atteinte à l'image de la société Trinnov Audio

La société Trinnov Audio produit une interview de M. D... prétendant dans un salon que le produit était prêt à être commercialisé, alors que celui-ci était encore en phase de développement et une attestation du remplaçant de la société Musical Ouest dans les fonctions de développement des ventes à l'international qui atteste de l'état délétère du réseau de distribution lors de sa prise de fonctions. Ces deux pièces sont néanmoins insuffisantes pour démontrer l'insatisfaction des nombreux distributeurs et clients quant à la commercialisation de ce produit. La société Trinnov Audio sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la surfacturation des frais de déplacement de la société Musical Ouest

Pour démontrer une surfacturation de frais de déplacement par la société Musical Ouest, la société Trinnov Audio verse aux débats un tableau rectificatif du calcul de ces frais sur la base tarifaire devant être appliquée, sans autre justificatif. La surfacturation n'étant pas ainsi établie pour des frais déjà indemnisés sans contestation par la société Trinnov Audio, celle-ci sera déboutée de sa demande de remboursement à ce titre.

Sur les frais accessoires

La société Musical Ouest succombant au principal, les dispositions de première instance relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont infirmées. La société Musical Ouest assumera l'intégralité des dépens de première instance et d'appel et versera à la société Trinnov Audio la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement en ce qu'il a dit que le contrat du 17 mars 2014 entre la SARL Musical Ouest et la SA Trinnov Audio n'était pas un contrat d'agence commerciale et en ce qu'il a condamné la SA Trinnov Audio à verser à la SARL Musical Ouest la somme de 22 756,19 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales, sur les frais irrépétibles et les dépens,

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la société Musical Ouest et la société Trinnov Audio étaient liées par un contrat d'agence commerciale,

DIT que la société Musical Ouest a commis une faute grave dans l'exercice de son mandat d'agent commercial,

DÉBOUTE en conséquence la société Musical Ouest de ses demandes d'indemnisation au titre du non-respect du préavis de trois mois et de l'indemnité de rupture prévue à l'article L.134-11 du code de commerce,

CONDAMNE la société Musical Ouest à verser à la société Trinnov Audio la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société Musical Ouest aux dépens de première instance et d'appel.