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Décisions

CA Agen, 1re ch. civ. sect. com., 3 mai 2021, n° 18/00423

AGEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Coprometal (SARL)

Défendeur :

Auxiliar Conservera (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme. Gaté

Conseillers :

M. Benon, M. Vidalie

Avocats :

Me Narran, Me Vimont, Me Van Teslaar, Me Bechet

T. com. Agen, du 7 mars 2018

7 mars 2018

FAITS :

La société de droit espagnol Auxiliar Conservera SA, dont le siège social est à Molina de Segura (en Murcie), exerce une activité de fabrication de boîtes de conserves métalliques dans ses usines d'Espagne et du Chili.

La SA Coprometal exerce, à Villeneuve sur Lot, une activité de négoce de boîtes de conserves métalliques qu'elle vend aux professionnels de l'alimentaire, essentiellement dans le Sud-Ouest, et diverses activités annexes, comme l'achat et la vente de cartons et profilés métalliques.

Ces sociétés étaient en relation d'affaires et, dans le cadre de discussions, il a été convenu que la SA Coprometal deviendrait agent commercial de la société Auxiliar Conservera SA.

Le contrat d'agent commercial à durée indéterminée a été signé entre les parties le 11 mai 2010.

En vertu de ce contrat, la SA Coprometal :

- percevait une commission de 4 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par son entremise,

- était le mandataire exclusif du mandant qui ne pouvait commercialiser ses produits en France que par l'intermédiaire de son agent commercial,

- pouvait poursuivre sa propre activité de négoce.

Lors d'une réunion à la mi-septembre 2012 dans ses locaux en Espagne, la société Auxiliar Conservera SA a indiqué à la SA Coprometal qu'elle envisageait de rompre le contrat.

Par lettre du 24 octobre 2012, reçue le 2 novembre 2012, la société Auxiliar Conservera SA a notifié à la SA Coprometal la rupture du contrat à effet du 28 février 2013 compte tenu du préavis contractuel de trois mois.

Le 30 mai 2013, sur demande de la SA Coprometal, le juge de l'exécution l'a autorisée à saisir, entre ses propres mains, un montant restant dû à la société Auxiliar Conservera SA sur des marchandises achetées, au motif que l'agent commercial était créancier de diverses sommes devant se compenser avec sa dette.

Par acte du 4 avril 2013, la SA Coprometal a assigné la société Auxiliar Conservera SA devant le tribunal de commerce d'Agen.

Par acte du 12 août 2013, la société Auxiliar Conservera SA a également assigné la SA Coprometal devant le tribunal de commerce d'Agen.

Les instances ont été jointes et, par jugement du 12 novembre 2014, le tribunal de commerce a désigné M. B... avec mission d'investiguer pour permettre l'établissement des comptes entre les parties.

En parallèle avec cette instance, par acte du 18 juillet 2016, la SA Coprometal a fait assigner la société Auxiliar Conservera SA devant le tribunal de commerce de Bordeaux en lui reprochant d'avoir brutalement et abusivement rompu la relation commerciale et de la voir condamner, pour l'essentiel, à lui payer la somme de 878 091,81 Euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 3 juillet 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a rejeté cette demande au motif que la SA Coprometal n'apportait pas la preuve que la société Auxiliar Conservera SA avait refusé de lui livrer des commandes.

Il a également rejeté une demande de dommages et intérêts présentée par la société Auxiliar Conservera SA.

M. B... a déposé son rapport le 17 novembre 2016.

La SA Coprometal a présenté les demandes suivantes devant le tribunal de commerce d'Agen :

- annulation du rapport d'expertise au motif que l'expert ne lui avait pas communiqué la liste des clients hors de France de la société Auxiliar Conservera SA et, notamment, qu'il n'avait pas exécuté l'ensemble de sa mission.

- condamnation de la société Auxiliar Conservera SA à lui payer, essentiellement, les sommes suivantes :

913 354,82 Euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture de l'article L.134-12 du code de commerce,

100 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

47 179,40 Euros au titre de commissions restant dues,

280 169,66 Euros + 412 947 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par des actes de dénigrement et de concurrence déloyale.

La société Auxiliar Conservera SA a, essentiellement, présenté les demandes suivantes :

- 443 763,71 Euros au titre du prix de marchandises livrées,

- 85 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme,

- 72 961,42 Euros pour manquement à l'obligation d'exclusivité,

Par jugement rendu le 7 mars 2018, le tribunal de commerce d'Agen a :

- dit la société Coprometal mal fondée en sa demande d'annulation du rapport d'expert et l'a déboutée sur ce point,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 80 662,43 Euros au titre de l'indemnité de rupture,

- débouté la société Coprometal de sa demande de remboursement des frais de prospection,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 100 000 Euros pour le caractère abusif de cette rupture,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 47 179,40 Euros au titre de l'article L. 174-47 (en réalité 134-7) du code de commerce,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 72 959,42 Euros au titre du non-respect de la clause d'exclusivité,

- débouté la société Coprometal de sa demande d'indemnités pour dénigrement,

- condamné la société Coprometal au paiement de la somme de 443 763,71 Euros en règlement des factures impayées dues à Auxiliar Conservera,

- débouté la société Auxiliar Conservera de sa demande d'indemnités pour parasitisme,

- ordonné la compensation à due concurrence entre les sommes allouées à Coprometal et celles allouées à Auxiliar Conservera,

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,

- rejeté l'ensemble des autres demandes,

- condamné la société Auxiliar Conservera au versement de la somme de 10 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- liquidé les dépens à la somme de 70,20 Euros.

Le tribunal a estimé que le rapport était valable et a procédé au calcul des sommes dues sur la base des propositions de l'expert, soit un an de commission pour l'indemnité de rupture conformément au contrat ; dommages et intérêts pour rupture abusive faute d'objectif de vente dans le contrat d'agent commercial ; commissions restant dues ; violation de l'exclusivité conférée à l'agent commercial ; montant des factures impayées restant dues à la société Auxiliar Conservera SA.

Le tribunal a également rejeté les demandes relatives au dénigrement imputé à la société Auxiliar au motif qu'aucun élément probant n'était déposé.

Par acte du 25 avril 2018, la SA Coprometal a régulièrement déclaré former appel du jugement en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

- dit la société Coprometal mal fondée en sa demande d'annulation du rapport d'expert et l'a déboutée sur ce point,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 80 662,43 Euros au titre de l'indemnité de rupture,

- débouté la société Coprometal de sa demande de remboursement de frais de prospection,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 72 959,42 Euros au titre du non-respect de la clause d'exclusivité,

- débouté la société Coprometal de sa demande d'indemnité de dénigrement,

- rejeté l'ensemble des autres demandes.

Par acte du 17 mai 2018, la SA Auxiliar Conservera a également régulièrement déclaré former appel du jugement en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 80 662,43 Euros au titre de l'indemnité de rupture,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 100 000 Euros pour le caractère abusif de cette rupture,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 47 179,40 Euros au titre de l'article L. 174-47 du code de commerce,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 72 959,42 Euros au titre du non-respect de la clause d'exclusivité,

- débouté la société Auxiliar Conservera de sa demande d'indemnité pour parasitisme,

- condamné la société Auxiliar Conservera au versement de la somme de 10 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La jonction des instances d'appel a été prononcée le 27 mars 2019.

La clôture a été prononcée le 28 octobre 2020 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 11 janvier 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 23 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SA Coprometal présente l'argumentation suivante :

- contexte du litige :

 Le marché espagnol ne permettait pas à la société Auxiliar Conservera SA d'écouler sa production, de sorte qu'elle avait besoin d'un agent commercial en France pour vendre.

 La société Auxiliar Conservera SA projetait d'augmenter sa production par création d'une nouvelle usine à La Rioja.

 Il était nécessaire d'attendre l'ouverture de cette nouvelle unité de production pour contacter de gros clients susceptibles d'acheter d'importants volumes de boîtes, l'autre unité de production étant éloignée des conserveries alimentaires, alors que les concurrents avaient des usines plus proches.

 La SA Coprometal a entendu créer un centre logistique près d'Angers afin de disposer de « stocks tampons », ouvert dès juillet 2010 puis transféré à Tierce en octobre 2011.

 La SA Coprometal a toutefois rapidement fait remarquer que les prix pratiqués par la société Auxiliar Conservera SA étaient supérieurs à ceux de la concurrence, notamment à cause du prix du transport et, au lieu d'envisager de réduire ses marges, a voulu réduire la commission de l'agent commercial.

 Suite à l'ouverture, au cours de l'été 2012, de la nouvelle unité de production, elle a été en mesure de contacter de grandes entreprises alimentaires susceptibles d'être de nouveaux clients (Cecab-Daucy, Bonduelle, William Saurin) qui ont participé à des réunions de présentation des produits.

 À cette époque, la société Auxiliar Conservera SA a commencé à tergiverser pour lui payer les commissions dues et, finalement, l'a informée qu'elle envisageait de rompre le contrat d'agent commercial, par une lettre datée du lendemain de la visite de la nouvelle unité de production effectuée par le groupe Cecab-Daucy, pratiquant des manoeuvres pour éviter de payer les sommes dues et contactant directement certains clients pour les faire contracter directement avec elle.

 Elle a été contrainte de fermer son établissement de Tierce et à supporter inutilement de multiples charges dont elle a fait état devant l'expert.

 Certaines attestations qui lui sont désormais produites ont été confectionnées de manière frauduleuse, comme par exemple celle émanant de M. C..., ancien salarié de la société Auxiliar Conservera SA, alors qu'elle démontre par tout un ensemble d'échanges qu'elle a apporté le groupe Cecab-Daucy en clientèle à cette dernière, ce qui lui ouvre un droit de suite pour le paiement de commissions.

- Le rapport d'expertise doit être annulé :

 Le 30 juillet 2015, la société Auxiliar Conservera SA a remis des éléments comptables à l'expert, dont certains, portant sur des noms de clients étrangers, n'ont ensuite pas été transmis à l'autre partie, caractérisant une violation du principe du contradictoire.

 Il ne peut lui être opposé qu'elle aurait donné son accord sur une façon de procéder relative à des documents dont elle ne pouvait apprécier la portée.

 L’expert n'a pas répondu à certains chefs de mission et a :

- refusé de se prononcer sur les méthodes de calcul des indemnités qu'elle a proposées, ne prenant pas position sur des montants de frais, auxquels il a substitué une méthode basée sur le manque à gagner,

- refusé d'investiguer sur la perte du client Délices d'Auzan.

- Elle a été victime d'un dénigrement :

 En janvier 2013, elle a découvert que la société Auxiliar Conservera SA était entrée directement en contact avec la société Délices d'Auzan, qui était cliente de longue date de son ancien agent commercial, et qui ne figurait pas dans les clients apportés.

 Elle lui a ainsi fait perdre ce client.

 Le témoin E... atteste d'un dénigrement commis à son détriment par la société Auxiliar Conservera.

 Elle a perdu une marge brute de 412 947 Euros.

- L'indemnité de rupture de l'article L. 134-12 alinéa 1er du code de commerce lui est due :

 Ses frais de prospection, et plus précisément la fraction non amortie de ces frais, doit être intégrée dans l'indemnité de rupture car l'indemnité doit compenser sa perte de commissions et les dépenses engagées, soit une somme de 461 660,73 Euros.

 Le mode habituel de calcul sur la base de deux années de commission est une pratique qui n'a aucun caractère obligatoire.

 L’expert n'a pas correctement calculé la somme due alors que le calcul est d'ordre public et qu'il ne peut y être fait échec par la clause d'évaluation forfaitaire retenue par le tribunal.

 L’indemnité de rupture doit également être basée, non sur les commissions versées lors de l'exécution du contrat, mais sur la base de celles qui auraient été perçues si le contrat s'était poursuivi jusqu'au 31 décembre 2014, intégrant les commissions qui auraient été dues au titre des clients Cecab et William Saurin, soit une somme de 301 694,09 Euros.

 L’indemnité doit ainsi être fixée à 763 354,82 Euros.

- La clause d'exclusivité a été violée :

 La société Auxiliar Conservera SA a fini par reconnaître cette violation, ayant consisté, de 2010 à 2013, à livrer directement certaines entreprises de façon très significative, au point de la priver de commissions d'un total de 101 115,50 Euros, c'est à dire d'une somme supérieure à celle qui a été allouée par le tribunal.

 Ce sont ainsi tant des conserveurs, que des grossistes concurrents (sociétés Spem et Sodis-Huart) auxquels s'est adressée la société Auxiliar Conservera SA, lui générant une perte de marge.

 C’est au total une somme de 280 169,66 Euros qui doit lui être allouée, ou à tout le moins le montant des commissions dont elle a été privée.

- Elle ne s'est livrée à aucun acte de parasitisme :

 Le tribunal a rejeté cette demande basée seulement sur la diffusion d'une plaquette dans laquelle elle se serait présentée comme la filiale française de la société Auxiliar Conservera SA.

 C’est au contraire cette plaquette qui a permis de décrocher la clientèle du groupe Cecab.

 Elle n'a jamais tenté de développer sa propre activité de négoce au détriment de la société Auxiliar Conservera SA, même si le mot 'filiale' a été employé par erreur, et cette dernière n'était que peu connue sur le marché français.

- Le contrat a été rompu abusivement :

 Il ne contenait aucun objectif chiffré.

 La rupture est intervenue sans aucun motif et a été mise en place au lendemain de la visite de représentants du groupe Cecab, afin d'éviter de payer les commissions à venir, l'agent commercial ayant également alors démarché tout le marché.

 La société Auxiliar Conservera SA a même demandé aux clients de lui adresser directement leurs commandes.

 Pendant la période contractuelle, le chiffre d'affaires de la société Auxiliar Conservera SA a été multiplié par 6 et a encore progressé après la rupture du contrat, le tout en lien avec le groupe Cecab.

 Le tribunal l'a justement indemnisée d'une somme de 100 000 Euros.

- Elle a droit aux commissions conclues grâce à son intervention :

 Le code de commerce institue ce droit à l'article L. 134-7.

 Le tribunal lui a justement alloué, à ce titre, la somme de 47 179,40 Euros.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement sauf sur les points suivants :

- annuler le rapport d'expertise de M. B...,

- condamner la société Auxiliar Conservera SA à lui payer les sommes suivants :

 763 354,82 Euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce,

 280 169,66 Euros à titre d'indemnisation du préjudice causé par la violation de l'exclusivité prévue par le contrat d'agent commercial,

 412 947 Euros en réparation du préjudice subi du fait d'actes de dénigrement et de concurrence déloyale,

 8 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Par dernières conclusions notifiées le 19 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la société Auxiliar Conservera SA présente l'argumentation suivante :

- Contexte du litige :

 C’est à la demande de la SA Coprometal, qui payait régulièrement ses factures en retard, et qui avait même proposé de donner hypothèque, qu'elle a envisagé la mise en place d'un contrat d'agent commercial.

 Cette société voyait ainsi un moyen de diminuer sa dette par la perception de commissions.

 C’est la société Cecab qui a pris directement contact avec la société Auxiliar Conservera SA à partir de l'année 2010, puis a concrétisé des rencontres, notamment le 6 décembre 2011.

 C’est elle-même qui a ensuite donné les coordonnées de ce groupe à son agent commercial, et les représentants de cette société sont venus visiter l'usine espagnole, de sorte que l'intervention de la SA Coprometal a été très limitée, comme M. A..., directeur du groupe D'Aucy.

 les explications sur la création du dépôt à Angers et Tierce présentées par la SA Coprometal ont varié, celle-ci ayant même reconnu que le dépôt n'a été créé qu'en novembre 2011 et que les salariés qui y travaillaient étaient en réalité affectés aux activités propres de cette société, le stock tampon n'ayant aucune utilité avant les premières commandes, alors pourtant que la SA Coprometal n'hésite pas à en réclamer les loyers et qu'elle a sciemment dissimulé que le local était en réalité composé de deux locaux.

 Elle n'a jamais cherché à diminuer les commissions et, au contraire, a conseillé à son agent commercial de démarcher des clients de taille modeste, ceux-ci ayant de meilleures marges que celles de la grande distribution.

- L'expertise est régulière :

 Elle n'avait pas à communiquer certains noms de clients, confidentiels, et le tribunal avait prévu que l'expert pourrait les consulter de façon confidentielle, mais l'expert a organisé une réunion avec projection de données sur un écran, sans publication des noms, ce qui a été accepté par la SA Coprometal, les noms en question n'ayant pas de rapport avec le litige.

 L’expert a réalisé sa mission sans être tenu de suivre la SA Coprometal dans ses propositions de calculs, d'autant que les chiffrages proposés étaient absurdes et extravagants et que cette dernière ne les a pas reprises dans son dernier dire et que l'indemnité de rupture n'a pas vocation à rembourser les frais engagés par l'agent commercial.

 Dans son dernier dire, la SA Coprometal n'a également pas repris ses observations sur le client Délices d'Auzan.

- La rupture est régulière :

 Elle était en droit de résilier le contrat, en respectant le préavis.

 Elle a dénoncé le contrat car l'agent commercial n'était pas capable de développer le marché français de manière professionnelle, tout comme elle ne l'avait pas été en exécution d'un autre contrat d'agent commercial pour la société AL7 où elle s'était engagée sur un chiffre d'affaires de 910 000 Euros réalisés seulement à hauteur d'un tiers.

 Lorsqu’elle a traité avec la société Bonduelle, postérieurement à la rupture du contrat, cette dernière lui a indiqué ne pas connaître la SA Coprometal qui s'était limitée à envoyer un e-mail à une employée sans responsabilité.

 La société Coprometal avait, dans un courrier du 11 juillet 2011, avancé des prévisions de chiffre d'affaires, qui se sont révélées très inférieures aux chiffres effectivement réalisés.

 Les griefs qui lui sont imputés ne sont pas sérieux : elle était en droit de connaître les clients et de leur demander de lui adresser les commandes, ne serait-ce que pour calculer les commissions dues à l'agent commercial et assurer les livraisons.

 La date de la lettre de rupture ne résulte que d'une erreur matérielle car elle fait référence à une réunion qui ne s'est déroulée que le 17 septembre 2012, et elle était en droit de résilier le contrat, y compris après des contacts avec le groupe Cecab.

- Le non-respect de la clause d'exclusivité :

 Elle s'est limitée à continuer à livrer ses clients historiques.

 L’expert a calculé les commissions non perçues, mais la SA Coprometal ne peut prétendre qu'à des dommages et intérêts qui ne peuvent être calculés que sur une perte de chance de réaliser les ventes, en réalité inexistante car les concurrentes de la SA Coprometal étaient des clientes historiques de la société Auxiliar Conservera SA qui n'auraient jamais accepté de s'approvisionner auprès d'un agent commercial concurrent, comme en atteste un des dirigeants de cette société.

 La SA Coprometal ne lui a jamais demandé les coordonnées de ces sociétés et n'a fait aucune démarche pour les contacter, ce qu'elle admet.

 C’est une somme limitée à 6 636,02 Euros qui doit être allouée.

- l'indemnité de rupture doit être limitée à la somme de 52 095,29 Euros :

 La SA Coprometal réclame une somme qui correspond à 19 années de commissions.

 L’indemnité doit être calculée sur la seule base des commissions réalisées sans tenir compte du non-respect de la clause d'exclusivité territoriale.

 L’article L. 134-12 alinéa 1er du code de commerce limite l'indemnité compensatrice au préjudice subi, non définie par le texte, habituellement calculée sur la base de deux années de commissions, mais qui soit tenir compte de la durée du contrat.

 Le contrat d'agent commercial fixe à une année de commission la somme due et c'est à l'agent commercial de prouver que le préjudice est en réalité supérieur, ce qu'il ne fait pas :

- absence de preuve d'engagement de dépenses réelles, calculées de manière forfaitaire, relevant de documents inexploitables transmis à l'expert, et non reprises dans le dernier dire, alors que le contrat dispose que l'agent commercial assume seul les frais liés à son activité.

- l'indemnité de rupture n'a pas pour objet le remboursement de frais, ce qui constituerait un enrichissement injustifié.

- la société Auxiliar Conservera SA n'a pas bénéficié d'un apport de clientèle du fait de l'activité de son agent commercial, la clientélisation du groupe Cecab n'y étant pas liée, et si son activité s'est ensuite développée, c'est du fait de la mise en place de personnel compétent, ce qui n'était pas le cas de celui de la SA Coprometal.

- les dommages et intérêts pour le manquement à la clause d'exclusivité ne peuvent être inclus dans le calcul de l'indemnité.

- L'indemnité de l'article L. 134-7 du code de commerce doit être limitée à 3 571,63 Euros :

 Cette indemnité qui concerne les opérations conclues après la cessation du contrat, mais grâce à l'intervention, pendant le contrat, de l'agent commercial, ne peut être confondue avec l'indemnité de rupture.

 Dès la notification de la rupture du contrat, la SA Coprometal n'a plus eu aucune démarche active pour générer des commandes, les commandes avec le groupe Cecab ne pouvant être invoquées.

 En tout état de cause, les sociétés qui sont devenues clientes après la cessation de la relation contractuelle, et les clients historiques de la société Auxiliar Conservera SA ne peuvent donner lieu à commission différée.

 Tout au plus le client Covi pourrait donner lieu à cette indemnisation.

- Elle ne s'est livrée à aucun dénigrement :

 L’attestation produite émane d'un salarié de la SA Coprometal qui ne fait que rapporter des faits qu'il n'a pas constatés.

 La société Délices d'Auzan n'était pas directement cliente de la société Auxiliar Conservera SA.

 La marge invoquée avec ce client par la SA Coprometal est invraisemblable.

 Cette dernière a produit en justice des attestations de complaisance.

- La SA Coprometal a commis des actes de parasitisme :

 Elle a utilisé une plaquette dans laquelle elle s'est présentée de façon trompeuse comme une filiale de la société Auxiliar Conservera SA.

 Cette plaquette contient également de nombreuses autres inexactitudes.

 L’agent commercial s'est ainsi approprié sa notoriété afin d'en profiter pour ses propres activités de négoce.

 Cette attitude lui a nuit.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement sauf sur les points suivants :

- condamner la SA Coprometal à lui payer la somme de 85 000 Euros au titre du parasitisme,

- rejeter la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- mettre à sa charge au profit de la SA Coprometal les indemnités limitées suivantes :

 6 636,02 Euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la clause d'exclusivité et en tout état de cause réduire le montant alloué,

 52 035,29 Euros au titre de l'indemnité de rupture,

- rejeter la demande présentée par la SA Coprometal au titre de l'article L. 134-7 du code de commerce ou subsidiairement limiter la somme due à 2 912,38 Euros, 3 571,63 Euros ou 4 850,82 Euros,

- condamner la SA Coprometal aux dépens et à lui payer la somme de 16 000 Euros au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS :

1) Sur l'étendue de la saisine de la Cour :

L'examen des deux déclarations d'appel permet de constater qu'aucune des parties n'a déféré à la Cour les dispositions du jugement qui ont :

- condamné la société Coprometal au paiement de la somme de 443 763,71 Euros en règlement des factures impayées dues à Auxiliar Conservera SA.

- ordonné la compensation à due concurrence entre les sommes allouées à Coprometal et celles allouées à Auxiliar Conservera SA.

Par conséquent, ces dispositions sont définitives.

2) Sur la régularité des opérations d'expertise :

En premier lieu, s'agissant du grief d'absence de communication de documents, après la rupture du contrat d'agent commercial, les parties se sont retrouvées en situation de concurrence.

Chacune d'elle était ainsi fondée à ce que ne soient communiquées à l'expert que des données ne pouvant être exploitées par l'autre, comme par exemple le nom de clients et les prix pratiqués.

Après une première réunion d'expertise tenue le 14 janvier 2015, l'expert a organisé une nouvelle réunion le 30 juillet 2015 en présence des parties, assistées de leurs avocats, au cours de laquelle ont été projetés sur un écran mural les chiffres d'affaires réalisés par la société Auxiliar Conservera SA avec ses clients français.

Cette dernière a transmis tout un ensemble de fichiers mais, pour certains, a demandé à l'expert de les consulter confidentiellement.

L'expert mentionne avoir recueilli l'accord de la SA Coprometal sur ce point et précise qu'il ne s'agissait que d'éléments permettant de procéder à un rapprochement de données afin de vérifier que les totaux des comptes clients correspondent au montant apparaissant à l'actif du bilan.

Ces fichiers n'étaient donc pas au cœur des débats et permettaient seulement de procéder à des vérifications purement mathématiques de cohérence des comptes.

L'examen des dires à expert figurant au dossier de la SA permet de constater que dans aucun d'eux, celle-ci n'a remis en cause cette façon de procéder.

Dès lors elle ne peut formuler utilement aucun grief sur ce point.

En second lieu, l'expert a répondu le plus précisément possible à la totalité de la mission qui lui a été confiée et a proposé les calculs correspondants.

Le fait qu'il n'a pas purement et simplement entériné les chiffrages souhaités par la SA Coprometal, ni retenu un préjudice invoqué au titre du client Délices d'Auzan en expliquant qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l'existence d'une faute civile, ne saurait entraîner l'irrégularité de l'expertise.

Le jugement qui a rejeté ce poste de contestation doit être confirmé.

3) Sur le dénigrement auprès de la société Délices d'Auzan imputé par la SA Coprometal à la société Auxiliar Conservera SA :

Les imputations de dénigrement avancées par la SA Coprometal reposent sur les déclarations de Cyril E....

L'attestation établie par M. E... ne peut toutefois qu'être prise avec circonspection du fait qu'il est un commercial de cette société.

En outre, son témoignage est le suivant :

« Au cours de mes visites commerciales du client Les Délices d'Auzan (...) au cours du 2ème semestre 2012 et en 2013, j'ai constaté un changement complet dans les rapports entre ce client et la société Coprometal et ceci au point que nous avons perdu le client et cessé nos livraisons en 2013. Ayant demandé des explications à mes interlocuteurs habituels car je ne comprenais pas les raisons de cette situation, il m'a été dit que les propos critiques des commerciaux d'Auxiliar Conservera contre Coprometal étaient la raison majeure de cette rupture. Ils ont en particulier affirmé que Coprometal ayant été « licencié » par Auxiliar Conservera, celle-ci se trouvant sans fournisseurs sérieux et de ce fait dans l'incapacité de les livrer correctement, ajoutant qu'un intermédiaire tel que Coprometal était superflu sur le marché. »

Ces propos ne font que reprendre les déclarations d'interlocuteurs non désignés qui ont pu ne pas vouloir communiquer à M. E... les véritables raisons de la rupture des relations commerciales, par exemple l'insatisfaction à l'égard de la SA Coprometal.

Ils ne prouvent pas non plus que les propos incriminés ont été tenus par des salariés de la société Auxiliar Conserver SA ou par des personnes dont elle doit répondre, plutôt que par des commerciaux indépendants.

En outre et à supposer qu'ils retranscrivent de façon exacte des propos tenus par des employés de la société Auxiliar Conservera SA, ces propos se limitent à faire état de la cessation, exacte, du contrat d'agent commercial et des difficultés que pourraient rencontrer, en conséquence, les clients de la société Auxiliar Conservera SA à se fournir en produits fabriqués par elle, en ajoutant qu'il est possible de s'approvisionner directement auprès de cette dernière sans intermédiaire.

De tels propos n'ont aucun caractère particulièrement dépréciant pour la SA Coprometal.

Il est enfin d'autant plus difficile d'admettre un dénigrement fautif ayant pour but de récupérer ce client que les travaux de l'expert judiciaire ont mis en évidence que la société Délices d'Auzan n'est pas cliente de la société Auxiliar Conservera SA, mais seulement un point de livraison de marchandises commandées par d'autres clients.

Le jugement qui a rejeté cette demande doit être confirmé.

4) Sur l'indemnité de rupture de l'article L. 134-12 alinéa 1er du code de commerce :

Ce texte dispose :

« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. »

En l'espèce, le contrat d'agent commercial en litige stipule que cette indemnité sera égale à une année de commissions calculées sur la moyenne des commissions perçues sur les deux dernières années.

Une telle clause, contraire aux dispositions d'ordre public de l'article ci-dessus cité, ne peut recevoir aucune application, étant rappelé qu'en cette matière, les parties ne peuvent convenir que d'indemnités se cumulant avec l'indemnité légale.

Le jugement qui a fait application de cette clause doit être réformé.

Il s'ensuit que l'indemnité due à la SA Coprometal doit prendre en compte la part de marché des produits de la société Auxiliar Conservera SA que l'agent commercial a conquise ou maintenue par ses efforts communs avec le mandant dont il est privé du fait de la résiliation, c'est à dire qu'elle doit être fondée sur la perte de toutes les rémunérations, dans tous leurs éléments, acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun.

La jurisprudence admet généralement que le préjudice subi peut être fixé à deux années de commissions brutes.

L'expert judiciaire a calculé que le chiffre d'affaires réalisé sur la période des deux années antérieures à la rupture est de 4 033 121,60 Euros, générant des commissions d'un montant total de 161 324,86 Euros.

Il n'y a pas lieu de rechercher, comme le prétend désormais la société Auxiliar Conservera SA, si ces commissions effectivement payées proviennent en partie des clients historiques de celle-ci.

Cette somme ne peut être augmentée, comme le prétend la SA Coprometal, de commissions, hypothétiques, qui auraient pu être perçues si le contrat n'avait pas été résilié.

Ensuite, la SA Coprometal a demandé à l'expert de prendre en compte les frais suivants :

- frais de personnel : 341 940,86 Euros,

- frais de véhicules : 132 848,90 Euros,

- frais de déplacement : 75 972,37 Euros.

Mais l'expert a écarté ces prétentions en expliquant qu'aucun justificatif réellement probant n'avait été fourni en dehors des affirmations de cette société, appuyées en seulement quelques lignes par son expert-comptable.

Il a précisé que malgré ses demandes, les charges de personnel invoquées en lien avec le contrat d'agence commerciale, la SA Coprometal poursuivant sa propre activité de négoce en dehors de ce contrat, n'ont fait l'objet d'aucune justification précise et qu'un courrier adressé à l'expert-comptable est même resté sans réponse.

Il a également indiqué qu'aucun élément objectif relatif aux frais de déplacement ne lui a été communiqué et a même déploré, d'une part, que des quantités importantes de documents (factures, frais d'autoroute ...etc) lui ont été déposés sans aucune justification et, d'autre part, « qu'une proportion extrêmement importante des frais de personnels du siège (notamment des frais de personnel de direction) ait été affectée au contrat sans aucun justificatif. »

L'expert a également estimé que les frais initiaux déboursés lors de la conclusion du contrat d'agent commercial n'étaient pas justifiés.

S'agissant des locaux que la SA Coprometal explique avoir pris à bail à Angers puis transférés à Tierce pour pouvoir développer l'activité de la société Auxiliar Conservera SA, l'expert a déploré que certains justificatifs relatifs à l'année 2010 qu'il a réclamés ne lui aient pas été transmis, précisant « sur cette location de 2010, la société Coprometal ne répondra jamais à nos demandes d'explications et ne nous fournira pas les justificatifs de ces dépenses. »

Cette justification était d'autant plus nécessaire que dans son dire n° 6, la SA Coprometal a expliqué ne pas soutenir que les salariés affectés à Tierce auraient consacré toute leur activité au développement du contrat d'agent commercial signé avec la société Auxiliar Conservera SA et avait même indiqué les avoir affectés à son activité propre, étant précisé qu'elle avait également fait l'acquisition d'un fonds de commerce d'une société Sofal en liquidation judiciaire.

Ensuite, d'une part, le contrat d'agent commercial stipule que l'agent commercial assume les frais liés à son activité et, d'autre part, il est constat que la société Auxiliar Conserver SA n'a pas demandé à son agent commercial de procéder à certaines dépenses.

Finalement, les frais invoqués n'ont pas à être pris en compte.

L'indemnité sera fixée à 161 324,86 Euros et le jugement réformé en ce sens.

5) Sur la clause d'exclusivité :

La société Auxiliar Conservera SA admet ne pas avoir respecté la clause du contrat qui instituait son agent commercial en qualité de mandataire exclusif du mandant, lequel ne pouvait commercialiser ses produits en France que par l'intermédiaire de la SA Coprometal.

Le préjudice causé est constitué, non pas d'une perte de chance de percevoir des commissions, mais par les commissions dont l'agent commercial a effectivement été privé de manière certaine, soit 4 % du chiffre d'affaires réalisé avec les sociétés en question (Sodis Huart, Spem, Decayzac, Bariatech, Mas St Pierre, Mille et une huiles, Nutrition et santé, Isigny Ste Mère, Yabon, Table Méditerranée, Huilerie Beaujolaise) pour la période en litige.

Selon le tableau précis produit par la SA Coprometal (p. 76 de ses dernières conclusions, plus complet que celui qui figure en p. 78 qui ne sera pas retenu), et indiscuté, le chiffre d'affaires total en question est de 2 527 887,49 Euros.

La société Auxiliar Conservera SA conteste la prise en compte de commissions pour deux clients : les sociétés Sodis Huart et Spem.

Si aucune pièce n'est produite pour la société Spem, de sorte que les contestations relatives au chiffre d'affaires réalisé auprès de cette société ne peuvent être retenues, il en va différemment pour la société Sodis Huart dont le gérant atteste que si la SA Coprometal lui avait proposé les produits de la société Auxiliar Conservera, « Je n'aurais jamais accepté d'acheter des boites métalliques fabriquées par Auxiliar Conservera auprès de la société Coprometal ».

Il n'existe donc aucune perte de commission pour ce client de sorte que le chiffre d'affaires de 2 527 887,49 Euros mentionné ci-dessus sera diminué de celui réalisé avec cette société, d'un total de 1 510 022,23 Euros.

Il reste ainsi un chiffre d'affaires de 1 017 865,26 Euros soit une perte de commissions de 40 714,61 Euros représentant 4 % de ce montant.

Les dommages et intérêts seront fixés à ce montant et le jugement réformé sur ce point.

6) Sur le parasitisme invoqué par la SA Auxiliar Conservera :

Ce grief repose sur le seul fait que la SA Coprometal s'est présentée comme étant une filiale de la société Auxiliar Conservera SA auprès de certains clients dans deux e-mails et une plaquette publicitaire.

Mais même si cette présentation est inexacte, elle a été faite, non pas pour détourner la clientèle de la société Auxiliar Conservera SA, mais au contraire pour la développer.

Par conséquent, aucun acte de parasitisme ne peut être invoqué et le jugement qui a rejeté ce poste de demande doit être confirmé.

7) Sur le caractère abusif de la rupture du contrat d'agent commercial :

La SA Coprometal prétend que la société Auxiliar Conservera SA a résilié le contrat d'agent commercial au surlendemain d'une visite de représentants du groupe Cecab dans son usine espagnole, pour éviter de lui payer, à l'avenir, de nouvelles commissions en traitant directement avec ce client et d'ailleurs avec d'autres.

Elle reproche également à la société Auxiliar Conservera SA d'avoir demandé aux clients de lui adresser directement leurs commandes à partir d'octobre 2012, et d'avoir tenté de lui dissimuler des commandes reçues, mais ce grief est relatif aux commissions restantes dues.

L'alinéa 2 de l'article L. 134-11 du code de commerce dispose :

« Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. »

Il en résulte que le contrat d'agent commercial à durée indéterminée peut être résilié librement, sans motif particulier, sous la seule réserve de respecter le préavis légal.

La SA Coprometal n'avait ainsi aucun droit acquis à la poursuite ad vitam aeternam du contrat signé le 11 mai 2010.

La société Auxiliar Conservera SA était, par principe, libre d'y mettre fin à tout moment, sans motif, et a fortiori au motif, fondé ou non, qu'elle estimait ne plus avoir intérêt à l'intervention de son agent où que le chiffre d'affaires apporté par celui-ci était insuffisant, sous réserve de payer les commissions restantes dues et de verser l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 alinéa 1er du code de commerce.

Il est donc sans intérêt de constater que le contrat n'imposait aucun objectif particulier à atteindre pour la SA Coprometal.

En tout état de cause, s'agissant du client important groupe Cecab, la société Auxiliar Conservera SA justifie que ce client a pris contact directement avec elle à plusieurs reprises, même si la SA Coprometal a ensuite pu intervenir dans la relation.

L'intervention de la SA Coprometal n'a donc pu être déterminante dans la création de la relation commerciale entre ce client et la société Auxiliar Conservera SA.

Ainsi :

- un échange d'e-mails intervenu le 9 décembre 2010 entre deux responsables du groupe Cecab indique qu'ils se renseignent sur le fabricant espagnol, sans aucune référence à l'agent commercial.

- de nouveaux échanges sont intervenus entre M. A... du groupe Cecab et Mme F... de la société Auxiliar Conservera en juin 2011, sans référence à la SA Coprometal.

- en juillet 2011, M. A... s'est fait communiquer une analyse financière de la société Auxiliar Conservera SA.

- l'examen des e-mails produits par la SA Coprometal permet de constater qu'ils sont relatifs, pour le groupe Cecab, à l'année 2012 de sorte que lors des échanges mentionnés ci-dessus, elle n'était pas intervenue en qualité d'intermédiaire.

Ce n'est qu'après les premiers échanges développés entre le groupe Cecab et Auxiliar Conservera SA que cette dernière a demandé à la SA Coprometal de poursuivre les contacts comme en attestent les e-mails de mai 2012 avec M. D..., directeur général de la SA Coprometal, qui a été commissionnée à ce titre.

Ces faits sont expliqués par M. A... dans une attestation établie le 24 mars 2017 (date laquelle il n'était pas employé par la société Auxiliar Conservera SA mais par le groupe Cecab) qui indique très clairement que ce sont ses équipes qui ont identifié le fabricant espagnol qu'elles connaissaient de réputation, qu'elles se sont adressé directement à ce dernier en 2010 puis en 2011, et qu'elles ont seulement appris ensuite que la société Auxiliar Conservera SA avait un agent commercial en France, précisant « l'intervention de la société Coprometal dans ce processus a été limitée et nous aurions contracté de toute façon avec la société Auxiliar Conservera même si la société Coprometal n'avait pas été leur agent commercial. ».

Ensuite, la SA Coprometal réclame une somme, forfaitaire, de 100 000 Euros à titre de dommages et intérêts, pour la rupture abusive invoquée, au motif que son préjudice 'peut être évalué' à cette somme sans autre démonstration.

Elle n'explique ni ne justifie d'un préjudice distinct de celui qui a été réparé par l'octroi de la somme de 161 324,86 Euros en application de l'article L. 134-12 du code de commerce, qui indemnise intégralement les conséquences de la rupture du contrat d'agent commercial.

La demande de dommages et intérêts pour rupture abusive doit être rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

8) Sur les commissions dues à la SA Coprometal :

L'article L. 134-7 du code de commerce dispose :

« Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence. »

En l'espèce, la SA Coprometal communique aux débats les chiffres d'affaires jusqu'à fin août 2013, ce qui constitue le délai raisonnable prévu au texte ci-dessus cité, relatifs aux clients pour lesquels elle avait droit à commission : groupe Cecab, Maingourd, et Covi.

Cette liste est conforme aux constatations de l'expert qui a ainsi mis en évidence le principe de cette rémunération.

Le montant est de 1 179 484,99 Euros, ce qui représente des commissions restantes dues de 47 179,40 Euros sur la base du taux habituel de 4 %.

Le jugement qui a alloué cette somme sera confirmé.

Enfin, l'équité n'impose pas, en cause d'appel, l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prnoncé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a :

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 80 662,43 Euros au titre de l'indemnité de rupture,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 72 959,42 Euros au titre du non-respect de la clause d'exclusivité,

- condamné la société Auxiliar Conservera à payer à Coprometal la somme de 100 000 Euros pour le caractère abusif de cette rupture,

STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,

CONDAMNE la société Auxiliar Conservera SA à payer à la SA Coprometal :

1) 161 324,86 Euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial,

2) 40 714,61 Euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause d'exclusivité,

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive présentée par la SA Coprometal ;

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la SA Coprometal et la société Auxiliar Conservera SA aux dépens de l'appel, qui comprendront le coût de l'expertise réalisée par M. B..., dans la proportion de moitié chacune.