Cass. crim., 5 octobre 2010, n° 09-85.695
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié
Vu les mémoires en demande et en défense, ainsi que le mémoire complémentaire produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les sociétés Automobiles Peugeot et PSA- Peugeot-Citroën (les sociétés Peugeot-Citroën), ont été informées, le 13 octobre 2004, par le service des douanes, de la retenue, dans les locaux de la société Allo auto service, d'éléments de rechange pour automobiles suspects ; qu'après saisie-contrefaçon, les sociétés Peugeot-Citroën ont porté plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction de Rouen ; que l'information a révélé que l'entreprise détenait et mettait en vente des pièces de lanternerie et des rétroviseurs extérieurs destinés à des véhicules Peugeot et Citroën de divers modèles, paraissant reproduire la forme de pièces d'origine et commercialisées dans des emballages portant les marques des sociétés précitées ; qu'à l'issue de l'information, la société Allo auto service, ainsi que la société Auto sud marché, son fournisseur, ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel pour avoir commis, courant 2004, les délits de contrefaçon de dessins et de modèles, ainsi que d'oeuvres de l'esprit et de marques ; que le tribunal les a déclarées coupables et les a condamnées à verser des dommages-intérêts aux sociétés Peugeot-Citroën ; que seule la société Auto sud marché, ainsi que les parties civiles et le ministère public ont relevé appel ; En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ; "en ce que la cour d'appel a relevé d'office le moyen tiré de l'application du principe de rétroactivité in mitius; "alors que, si le moyen tiré de l'application du principe de rétroactivité in mitius de la loi pénale peut être relevé d'office par le juge, il ne peut être retenu qu'après débat contradictoire sur ce point ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de la décision attaquée et des pièces de procédure que la société ASM, seule appelante à titre principal du jugement déféré, avait exclusivement bâti son argumentation sur le seul article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle sans que le moyen tiré de l'application de la loi pénale plus douce n'ait été en lui-même évoqué ; qu'en fondant néanmoins la relaxe de la prévenue exclusivement sur ce moyen sans que les parties aient été invitées à en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et les textes visés au moyen" ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la cour d'appel n'a pas relevé d'office le moyen tiré de l'application de la loi dans le temps, dès lors que les parties civiles s'en étaient prévalue dans leurs écritures, ni méconnu le principe du contradictoire ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Mais sur le deuxième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 1er du Premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 2 du Code civil, 111-4 et 112-1 du code pénal, L. 511-5, L. 511-8, L. 512-4, L. 513-4, L. 521-4 du code de la propriété intellectuelle, 3, 5, 7, 13, 14 de la directive 98/71/CE du 13 octobre 1998, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de dessins et modèles ;
"aux motifs que les pièces apparentes d'un produit complexe tel qu'un véhicule automobile sont susceptibles de protection au titre, d'une part, du droit de l'auteur et au titre, d'autre part, des dessins et modèles déposés, pour autant que les conditions d'application en soient réunies ; que l'existence du délit de contrefaçon suppose que l'élément légal de l'infraction existe à la date à laquelle la juridiction saisie statue, en vertu du principe de légalité des poursuites, et de son corollaire, soit l'application immédiate d'une loi plus douce ; que, si les parties civiles font justement observer que tous les modèles qu'elles invoquent ont été déposés antérieurement à l'ordonnance du 25 juillet 2001, et que, dès lors, conformément à une jurisprudence civile constante, leur validité ne peut être contestée sur le fondement des articles L. 511-1 à L. 511-8 qui en sont issus, les poursuites pénales en contrefaçon qu'elles ont entreprises, exigent cependant, pour pouvoir prospérer, que les produits qu'elles prétendent contrefaits soient encore susceptibles de protection au titre des dessins et modèles conformément à ces dispositions nouvelles ; qu'en effet, les restrictions apportées au caractère protégeable de certains produits par ces dispositions sont d'application immédiate en matière pénale dès lors qu'elles ont pour effet de délimiter le champ d'application du délit de contrefaçon ; qu'ainsi, les dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 25 juillet 2001, sont applicables aux présentes poursuites nonobstant le fait que la validité des modèles, d'ailleurs non contestée, doit s'apprécier à la date de leur dépôt ; que, par ailleurs, il est exact que l'article 14 de la Directive précitée prévoit que « jusqu'à la date d'adoption des modifications apportées à la présente directive
les Etats membres maintiennent en vigueur leurs dispositions juridiques existantes relatives à l'utilisation du dessin ou modèle d'une pièce utilisée dans le but de permettre la réparation d'un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et n'introduisent des modifications à ces dispositions que si l'objectif en est de libéraliser le marché de ces pièces » ; que, cependant, cette restriction est absente des textes ci-dessus cités qui ont transposé la Directive communautaire 98/71 du 13 octobre 1998 dans l'ordre juridique interne français, et qui ne contiennent, dans leur lettre, aucune exception ; que, dans le cadre de poursuites en contrefaçon devant une juridiction correctionnelle, il est impossible au regard du principe de légalité des poursuites susrappelé, d'interpréter restrictivement ces dispositions et de considérer que les solutions jurisprudentielles antérieurement adoptées, pourraient être maintenues malgré les dispositions nouvelles plus favorables à la prévenue, issues des nouveaux textes ; que, dès lors, c'est à juste titre que la prévenue fait valoir que ces textes, dans leur rédaction nouvelle, sont les seuls applicables en matière pénale, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des restrictions figurant dans la directive, qui n'ont pas été transposées, et qui ne sont, par ailleurs, pas susceptibles d'application directe puisqu'elles se bornent à conférer aux Etats membres de la communauté la faculté de maintenir en vigueur certaines dispositions internes, ce que n'a précisément pas fait la France dans le texte de transposition dont elle s'est dotée ; que, selon les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle, peut être protégée, à titre de dessin ou modèle, l'apparence d'un produit ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux, à condition d'être nouvelle et de présenter un caractère propre ; qu'un modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt, aucun modèle identique n'a été divulgué ; qu'il présente un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout modèle divulgué avant la date du dépôt ; que, selon l'article L. 511-5 du même code, les pièces constituant un produit complexe, tel qu'un véhicule automobile, doivent, pour être protégeables, rester visibles dans le cas d'une utilisation normale du produit par l'utilisateur final et remplir en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère propre ; que l'article L. 511-8 du même code dispose que n'est pas susceptible de protection l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit, ou l'apparence d'un produit, dont la forme et la dimension exactes doivent nécessairement être reproduites pour qu'il puisse être mécaniquement associé à un autre produit par une mise en contact, un raccordement, un placement à l'intérieur ou à l'extérieur dans des conditions permettant à chacun de ces produits de remplir sa fonction ; qu'en l'espèce, s'agissant de pièces de lanternerie arguées de contrefaçon, il est constant que leurs parties visibles, seules protégeables en application de l'article L. 511-5 du code de la propriété intellectuelle, doivent, pour remplir leur fonction d'éclairage ou de signalisation et être montées sur le véhicule considéré, nécessairement être de formes et dimensions identiques aux pièces dites « constructeur » ; qu'elles entrent dès lors dans les prévisions de l'article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle, d'une part, au titre de son 1°, puisque le caractère « adaptable » de ces pièces constitue une caractéristique fonctionnelle, et, d'autre part, au titre du 2° de ce même article, puisque leurs formes et dimensions exactes doivent nécessairement être reproduites pour permettre leur utilisation normale et celle du véhicule qui les reçoit, cette adaptabilité ne se limitant pas à leurs dispositifs de fixation au véhicule, mais intéressant nécessairement l'ensemble des dimensions et formes de la pièce ; que l'examen des pièces saisies ne permet par ailleurs pas de déceler de caractéristiques nouvelles et propres, telles par exemple que des éléments purement décoratifs, qui seraient dissociables de leur fonction d'éclairage et d'adaptabilité, et qui les feraient ainsi échapper à l'exclusion prévue par l'article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle ; que la partie civile, qui se borne à reprocher aux pièces saisies leur seul caractère adaptable, n'en fait elle-même pas état ; qu'en ce qui concerne les rétroviseurs saisis, il est constant que leur apparence n'est que partiellement imposée par les impératifs de leur montage aux véhicules considérés, de sorte qu'ils n'entrent que dans cette mesure dans les prévisions de l'article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle ; que, cependant, comme pour les pièces de lanternerie précédemment analysées, leur examen ne révèle pas de caractéristiques esthétiques propres, dissociables de leur fonction, permettant de considérer qu'ils participent en eux-mêmes à l'esthétique générale des véhicules, pris dans leur ensemble, faisant l'objet des droits d'auteur et de modèles invoqués ;
"1°) alors qu'en vertu du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, le principe de rétroactivité in mitius défini à l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal ne peut en aucun cas être étendu par le juge répressif à une norme extra pénale qui obéit au contraire au principe de non rétroactivité sur le fondement de l'article 2 du code civil ; qu'en l'espèce, en s'arrogeant le droit de faire rétroagir des dispositions de droit de la propriété industrielle, telles que modifiées par l'ordonnance du 25 juillet 2001, au délit de contrefaçon des dessins et modèles dont le texte d'incrimination était demeuré inchangé, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les principes de non-rétroactivité et d'interprétation stricte de la loi pénale ;
"2°) alors que toute personne a droit à la propriété, nul ne pouvant en être privé arbitrairement ; qu'en l'espèce, après avoir expressément constaté la validité du titre de propriété intellectuelle des parties civiles sur les modèles qu'elles avaient régulièrement déposés et enregistrés auprès de l'INPI antérieurement à l'ordonnance, la cour d'appel ne pouvait, en dépit de l'existence de ce titre régulièrement acquis, les priver de fait de tout droit sur leur bien par une application erronée du principe de rétroactivité in mitius à une loi extra pénale ; qu'en privant ainsi le propriétaire d'un modèle de son bien, après avoir pourtant constaté la validité de son titre de propriété, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le droit fondamental de propriété ;
"3°) alors qu'en tout état de cause, le juge national saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application d'une Directive est tenu d'interpréter le droit national à la lumière du texte et de la finalité de la Directive de laquelle il découle ; qu'en l'espèce, il appartenait donc à la cour d'appel de Rouen d'interpréter les dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle à la lumière de la Directive 98/71/CE du 13 octobre 1998 dont elles étaient directement issues ; que, dès lors qu'il ressort expressément, tant du contexte d'adoption de la Directive rappelé dans les 13e et 19e considérants, que de son article 14, que la Directive n'avait pas entendu exclure les pièces de carrosserie automobiles du champ de la protection des dessins et modèles, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître le texte et la portée de la Directive, interpréter l'article L. 511-8 dont les termes sont la transcription exacte de l'article 7 de la Directive comme un texte excluant les pièces de carrosserie pour automobiles de la protection des dessins et modèles ;
qu'en adoptant ainsi des nouvelles dispositions du code la propriété intellectuelle une interprétation contraire aux dispositions de la Directive dont elles étaient issues, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés et privé sa décision de toute base légale ;
"4°) alors que, les dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle admettent en tout état de cause la protection par le droit des dessins et modèles d'une pièce apparente d'un produit complexe ; que s'il est vrai que l'article L. 511-8, 2°, exclut de la protection « les dessins ou modèles d'interconnexion » dont font partie les pièces détachées, cette exclusion ne concerne pas l'ensemble des caractéristiques de l'objet, mais seulement les parties qui doivent être nécessairement reproduites pour qu'il puisse être mécaniquement associé à un autre produit afin que chacun remplisse sa fonction ; que, dès lors qu'une pièce détachée comporte, outre l'élément nécessaire de rapport mécanique, une ou des caractéristiques arbitraires, elle ne peut être exclue de la protection ; qu'en se bornant en l'espèce, à exclure l'ensemble des pièces litigieuses de la protection au seul motif qu'elles comportaient un élément nécessaire dicté par un rapport mécanique, sans même rechercher si ces pièces, dont seules les parties en contact avec les autres éléments du produit complexe devaient nécessairement être reproduites dans leurs formes et dimensions exactes pour pouvoir être raccordées à l'ensemble, avaient, en plus, des caractéristiques arbitraires leur permettant de recevoir la protection du dessin ou modèle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"5°) alors que, s'agissant du cas particulier des rétroviseurs qui ne sont pas insérés mais fixés dans la carrosserie, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître ouvertement les dispositions de l'article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle affirmer dans le même temps qu'il « est constant que leur apparence n'est que partiellement imposée par les impératifs de leur montage » et « qu'ils n'entrent que dans cette mesure dans les prévisions de cet article » ; que la forme exclue de la protection par l'article L. 511-8 étant celle qui procède exclusivement de la fonction technique, sans que le créateur ne dispose d'aucune marge de manoeuvre, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire affirmer que la forme des rétroviseurs entrait dans les dispositions de l'article L. 511-8 après avoir constaté que leur apparence n'était que partiellement imposée par les impératifs de montage ; qu'en statuant par ces motifs contradictoires, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale et méconnu les textes précités" ;
Et sur le moyen unique du mémoire complémentaire, pris de la violation des articles 1er du Premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 2 du code civil, 111-4 et 112-1du code pénal, L. 511-5, L. 511-8, L. 512-4, L. 513-4, L. 521-4 du code de la propriété intellectuelle, 3, 5, 7, 13, 14 de la Directive 98/71/CE du 13 octobre 1998, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de dessins et modèles ;
"aux motifs que les pièces apparentes d'un produit complexe tel qu'un véhicule automobile sont susceptibles de protection au titre d'une part, du droit de l'auteur et au titre, d'autre part, des dessins et modèles déposés, pour autant que les conditions d'application en soient réunies ; que l'existence du délit de contrefaçon suppose que l'élément légal de l'infraction existe à la date à laquelle la juridiction saisie statue, en vertu du principe de légalité des poursuites, et de son corollaire, soit l'application immédiate d'une loi plus douce ; que, si les parties civiles font justement observer que tous les modèles qu'elles invoquent ont été déposés antérieurement à l'ordonnance du 25 juillet 2001, et que, dès lors, conformément à une jurisprudence civile constante, leur validité ne peut être contestée sur le fondement des articles L. 511-1 à L. 511-8 qui en sont issus, les poursuites pénales en contrefaçon qu'elles ont entreprises, exigent cependant, pour pouvoir prospérer, que les produits qu'elles prétendent contrefaits soient encore susceptibles de protection au titre des dessins et modèles conformément à ces dispositions nouvelles ; qu'en effet, les restrictions apportées au caractère protégeable de certains produits par ces dispositions sont d'application immédiate en matière pénale dès lors qu'elles ont pour effet de délimiter le champ d'application du délit de contrefaçon ; qu'ainsi, les dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 25 juillet 2001, sont applicables aux présentes poursuites nonobstant le fait que la validité des modèles, d'ailleurs non contestée, doit s'apprécier à la date de leur dépôt ; que par ailleurs, il est exact que l'article 14 de la Directive précitée prévoit que « jusqu'à la date d'adoption des modifications apportées à la présente directive
les Etats membres maintiennent en vigueur leurs dispositions juridiques existantes relatives à l'utilisation du dessin ou modèle d'une pièce utilisée dans le but de permettre la réparation d'un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et n'introduisent des modifications à ces dispositions que si l'objectif en est de libéraliser le marché de ces pièces » ; que, cependant, cette restriction est absente des textes ci-dessus cités qui ont transposé la Directive communautaire 98/71 du 13 octobre 1998 dans l'ordre juridique interne français, et qui ne contiennent, dans leur lettre, aucune exception ; que, dans le cadre de poursuites en contrefaçon devant une juridiction correctionnelle, il est impossible au regard du principe de légalité des poursuites susrappelé, d'interpréter restrictivement ces dispositions et de considérer que les solutions jurisprudentielles antérieurement adoptées, pourraient être maintenues malgré les dispositions nouvelles plus favorables à la prévenue, issues des nouveaux textes ; que, dès lors, c'est à juste titre que la prévenue fait valoir que ces textes, dans leur rédaction nouvelle, sont les seuls applicables en matière pénale, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des restrictions figurant dans la directive, qui n'ont pas été transposées, et qui ne sont, par ailleurs, pas susceptibles d'application directe puisqu'elles se bornent à conférer aux Etats membres de la communauté la faculté de maintenir en vigueur certaines dispositions internes, ce que n'a précisément pas fait la France dans le texte de transposition dont elle s'est dotée ; que, selon les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle, peut être protégée, à titre de dessin ou modèle, l'apparence d'un produit ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux, à condition d'être nouvelle et de présenter un caractère propre ; qu'un modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt, aucun modèle identique n'a été divulgué ; qu'il présente un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout modèle divulgué avant la date du dépôt ; que, selon l'article L. 511-5 du même code, les pièces constituant un produit complexe, tel qu'un véhicule automobile, doivent, pour être protégeables, rester visibles dans le cas d'une utilisation normale du produit par l'utilisateur final et remplir en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère propre ; que l'article L. 511-8 du même code dispose que n'est pas susceptible de protection l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit, ou l'apparence d'un produit, dont la forme et la dimension exactes doivent nécessairement être reproduites pour qu'il puisse être mécaniquement associé à un autre produit par une mise en contact, un raccordement, un placement à l'intérieur ou à l'extérieur dans des conditions permettant à chacun de ces produits de remplir sa fonction ; qu'en l'espèce, s'agissant de pièces de lanternerie arguées de contrefaçon, il est constant que leurs parties visibles, seules protégeables en application de l'article L. 511-5 du code de la propriété intellectuelle, doivent, pour remplir leur fonction d'éclairage ou de signalisation et être montées sur le véhicule considéré, nécessairement être de formes et dimensions identiques aux pièces dites « constructeur » ; qu'elles entrent dès lors dans les prévisions de l'article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle, d'une part, au titre de son 1°, puisque le caractère « adaptable » de ces pièces constitue une caractéristique fonctionnelle, et, d'autre part, au titre du 2° de ce même article, puisque leurs formes et dimensions exactes doivent nécessairement être reproduites pour permettre leur utilisation normale et celle du véhicule qui les reçoit, cette adaptabilité ne se limitant pas à leurs dispositifs de fixation au véhicule, mais intéressant nécessairement l'ensemble des dimensions et formes de la pièce ; que l'examen des pièces saisies ne permet par ailleurs pas de déceler de caractéristiques nouvelles et propres, telles par exemple que des éléments purement décoratifs, qui seraient dissociables de leur fonction d'éclairage et d'adaptabilité, et qui les feraient ainsi échapper à l'exclusion prévue par l'article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle ; que la partie civile, qui se borne à reprocher aux pièces saisies leur seul caractère adaptable, n'en fait elle-même pas état ; qu'en ce qui concerne les rétroviseurs saisis, il est constant que leur apparence n'est que partiellement imposée par les impératifs de leur montage aux véhicules considérés, de sorte qu'ils n'entrent que dans cette mesure dans les prévisions de l'article L. 511-8 du code de la propriété intellectuelle ; que, cependant, comme pour les pièces de lanternerie précédemment analysées, leur examen ne révèle pas de caractéristiques esthétiques propres, dissociables de leur fonction, permettant de considérer qu'ils participent en eux-mêmes à l'esthétique générale des véhicules, pris dans leur ensemble, faisant l'objet des droits d'auteur et de modèles invoqués ;
"1°) alors que l'ordonnance du 25 juillet 2001 ayant transposé la Directive du 13 octobre 1998 sur la protection des dessins et modèles n'a jamais entendu mettre un terme à la protection des pièces d'un produit complexe destinées à lui rendre son apparence initiale dès lors qu'aucune de ses dispositions ne le mentionne, alors même que les Etats ayant fait le choix, autorisé par la Directive, de « libéraliser » ce marché particulier, l'ont clairement mentionné dans leur loi de transposition ; qu'en l'absence de toute disposition de l'ordonnance manifestant la volonté de la France de mettre un terme au régime de protection des dessins et modèles des pièces précitées, la cour d'appel ne pouvait décider du contraire sans violer les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour renvoyer la société Auto sud marché des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de dessins et modèles, l'arrêt retient, d'une part, que les pièces de lanternerie devaient nécessairement être de forme et de dimension identiques aux pièces d'origine pour permettre leur utilisation normale et qu'elles ne présentaient pas de "caractéristiques nouvelles et propres telles par exemple que des éléments purement décoratifs", et, d'autre part, que les rétroviseurs, dont l'apparence n'était que "partiellement imposée par les impératifs de leur montage sur les véhicules", ne présentaient pas de "caractère esthétique propre" ; que les juges en déduisent que l'apparence de ces produits n'est pas susceptible de protection au regard de l'article L.511-8 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les caractéristiques de l'apparence des produits litigieux étaient exclusivement imposées par leur fonction technique, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le troisième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles L. 112-2, L.122-4, L. 335-2, L. 335-3, L. 513-4, L. 521-4 du code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de droit d'auteur ; "aux motifs que, pour les mêmes motifs, et en vertu du principe d'unité de l'art, étant rappelé que les conditions d'originalité et de caractère propre d'une oeuvre de l'esprit sont les mêmes que celles qui sont exigées d'un modèle pour être éligible à la protection spécifique des dessins et modèles déposés, qui n'en constitue qu'un cas particulier, les poursuites engagées sur le fondement des articles L. 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ne peuvent davantage prospérer ;
"1°) alors que, si le principe de l'unité de l'art signifie que les dessins et modèles sont à la fois protégés par les dispositions des livres I et III du code la propriété intellectuelle et par celles du livre V du même code sur les dessins et modèles, ce cumul ne saurait en aucun cas signifier une confusion des deux régimes de protection par une assimilation automatique de leurs critères d'application ; qu'il résulte au contraire de l'ordonnance du 25 juillet 2001 une inéluctable différenciation des ces deux régimes puisqu'en réformant profondément le droit des dessins et modèles, elle a donné naissance à un nouveau régime de protection spécifique, qui affirme nécessairement son autonomie par rapport au droit d'auteur ; qu'en se bornant dès lors à renvoyer les prévenus des fins de la poursuite de contrefaçon de droit d'auteur, sur le seul fondement du principe de l'unité de l'art, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés ;
"2°) alors que l'article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle définit la contrefaçon de droit d'auteur comme toute édition d'écrits, de dessin ou de toute autre production en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs ; que la contrefaçon de pièces de carrosserie pour automobiles entre nécessairement dans cette définition dans la mesure où chaque élément de la carrosserie exprime une part de la pensée du créateur de l'ensemble de la carrosserie et que la protection légale qui s'applique au tout s'attache également à chacun de ses éléments constitutifs ; qu'en refusant de faire bénéficier les différentes pièces litigieuses de carrosserie pour automobiles de la protection dont elle bénéficiait dans son ensemble au titre du droit d'auteur, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et privé sa décision de relaxe de toute base légale" ; Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour renvoyer la société Auto sud marché des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de droits d'auteur, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les objets litigieux ne procédaient pas d'une création portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur, qui caractérise l'originalité exigée pour bénéficier de la protection accordée par la loi aux oeuvres de l'esprit, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 28 mai 2009, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu.