CA Montpellier, ch. com., 4 mai 2021, n° 18/04918
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Narbonne accessoires (Sté)
Défendeur :
Socodim (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Prouzat
Conseillers :
Mme Bourdon, Mme Rochette
Avocats :
Me Destours, Me Laurent, Me Blanquer, Me Ahlsell de Toulza, Me Galand-Padrao
FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
La SAS Société commerciale de distribution de matériel de loisir (la société Socodim) exerce une activité de vente de véhicules de loisir (camping-cars, caravanes, ...) et d'accessoires afférents ; son siège social se situe au sud de Nantes à Rezé (44) où elle dispose d'une concession ; elle dispose également d'une concession aux Clouzeaux (85).
La SA Narbonne, devenue SA Groupe Narbonne accessoires, a pour activité principale la vente d'accessoires pour véhicules de loisir et de camping et l'exerce en qualité de franchiseur dans le cadre d'un réseau de franchise de magasins d'accessoires (accolés aux concessions de véhicules de loisir).
Par contrat en date du 18 juillet 2012, la société Narbonne a concédé à la société Socodim, exerçant sous l'enseigne « Vendée Loisirs », la qualité de franchisé exclusif pour la commercialisation de produits d'accessoires de véhicules de loisirs sur le territoire de la Vendée en contrepartie du paiement d'un droit d'entrée (38 112,25 euros HT) et d'une redevance annuelle (3 841,68 euros HT, puis 5 488,20 euros HT); le contrat de franchise est conclu pour une durée de 5 années (...) avec une obligation de se réunir avant l'échéance et, sauf dénonciation, par l'une ou l'autre des parties, en respectant un préavis de 9 mois avant la date d'échéance, le contrat se poursuivra par tacite reconduction pour une nouvelle période de 4 années sans pouvoir excéder 9 ans.
Le même jour, la société Narbonne et la société Socodim ont signé une « contre-lettre au contrat de franchise conclu le 18 juillet 2012 » portant sur le droit forfaitaire de renouvellement prévu à l'article 23 de ce contrat.
Par lettre du 18 juillet 2012 également, ayant pour objet « partenariat sur le département 44 », la société Narbonne a précisé à son cocontractant:
- qu'elle lui consent « une exclusivité pour conclure un contrat de franchise sous enseigne « Narbonne accessoires », portant sur la zone sud du département de Loire-Atlantique (...) pour une durée de 12 mois à compter du 1er septembre 2012. (...)
- qu'elle lui consent également « une exclusivité pour conclure un contrat de franchise sous enseigne « Narbonne accessoires », portant sur la zone nord du département de Loire-Atlantique (...) pour une durée de 36 mois à compter du 1er septembre 2012. Cette exclusivité conférerait donc à la société Socodim (...) le droit d'être prioritaire sur toute autre personne morale pour conclure en exclusivité un contrat de franchise « Narbonne accessoires » sur le territoire visé ci-dessus selon des conditions et modalités conformes aux documents contractuels signés ce jour (contrat de franchise et contre-lettre) (...) pour le département de Vendée.
Cette exclusivité serait liée à la conclusion d'un contrat de franchise (...) pour l'établissement actuel (ou tout futur établissement) de la société Socodim située dans le nord de Nantes.
À défaut d'avoir conclu un tel contrat dans la période visée, la priorité et l'exclusivité deviendraient caduques et chaque partie retrouverait sa totale liberté d'action.
En contrepartie durant cette période de 36 mois, la société Socodim s'interdit, directement ou indirectement, de nouer tout contact visant à conclure un contrat portant sur la distribution des produits accessoires similaires à ceux distribués par la société Narbonne au sein de son réseau sur la zone sud du département de Loire Atlantique (...) ».
Cette lettre prévoit une obligation pour les parties de se rencontrer avant la date d'échéance et précise que « pour que l'exclusivité soit pleine et entière », les parties devront se mettre d'accord sur les conditions de fermeture des deux points de vente de la société Narbonne (Saint-Herblain et Sainte Luce sur Loire) situés dans le département 44 avant l'ouverture des établissements de la société Socodim.
Un second contrat de franchise a été conclu entre les mêmes parties le 5 février 2014, aux termes duquel la société Narbonne a concédé à la société Socodim, la qualité de franchiseur exclusif sur la zone sud Loire du département de Loire-Atlantique pour les mêmes tarifs et la même durée.
Le même jour, la société Narbonne et la Socodim ont signé une « contre-lettre au contrat de franchise conclu le 5 février 2014 » portant sur le montant du droit d'entrée et le droit forfaitaire de renouvellement prévu à l'article 23.
Quelques jours auparavant, le 30 janvier 2014, les parties avaient signé une nouvelle lettre, ayant pour objet le partenariat sur le département 44 selon laquelle la société Narbonne consent de manière irrévocable à la société Socodim qui l'accepte une exclusivité pour conclure un contrat de franchise sous enseigne « Narbonne accessoires » portant sur la zone nord du département de Loire-Atlantique (...), et ce pour une durée de 36 mois à compter de la signature des présentes.
Cette lettre renouvelle la priorité accordée à la société Socodim, les effets de l'absence de signature d'un contrat dans la période, les obligations de la société Socodim pendant cette période et l'obligation pour les parties de se rencontrer avant la date d'échéance et de se mettre d'accord pour la fermeture du point de vente restant.
Par courriels des mois de janvier, février et avril 2016, la société Narbonne a informé la société Socodim qu'elle s'était rapprochée du groupe S.L.C. (M. C...), qui vient de mettre un terme à sa collaboration avec « Top accessoires » (sic), afin d'être présente dans un de ses deux (nouveaux) magasins situés sur Nantes nord.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juin 2016, la société Socodim mettait en demeure la société Narbonne de se conformer en tous points à ses engagements et de résilier le contrat de franchise illégalement conclu sur le secteur nord Loire.
Par lettres recommandées des 13 et 14 octobre 2016, la société Narbonne a formalisé auprès de la société Socodim sa décision de ne pas renouveler le contrat de franchise conclu le 18 juillet 2012 concernant le département de la Vendée et lui reprochait d'avoir réalisé des opérations de communication locale en violation des dispositions contractuelles les liant, celle-ci ne mentionnant pas son appartenance au réseau Narbonne et promouvant un réseau concurrent, « le réseau Destinea ».
Saisi par acte d'huissier en date du 20 décembre 2016 délivré par la société Socodim, le tribunal de commerce de D... a, par jugement du 12 juin 2018 :
- « constaté l'existence d'un accord ferme et définitif entre les sociétés Socodim et Narbonne accessoires octroyant à Socodim l'exclusivité pour conclure un contrat de franchise avec Narbonne accessoires pour un point de vente situé au nord de Nantes,
- constaté la violation dudit contrat par Narbonne,
- dit que la responsabilité civile contractuelle de Narbonne est engagée,
- condamné Narbonne au paiement d'une somme de 4 985 euros HT en réparation du préjudice matériel subi par Socodim,
- condamné Narbonne au paiement d'une somme de 100 000 euros au profit de Socodim en réparation du préjudice né de la perte de chance de réaliser un gain,
- débouté Socodim de sa demande de condamnation en réparation d'un préjudice d'image,
- débouté Socodim de sa demande de prononcer la nullité des contrats de franchise conclus le 18 juillet 2012 et le 5 février 2014 entre Narbonne et Socodim,
- condamné Narbonne à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire partielle de ce jugement à hauteur de 30 % du montant des condamnations, à charge pour Socodim de fournir caution d 'un établissement bancaire établi en France, cette garantie devant être valable jusqu’à l'exigibilité du remboursement éventuel de ladite somme,
- condamné Narbonne aux entiers frais et dépens (...). »
Par déclaration reçue le 3 octobre 2018, la société Narbonne a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 25 juin 2019, de : « (...) la recevoir en toutes ses demandes, fins et prétentions,
- infirmer le jugement (...) en ce qu'il a constaté l'existence d'un accord ferme et définitif entre les deux sociétés octroyant à la société Socodim l'exclusivité pour conclure un contrat de franchise avec la société Narbonne pour un point de vente situé au nord de Nantes, constaté la violation dudit contrat par la société Narbonne, dit que sa responsabilité civile contractuelle était engagée et l'a condamnée au paiement d'une somme de 4 985 euros HT en réparation du préjudice matériel, 100 000 euros en réparation du préjudice né de la perte de chance de réaliser un gain et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (...),
- et statuant à nouveau,
- juger qu'elle avait simplement consenti à la société Socodim une priorité quant au projet de conclusion d'un contrat de franchise pour la zone nord Loire ;
- juger qu'elle a respecté son engagement de priorité et a été parfaitement diligente et loyale dans la préparation et la mise en œuvre du projet commun d'implantation d'un point de vente franchisé en nord Loire ;
- juger que la société Socodim a été particulièrement négligente à cet égard ;
- juger que le projet commun d'implantation d'un point de vente franchisé en nord Loire n'a pu aboutir en raison de ladite négligence de la société Socodim et du bouleversement concurrentiel consécutif à l'arrivée du groupe C... sur ladite zone ;
- juger qu'il n'a donc pu en découler aucun préjudice pour la société Socodim ;
- en tout état de cause, condamner la société Socodim à lui payer la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens. »
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- son obligation était de négocier prioritairement et cette obligation ne lui interdisait pas de conclure avec un tiers dès lors que la société Socodim ne voulait ou ne pouvait réaliser le projet en question,
- elle a respecté son engagement de priorité avec la fermeture préalable de son point de vente dans le nord du département de la Loire-Atlantique (en respectant une résiliation triennale), transférant dans ce cadre sa propre clientèle à la société Socodim,
- au regard de l'arrivée en décembre 2015 du groupe S.L.C-C... ayant acquis deux points de vente de véhicules de loisir dans le nord du département de la Loire-Atlantique, créant un nouveau environnement concurrentiel, et faisant obstacle au projet initial, et ce du fait de l'absence de diligences de la société Socodim pour s'y installer, elle a proposé à cette dernière d'ouvrir un point de vente d'un autre type (magasin step 2), demande à laquelle cette dernière n'a pas donné suite,
- la société Socodim n'a pas communiqué d'informations concernant son projet immobilier et ce malgré les relances, elle ne s'est attelée à la réalisation du projet que, selon ses propres écritures, à compter du mois de novembre 2015,
- elle n'a cessé de l'alerter sur l'absence de diligences et a respecté son devoir général d'assistance et de conseil du franchiseur en lui déconseillant par 2 fois de réaliser sur la zone nord Loire le projet initialement prévu au regard de l'implantation du groupe C... et en l'informant de son souhait de s'associer à ce groupe,
- les préjudices matériels et le préjudice d'image ne sont pas rapportés (factures insuffisamment probantes, aucune perte de clientèle pour le magasin d'accessoires de Rezé, qui a bénéficié du transfert de sa clientèle ...),
- le prétendu manque à gagner n'existe pas, le prévisionnel de novembre 2015 sur les 3 premiers exercices du contrat de franchise pour la zone nord Loire était indicatif,
- l'ouverture d'un nouveau point de vente n'était pas imminente, puisque devenue irréalisable,
- le partenariat ne conditionnait pas la conclusion des contrats de franchise tandis que ceux-ci ont été exécutés.
Formant appel incident, la société Socodim sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 27 mars 2019 :
« -sur la violation de l'engagement d'exclusivité par Narbonne, confirmer le jugement (...),
- sur la condamnation de Narbonne à la réparation du préjudice matériel subi (...), confirmer le jugement (...) en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 4 985 euros en réparation du préjudice matériel subi en actualisant le montant de la somme à 6 985 euros HT ;
- l'infirmer en ce qu'il a rejeté ses demandes relatives aux autres chefs de préjudice matériel et statuant à nouveau, condamner la société Narbonne au paiement d'une somme de 18 047 euros HT en réparation de son préjudice matériel (...),
- sur la condamnation de Narbonne au paiement d'une indemnité au titre de la perte de clientèle, infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de cette demande (...) et statuant à nouveau, condamner la société Narbonne au paiement d'une somme de 6 063 euros HT (... ),
- sur la condamnation de Narbonne au paiement d'une indemnité au titre des gains manqués, infirmer partiellement le jugement (...) en ce qu'il l'a condamnée au seul versement de la somme de 100 000 euros et non à l'intégralité de son préjudice (...) et statuant à nouveau, condamner la société Narbonne au paiement d'une somme de 1 026 057 euros HT en réparation du préjudice né de la privation de pouvoir tirer profit des bénéfices qui auraient été dégagés par l'exploitation d'un nouveau point de vente au nord de Nantes, ou, à titre subsidiaire, condamner la société Narbonne au paiement de cette même somme au titre de la perte de chance subi,
- sur la condamnation de Narbonne au paiement d'une indemnité au titre du préjudice d'image, infirmer le jugement (...) et statuant à nouveau, la condamner au paiement d'une somme de 100 000 euros (...),
- sur la nullité des contrats de franchise en date du 18 juillet 2012 et du 5 février 2014, infirmer le jugement (...) et statuant à nouveau, prononcer la nullité du contrat de franchise conclu le 18 juillet 2012 (...) et de la contre-lettre signée le même jour ainsi que du contrat de franchise conclu le 5 février 2014 (...) et la contre-lettre signée le même jour et remettre les parties en l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion desdits contrats et ordonner la restitution par Narbonne accessoires de la somme de 343 146,51 euros,
- en tout état de cause, condamner la société Narbonne au paiement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel.»
Elle expose en substance que :
- dès 2012, l'objectif central de l'engagement était bien l'exclusivité des relations contractuelles et non un simple droit de priorité,
- suite à la fermeture du magasin de Saint Herblain, elle a refusé de précipiter les opérations d'implantation qui étaient en cours,
- la société Narbonne a agi avec mauvaise foi, ayant approché un concurrent pendant la période d'exclusivité sans l'en informer, ayant tenté de la décourager de s'installer dans la zone nord Loire et de la faire renoncer à l'exclusivité consentie compte tenu de la nouvelle concurrence sur ce territoire, dont elle est elle-même à l'origine,
- l'engagement d'exclusivité contractée par D... accessoire n'avait pas d'autre contrepartie que son engagement de ne pas entrer en négociation avec un concurrent de celle-ci,
- elle s'est investie dans le projet dès les mois suivant la signature en 2014 (consultations d'entreprises spécialisées dans le conseil en immobilier d'entreprise et dans l'ingénierie financière...),
- elle a subi divers préjudices, elle a subi un gain manqué, et non une perte de chance, puisque l'unique raison pour laquelle l'ouverture du point de vente n'a pu être concrétisée est la violation de son engagement ferme et irrévocable par la société Narbonne plus d'un an avant l'expiration de l'exclusivité consentie,
- elle a été contrainte d'informer le groupe Pilote du revirement de position de Narbonne, entachant ainsi son image auprès de celui-ci et de ses autres partenaires commerciaux et financiers,
- les 2 contrats de franchise et les 2 contre-lettres signées les mêmes jours forment un ensemble contractuel indissociable reposant sur un projet global d'implantation et la violation de son engagement par la société Narbonne a remis en cause l'intégralité du projet commun, les contrats étant dès lors dénués de toute cause et atteints de nullité.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 février 2021.
MOTIFS de la DECISION :
Selon l'ancien article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Au terme des deux conventions signées les 18 juillet 2012 et du 5 février 2014, l'une succédant à l'autre, la société Narbonne a consenti à la société Socodim « une exclusivité pour conclure un contrat de franchise (...) portant sur la zone nord du département de Loire-Atlantique (...) pour une durée de 36 mois à compter du 1er septembre2012, puis, à nouveau, à compter du 30 janvier 2014, cette exclusivité confér[ant] à la société Socodim (...) le droit d'être prioritaire sur toute autre personne morale pour conclure en exclusivité un contrat de franchise sur [c]e territoire. »
Ces deux conventions prévoient également « pour que l'exclusivité soit pleine et entière », que les parties s'accorderont sur les conditions de fermeture des points de vente de la société Narbonne situés dans le département 44 avant l'ouverture des établissements de la société Socodim.
Il est encore précisé « qu'à défaut d'avoir conclu un tel contrat dans la période visée, la priorité et l'exclusivité deviendraient caduques et chaque partie retrouverait sa totale liberté d'action ».
La contrepartie durant cette période due par la société Socodim consiste, selon ces conventions, à s'interdire, « directement ou indirectement, de nouer tout contact visant à conclure un contrat portant sur la distribution des produits accessoires similaires à ceux distribués par la société Narbonne accessoires au sein de son réseau sur la zone » concernée.
La société Narbonne s'est ainsi engagée pendant le délai défini pour la zone déterminée à conclure un contrat de franchise uniquement avec la société Socodim à l'exclusion de tout autre cocontractant, le droit de priorité, développé dans la convention, découlant de l'exclusivité accordée tandis que la société Socodim ne peut contracter ou engager des pourparlers avec un concurrent; il en résulte que les obligations de chaque partie sont dépourvues d'ambiguïté et la convention ne nécessite aucune interprétation.
La seconde période de 36 mois devait s'achever en janvier 2017 alors que dès le mois de janvier 2016, la société Narbonne informait la société Socodim qu'elle était sur le point de signer un contrat de franchise de distribution de ses produits avec une autre société, exerçant dans la zone concernée.
Si la société Narbonne avait dès le mois de juin 2014 indiqué qu'elle fermait son point de vente, situé à Saint Herblain, plus rapidement qu'initialement prévu dans le cadre d'une proposition reconfigurée et faisait parvenir le 14 novembre 2014 à la société Socodim une nouvelle lettre d'exclusivité, cette dernière lui a répondu par un courrier du 21 novembre 2014, que le projet d'installation au nord de Nantes était toujours d'actualité et que le délai restait de 36 mois.
A ce titre, la société Socodim justifie avoir procédé à des recherches immobilières en juin et septembre 2014 sur la commune de Chateaubriant et dans l'axe Nantes/Vannes, puis en novembre 2015 sur les communes de Treillières et de Saint Etienne de Montluc.
Le contexte concurrentiel sur la zone nord de Nantes résulte, certes, de la venue d'un autre groupe exerçant la même activité, mais également et principalement, de la conclusion par la société Narbonne avec celui-ci de relations contractuelles en lieu et place de celles qu'elle devait nouer avec la société intimée ; à ce titre, la proposition de la société Narbonne d'ouvrir un magasin de type step 2 (magasin d'accessoires sans droit d'utilisation de l'enseigne) ne fait que concrétiser la violation de l'exclusivité accordée.
La société Narbonne ne rapporte pas que la société Socodim se soit rapprochée d'un concurrent.
Ainsi, la société Narbonne n'a pas respecté ses obligations contractuelles quant à l'exclusivité consentie tandis qu'elle n'établit d'aucune inexécution contractuelle de la société Socodim lui permettant d'arguer d'une exception d'inexécution.
Ces manquements à ses engagements contractuels ont causé à la société Socodim des préjudices, découlant de la fin anticipée de la convention de partenariat.
La société Socodim sollicite la réparation d'un gain manqué et d'un préjudice matériel au titre des factures liées aux frais d'établissement du business plan, de la mobilisation de l'équipe pour la réalisation du projet, des factures liées aux frais d'accompagnement juridique, de la perte de clientèle pour le site de Rezé et d'un préjudice d'image.
En l'absence de tout élément de nature à établir que son installation dans la zone nord de Nantes était imminente par le biais d'une acquisition immobilière ou la signature d'un bail, les courriels produits relatifs aux recherches effectuées étant insuffisants, et n'a été empêchée que par les manquements contractuels de la société Narbonne, la société Socodim ne peut démontrer que son préjudice se traduit par un gain manqué, en ce qu'elle aurait été privée de pouvoir de tirer profit des bénéfices dégagés par l'exploitation d'un nouveau point de vente, puisque la convention prévoyait la possibilité que le contrat de franchise ne soit pas conclu. Le préjudice consiste, en réalité, en la perte de la chance de signer ledit contrat, demande dont la cour est saisie, qui, compte tenu du caractère incertain de l'installation, est limitée.
Le prévisionnel sur trois années, émanant de la société Narbonne, ne traduisant qu'une estimation, au vu des éléments produits, la perte de chance sera évaluée à la somme de 100 000 euros.
Au vu des pièces produites (factures des 1er février 2015 -2 000 euros HT- et 1er juin 2016 -4 985 euros HT- émises par la société IADF, concernant les honoraires de conseil et les études d'hypothèses-business plan sur 3 ans), le préjudice lié à ces frais sera fixé à la somme de 6 985 euros HT.
L'évaluation de la mobilisation de l'équipe de la société Socodim ne peut être appréciée en l'absence d'éléments probants, les honoraires de la société chargée du business plan et les justificatifs de recherche de lieux d'installation étant limitées et ponctuelles sur une période globale de deux années. Cette demande sera rejetée.
De même, les factures du cabinet d'avocats de la société Socodim, qui ne mentionnent aucune facturation en lien avec le projet d'établissement dans la zone nord de Nantes, mais seulement le montant d'une facturation, qui paraît correspondre à un règlement semestriel au titre de prestations régulières, ne pourront être retenues et cette demande sera rejetée.
Concernant la perte de clientèle sur le site d'accessoires de Rezé, due à l'ouverture d'un point de vente du groupe S.L.C., il est établi que ce site a bénéficié de la fermeture du point de vente de la société Narbonne à Saint-Herblain en novembre 2014 par une augmentation de son chiffre d'affaires de 56 % en 2015 par rapport en 2014 tandis que la perte d'1 % de son chiffre d'affaires entre 2016 et 2015 ne peut suffire, en elle-même, pour démontrer l'incidence du nouveau contexte concurrentiel sur son activité, indépendamment des efforts de la société Socodim, au demeurant non étayés, pour en limiter les effets négatifs. Cette demande sera également rejetée.
La perte d'image de la société Socodim auprès de ses partenaires commerciaux, et notamment du groupe Pilote n'est pas rapportée à défaut de toute pièce justificative ; cette demande d'indemnisation sera également rejetée.
Enfin, la demande de nullité des contrats de franchise en date du 18 juillet 2012 et du 5 février 2014 et des contre-lettres afférentes, fondée sur un défaut de cause, compte tenu de l'ensemble contractuel indissociable formé par ces conventions et la convention de partenariat, ne pourra prospérer, alors que les deux conventions de franchise, qui s'inscrivaient effectivement dans un projet global, dont la motivation ne se confond pas avec la cause de chacun des contrats de franchise, qui ont, au demeurant, été exécutés.
Par ces motifs, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions et complété concernant le montant du préjudice relatif aux factures liées aux frais d'établissement du business plan.
Succombant sur son appel, la société Narbonne sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 3 500 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 12 juin 2018,
Y ajoutant,
Condamne la SA Narbonne (devenue SA Groupe Narbonne accessoires) à payer à la SAS Société commerciale de distribution de matériel de loisir - Socodim, la somme de 2 000 euros HT au titre du préjudice matériel (frais d'établissement du business plan),
Condamne la SA Narbonne (devenue SA Groupe Narbonne accessoires), à payer à la SAS Société commerciale de distribution de matériel de loisir - Socodim, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la SA Narbonne (devenue SA Groupe Narbonne accessoires) fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Narbonne (devenue SA Groupe Narbonne accessoires) aux dépens d'appel.