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Décisions

Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-25.571

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Guillou

Avocat général :

M. Le Mesle

Avocats :

Me Spinosi, SCP Defrenois et Levis

Bastia, du 8 sept. 2010

8 septembre 2010

Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 8 septembre 2010), que La Banque Populaire Provençale et Corse (la banque) a consenti à la société Merenda un prêt dont ses trois associés, MM. X..., Y... et Z... se sont rendus cautions ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a déclaré sa créance qui, contestée par la société Merenda, a été admise par ordonnance du juge-commissaire du 6 mars 2006, confirmée par arrêt du 21 novembre 2007 ; que le 15 juillet 2009, M. X... a formé tierce opposition contre cet arrêt ; que MM. Y... et Z... sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu que MM. X..., Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable la tierce-opposition, alors, selon le moyen :

1°) que le droit d'accès effectif au juge implique que la caution, qui n'a pas été partie à l'instance, soit recevable à former tierce-opposition contre toute décision condamnant le débiteur principal au paiement de la créance garantie ; qu'en retenant, pour déclarer MM X..., Y... et Z... irrecevables, en leur qualité de caution, à former tierce-opposition contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2007, qui a confirmé l'admission à la procédure collective de la société Merenda d'une créance au profit de la banque, que les cautions devaient être considérées comme représentées par la société Merenda, débiteur principal, la cour d'appel a méconnu l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;

2°) qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, la société Merenda ayant fait l'objet d'un plan de cession totale par jugement du 24 mai 2004, ne pouvait ultérieurement être valablement représentée que par un administrateur ad hoc ; qu'en jugeant néanmoins que la société Merenda avait été régulièrement représentée par M. B..., en sa qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan, et par son « représentant légal », M. X..., la cour d'appel, qui aurait dû en déduire qu'aucun mandataire ad hoc n'avait été désigné pour représenter la société Merenda, de sorte qu'elle n'a pas pu être régulièrement partie à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 21 novembre 2007, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1844-7, 7° du code civil, dans sa rédaction alors applicable, et 583 du code de procédure civile ;

3°) qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, MM. Y..., Z... et X... faisaient valoir dans leurs écritures d'appel que la société Merenda n'avait pas été régulièrement représentée devant la cour d'appel, en raison de l'absence de nomination d'un administrateur ad hoc comme le requiert l'article 1844-7, 7° du code civil dans l'hypothèse d'un plan de cession totale, adopté par le jugement du 24 mai 2004 ; qu'en jugeant néanmoins que MM. Y..., Z... et X... en leur qualité de cautions solidaires des engagements bancaires souscrits par la société Merenda avaient été représentés par celle-ci dans l'instance ayant conduit à l'arrêt contre lequel ils ont formé tierce opposition, sans rechercher si l'absence de nomination d'un administrateur ad hoc à l'issue de l'adoption du plan de cession totale du 24 mai 2004 ne rendait pas irrégulière la représentation de la société Merenda par M. B..., ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan, et par l'ancien représentant légal, M. X..., la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7, 7° du code civil, dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;

4°) que les créanciers et ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ; qu'en l'espèce, la société Merenda s'était contentée de solliciter le rejet de la créance produite par la BPPC, faute de production de pièces justificatives du montant de celle-ci, quand MM. Y..., Z... et X... faisaient valoir, quant à eux, qu'aucune mensualité échue n'était impayée au jour du jugement d'ouverture et du plan de cession totale, de sorte que la créance de la BPPC ne devait pas être admise ; qu'en retenant cependant, pour juger irrecevable la tierce opposition de MM. Y..., Z... et X... que le moyen propre s'entend d'un moyen personnel à l'intéressé que lui seul peut faire valoir, la cour d'appel a ajouté une condition au texte, violant ainsi l'article 583, alinéa 2, du code civil ;

Mais attendu que MM. X..., Y... et Z..., cautions, pouvant former réclamation contre l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce par le juge-commissaire, en qualité de tiers intéressés conformément aux dispositions de l'article R. 624-8 du code de commerce, la tierce-opposition contre l'arrêt du 21 novembre 2007 ne leur était pas ouverte ; que par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.