Cass. 1re civ., 15 avril 1982, n° 80-15.403
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charliac
Rapporteur :
M. Ancel
Avocat général :
M. Baudoin
Avocat :
SCP Lyon-Caen Fabiani Liard
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES QUATRE BRANCHES :
ATTENDU QUE M X... FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR DECLARE LA REGIE NATIONALE DES USINES RENAULT (RNUR) RECEVABLE A CRITIQUER LE CARACTERE D'ORIGINALITE DE DESSINS, FILMS ET MONTAGES AUDIO-VISUELS QU'IL A REALISES POUR LE COMPTE DE CELLE-CI ET DESTINES A ILLUSTRER LES BROCHURES EDITEES PAR LE SERVICE APRES-VENTE DU CONSTRUCTEUR, NOTAMMENT A L'USAGE DES REPARATEURS ; QU'IL EST REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR, POUR STATUER AINSI, DENATURE LE DONNE-ACTE CONTENU DANS LE DISPOSITIF D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS, DU 6 MARS 1972, ET AINSI REDIGE : DONNE ACTE A LA REGIE NATIONALE DES USINES RENAULT DE CE QU'ELLE EST PRETE A APPOSER OU FAIRE APPOSER AU GENERIQUE DE TOUS LES FILMS DONT LES DESSINS ORIGINAUX AURAIENT ETE FOURNIS PAR M X... LA MENTION SUIVANTE : DESSINS ORIGINAUX EXECUTES PAR M X... ET D'AVOIR REFUSE DE DEDUIRE DE CETTE MENTION, EFFECTIVEMENT PORTEE PAR LA RNUR SUR LES DOCUMENTS COMPORTANT DES DESSINS DE M X..., LE CARACTERE ORIGINAL DE CES DESSINS ; QUE L'ARRET ATTAQUE AURAIT ENCORE, A TORT, SELON LE POURVOI, ET AU PRIX D'UNE CONTRADICTION DE MOTIFS, REFUSE DE VOIR DANS L'EXECUTION DU JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE UN ACQUIESCEMENT A CETTE DECISION, DE NATURE A FAIRE DECLARER IRRECEVABLE LA CONTESTATION PRESENTEE PAR LA RNUR DANS LA PRESENTE INSTANCE ; QU'EN SE DETERMINANT AU MOTIF QUE LA MENTION DESSINS ORIGINAUX EXECUTES PAR COMPORTAIT D'AUTRES NOMS, AVEC CELUI DE M X..., LA COUR D'APPEL AURAIT VIOLE LES ARTICLES 8 ET 10 DE LA LOI DU 11 MARS 1957, LE FAIT QUE LE NOM DE M X... FIGURAT AVEC D'AUTRES NE LE PRIVANT PAS DE LA QUALITE D'AUTEUR QUI LUI ETAIT AINSI RECONNUE ET QUI APPARTIENT A CEUX SOUS LE NOM DESQUELS L'OEUVRE EST DIVULGUEE, L'OEUVRE DE COLLABORATION ETANT LA PROPRIETE COMMUNE DES COAUTEURS ;
MAIS ATTENDU QUE C'EST DANS L'EXERCICE DE SON POUVOIR SOUVERAIN D'APPRECIATION QUE LA COUR D'APPEL, SANS DENATURATION NI CONTRADICTION, A ESTIME, COMPTE TENU DU LIBELLE DU DONNE-ACTE DE LA MANIERE DONT LA MENTION FAISANT ETAT DE DESSINS ORIGINAUX DE M X... AVAIT ETE FAITE, QUE LE COMPORTEMENT DE LA RNUR NE DEMONTRAIT PAS UNE INTENTION NON EQUIVOQUE D'ACQUIESCER A LA DECISION DU TRIBUNAL DE COMMERCE, NI UNE RECONNAISSANCE CERTAINE DE L'ORIGINALITE DES DESSINS FOURNIS PAR M X..., AU SENS DE LA LOI DU 11 MARS 1957 ; QU'ELLE A AINSI LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION SUR CE POINT, ET QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ; LE REJETTE ; MAIS SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SA DEUXIEME BRANCHE : VU L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 11 MARS 1957 ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE CE TEXTE, LES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 11 MARS 1957 PROTEGENT LES DROITS DES AUTEURS SUR TOUTES LES OEUVRES DE L'ESPRIT, QUELS QU'EN SOIENT LE GENRE, LA FORME D'EXPRESSION, LE MERITE OU LA DESTINATION ;
ATTENDU QUE, POUR REFUSER LA QUALITE D'OEUVRES DE L'ESPRIT AUX DESSINS ET AUX MONTAGES AUDIO-VISUELS REALISES PAR M X... POUR LA RNUR, LA COUR D'APPEL RETIENT QUE CES TRAVAUX NE PROCEDAIENT NULLEMENT DE CONSIDERATIONS ESTHETIQUES OU ARTISTIQUES, MAIS DE CONSIDERATIONS PUREMENT ET UNIQUEMENT TECHNIQUES ;
ATTENDU QU'EN SE DETERMINANT PAR DE TELS MOTIFS, ALORS QUE LA PROTECTION LEGALE S'ETEND A TOUTE OEUVRE PROCEDANT D'UNE CREATION INTELLECTUELLE ORIGINALE, INDEPENDAMMENT DE TOUTE CONSIDERATION D'ORDRE ESTHETIQUE OU ARTISTIQUE, LA COUR D'APPEL A VIOLE LE TEXTE SUSVISE ;
PAR CES MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LES AUTRES BRANCHES DU MOYEN : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES LE 4 MARS 1980 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.