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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 4 mai 2021, n° 19/00764

CHAMBÉRY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gestion Marketing et Stratégie (SAS)

Défendeur :

Sales Development Service (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ficagna

Conseillers :

Mme Fouchard, Mme Real Del Sarte

Avocats :

Selarl Juliette Cochet-Barbuat Lexavoué Chambéry, Me Pavon-Grangier, SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, Me Biagi

T. com. Annecy, du 5 avr. 2019

5 avril 2019

Selon contrat du 1er août 2013, la société NK Distribution a conclu un contrat d'agent commercial avec la société DMP International, qui l'a cédé selon attestation de son gérant en date du 1er novembre 2014, à la société SDS Eurl - Sales Development Service.

Parallèlement, la société NK Distribution a cédé son activité à la société Gestion Marketing & Stratégie (société GMS) qui lui fournissait habituellement des prestations de logistiques.

La société GMS a embauché deux anciens salariés de la société NK Distribution.

Il s'est avéré nécessaire de clarifier la question du contrat d'agent commercial.

C'est ainsi que le 25 novembre 2015 :

- la société NK Distribution a proposé à la société SDS une résiliation amiable du contrat d'agent commercial,

- tandis que la société GMS proposait à la signature de la société SDS un nouveau contrat d'agent commercial.

Par courrier du 1er mars 2016, la société GMS a indiqué à la société SDS qu'elle constatait que la proposition d'accord n'avait pas été retournée, qu'aucune diligence n'avait été entamée dans le cadre du mandat, qu'elle souhaitait résilier « l'accord commercial », avec préavis d'un mois, à l'issu duquel, la société SDS était priée de restituer la documentation, ainsi que les matériels et collections.

Par assignation du 3 novembre 2016, la société SDS a assigné la société GMS et la société NK Distribution devant le tribunal de commerce d'Annecy pour obtenir leur condamnation in solidum à lui payer des rappels de commissions et des indemnités de résiliation, au titre du contrat d'agent commercial.

Apprenant que la société NK Distribution avait fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés en date du 7 août 2016, suite à sa liquidation anticipée, la société SDS a abandonné sa demande à son encontre.

La société GMS a conclu à l'irrecevabilité et subsidiairement au débouté de l'intégralité des demandes de la société SDS dirigées à son encontre.

Par jugement du 5 avril 2019, le tribunal de commerce d'Annecy a :

- déclaré en partie recevables et bien fondées les demandes de la société Sales Development Service,

- rejeté les demandes de la société Gestion Marketing et Stratégie,

- condamné en conséquence la société Gestion Marketing Stratégie à payer à la société Sales Development service :

- la somme de 2 847,61 au titre du rappel forfaitaire de commissions,

- la somme de 19 526,46 au titre de l'indemnité de rupture liant les parties, lesdites sommes portant intérêt avec capitalisation à compter du 03 novembre 2016,

- rejeté la demande de la société Sales Development Stratégie au titre des commissions forfaitaires sur la période de préavis,

- condamné la société Gestion Marketing et Stratégie à payer à la société Sales Development service la somme de 3 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Gestion Marketing et Stratégie aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

La société GMS a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 1er février 2021, la société Gestion Marketing & Stratégie (GMS), demande à la cour :

Vu je jugement du tribunal de commerce d'Annecy rendu je 05 avril 2019,

Vu les articles L. 134-1, L. 134-11 et L. 134-13 du code de commerce, l'article 700 du code de procédure civile et la jurisprudence applicable en la matière,

- de recevoir la société GMS en son appel en l'en déclarer bien fondée,

- d'infirmer le jugement intervenu en ce qu'il a :

- déclaré les demandes de la société SDS recevables et bien fondées,

- dit qu'il y avait lieu de reconnaitre que les sociétés GMS et SDS étaient liées par un contrat d'agent commercial au sens de l'article L. 134- 1 et suivants du code de commerce,

- condamné la société GMS à verser à la société SDS la somme de 2 841,61 HT au titre de rappel des commissions,

- condamné la société GMS à verser à la société SDS la somme de 19 526,46 HT au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agence commercial liant les parties,

- de confirmer le jugement intervenu en ce qu'il a rejeté la demande de la société SDS au titre des commissions forfaitaires sur la période de préavis, statuant à nouveau,

A titre principal,

- de déclarer irrecevable l'action de la société SDS à l'encontre de la société GMS, faute de qualité à agir,

- de débouter la société SDS de toutes ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la société GMS,

A titre subsidiaire,

- de réduire le montant de l'indemnité de fin de contrat due par la société GMS à la société SDS à la somme de six mois de commissions, soit la somme de 1 249,38 euros compte tenu de la très faible durée d'exécution du mandat d'agence commerciale,

En tout état de cause,

- de débouter la société SDS de toutes ses autres demandes fins et conclusions à l'encontre de la société GMS,

- de condamner la société SDS au paiement à la société GMS de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl Juliette Cochet Barbuat.

Elle soutient :

- qu'il est incontestable que la société NK Distribution n'a jamais donné son accord au transfert du contrat d'agent commercial dont bénéficiait la société DMP International au profit de la société SDS,

- que c'est bien à la société DMP international et non à la société SDS que la société NK Distribution a adressé la proposition de convention de résiliation amiable du contrat d'agent commercial datée du 25 novembre 2015,

- que la société GMS ne vient pas aux droits de la société NK Distribution, au titre d'une quelconque reprise de ce contrat,

- que le contrat d'agent commercial n'est pas, à la différence du contrat de travail, transmis de plein droit en cas de reprise de l'activité du mandant par un tiers, que ce soit en cas de cession de fonds de commerce, de fusion ou d'apport partiel d'actif, dès lors que « le contrat d'agence commerciale, conclu en considération de la personne du cocontractant, ne peut être transmis, même par cession partielle d'actif qu'avec l'accord du cessionnaire et de l'agent commercial »,

- que si la société GMS a assuré sur la fin d'année 2015 le suivi, la livraison des commandes prises par la société NK Distribution puis leur facturation aux clients pour des produits dont elle gérait les stocks, c'est en qualité de prestataire de logistique externalisé, conformément à ses missions,

- que les contrats de travail des deux salariés n'ont pas été transférés en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, mais embauchés par GMS sans reprise de leur ancienneté acquise chez NK Distribution et avec une période d'essai,

- qu'au cours de la courte période de novembre 2015 à avril 2016, la société GMS a assuré pour la société NK Distribution une prestation de service logistique consistant en une activité de stockage, de suivi des commandes, de livraison aux clients et de service après-vente et a facturé les dernières commandes passées à NK Distribution,

- que la société SDS ne justifie d'aucune diligence dans le cadre de son mandat,

- que la société GMS ne saurait être redevable de l'éventuelle créance de commissions que la société SDS pourrait avoir à l'égard de la NK Distribution pour la période allant du 1er janvier 2015 au 31 mars 2016 alors même que le premier contact ayant existé entre GMS et SDS date du 25 novembre 2015 date à laquelle GMS lui a fait une proposition de contrat d'agence commerciale.

Dans ses conclusions du 10 octobre 2019, la société SDS (Sales Development Service) demande à la cour :

Vu les articles 32, 46 et 700 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 134-2, L. 134-4, L. 134-6 alinéa 2, L. 134-9, L. 134-10, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce,

Vu les articles R. 134-3 alinéa 2 et R. 134-4 du code de commerce,

- de confirmer le jugement rendu sauf en ce qu'il a débouté la société Sales Development services (SDS) de sa demande de rappel de commissions sur préavis,

- de condamner la société Gestion Marketing et Stratégie (GMS) à payer à la société Sales Development services (SDS) la somme de 2 440,81 HT à titre de rappel de commissions sur préavis outre tva applicable au taux en vigueur,

- de condamner la société Gestion Marketing et Stratégie (GMS) à payer à la société Sales Development services (SDS) la somme de 3 000 supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Gestion Marketing et Stratégie (GMS) en tous les dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Bollonjeon - Arnaud - Bollonjeon, avocats associés, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient :

- qu'il existe en l'espèce un contrat initial écrit entre la société NK Distribution et la société DMP international,

- que lorsque la société DMP international a cessé son activité, celle-ci fut entièrement reprise par la société SDS, constituée par M. E..., qui était l'un des dirigeants de la société DMP International et qui était l'interlocuteur direct de la société NK Distribution, et le contrat d'agent commercial initialement passé par la société DMP international s'est ensuite poursuivi par la société SDS,

- que la preuve du transfert du contrat de la société DMP international à la société SDS est rapportée en premier lieu par le document rédigé par la société DMP international sous la signature dans son gérant, M. C... B..., le 1er novembre 2014 qui confirme que la société DMP international a transmis l'exécution du contrat à la société SDS, en second lieu c'est bien à la société SDS que furent payées les commissions par la société NK Distribution à compter du 1er novembre 2014,

- que la proposition d'un nouveau contrat écrit ne s'explique que par le fait que la société SDS exécutait effectivement sa mission d'agent commercial pour NK Distribution et que la société GMS en était clairement informée,

- que la société SDS prouve par les échanges qu'elle produit aux débats que la société GMS a de manière effective repris à son compte toutes les commandes qui avaient été obtenues grâce au travail fourni par la société SDS tandis que certaines commandes ont été prises par la société GMS auprès de la clientèle du secteur de la société SDS dès le mois de décembre 2015,

- que M. F... D... qui représentait la société NK Distribution, adressa le 22 décembre 2015 à M. E..., gérant de la société SDS, un courriel libellé en ces termes :

« comme vous le savez tous maintenant, l'aventure NK Distribution s'arrête pour moi pour se poursuivre sous GMA… Pour la partie commerciale, je demeure votre interlocuteur ([email protected]) 02 47 85 34 05, ainsi que Jérôme ([email protected]) ... »

- qu'il s'agit bien là d'une illustration du transfert auprès de la société GMS, à la fois de l'activité de NK Distribution sous quelque forme que ce fut, et du contrat d'agent commercial de la société SDS qui conserve au sein de GMS les mêmes interlocuteurs,

- que la société GMS a bien bénéficié du travail de la société SDS en gérant les commandes dont elle a assuré le suivi et la livraison et en facturant à la clientèle dont elle a reçu les paiements,

- que dans son courrier la société GMS reconnaît l'existence du lien contractuel indépendamment de la signature d'un nouveau contrat, et pour cause, et expose qu'à l'issue de la période de préavis, tous les biens lui appartenant et notamment la documentation, les matériels et les collections doivent lui être restitués, ce dont il ressort que la société GMS reconnaît que la société SDS dispose des moyens de sa mission d'agent commercial,

- que la société SDS doit percevoir les commissions sur toutes les affaires directes et indirectes du secteur qui était le sien,

- que lorsque la rupture n'a pas été provoquée par la faute grave de l'agent commercial, celui-ci doit bénéficier d'une part du respect d'une période de préavis et d'autre part de l'indemnisation des conséquences préjudiciables de la rupture.

MOTIFS

Sur la cession du contrat d'agent commercial entre la société DMP et la société SDS

1. La société SDS ne justifie d'aucun consentement de la société NK Distribution pour la cession du contrat d'agent commercial entre elle et la société DMP International.

L'acte du 1er novembre 2014, au terme duquel M. B..., gérant de la société DMP International « atteste céder à compter du 1er novembre 2014, le contrat qui liait DMP International et NK Distribution, signé le 1er août 2013, à la société SDS Eurl (...) et renoncer à tout droit afférent à ce contrat », n'est pas contresigné par la société NK Distribution.

2. La société SDS soutient que c'est bien à elle que furent payées les commissions par la société NK Distribution à compter du 1er novembre 2014.

Pour autant, elle ne produit aucune pièce à l'appui de cette allégation.

3. Enfin, force est de constater que les parties produisent un projet d'acte intitulé : « résiliation amiable du contrat d'agent commercial » en date du 25 novembre 2015, qui mentionne que l'acte doit être conclu entre : la société NK Distribution et la société DMP International, et non pas la société SDS, ce dont il résulte que la société NK Distribution ne considérait pas la société SDS comme étant son agent commercial et que les accords passés entre DMP et SDS ne lui étaient pas opposables.

Or l'agent commercial ne peut céder son contrat sans l'agrément du mandant.

Sur la reprise des engagements de la société NK Distribution par la société GMS

La société SDS ne produit aucune pièce démontrant que la société GMS se serait comportée comme son mandant. Elle ne justifie d'aucune commande passée pour le compte de cette société, ni d'aucun règlement de commission par cette société à son profit au titre de diligences d'agent commercial.

Les pièces produites concernent des prestations de gestion de litiges après-vente, ce que la société GMS assurait auparavant dans le cadre de ses prestations de service logistiques auprès de la société NK Distribution.

D'autre part, aucune transmission universelle de patrimoine n'est intervenue entre les deux sociétés, de sorte que la société GMS ne peut être tenue des dettes de commissions et indemnité de résiliation éventuellement dues par la société NK Distribution à la société SDS.

La société SDS ne justifie d'ailleurs pas être intervenue en tant que créancière potentielle aux opérations de liquidation amiable de la société NK Distribution.

Il ne saurait être tiré argument du courrier du 1er mars 2016, par lequel la société GMS a déclaré résilier l'accord commercial avec préavis d'un mois, alors que dans le même courrier, il est spécifié qu'aucune « diligence n'a été entamée dans le cadre du mandat ».

Par ailleurs, la revendication de matériels lui appartenant par la société GMS, du fait de la cession de fonds de commerce intervenue entre elle et la société NK Distribution, apparaît parfaitement logique et légitime.

Enfin, la reprise de la clientèle de la société NK Distribution, par la société GMS, en ce compris les clients apportés par la société DMP ou la société SDS à la société NK Distribution, ne peut être reprochée à la société GMS qui a repris l'activité de la société NK Distribution. Il appartenait à la société NK Distribution de régler la question avec la société DMP ou SDS, ce qu'elle a tenté en vain de faire en proposant un repreneur pour ce contrat en la personne de la société GMS.

En conséquence, le jugement sera réformé et les demandes de la société SDS ne peuvent qu'être rejetées, puisqu'il n'existe pas de contrat d'agence commerciale entre la société GMS et la société SDS.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Réformant le jugement déféré et statuant de nouveau,

Déboute la société SDS Eurl - Sales Development Service de toutes ses demandes à l'encontre de la société Gestion Marketing & Stratégie (GMS),

Condamne la société SDS Eurl - Sales Development Service à payer à la société Gestion Marketing & Stratégie (GMS) la somme de 3 000 pour les frais de première instance et d'appel,

Condamne la société SDS Eurl aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl Juliette Cochet Barbuat.