Livv
Décisions

Cass. com., 10 mars 2021, n° 20-15.992

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Bélaval

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Spinosi et Sureau, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Versailles, 13e ch., 18 févr. 2020

18 février 2020

Faits et procédure

1.  Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 février 2020), le groupe Finapart, était constitué de la société Finapart, holding, dirigée par M. Franck Pelletier, laquelle détenait les sociétés Auto parts distribution (la société APD), Sogedifa et Auto reserve ainsi qu'une part de la SCI Edison. La société APD, présidée par M. Franck Pelletier du 14 janvier 2012 au 11 février 2015, avait pour activité l'achat, la vente et la fabrication de matériels pour le secteur automobile qu'elle exerçait dans des locaux donnés en location par la SCI Edison, dirigée par M. Franck Pelletier, jusqu'au mois de décembre 2014.

2.    Par des jugements du 22 décembre 2014, un tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de la société Finapart, et le redressement judiciaire des sociétés Sogedifa et Auto reserve. Ces redressements ont été convertis en liquidations judiciaires le 21 janvier 2015, M. Legras de Grandcourt étant désigné liquidateur. Le 11 février 2015, le tribunal a autorisé la cession des actifs des sociétés Finapart et Auto reserve, dont 84,58 % des titres de la société APD, à la  société  Sicoba,  dirigée  par  M.  de  Gouberville.  Le  29 mai 2015, la société Sicoba a cédé l'intégralité des titres de la société APD à la société Mac Parts, dont le dirigeant est M. de Gouberville.

3.     La société Otto'Go, immatriculée en avril  2016,  a  été  créée  par  Mme Mireille Pelletier, mère de M. Franck Pelletier et associée unique et présidente, et par M. Jean-Claude Pelletier, père de M. Franck Pelletier, d'abord directeur général puis président.

4.  Par un jugement du 21 décembre 2016, un tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de la société APD, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 22 juin 2015 et désigné la société C. Basse, prise en la personne de M. Basse, en qualité de liquidateur. Celui-ci a demandé l'extension de la liquidation de la société APD à la société Otto'Go.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5.  En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6.  Les sociétés Otto'Go et Edison font grief à l'arrêt d' étendre la liquidation judiciaire de la société APD à la société Otto'Go, alors :

« 1°) que la procédure de liquidation judiciaire d'une personne ne peut être étendue à une autre qu'en cas de fictivité de la personnalité morale ou de confusion de leur patrimoine ; qu'en l'espèce, en déduisant la preuve de la fictivité de la société Otto'Go, de ce que la société REP France était l'agent commercial de plusieurs sociétés dont la société APD placée en liquidation judiciaire, la cour d'appel, qui s'est prononcée par voie de motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 621-2, alinéa 2, et L. 641-1, I du code de commerce ;

2°) que pour étendre à la société Otto'Go la procédure de liquidation judiciaire de la société APD, l'arrêt relève que M. Pelletier est "le véritable maître de l'affaire" et que celui-ci a "transmis les clients et les fournisseurs de la société APD à la société OTTO'GO" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la fictivité de la société Otto'Go, la cour d'appel a violé les articles L. 641-1 et L. 621-2 du code de commerce ;

3°) qu'en ne répondant pas au moyen péremptoire tiré de ce que les équipementiers Record France, Malhe et Da Silva étaient les clients de la société  REP  France  plutôt  que  de  la  société  APD,  de  sorte  qu'ils ne pouvaient avoir été transmis "de la société APD à la société OTTO'GO", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) que la confusion des patrimoines de nature à justifier l'extension d'une procédure de liquidation judiciaire suppose la preuve de relations financières anormales et systématiques ; qu'en l'espèce, en déduisant la preuve de la confusion de patrimoine entre les sociétés APD et Otto'Go, de ce que la première, dirigée par M. Pelletier, avait partiellement transféré son activité à la seconde, laquelle avait été créée par les parents de M. Pelletier, lorsque ces motifs sont impropres à établir la confusion des patrimoines des deux sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-1 et L. 621-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7.  L'arrêt relève  d'abord que la société Otto'Go  a  été  immatriculée  le  26 avril 2016 pour une activité de holding, que le 12 décembre 2016, soit la veille de la déclaration de cessation des paiements de la société APD, elle a modifié son objet social et repris la même activité que cette dernière, que le siège social de la société Otto'Go est le même que celui de la société Rep France, dirigée par M. Franck Pelletier, qui détient 5 % de son capital, que, nonobstant sa date de création, la société Otto'Go revendique sur son site « 15 ans d'expérience dans notre dur métier qu'est la rechange  automobile », que s'il est justifié de l'expérience de M. Jean-Claude Pelletier dans ce domaine, tel n'est pas le cas de Mme Mireille Pelletier et que l'article intitulé « Franck Pelletier de retour aux affaires ! », paru le 17 mars 2017 sur le site du Journal de la rechange et de la réparation, indique notamment que M. Franck Pelletier « réapparaît aujourd'hui au travers de la plate-forme de distribution de pièces détachées Otto'Go [...], selon nos informations exclusives, Franck Pelletier est bien l'homme fort se trouvant derrière ce projet [...] si le nom de ce dernier n'apparaît nulle part, certains indices troublants renvoient directement à lui dès lors qu'il est question d'Otto'Go ». Il relève ensuite que le profil de M. Franck Pelletier sur le réseau social professionnel Linkedin indique qu'il est devenu agent commercial et directeur commercial de la société Otto'go à tout le moins à compter du mois de janvier 2017, que le 20 novembre 2016, M. Franck Pelletier a indiqué par courriels à différents fournisseurs de la société APD qu'ils devaient dénoncer leur contrat avec cette société, ce qu'ils ont fait dans les jours qui ont suivi, que le 22 novembre 2016, M. Franck Pelletier a résilié son contrat d'agent commercial de la société APD, que la société Otto'Go a distribué ensuite des produits de ces fournisseurs et qu'il ressort de ces éléments et des contrats d'agence commerciale produits que la société Rep France, dirigée par M. Franck Pelletier, était l'agent commercial à la fois des sociétés APD, et de ses fournisseurs, chargé de la représentation et de la distribution de leurs produits.

8. L'arrêt retient enfin que M. Franck Pelletier était le véritable maître de l'affaire, la volonté de Mme Mireille Pelletier de faire vivre cette société au moment de sa constitution faisant défaut, celle-ci ne pouvant, en raison de ses liens familiaux, que souscrire à la poursuite du projet de son fils, et que celui-ci a, directement ou par l'intermédiaire de la société Rep France qu'il dirigeait, transmis les clients et les fournisseurs de la société APD à la société Otto'Go permettant ainsi à celle-ci de poursuivre l'activité commerciale de la première dans un cadre juridique différent mais fictif, et ce dès avant le mois de mars 2017. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a, par une décision motivée, pu déduire que la société Otto'Go était fictive et qu'il y avait lieu de lui étendre la procédure collective ouverte à l'égard de la société APD.

9.  Le rejet des trois premières branches du moyen, qui critiquent les motifs par lesquels la cour d'appel a fondé sa décision d'extension de la liquidation judiciaire de la société APD sur la fictivité de la société Otto'Go, rend inopérante la quatrième branche, critiquant les motifs par lesquels la cour d'appel a fondé sa décision d'extension sur la confusion des patrimoines des sociétés APD et Otto'Go.

10.  Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour:

REJETTE le pourvoi.