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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. C, 30 juin 2011, n° 10/12884

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mistral Holding (SA)

Défendeur :

CMA CGM (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bergez

Conseillers :

M. Acquaviva, M. Chizat

Avocats :

SCP de Saint Ferreol-Touboul, Me le Roux, SCP Blanc Cherfils, Me Lestrournelle

T. com. Marseille, du 1er juill. 2010

1 juillet 2010

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Par acte d'huissier du 25 mai 2010, la Société MISTRAL HOLDING SAL, société de droit libanais a fait assigner la S.A. CMA CGM devant le Tribunal de commerce de MARSEILLE à l'effet de voir ouvrir une procédure de redressement judiciaire. Cette affaire a été examinée par le Tribunal à l'audience du 30 juin 2010.

Par jugement du 1er juillet 2010 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a, faisant droit à la fin de non-recevoir opposée par la S.A. CMA CGM tirée de l'absence de justification de la qualité de créancier de la demanderesse et partant du défaut d'intérêt à agir, déclaré la demande irrecevable et a condamné la Société MISTRAL HOLDING au paiement d'une somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts et d'une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration de son avoué du 7 juillet 2010, la Société MISTRAL HOLDING SAL a relevé appel de cette décision, demandant à la Cour, par voie d'écritures signifiées le 5 novembre 2010, de constater qu'à la date de l'assignation et à la date du jugement, une procédure de conciliation était en cours à la requête de la CMA CGM et qu'en conséquence, les dispositions d'ordre public de l'article L.631-5 du Code de commerce interdisait au tribunal d'examiner la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et par conséquent d'annuler le jugement déféré comme n'ayant pas respecté les dispositions d'ordre public de la loi du 26 juillet 2005.

Pour sa part, aux termes d'écritures signifiées le 15 avril 2011, la S.A. CMA-CGM, formant appel incident, a conclu à la confirmation de la décision sauf à ce qu'il lui soit alloué une somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2011. Le 20 mai 2011, la Société MISTRAL HOLDING a déposé de nouvelles écritures.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

- En la forme.

Attendu qu'il convient d'écarter d'office des débats comme contrevenant aux dispositions de l'article 783 du Code de procédure civile, les conclusions récapitulatives signifiées par l'appelant le 20 mai 2011, postérieurement à l'ordonnance de clôture dont aucune cause grave, au demeurant non alléguée, ne justifie la révocation.

- Sur le fond.

Attendu que l'article L.631-5 du Code de commerce dispose que lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, une procédure de redressement judiciaire peut être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance.

Attendu qu'aux termes de l'article L.611-15 du Code de commerce, toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ; qu'il s'ensuit, que si le tribunal saisi dans ces conditions par un créancier agissant dans l'ignorance légitime de l'existence de cette procédure conventionnelle de traitement des difficultés des entreprises, faute d'y avoir été associé, ne peut statuer sur la demande, l'instance engagée dans ces conditions n'est pas pour autant irrecevable ; qu'en effet, l'instance se trouve seulement suspendue jusqu'à décision du président du tribunal mettant fin à la mission du conciliateur et à la procédure de conciliation ou jusqu'à la date du jugement constatant ou homologuant l'accord, cette décision mettant fin à la procédure de conciliation et le tribunal retrouvant alors sa pleine juridiction ; que pour autant, le tribunal qui dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et sans en indiquer le motif, conformément à l'obligation de confidentialité qui s'impose à lui, doit, dans une telle occurrence surseoir à statuer pour un temps qu'il détermine et renvoyer l'affaire à une date ultérieure, ne se trouve pas pour autant privé du pouvoir de statuer immédiatement sur les exceptions et fins de non-recevoir dont l'examen ne dépend pas d'une question de fond ; que dès lors, le tribunal était fondé à se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la Société MISTRAL HOLDING, faute pour elle de justifier de sa qualité de créancier en sorte que sa décision n'est pas entachée d'une cause de nullité.

Attendu que la Société MISTRAL HOLDING n'émet aucun critique à l'encontre des motifs par lesquels le tribunal, relevant que celle-ci fondait sa qualité de créancier sur la détention d'une obligation émise par la S.A. CMA CGM dont le terme n'était pas échu, a considéré qu'en l'absence d'une créance certaine liquide et exigible, l'action de la Société MISTRAL HOLDING était irrecevable faute que qualité et d'intérêt à agir ; qu'il convient de confirmer de ce chef le jugement déféré.

- Sur la demande de dommages-intérêts.

Attendu qu'il résulte des conditions mêmes dans lesquelles la Société MISTRAL HOLDING a introduit son action qu'elle ne peut être regardée comme un créancier de bonne foi qui faute de pouvoir obtenir paiement de sa créance et convaincu que son débiteur se trouve en état de cessation des paiements, poursuit à son encontre l'ouverture d'une procédure collective, dans l'ignorance légitime de l'existence d'une procédure de conciliation en cours ; qu'il doit être relevé que la Société MISTRAL HOLDING qui, aux termes de l'assignation délivrée le 25 mai 2010 à la S.A. CMA CGM soutenait que cette dernière se trouvait en état de cessation des paiements depuis 'le 30 septembre 2009 au moins', qui mettait en cause le comportement des banques qui lui auraient par des moyens ruineux permis de financer sa 'fuite en avant', qui faisait référence à une procédure de conciliation qui 'à supposer qu'elle ait été ouverte' constituait, selon elle, une 'manoeuvre', une 'pratique sauvage' et qui sommait, enfin, le tribunal de mettre un terme à une 'situation dévoyée' ne détenait elle-même aucun titre de créance sur la S.A. CMA CGM avant le 13 mai 2010 ; qu'en effet, ce n'est qu'à cette date qu'à seule fin de justifier d'un droit d'agir, que la Société MISTRAL HOLDING a acquis une obligation émise par la S.A. CMA-CGM pour un montant nominal de 50.000 euros à échéance du 16 mai 2012 dont elle n'a jamais prétendu que le coupon payable le 18 mai 2010 n'aurait pas été acquitté ; qu'il résulte de cette chronologie factuelle, que loin de poursuivre une action destinée à la défense de ses droits, la Société MISTRAL HOLDING entendait, en réalité, contraindre la S.A. CMA CGM à rendre publique une procédure de conciliation, au mépris de la confidentialité qui s'y attache de par la loi et ce à seule fin d'en provoquer l'échec ; que dès lors, c'est, à bon droit que les premiers juges, compte tenu de cet abus caractérisé du droit d'agir, ont condamné la Société MISTRAL HOLDING à des dommages-intérêts dont ils ont exactement apprécié le montant au regard des circonstances de l'espèce.

Attendu que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.

- Sur les dépens.

Attendu que la Société MISTRAL HOLDING qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel.

- Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Attendu que pour n'en point supporter la charge inéquitable, la S.A. CMA CGM recevra de la Société MISTRAL HOLDING, en compensation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR ;

STATUANT publiquement, contradictoirement ;

DIT n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture du 3 mai 2011.

ECARTE des débats les conclusions récapitulatives signifiées par la Société MISTRAL HOLDING SAL le 20 mai 2011.

CONFIRME en toutes ses dispositions la décision déférée.

CONDAMNE la Société de droit libanais MISTRAL HOLDING SAL aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

DIT qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués DE SAINT FERREOL-TOUBOUL des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.