CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 25 février 2010, n° 09/22756
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Eurotitrisation (SA), Windermere XII (FCT)
Défendeur :
Heart of La Defense (SAS), Dame Luxembourg (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monin-Hersant
Conseillers :
M. Loos, M. Picque
Avocats :
SCP Duboscq-Pellerin, SCP Gide-Loyrette-Nouel, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Jourde
La S.A.S. de droit français HEART OF LA DÉFENSE (ci-après HOLD) est aujourd'hui propriétaire de l'ensemble immobilier de 180.000 mètres-carrés de bureaux dénommé « Coeur Défense », situé dans le quartier d'affaires du même nom. Son capital social est intégralement détenu par la sarl de droit luxembourgeois dénommée DAME LUXEMBOURG, elle-même principalement détenue par des sociétés, britanniques et nord- américaines du groupe LEHMAN BROTHERS, aujourd'hui en faillite.
L'immeuble en son entier est géré au travers d'un réseau de contrats souscrits entre la société HOLD et ses fournisseurs dont notamment la société A. (gestion locative) et une filiale de la BNP (gestion technique). Aucune des deux sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG n'emploie directement de personnel.
La société HOLD a financé l'acquisition en souscrivant deux emprunts à taux variable, totalisant 1,6 milliard d'euros environ (1.638.950.000 €), dont la société mère DAME LUXEMBOURG est garante, remboursables, en principe, le 10 juillet 2012, mais avec une possibilité de report, sous certaines conditions, aux 10 juillet des années 2013 ou 2014, à l'initiative de l'emprunteur. Les échéances trimestrielles ne couvrent, pour l'essentiel, que les intérêts, le capital étant remboursable en une seule fois à l'échéance soit au moyen de la revente de l'immeuble, soit par la mise en place d'un nouveau financement.
Ces prêts, initialement consentis le 10 juillet 2007 par LEHMAN BROTHERS BANKHAUS AG, sont garantis notamment par :
- une hypothèque sur l'immeuble et la cession de créances professionnelles 'Dailly' des loyers des baux existants ou futurs, consenties par la société HOLD,
- le nantissement de la totalité des titres sociaux de HOLD, consenti par la société DAME LUXEMBOURG.
À la suite d'une opération de titrisation initiée dès le mois d'août 2007, la société HOLD est désormais débitrice du fond commun de titrisation « WINDERMERE XII FCT » (le FCT), représenté par la S.A. EUROTITRISATION.
Pour satisfaire à une obligation lui incombant au titre des prêts, la société HOLD a souscrit deux contrats de couverture du risque des variations des taux d'intérêts auprès de la société britannique LEHMAN BROTHERS INTERNATIONAL (Europe), elle-même garantie par la Banque américaine LEHMAN BROTHERS Inc.
Le 15 septembre 2008, la Banque LEHMAN BROTHERS Inc. et la société LEHMAN BROTHERS INTERNATIONAL (Europe) ont fait l'objet de procédures de faillite aux Etats Unis et au Royaume Uni.
Leur défaillance et la dégradation de la notation financière de la banque garante ont conduit la société chargée du recouvrement des prêts (CBRE. Loan Servicing Ltd -CBRE-), agissant pour le compte du gestionnaire du FCT, à demander, par lettre du 15 septembre 2008, le remplacement de LEHMAN BROTHERS avant le 5 octobre 2008, par un autre établissement financier dont la notation correspond aux critères définis par les contrats de prêt. Par lettre du 6 octobre 2008, la société EUROTITRISATION, agissant au nom du FCT, a exigé qu'il soit remédié à la situation avant le 3 novembre suivant, en précisant qu'à défaut la survenance d'un 'cas de défaut' pourra lui permettre de prononcer l'exigibilité des contrats de prêt.
Bien que la société HOLD ait normalement honoré l'échéance contractuelle de paiement du 10 octobre 2008, les sociétés DAME LUXEMBOURG et HOLD ont estimé que, dans le contexte de crise financière de l'époque, il n'était pas possible à la société HOLD de souscrire immédiatement un nouveau contrat de couverture du risque des variations des taux d'intérêts, les conditions du marché étant devenues, selon elles, prohibitives. Devant la menace du gestionnaire du FCT de mettre en oeuvre la sanction contractuelle de déchéance du terme, ce qui aurait provoqué l'exigibilité immédiate du remboursement de la totalité des prêts et une situation corrélative de cessation des paiements, les sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG ont chacune saisi, le 28 octobre 2008, le tribunal de commerce de Paris d'une demande de bénéfice de la loi de sauvegarde des entreprises.
Par deux jugements du 3 novembre suivant, le tribunal, retenant notamment :
- concernant la société HOLD, que la débitrice « justifiait de difficultés, de nature à la conduire à la cessation des paiements, qu'elle n'était pas en mesure de surmonter sans le répit [...] d'un plan de sauvegarde » notamment pour poursuivre la recherche de solutions financières,
- concernant la société DAME LUXEMBOURG, qu'un « faisceau d'indices concordants et vérifiables par les tiers démontre que le centre des intérêts principaux [...] est en France et plus particulièrement à Paris » et que celle-ci rencontrait des difficultés ne paraissant pas « pouvoir être surmontées par le débiteur sans le répit [de] la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde [...] notamment pour poursuivre la recherche de solutions financières [...] de sa filiale... »,
a ouvert une procédure de sauvegarde distincte au bénéfice de chacune des deux sociétés et, dans chaque cas, a désigné la SCP X (Maître Y) en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP Z (Maître W) en qualité de mandataire judiciaire.
Par déclarations du 8 décembre 2008, la société EUROTITRISATION a formé tierces-oppositions à chacun des deux jugements ouvrant une procédure de sauvegarde au profit des sociétés HOLD et DAME DE LUXEMBOURG en soutenant que le tribunal de commerce de Paris était incompétent à l'égard de la société luxembourgeoise, que tant la société HOLD que la société DAME LUXEMBOURG, n'étaient pas éligibles au bénéfice de la sauvegarde en ce qu'elles ne justifiaient d'aucune activité économique et qu'au surplus, elles n'ont pas davantage justifié de difficultés nécessitant une sauvegarde puisqu'elles n'ont pas attendu la fin des discussions en cours pour résoudre la situation créée par la défaillance de la Banque américaine LEHMAN BROTHERS.
Tout en s'y opposant, les sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG ont préalablement soulevé l'irrecevabilité des tierces oppositions, aux motifs que les créanciers opposants ne justifient pas d'un moyen propre à faire valoir ni davantage de l'existence d'une fraude à leurs droits.
Retenant essentiellement que :
- la société EUROTITRISATION justifiait de moyens propres que les sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG n'avaient pas pu exposer au tribunal lors de l'audience ayant conduit à l'ouverture des procédures de sauvegarde,
- un faisceau d'indices concordants et objectifs permet de vérifier que le centre des intérêts principaux de la société DAME LUXEMBOURG ne coïncide pas avec son siège social statutaire au Luxembourg, mais qu'au contraire, celui-ci est situé à Paris,
- l'article L 620-2 du code de commerce permet d'appliquer la sauvegarde à toute personne morale de droit privé, rendant sans portée la question de savoir si la société HOLD est une entreprise,
- la concomitance des six circonstances remplit les conditions de la sauvegarde, d'autant que le seul prononcé de la déchéance du terme aurait conduit à l'état de cessation des paiements,
le tribunal, par jugement contradictoire du 7 octobre 2009, a joint les causes et a:
- déclaré recevables les tierces oppositions,
- débouté la société EUROTITRISATION de ses demandes de rétractation,
et a « confirmé » les jugements du 3 novembre 2008 ayant ouvert la sauvegarde des sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG en octroyant, en outre, des frais irrépétibles à chacune des sociétés et à l'administrateur judiciaire ès qualités.
Vu l'appel interjeté le 10 novembre 2009, par la société EUROTITRISATION et ses ultimes conclusions, réclamant 50.000 € de frais irrépétibles en poursuivant l'infirmation du jugement, sauf en ce qu'il a accueilli les tierces oppositions, et sollicitant la rétractation des jugements du 3 novembre 2008, ayant ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice des sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG ;
Vu les dernières conclusions des sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG, réclamant 50.000 € de frais irrépétibles en poursuivant :
- à titre principal, l'infirmation du jugement seulement en ce qu'il a déclaré les tierces-oppositions recevables,
- subsidiairement, la confirmation du jugement dont appel,
en priant la cour de « confirmer » aussi les jugements du 3 novembre 2008 ayant ouvert les procédures de sauvegarde ;
Vu les dernières conclusions de la SCP X ès qualités d'administrateur judiciaire, réclamant 15.000 € de frais irrépétibles et, formant appel incident, poursuivant la réformation du jugement en demandant à la cour de déclarer irrecevables les tierces oppositions formulées par la société EUROTITRISATION ou, subsidiairement de les dire mal fondées ;
Vu les dernières conclusions de la SCP Z ès qualités de mandataire judiciaire déclarant s'en rapporter à justice ;
Vu les conclusions du 14 janvier 2010 du Ministère public, agissant en tant que partie jointe ;
Le Ministère public entendu en ses observations à l'audience ;
SUR CE, la cour :
Sur la demande de renvoi
Considérant que sans avoir modifié le dispositif de ses ultimes écritures, par rapport à celles signifiées antérieurement, la société EUROTITRISATION demande, dans sa motivation (page 5), le renvoi de l'affaire à une date ultérieure aux motifs que, nonobstant le calendrier de procédure annoncé dès le 3 décembre 2009 et notifié aux parties par bulletin du 4 décembre suivant :
- la SCP X n'a signifié ses conclusions que le 12 janvier 2010, alors que le calendrier prescrivait aux intimés de conclure pour le 10 janvier,
- les sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG ont signifié une pièce supplémentaire le 12 janvier 2010 ;
Mais considérant qu'ayant interjeté appel depuis le 10 novembre 2009 et après avoir signifié ses premières conclusions le 24 décembre 2009, l'appelante a, de nouveau, signifié des écritures modifiées successivement les 31 décembre 2009, 13 et 14 janvier 2010 ;
Que si le bulletin précité du 4 décembre 2009, enjoignait aussi aux intimés de conclure pour le 10 janvier 2010, il précisait également que la clôture de l'instruction du dossier était prévue pour le 14 janvier 2010 avant l'audience ;
Que dès lors, l'administrateur judiciaire a conclu, d'ailleurs une seule fois, et les sociétés intimées ont produit une ultime pièce (sur 86) avant l'ordonnance de clôture ;
Qu'en se bornant à pointer la date des diligences des autres parties, sans préciser en quoi leur proximité avec la clôture de l'instruction de l'affaire, l'aurait, le cas échéant, empêché d'y répondre en temps utile, alors que ses propres écritures du 14 janvier comprennent 21 pages de plus et 28 pièces supplémentaires, par rapport aux conclusions signifiées la veille 13 janvier, la société EUROTITRISATION n'a pas justifié le bien-fondé de sa demande de report de l'audience de plaidoirie ;
Que la demande sera en conséquence rejetée ;
Sur la recevabilité des tierces oppositions
Considérant qu'en faisant valoir, selon son analyse, qu'en sollicitant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde :
- la société HOLD a en réalité cherché le moyen d'imposer ses vues au FCT pour le contraindre à accepter de modifier les contrats de prêts en renonçant ou en aménageant autrement les clauses que la débitrice prétendait ne plus être en mesure de respecter,
- la société DAME LUXEMBOURG a essentiellement cherché à faire échec à la mise en oeuvre de la clause compromissoire permettant au créancier d'appréhender les titres sociaux de HOLD,
la société EUROTITRISATION, agissant au nom du FCT, a un intérêt né, actuel, direct et distinct de celui de la globalité des créanciers et invoque, dans chacune des instances ayant ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice des sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG, des moyens propres que seul le FCT peut alléguer ;
Qu'il s'en suit que les tierces oppositions, formées par la société EUROTITRISATION, à l'encontre de chacun des deux jugements du 3 novembre 2008, sont recevables et que le jugement du 7 octobre 2009, dont appel, sera confirmé de ce chef ;
Sur la sauvegarde sollicitée par la société HOLD
Considérant que la société HOLD est une personne morale de droit privé donnant en location les locaux composant l'immeuble dont elle est propriétaire et fournissant la jouissance correspondante et les services annexes propres à l'immeuble, en exécution des obligations souscrites, en sa qualité de bailleresse, au titre des différents baux avec les locataires ;
Qu'au jour de l'ouverture de la sauvegarde, la société HOLD n'a pas invoqué l'existence de la moindre difficulté ayant pu antérieurement affecter son activité de bailleresse de locaux de bureaux, ni davantage de difficultés à remplir les obligations réglementaires spécifiques pesant sur le propriétaire d'un immeuble de grande hauteur recevant du public ;
Considérant qu'il ressort de ses écritures devant la cour, qu'elle a sollicité le bénéfice de la sauvegarde aux motifs que :
- la défaillance de ses cocontractants lui assurant la couverture du risque de variation des taux d'intérêts lui imposait de rechercher d'autres partenaires afin de ne pas se trouver dans un 'cas de défaut' au regard des obligations contractuelles que lui imposent les contrats de prêts, avec le risque d'être sanctionnée par la déchéance du terme,
- elle n'était pas financièrement en mesure de procéder à la souscription de nouveaux contrats de couverture dudit risque en raison du surcoût tenant, à l'époque, à la crise financière mondiale (conclusions page 30),
- nonobstant les négociations en cours, le gestionnaire du FCT a convoqué les obligataires du fond de titrisation, en vue de leur proposer le rejet des demandes formulées par HOLD, de modification des contrats de prêt par l'aménagement des clauses correspondantes (conclusions pages 20 et 30) ;
Que ce faisant, la société HOLD n'a pas allégué que la souscription de nouveaux contrats de couverture du risque de variation des taux d'intérêts lui était impossible, mais seulement qu'elle estimait que le coût en était devenu, selon elle, prohibitif par rapport à l'équilibre global initial de l'opération ;
Qu'au demeurant, il ressort des explications des parties que le coût d'un nouveau contrat de couverture du risque de variation des taux d'intérêts serait passé d'environ 18 millions d'euros à environ 40 millions d'euros, de sorte que l'augmentation demeurait compatible par rapport aux montants objets des prêts, supérieurs à 1,6 milliard d'euros ;
Que dès lors, la société HOLD n'a pas prétendu éprouver des difficultés à poursuivre son activité elle-même de bailleresse de bureaux mais fait seulement état de circonstances imprévues lui rendant plus onéreuse l'exécution de l'obligation contractuelle de couverture du risque de variation des taux d'intérêts, imposée par les contrats de prêt ayant originellement financé son acquisition ;
Qu'en raison de la force obligatoire des contrats, il n'appartient pas à la société HOLD :
- de modifier unilatéralement les contrats de prêts qu'elle a souscrits,
- ni davantage, en l'absence de réelles difficultés affectant son activité, de solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à seule fin de faire échec à l'impossibilité juridique dans laquelle elle se trouve d'imposer unilatéralement une telle modification au prêteur, en obtenant indirectement, mais nécessairement, du juge, par le seul effet de l'ouverture de la procédure sollicitée, la suspension des clauses contractuelles qu'elle n'a pas antérieurement réussi à faire modifier d'un commun accord avec son co-contractant ;
Que la difficulté alléguée concernant le renchérissement du contrat de couverture du risque de variation des taux d'intérêts, n'affecte pas réellement l'activité locative des bureaux de la Tour « Coeur de la Défense », laquelle, au demeurant, peut tout autant se poursuivre normalement quel qu'en soit le propriétaire ou quelle que soit la composition de l'actionnariat de la société propriétaire ;
Que la société HOLD ne démontre pas davantage son assertion sur l'influence que pourrait avoir l'éventuelle mise en vente de la Tour sur le marché concerné, d'autant que les obligataires-créanciers font valoir, à juste titre, qu'il est de leur intérêt d'exercer leurs droits dans l'objectif de conserver la valeur de leur gage ;
Qu'en conséquence la demande de la société HOLD, d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, n'aurait pas dû être accueillie et la société EUROTITRISATION est bien fondée dans sa requête en rétractation du jugement correspondant du 3 novembre 2008 du tribunal de commerce de Paris ayant ouvert une telle procédure ;
Sur la demande de sauvegarde de la société DAME LUXEMBOURG
Considérant que la société DAME LUXEMBOURG est une personne morale de droit privé gérant les participations de son portefeuille de titres sociaux de ses filiales ;
Qu'il est constant que son siège social est à Luxembourg et qu'elle requiert, pour sa part, l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité au sens du Règlement européen n° 1346/2000 du 29 mai 2000, soit en l'espèce une procédure de sauvegarde en droit français interne ;
Considérant qu'au jour de l'ouverture de la sauvegarde, la société DAME LUXEMBOURG n'a pas réellement invoqué l'existence de difficultés ayant pu antérieurement affecter son activité de gestion de son portefeuille de titres de ses filiales ;
Qu'en revanche, il ressort de ses écritures devant la cour, qu'elle a sollicité le bénéfice de la sauvegarde aux motifs que :
- la défaillance des cocontractants de sa filiale HOLD, assurant la couverture du risque de variation des taux d'intérêts, imposait à cette dernière de rechercher d'autres partenaires, alors qu'elle ne s'estimait pas financièrement en mesure de procéder à la souscription de nouveaux contrats de couverture dudit risque en raison du surcoût tenant à la crise financière mondiale,
- la déchéance du terme rendant le solde des prêts immédiatement exigible conduirait la filiale à un état de cessation des paiements emportant la défaillance de la débitrice principale, rendant le créancier en droit d'exécuter l'obligation de garantie souscrite par la société DAME LUXEMBOURG, laquelle se trouverait alors elle-même en cessation des paiements à défaut de pouvoir faire face à l'exigibilité du solde des prêts dont elle est garante ;
Qu'en réalité, la société DAME LUXEMBOURG n'a pas véritablement contesté que son engagement de garantie se limitait à hauteur de la valeur des titres qu'elle a donnés en nantissement et qu'elle serait contractuellement dégagée par le simple délaissement des titres sociaux de HOLD entre les mains du créancier poursuivant ;
Qu'à cet égard, il est vain de prétendre qu'elle demeurerait 'tenue du solde des contrats de prêts non remboursé' vis-à-vis des titulaires d'obligations en raison de la faculté pour un tiers d'invoquer un manquement contractuel dès l'instant que ce manquement lui aurait personnellement causé un dommage, alors que, par hypothèse, en délaissant les titres de HOLD au profit du créancier poursuivant, la société DAME LUXEMBOURG exécuterait son obligation contractuelle, de sorte qu'elle n'a pas démontré quel serait alors le manquement contractuel susceptible de causer un dommage aux tiers, titulaires d'obligations au sein du FCT, lui-même créancier des prêts consentis à HOLD, objet d'une titrisation ;
Qu'il est tout aussi vain de prétendre que le délaissement de tous ses titres sociaux dans le capital de HOLD la laisserait sans actif pour faire face à son passif propre, en ce qu'en se bornant à invoquer le prêt de ses propres actionnaires, à hauteur globale de 249 M€, sans rapporter la preuve de son existence ni des conditions réelles de son amortissement, la société DAME LUXEMBOURG n'a pas davantage démontré l'existence de difficultés insurmontables, d'autant qu'elle n'a pas contesté la représentation desdits actionnaires en chambre du conseil pour soutenir la demande de sauvegarde, démontrant implicitement, par le soutien qu'ils apportaient ainsi à leur filiale DAME LUXEMBOURG, qu'ils n'estimaient pas que leur créance éventuelle était de nature à devenir immédiatement exigible ;
Que dès lors, n'ayant pas prétendu éprouver des difficultés à poursuivre son activité elle-même, de gestionnaire de son portefeuille de titres, il n'appartient pas à la société DAME LUXEMBOURG de solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à seule fin de faire échec à l'exécution du pacte commissoire concernant les titres sociaux qu'elle détient dans le capital social de la société HOLD, d'autant que l'activité locative de cette dernière peut tout autant se poursuivre normalement quelle que soit la composition de son actionnariat ;
Qu'en conséquence, sa demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, n'aurait pas dû être accueillie ;
Que dès lors, la société EUROTITRISATION est bien fondée dans sa requête en rétractation du jugement correspondant du 3 novembre 2008 du tribunal de commerce de Paris ayant ouvert une telle procédure, la question de la compétence du tribunal de commerce de Paris étant ainsi sans intérêt en l'espèce ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que, succombant, les sociétés HOLD et DAME LUXEMBOURG seront condamnées, in solidum, aux dépens ;
Que par ailleurs, il apparaît équitable de laisser à chaque partie, la charge définitive des frais irrépétibles qu'elle a exposés, tant en première instance, qu'en appel, toutes les demandes correspondantes étant rejetées ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette la demande de renvoi,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré les tierces oppositions recevables,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Accueille les tierces oppositions formées par la S.A. EUROTITRISATION,
Rétracte le jugement du 3 novembre 2008 du tribunal de commerce de Paris (RG 2008077997), ayant ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la S.A.S. de droit français HEART OF LA DÉFENSE (-HOLD-), et rejette la requête à cette fin de ladite société,
Rétracte le jugement du 3 novembre 2008 du tribunal de commerce de Paris (RG 2008077996), ayant ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la sàrl de droit luxembourgeois DAME LUXEMBOURG, et rejette la requête à cette fin de ladite société,
Déboute chaque partie de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Condamne in solidum les sociétés HEART OF LA DÉFENSE et DAME LUXEMBOURG aux dépens de première instance et d'appel,
Admet en tant que de besoin, les avoués de la cause, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.