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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 4 décembre 2013, n° 12/05585

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

ADP (Sté), Centre de gestion et d'étude AGS de Lille

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parenty

Conseillers :

M. Brunel, Mme Delattre

Avocats :

Me Dragon, Me Deleforge, Me Crasnault

T. com. Valenciennes, du 9 juill. 2012

9 juillet 2012

Vu le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 9 juillet 2012 condamnant M. X à payer à Me Y ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ADP la somme de 60 000 € en application de l'article L651 - 2 du code de commerce et prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de sept ans ; le tribunal a retenu qu'il existait une insuffisance d'actif de plus de 770 000 €, que M. X s'est abstenu de procéder à une déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, qu'il n'a pas recouru à une procédure de prévention ou de conciliation préférant poursuivre une activité largement déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, les capitaux propres de la société étant négatifs dès la clôture de l'exercice clôt le 31 décembre 2007, l'ensemble de ces fautes ayant contribué à l'insuffisance d'actif ;

Vu la déclaration d'appel de M. X en date du 27 juillet 2012 ;

Vu les conclusions de M. X en date du 16 janvier 2013 demandant la réformation du jugement ; il conteste le montant de l'insuffisance d'actif retenu par le premier juge, un certain nombre de paiements de dettes sociales et fiscales ayant été effectué par lui et non pris en compte; il soutient que certaines créances n'auraient pas été recouvrées par le liquidateur; il demande que soit ordonnée le production de la comptabilité de la société ADP; il conteste la réalité des trois fautes de gestion retenues par le premier juge en expliquant que les seules déclarations de créance des organismes sociaux et fiscaux ne permettaient pas d'établir que la cessation des paiements était antérieure à la date retenue dans le jugement d'ouverture et que, la procédure collective ayant été ouverte deux mois après la date de cessation des paiements, un éventuel manquement de sa part est resté sans incidence sur l'insuffisance d'actif ; il soutient que le fait de ne pas avoir eu recours à une procédure de conciliation ou de mandat ad hoc ne peut lui être reproché, ces procédures n'étant pas obligatoires et rien n'indiquant qu'elles auraient été de nature à mettre fin aux difficultés de l'entreprise ; il conteste avoir poursuivi une activité déficitaire, le tribunal ayant autorisé à deux reprises la poursuite de l'activité dans le cadre de la procédure collective ;

Vu les conclusions de Me Y, liquidateur judiciaire de la société ADP, en date du 14 mars 2013 ; il demande la confirmation du jugement en expliquant que le montant de l'insuffisance d'actif n'est pas contestable, le montant du passif définitif résultant de la vérification validée par le juge-commissaire et le défaut de recouvrement éventuel d'une créance de 20 486 € étant sans incidence au regard de l'importance de l'insuffisance d'actif ; il soutient que les fautes de gestion imputables à M. X sont caractérisées à savoir la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, l'importance du passif et l'ancienneté des créances démontrant que l'activité était déficitaire depuis de nombreux mois, et le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, la procédure collective ayant été ouverte à la seule initiative de l'URSSAF ;

Vu les conclusions de l'AGS en date du 11 mars 2013 en qualité de contrôleur des opérations de la procédure collective ; elle demande la confirmation du jugement l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal étant caractérisée au regard du montant et de l'ancienneté des créances déclarées ainsi que l'absence de demande d'ouverture d'une procédure de prévention et la poursuite d'une activité déficitaire révélée par l'examen des bilans comptables ;

Vu les conclusions du Parquet général en date du 4 juillet 2013 demandant la confirmation du jugement, le montant de l'insuffisance d'actif ne pouvant être contesté dès lors qu'il résulte d'un état définitif du passif après vérification ; il estime par ailleurs que les fautes de gestion reprochées à M. X sont caractérisées, l'absence de déclaration de la cessation de paiement dans le délai légal résultant de l'ancienneté du montant et de l'importance des créances déclarées, la procédure collective ayant été ouverte sur assignation de l'URSSAF; il estime également que le fait de ne pas demander l'ouverture d'une procédure de prévention est fautive et que la poursuite d'une activité déficitaire résulte de l'examen des bilans 2007 et 2008 et ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements;

Vu l'ordonnance de clôture du 26 juin 2013;

Sur ce

Attendu qu'il y a lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et de dire que la clôture est intervenue le jour de l'audience de plaidoirie;

Attendu que les éléments de fait ont été complètement et exactement énoncés dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ;

Attendu que, pour contester les condamnations prononcées à son encontre, M. X fait valoir en premier lieu que le montant de l'insuffisance d'actif serait erroné, certains paiements effectués par la société ADP n'ayant pas été pris en compte et certaines créances n'ayant pas été recouvrées ; que toutefois, comme l'a retenu le premier juge, Monsieur. A... est défaillant dans l'administration de la preuve des faits qu'il invoque; qu'il ne peut se contenter comme il le fait de renvoyer d'une façon générale au fait que les documents comptables justifiant des opérations dont il soutient l'existence seraient entre les mains du mandataire judiciaire et qu' il conviendrait d'en ordonner la production ; que la cour ne peut que constater que M. X ne donne pas le moindre commencement de preuve ou d'explication quant à la nature des créances non recouvrées et des dettes acquittées ; que la cour constate également avec le liquidateur judiciaire et le ministère public que le montant du passif définitif, validé par le juge-commissaire, a été arrêté le 14 mai 2010 à la somme de 925 693,10 € ; que le montant de l'actif recouvré s'élève à 137 861,72 € ; qu'aucune contestation n'a été élevée en temps utile à ce titre ; que l'insuffisance d'actif, de plus de 770 000 € , est à rapprocher de la somme de 60 000 € mise à la charge de M. X dans le jugement déféré ; que la contestation relative au montant de l'insuffisance d'actif a en conséquence été écartée à juste titre par le premier juge ;

Attendu que M. X conteste également la réalité des fautes de gestion relevées à son encontre ; que le premier juge a retenu qu'il avait poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ; que, contrairement à ce que soutient M. X, une telle situation résulte de l'examen du bilan et du compte d'exploitation pour les exercices 2007 et 2008 qui, malgré une légère augmentation du chiffre d'affaires, font apparaître le maintien d'un résultat d'exploitation largement déficitaire, le résultat net s'élevant à -336 249 € pour l'exercice 2007 et -164 521 € pour l'exercice 2008, le montant des capitaux propres étant également largement négatif à raison de - 299 512 € pour l'exercice 2007 et - 464 034 € pour l'exercice 2008 alors que le capital social s'élevait à 7622 € ; qu'une telle situation ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ; que M. X, qui ne conteste pas avoir eu un intérêt personnel, en tant que dirigeant de la société ADP, à la poursuite de l'exploitation, n'en a tiré aucune conséquence alors qu'il aurait pu, comme l'a relevé le premier juge, utiliser les moyens offerts par une procédure de prévention ou de conciliation; qu'au regard de ces éléments, le fait, relevé par M. X, que le tribunal a autorisé à deux reprises la poursuite de l'activité pendant plus d'un an est inopérant ; que le défaut de mise en oeuvre d'une procédure de conciliation, malgré son caractère facultatif, peut être considéré comme une faute de gestion illustrant d'ailleurs la volonté de poursuivre abusivement une activité déficitaire ; que c'est ainsi à juste titre que le premier juge a retenu à la charge de M. X la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements et le défaut de mise en oeuvre d'une procédure de conciliation ou de prévention ;

Attendu que M. X conteste que puisse lui être reprochée une absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ; que toutefois, la procédure collective a été ouverte sur assignation de l'URSSAF pour une créance de 180 789,90 € au titre de cotisations impayées depuis le mois de mars 2009 ; que le tribunal a fixé la date de cessation des paiements au 27 juillet 2009 ; que cette date n'a pas été contestée et s'impose aux parties, dirigeant de la personne morale objet la procédure collective et organes de la procédure, par application de l'article R. 653-1 alinéa deux du code de commerce ; que l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal est en l'espèce constituée et ne peut être utilement contestée par M. X ; que l'absence d'une telle déclaration en permettant l'accumulation d'un passif supplémentaire jusqu'à l'ouverture de la procédure collective a eu un effet sur le montant du passif final ;

Attendu que les fautes de gestion ci-dessus relevées, et tout spécialement la poursuite abusive de l'activité déficitaire dans les conditions ci-dessus décrites, ont contribué à l'insuffisance d'actif dont l'importance doit être relevée ; que, si M. X, dans ses conclusions, fait référence à « un important retard de paiement d'un client majeur de l'entreprise » pour justifier de la dégradation de l'état de la société ADP, la cour relève, d'une part, qu'il ne donne aucun élément de preuve à ce titre et que, d'autre part et en toute hypothèse, il n'a pas été retenu que les fautes de gestions qui lui sont imputées auraient à elles seules généré l'insuffisance d'actif ; qu'en fixant à la somme de 60 000 € la part de cette insuffisance devant être supportée par lui, le premier juge a fait une juste appréciation de sa part de responsabilité ; que les griefs faits à M. X et justement retenus par le tribunal ouvrent droit, hormis le défaut de mise en oeuvre d'une procédure de conciliation ou de prévention, par application des articles L. 653-4, 4° et L. 653-8 alinéa trois du code de commerce au prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer ; qu'en fixant la durée de cette mesure à une durée de sept ans, le premier juge a fait une juste application de ces textes ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de confirmer en totalité le jugement déféré ;

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,

Révoque l'ordonnance de clôture et dit que celle ci est intervenue le jour des plaidoiries,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. X aux dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.