Cass. com., 28 mai 2013, n° 12-14.049
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Carre-Pierrat
Avocats :
Me Blondel, SCP Delaporte, Briard et Trichet
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Raphaël et Queeky que sur le pourvoi incident relevé par la société La Romana et Mme X... ;
Donne acte à la société La Romana et à Mme X... de leur désistement partiel de pourvoi incident à l'égard de la société C...-D... en qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la société La Romana ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Romana, dont la gérante est Mme X..., a donné en location-gérance à la société Queeky une pizzeria exploitée dans des locaux dépendant d'un port de plaisance dont la société Yacht club a obtenu la concession de la commune de Saint-Laurent-du-Var ; qu'au terme du contrat, la société Queeky s'étant maintenue dans les lieux, la société La Romana l'a fait assigner en restitution du fonds et en réparation de son préjudice ; que Mme X... est intervenue volontairement à l'instance ; que la société Raphaël ayant acquis de la société Queeky les actifs matériels du fonds, la société La Romana et Mme X...l'ont assignée en intervention forcée devant la cour d'appel ; que la société Queeky a été mise en liquidation judiciaire, M. Z...étant nommé liquidateur ; que la société La Romana, qui avait été mise en redressement judiciaire, la société C...-D... étant nommée administrateur judiciaire, est redevenue in bonis ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Raphaël fait grief à l'arrêt de déclarer recevable son intervention forcée, alors, selon le moyen, que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; qu'en l'espèce, le jugement entrepris énonce que la société Queeky a cessé son activité depuis le 31 janvier 2009 pour être mise en sommeil à compter de cette date et que « c'est la société Raphaël qui exploite depuis le 2 février 2009 le restaurant La Romana » ; qu'il en résulte nécessairement que dès avant la clôture des débats devant les premiers juges, le transfert intervenu au profit de la société Raphaël était entré dans le périmètre du litige et était connu de l'ensemble des parties, de sorte que la société La Romana et Mme X... étaient à même d'apprécier dès cet instant l'opportunité d'appeler en la cause la société Raphaël ; qu'en considérant néanmoins que la cession intervenue à la date du 1er février 2009 entre les sociétés Queeky et Raphaël était constitutive d'une évolution du litige de nature à justifier l'intervention forcée en cause d'appel, la cour d'appel viole l'article 555 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société La Romana et Mme X... n'avaient pu avoir connaissance des accords intervenus entre la société Queeky et la société Raphaël à laquelle elles reprochaient d'avoir acquis le fonds de commerce, compte tenu de la proximité des dates entre leur conclusion et la clôture des débats devant le tribunal, une dizaine de jours plus tard, la cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'eu égard à l'évolution du litige, l'intervention forcée de la société Raphaël en cause d'appel était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 141-5 du code de commerce, ensemble les articles L. 2122-1, L. 2122-2 et L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Attendu que pour condamner la société Raphaël à payer à la société La Romana la somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que si le commerce litigieux, qui est exploité sur le domaine public, ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux, sa situation dans la galerie marchande du port de Saint-Laurent-du-Var permet le ralliement de la clientèle puisqu'elle attire les personnes attachées à l'environnement maritime des lieux ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société La Romana exploitait une clientèle attachée à l'activité de la pizzeria qui soit distincte de celle du port de plaisance où elle était exercée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le troisième moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 141-5 du code de commerce, ensemble les articles L. 2122-1, L. 2122-2 et L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Attendu que pour fixer à la somme de 125 119 euros la créance de la société La Romana au passif de la société Queeky, l'arrêt retient que si le commerce litigieux, qui est exploité sur le domaine public, ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux, sa situation dans la galerie marchande du port de Saint-Laurent-du-Var permet le ralliement de la clientèle puisqu'elle attire les personnes attachées à l'environnement maritime des lieux ;
Attendu, qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société La Romana exploitait une clientèle attachée à l'activité de la pizzeria qui soit distincte de celle du port de plaisance où elle était exercée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande en restitution de matériel de la société La Romana envers la société Queeky, l'arrêt retient qu'elle aurait dû le revendiquer dans les trois mois de la liquidation judiciaire de celle-ci par application de l'article L. 624-9 du code de commerce ;
Attendu qu'en relevant d'office ce moyen qui n'était pas dans le débat, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen de ce pourvoi :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société La Romana en restitution de la licence IV, l'arrêt retient que les documents produits ne permettent pas de connaître le propriétaire de cette licence ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans se livrer à une analyse, même sommaire, de l'avis d'imposition de la société La Romana faisant mention de la licence IV, d'une déclaration de mutation de cette licence au profit de cette société et d'une déclaration aux douanes de transfert de son exploitation lors de la conclusion du contrat de location-gérance, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur le troisième moyen de ce pourvoi :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société La Romana en restitution du numéro de téléphone 04 93 07 33 36, l'arrêt retient que ce numéro ayant été attribué à la société Raphaël, il importe seulement de lui interdire d'utiliser ce numéro sous l'enseigne La Romana ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société La Romana qui soutenait que la clientèle, qui connaissait déjà le numéro de téléphone litigieux comme étant le sien, risquait d'être détournée par la société Raphaël si celle-ci était autorisée à continuer de l'utiliser, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen du même pourvoi :
Vu l'article L. 622-28 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société La Romana tendant à assortir d'intérêts au taux légal les dommages-intérêts devant être fixés au passif de la société Queeky à compter de la saisine du tribunal, le 28 novembre 2008, avec capitalisation jusqu'à la mise en liquidation judiciaire de la société Queeky, le 18 février 2011, l'arrêt retient que la créance de la société La Romana devant être fixée au passif de la société Queeky ne peut porter intérêts par application de l'article L. 622-28 du code de commerce qui suspend leur cours dès le jugement d'ouverture ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Queeky avait été mise en liquidation judiciaire le 18 février 2011, de sorte que les intérêts échus antérieurement à cette date n'étaient pas soumis à l'arrêt du cours des intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Raphaël à payer à la société La Romana la somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts, fixé à la somme de 125 119 euros la créance de la société La Romana au passif de la société Queeky et rejeté les demandes de la société La Romana en restitution de matériel, de la licence IV et du numéro de téléphone 04 93 07 33 36 ainsi que d'intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts devant être fixés au passif de la société Queeky à compter du 28 novembre 2008 avec capitalisation jusqu'à la mise en liquidation judiciaire de celle-ci, l'arrêt rendu le 18 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.