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Décisions

Cass. com., 10 septembre 2003, n° 02-85.252

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Dulin

Avocat général :

M. Chemithe

Avocat :

SCP Parmentier et Didier

Metz, ch. corr., du 26 juin 2002

26 juin 2002

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Claude,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 2002, qui, pour abus de confiance, abus de biens sociaux et faux, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis et mise à l'épreuve, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du Code pénal, L. 242-6 du Code de commerce, 9-1 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux et, en répression, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont douze mois sous le régime du sursis avec mise à l'épreuve durant trois ans, outre l'interdiction d'exercer les droits civils, civiques et de famille pendant une durée de cinq ans, l'obligation de réparer en tout ou partie les dommages causés par les infractions et celle de ne pas se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle les infractions ont été commises ;

"aux motifs propres qu'en ce qui concerne le délit d'abus de confiance, la matérialité des détournements opérés par Jean-Claude X... agissant en qualité de représentant légal de la société Assurest, celle-ci représentant les intérêts de différentes compagnies d'assurances, n'est pas contestable ; que l'argument tiré d'un défaut d'enrichissement personnel, argument d'ailleurs inexact puisqu'il est prouvé que Jean-Claude X... a encaissé des primes sur ses comptes personnels CCP et CMDP après la constitution de la SA Assurest, s'avère inopérant, dès lors que la jurisprudence fixée de façon constante et ancienne n'exige pas que le prévenu se soit approprié la chose confiée ni qu'il en ait tiré un profit personnel ; que le second argument de défense est de même infondé ; qu'en effet, Jean-Claude X... a expliqué à l'audience que la différence entre les encaissements des primes versées par les clients et les montants effectivement reversés aux compagnies d'assurance correspondait au montant des commissions qui lui seraient dues par les mêmes compagnies d'assurances ; que cependant, la jurisprudence en la matière prohibe la compensation des primes réclamées aux clients et revenant à une compagnie d'assurance avec les éventuelles commissions dues par celle-ci ; qu'en outre, et contrairement aux allégations du prévenu, le témoin Remy a confirmé que le paiement des commissions par les compagnies était réalisé après l'encaissement des primes ; que ce mode de fonctionnement est aussi confirmé par les assurances Antverpia et Prudence Vie qui payaient les commissions par chèques après encaissements des primes ; que l'analyse du compte personnel de Jean-Claude X... au CIAL fait apparaître des encaissements clients en 1994, 1995 et 1996 soit bien postérieurement à la constitution de la société Assurest et un nouveau "trou" de 36 054,50 francs ; qu'à cet égard, Jean-Claude X... a expliqué qu'il a utilisé ce compte personnel lors du démarrage de la société Assurest, alors que cette société disposait de son compte depuis le 22 mars 1994 ; que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu à l'encontre du prévenu que le délit d'abus de confiance était effectivement constitué ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que Jean-Claude X... soutient n'avoir jamais rien perçu à titre personnel, n'avoir bénéficié d'aucun enrichissement personnel ; qu'il rejette la responsabilité des dysfonctionnements non contestés matériellement sur ses employées ; qu'il résulte cependant, d'une part, des déclarations unanimes de celles-ci, qu'elles ont agi sur ordre de Jean-Claude X... ; qu'il résulte, d'autre part, de l'ensemble des auditions des victimes, que ceux-ci traitaient directement avec Jean-Claude X... ; qu'en outre, les études comparatives des fonds perçus des clients et versés sur les comptes personnels de Jean-Claude X... (CIAL, CCP, CMDP) par rapport aux fonds retournés aux diverses compagnies d'assurances et inversement faisaient apparaître des crédits d'importance soit plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de milliers de francs ; que Jean-Claude X... ne propose aucune explication satisfaisante à l'existence de ces sommes sur ses comptes personnels s'agissant de sommes effectivement remises par les clients, sans aucun lien avec la vente d'appartements ou autre mouvement bancaire ; que, dès lors, la présence de ces sommes sur des comptes personnels caractérisent les détournements consécutifs d'abus de confiance pour les contrats où Jean-Claude X... était en nom propre, et constitutifs d'abus de biens sociaux pour les contrats où Jean-Claude X... était dirigeant de la société Assurest ;

"1°) alors, d'une part, que la loi exige que les motifs de toute décision judiciaire ne soient en contradiction ni entre eux ni avec le dispositif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, déclarer le prévenu coupable d'abus de confiance, motif pris de ce que la matérialité des détournements opérés par Jean-Claude X... agissant en qualité de représentant légal de la société Assurest serait établie, et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'avait déclaré coupable, pour les mêmes faits, d'abus de biens sociaux commis au préjudice de cette société ;

"2°) alors, d'autre part, qu'en affirmant que Jean-Claude X... ne proposerait aucune explication satisfaisante à l'existence des sommes litigieuses sur ses comptes personnels, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et méconnu le principe de la présomption d'innocence" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-45 du Code pénal, 47, L. 621-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Claude X... à une peine de deux ans d'emprisonnement dont douze mois sous le régime du sursis avec mise à l'épreuve durant trois ans avec l'obligation de réparer les victimes ;

"aux motifs qu'à l'exception du délit de banqueroute, la culpabilité doit être retenue à l'encontre de ce délinquant intelligent et expérimenté, qui a mis à profit sa situation et sa compétence de courtier pour mettre en oeuvre durant trois ans d'importants détournements tant pour lui-même que pour le commerce de sa maîtresse ; que la duplicité de ce prévenu et son cynisme à l'égard de ses nombreuses victimes, ainsi que le trouble social causé à l'ordre public et l'ampleur des détournements considérés conduisent la Cour à juger que les premiers juges lui ont fait une application par trop modérée de la loi pénale et en conséquence à aggraver les peines prononcées contre lui ; que Jean-Claude X... est ainsi condamné à deux ans d'emprisonnement assorti du sursis avec mise à l'épreuve à concurrence de douze mois, le délai d'épreuve étant fixé à trois ans avec obligation de réparer le dommage subi par les victimes en fonction de ses facultés contributives et interdiction de se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle les infractions ont été commises ;

"alors que si l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'un prévenu ne fait pas obstacle à son placement sous le régime du sursis avec mise à l'épreuve comportant l'obligation spéciale de réparer les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile, c'est à la condition que la créance de la partie civile ne soit pas déclarée éteinte ; qu'après avoir retenu Jean-Claude X... dans les liens de la prévention pour avoir notamment commis un abus de confiance, l'arrêt relève que la créance des parties civiles n'a pas été déclarée à la liquidation judiciaire du prévenu et se trouve dès lors éteinte ; que, déboutant les parties civiles de leurs demandes, la cour d'appel n'en a pas moins placé le prévenu sous le régime de la mise à l'épreuve avec l'obligation particulière d'indemniser les victimes ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'extinction de la créance des parties civiles, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;

Vu l'article 132-45, 5°, du Code pénal ;

Attendu que si l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'un prévenu ne fait pas obstacle à son placement sous le régime du sursis avec mise à l'épreuve comportant l'obligation spéciale, prévue par ledit article, de réparer les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile, c'est à la condition, lorsqu'il s'agit de réparation pécuniaire, que la créance de la partie civile ne soit pas déclarée éteinte ;

Attendu que Jean-Claude X... a été retenu dans les liens de la prévention pour avoir, entre 1993 et 1996, à l'occasion de son activité professionnelle d'assureur, détourné des primes et des indemnités d'assurance au préjudice de clients et de compagnies d'assurance ; que la cour d'appel, après avoir relevé que les parties civiles n'avaient pas justifié avoir déclaré leurs créances au passif de la liquidation judiciaire du prévenu, prononcée le 18 septembre 1998, a déclaré irrecevables leurs constitutions ; que, statuant sur l'action publique, elle a placé, pour une partie de la peine, le prévenu sous le régime de la mise à l'épreuve, avec l'obligation particulière "de réparer le dommage en fonction de ses facultés contributives" ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les créances des parties civiles étaient éteintes faute de déclaration, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Metz, en date du 26 juin 2002, mais en ses seules dispositions, ayant fait obligation à Jean-Claude X... au titre du sursis avec mise à l'épreuve prononcé, de réparer le dommage en fonction de ses facultés contributives ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.

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