ADLC, 24 décembre 2009, n° 09-DCC-91
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Nutréa, Peigne, UCA, Couvoirs de Cléden et Univol par les groupes Coopagri Bretagne et Terrena
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Vice-présidente, Mme Aubert
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 23 septembre 2009 et déclaré complet le 1er décembre 2009, relatif à la prise de contrôle conjoint par les groupes Coopagri Bretagne et Terrena des sociétés Nutréa, Peigne, UCA, Couvoirs de Cléden et Univol, formalisée par une lettre d’intention en date du 7 juillet 2009 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Coopagri Bretagne (ci-après « Coopagri») est une société coopérative agricole active notamment dans les secteurs du lait, des céréales, de la santé animale, de la nutrition animale, de la production et de la commercialisation d’animaux vivants destinés à l’abattage, de la production et de la commercialisation d’œufs, de l’agrofourniture, et de la distribution spécialisée d’équipements de jardin et animaliers dans les régions de Bretagne, Pays de la Loire, Basse Normandie, Haute Normandie, Poitou-Charentes et Centre. Coopagri a réalisé en 2008, dernier exercice clos, un chiffre d’affaires mondial hors taxes de 1,951 milliard d’euros, dont 1,557 milliard d’euros en France.
2. Terrena est une société coopérative agricole à capital variable, tête du groupe coopératif Terrena qui rassemble 18500 agriculteurs. Terrena est active notamment dans les secteurs du lait, des céréales, de la santé animale, de la nutrition animale, de la production et de la commercialisation d’animaux vivants destinés à l’abattage, de la production et de la commercialisation d’œufs, de l’agrofourniture et de la distribution grand public. Terrena a réalisé en 2008, dernier exercice clos, un chiffre d’affaires total mondial hors taxes de 3,8 milliards d’euros, dont 3,3 milliards d’euros en France.
3. Aux termes du protocole de cession, Coopagri et Terrena se sont engagées à acquérir les activités relatives à la santé animale, la nutrition animale, l’élevage de volailles et la production d’œufs d’Unicopa, soit les sociétés Nutréa (nutrition animale, œufs), Peigné (nutrition animale, élevage de volailles), Couvoirs de Cléden (production de poussins), UCA (nutrition animale, élevage de volaille, œufs) et Univol (élevage de volaille) (ci-après « la cible »). La présente opération sera réalisée par le moyen de la création d’une entreprise commune, dénommée N.N.A, laquelle procédera à l’acquisition des actifs objets de la présente opération. La cible a réalisé en 2008, dernier exercice clos, un chiffre d’affaires total mondial hors taxes de 600 millions d’euros, dont 596 millions d’euros en France.
4. Coopagri et Terrena, via sa filiale C2 Développement, détiendront respectivement [50-60] % et [40-50] % des droits de vote de la société N.N.A dont le conseil d’administration sera composé de trois représentants de Coopagri et de trois représentants de Terrena. Les statuts prévoient cependant qu’un ensemble de décisions du conseil d’administration seront prises à l’unanimité, notamment celles relatives à tout « investissement stratégique ou supérieur à un millions d’euros actualisés », la voix du président n’étant pas prépondérante en cas de partage des voix. Terrena disposera donc d’un droit de veto sur les investissements importants. De plus, la société sera dirigée par deux directeurs généraux, personnes morales, l’un représentant Coopagri Bretagne et l’autre Terrena. Les statuts précisent que « les directeurs généraux sont chargés, sous le contrôle du Conseil d’administration, de se répartir entre eux les tâches de gouvernance ». Chaque directeur général, personne morale, désignera un représentant permanent, personne physique, qui sera membre du conseil d’administration. Ils nommeront conjointement un directeur général délégué en charge de la gestion opérationnelle et du pilotage de la société. Il ressort des éléments qui précèdent que Coopagri et Terrena exerceront conjointement le contrôle de la société N.N.A. L’opération doit donc s’analyser comme la création par les deux groupes coopératifs d’une société commune, N.N.A, qui reprendra les activités de la cible.
5. En ce qu’elle entraîne l’acquisition du contrôle conjoint des sociétés Nutréa, Peigné, UCA, Couvoirs de Cléden et Univol par Coopagri et Terrena, l’opération notifiée est une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, elle n’est pas de dimension communautaire. En revanche, les seuils de notification prévus par l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés concernés
A. LES MARCHES DE LA SANTE ANIMALE
6. La pratique décisionnelle nationale et communautaire1 a envisagé de segmenter ce marché entre les additifs alimentaires (ou pré-mélanges) médicamenteux, les médicaments, les produits biologiques (tels que les vaccins, les sérums, …) ainsi que les additifs alimentaires nutritionnels et les produits d’hygiène. Des segmentations additionnelles éventuelles ont été envisagées selon les espèces, les indications thérapeutiques ou les modes d’administration.
7. La pratique décisionnelle2 a envisagé une dimension nationale des marchés de la santé animale, en raison notamment de l’existence de contraintes administratives spécifiques à chaque pays.
8. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente opération.
9. Au cas d’espèce, seul le marché national des additifs alimentaires médicamenteux fera l’objet d’une analyse concurrentielle, les parties à l’opération n’étant pas simultanément actives de manière significative sur les autres marchés de la santé animale.
B. LES MARCHES DE L’ALIMENTATION ANIMALE
1. DÉLIMITATION PAR PRODUITS
10. La pratique décisionnelle3 distingue, en matière de nutrition animale, les marchés amont (produits servant à l’élaboration d’aliments pour animaux) des marchés en aval (aliments résultant de cette élaboration). Elle opère également une distinction entre animaux d’élevage et animaux de compagnie.
11. En amont, les matières premières utilisées pour fabriquer les aliments sont globalement les mêmes (tourteaux, céréales, pré-mélanges) selon les espèces. Il n’est donc pas nécessaire de distinguer des marchés propres à chaque type d’animal. En revanche, les pré-mélanges, mélanges concentrés de vitamines, d’oligo-éléments et d’additifs techniques, sont distingués des matières premières végétales, céréales et tourteaux (résidus obtenus après extraction de l’huile des graines ou des fruits oléagineux) qu’ils sont destinés à compléter pour l’obtention d’aliments complets.
12. En aval, la pratique décisionnelle nationale4 opère une distinction entre les aliments complets et les aliments composés minéraux et nutritionnels, aliments complémentaires composés d’oligo-éléments, de macroéléments et de vitamines, destinés à corriger les carences des rations d’aliments complets journalières pour le bétail.
13. Au sein des aliments complets, le ministre de l’économie a envisagé une segmentation du marché des aliments complets en fonction de chaque espèce animale, dans la mesure où il apparaît que chaque type d’aliment est spécifique à l’espèce animale à laquelle il est destiné. Il a également envisagé l’existence d’un marché des aliments complets pour porcelets de premier âge. Le ministre a toutefois constaté que les usines de fabrication d’aliments du bétail pouvaient indifféremment fabriquer tous les types d’aliments destinés aux différentes espèces et que les matières premières utilisées pour fabriquer des aliments sont globalement les mêmes, quelles que soient les espèces.
14. En ce qui concerne les aliments destinés aux animaux domestiques, la pratique décisionnelle retient une segmentation par espèce, entre les chiens et les chats, ainsi que, selon la consistance de la nourriture, entre les croquettes et les aliments humides.
15. Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives de manière significative sur les marchés amont de la production et de la commercialisation de céréales, tourteaux et pré-mélanges, sur les marchés aval des aliments composés minéraux et nutritionnels et des aliments composés complets pour bovins, ovins et caprins, porcs, porcelets, volailles, lapins et chevaux. De plus, elles distribuent des aliments complets pour basse-cour, qui présentent certaines particularités par rapport à ceux destinés aux élevages industriels de volaille mais qui, compte-tenu des faibles volumes commercialisés, ne feront pas l’objet d’une analyse spécifique.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
16. La pratique décisionnelle a envisagé une délimitation au moins nationale pour les marchés amont de la production et de la commercialisation de céréales, tourteaux et pré-mélanges, ainsi que le marché aval de la commercialisation des composés minéraux et nutritionnels, tout en laissant la question ouverte. Au cas d’espèce, ces marchés seront étudiés à l’échelle nationale.
17. En revanche, la pratique décisionnelle a relevé, tout en laissant la question ouverte, que les marchés aval de la commercialisation d’aliments composés complets étaient probablement de dimension locale, essentiellement en raison des coûts de transports de ces aliments. Au cas d’espèce, l’analyse concurrentielle sera menée sur la Bretagne et les Pays-de-la-Loire, seules régions dans lesquelles les parties sont simultanément actives de manière significative.
C. LE MARCHE DE LA PRODUCTION ET LA COMMERCIALISATION DE VOLAILLES VIVANTES DESTINÉES À L’ABATTAGE
1. DELIMITATION PAR PRODUITS
18. Selon les autorités de concurrence communautaire5 et nationale6, plusieurs raisons conduisent à écarter une substituabilité entre les espèces pour l’approvisionnement en volailles vivantes : les chaînes d’abattage diffèrent d’une espèce à l’autre et ne peuvent être modifiées à faible coût dans un délai raisonnable ; il faut du temps à un producteur pour passer de l’élevage d’une espèce à une autre et ce changement a un coût.
19. La pratique décisionnelle nationale7 a ainsi envisagé l’existence de marchés distincts de la collecte de poulets vivants en vue de l’abattage et de la collecte de dindes vivantes en vue de l’abattage. Dans une décision récente 8, l’Autorité a confirmé la spécificité tant de la demande en poulets, dindes et pintades vivants que de l’offre relative à ces trois espèces et a retenu autant de marchés distincts. Dans une autre décision9, elle a distingué un marché de l’approvisionnement en canards vivants maigres. En outre, dans ces deux décisions, une segmentation a été opérée entre les volailles standards et les volailles sous label.
20. Au cas d’espèce, les parties sont simultanément actives dans la production de poulets, de dindes, de canards, de pintades. Elle produit également des poules de réforme. Cette dernière activité est une activité connexe de la production d’œufs. En effet, les poules de réforme commercialisées par les parties sont majoritairement ([80-90] %) des poules pondeuses arrivées en fin de cycle de ponte. Au cas d’espèce, les parties ont donné des parts de marché pour les poulets d’une part et les poules de réforme d’autre part.
21. Enfin, les parties notifiantes ont indiqué qu’elles produisaient deux types de poulets destinés à l’abattage : des poulets destinés à l’exportation plus petits (typiquement 1,4 kg), à croissance plus lente, vendus entiers et congelés par les abattoirs à destination du Moyen-Orient essentiellement, et des poulets plus gros (typiquement 1,9 kg), à croissance rapide, destinés à être vendus frais sur le marché national soit entiers, soit découpés.
22. En l’espèce toutefois, la question de la pertinence d’une distinction entre poulets et poules de réforme, ou entre poulets, en fonction de leur poids et de leur destination, peut être laissée ouverte, dans la mesure où quelle que soit l’hypothèse retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.
2. DELIMITATION GEOGRAPHIQUE
23. Les autorités de concurrence nationales et communautaires ont retenu une dimension locale pour la plupart des marchés de la production de viande destinée à l’abattage.
24. La présente opération n’emporte des chevauchements géographiques entre au moins deux des parties à l’opération que sur les régions de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire.
D. LES MARCHES DE LA PRODUCTION ET DE LA COMMERCIALISTION D’ŒUFS
25. Conformément à la pratique des autorités de concurrence, le marché de la production et de la commercialisation des œufs pourrait être segmenté selon les espèces de volailles concernés (poule, caille, …). La production d’œufs est destinée à la consommation et à l’industrie des ovoproduits qui transforment les œufs en divers produits à destination principalement de l’industrie agroalimentaire. Les parties à l’opération ne sont actives que dans la production d’œufs de poules.
26. De plus d’après les informations transmises par les parties, une segmentation supplémentaire pourrait être justifiée entre différentes catégories d’œufs de poule, à savoir les œufs de poule en cage, les œufs de poule au sol, les œufs de poule plein air, les œufs de poule biologiques, les producteurs actifs sur ces différents segments n’étant pas toujours les mêmes. Au cas d’espèce, les effets de l’opération seront examinés sur ces différents segments.
27. Le ministre de l’économie10 a envisagé que les marchés de la production et de la commercialisation d’œufs soient de dimension européenne, compte tenu des possibilités d’approvisionnement hors de France. Pour autant, une dimension nationale de ce marché n’a pas été exclue compte tenu de la part encore importante de l’approvisionnement au niveau national. Les parties elles-mêmes exportent d’ailleurs des œufs hors de France mais livrent la majeure partie de leur production en France.
28. Les effets de l’opération sur le marché de la production et de la commercialisation d’œufs de consommation seront donc examinés au niveau national, la question de la délimitation exacte de ce marché pouvant être laissée ouverte puisque les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureraient inchangées même si une délimitation plus large était retenue.
III. L’analyse concurrentielle
29. Les parties notifiantes font valoir qu’elles n’entendent pas concentrer leurs activités respectives de nutrition/santé animale, productions animales et production d’œufs à consommer au sein de N.N.A, les deux maisons-mères continuant à exercer ces activités de manière totalement indépendante.
30. Néanmoins, l’acquisition des activité cibles ayant été réalisée de façon conjointe par Coopagri et Terrena, via la création de N.N.A, il convient d’examiner, d’une part, les effets du cumul d’activités de Coopagri et des sociétés cibles et, d’autre part, les effets du cumul d’activités de Terrena et des sociétés cibles. Ces effets peuvent être de deux ordres : premièrement, sur les marchés sur lesquels l’une des maisons-mères ou les deux, ainsi que les sociétés cibles, sont présentes, le cumul de parts de marché serait susceptible de donner lieu à des effets horizontaux (A); deuxièmement, les liens de connexité entre certains de ces marchés pourraient faire jouer des effets verticaux ou congloméraux ; il en est de même sur les marchés sur lesquels les maisons-mères sont actives sans la cible (B).
31. Dans un second temps, la création d’une entreprise commune par deux entreprises indépendantes présentes sur les mêmes marchés pourrait favoriser l’apparition de comportements coordonnés de leur part (C).
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
1. SUR LE MARCHÉ DE LA SANTÉ ANIMALE
32. Les parties sont des acheteurs sur le marché national des additifs alimentaires médicamenteux. Leurs parts dans les achats restent cependant limitées ([5-10] % pour Coopagri, [5-10] % pour Terrena et [5-10] % pour la cible). Sur ce marché, sont aussi demandeurs des grands groupes tels que Glon Sanders, LDC-Arrivé, Cooperl, Le Gouessant, Invivo ou encore Maïsadour ainsi que de nombreux acteurs locaux qui s’approvisionnent en additifs alimentaires médicamenteux.
2. SUR LES MARCHÉS DE LA NUTRITION ANIMALE
a) Les marchés amont de la production et de la commercialisation de matières premières destinées aux aliments pour animaux
33. Sur les marchés nationaux de la production et de la commercialisation de céréales, tourteaux et prémix destinés à la fabrication d’aliments pour animaux, les parties sont actives aussi bien en tant qu’acheteurs qu’en tant que revendeurs. Les parties ont, en effet, indiqué qu’elles achètent les matières premières nécessaires à la fabrication de leurs aliments composés destinés au bétail et que, par ailleurs, elles commercialisent des matières premières pour répondre aux besoins de certains éleveurs qui fabriquent eux-mêmes leurs aliments composés à la ferme ou qui ont besoin de petites quantités de matières premières, notamment de céréales, en complément des aliments composés.
34. En tant qu’acheteurs, Terrena et Coopagri s’approvisionnent auprès de structures internes à leur groupe et auprès de tiers. Leur part d’achat sur les différentes matières premières, ainsi que celle des sociétés cibles dont l’activité sera reprise par N.N.A demeurent limitées : en céréales, [5-10] % pour Coopagri, [5-10] % pour Terrena et [5-10] % pour Nutrea ; en tourteaux, [5-10] % pour Coopagri, [5-10] % pour Terrena et [5-10] % pour la cible ; en pré- mélangés, [0-5] % pour Coopagri, [5-10] % pour Terrena et [10-20] % pour la cible.
35. De plus, les parties à l’opération représentent le plus souvent moins de 5 % du chiffre d’affaires de leurs fournisseurs communs, et, au plus, environ 20 %.
36. Leurs parts de marché restent également limitées en tant que vendeurs, : [5-10] % pour Coopagri, [0-5] % pour Terrena et [0-5] % pour la cible, pour les céréales, marché sur lequel elles font face notamment à la concurrence d’Axéréal, Soufflet Négoce, Agrial et COC ; moins de [0-5] % au total pour les tourteaux. S’agissant des prémix, l’opération ne modifie pas la structure du marché, puisque la cible ne vend pas de pré-mélangés et que Coopagri et Terrena en commercialisent via CCPA, une entité qu’ils détiennent conjointement.
b) Les marchés aval de la fabrication et de la commercialisation d’aliments pour animaux d’élevage
Aliments composés minéraux et nutritionnels
37. Sur le marché de la fabrication et de la commercialisation d’aliments composés minéraux et nutritionnels, la part de marché de Coopagri est de [10-20] %, celle de Terrena de [0-5] % et celle de Nutréa de [5-10] %. Les parties seront confrontées à la concurrence de groupes tels que Inzo-SFPS ([20-30] % de parts de marché), Provimi ([10-20] %), Calcialiment ([5-10] %), Remond ([10-20] %) ou encore Primex ([5-10] %).
Aliments complets sur la région Bretagne
38. Sur les marchés de la fabrication et de la commercialisation d’aliments complets en Bretagne, les parts des marchés des parties à l’opération sont présentées dans le tableau ci-dessous :
Types de produits | PDM de Coopagri | PDM de Terrena | PDM la cible |
Aliments complets, toutes espèces | [5-10] % | [0-5] % | [10-20] % |
Aliments complets pour bovins | [10-20] % | [0-5] % | [20-30] % |
Aliments complets pour ovins et caprins | [0-5] % | [0-5] % | [20-30] % |
Aliments complets pour porcs | [10-20] % | [0-5] % | [10-20] % |
Aliments complets pour porcelets | [5-10] % | [0-5] % | [10-20] % |
Aliments complets pour volailles | [5-10] % | [0-5] % | [10-20] % |
Aliments complets pour lapins | [10-20] % | [0-5] % | [30-40] % |
Aliments complets pour chevaux | [10-20] % | [0-5] % | [10-20] % |
39. L’activité de Terrena sur ce marché était, antérieurement à l’opération, faible sur l’ensemble de ces marchés en Bretagne. En revanche, les sociétés cibles dont l’activité est reprise par N.N.A disposaient de parts de marché importantes sur certains de ces marchés, qui renforceront significativement celles de Coopagri. C’est en particulier le cas sur le marché de la commercialisation d’aliments complets pour lapins sur lequel les parts de marché cumulées de Coopagri et de N.N.A atteindront [40-50]% sur la région Bretagne. Elles dépasseront [20- 30] % sur les marchés des aliments complets pour bovins, chevaux, ovins et caprins. Cependant, il convient de prendre en compte la forte substituabilité de l’offre entre les aliments destinés aux différentes espèces, déjà mentionnée ci-dessus (§12). Toutes espèces confondues, les parts de marché ne dépasseront pas [20-30] %.
40. De plus, sur un marché limité aux aliments complets pour lapins, les parties à l’opération feront face à la concurrence de Glon Sanders (avec une part de marché estimée à [30-40] %), Groupe Michel ([5-10] %), Tromelin ([5-10] %) ou Districera ([0-5] %). En tout état de cause, les ventes d’aliments complets pour lapins ne représentent que [0-5] % de l’ensemble des aliments complets pour animaux d’élevage
41. Sur un marché limité aux aliments complets pour bovins, les parties à l’opération seront confrontées à la concurrence de Le Gouessant ([5-10] %), Cooperl ([5-10] %), Glon Sanders ([5-10] %), Cecab ([0-5] %), Even ([0-5] %) ou Tromelin ([0-5] %).
42. Sur un marché limité aux aliments complets pour chevaux, les parties à l’opération seront confrontées à la concurrence de Destrier (avec une part de marché estimée à [30-40] %), Horsebreed ([5-10] %), La Paysanne ([0-5] %) ou Sodial ([0-5] %).
43. Enfin, sur un marché limité aux aliments complets pour ovins et caprins, les additions de marché sont faibles, que ce soient pour le groupe Terrena ([0-5] %) ou pour le groupe Coopagri ([0-5] %).
Aliments complets sur la région Pays-de-Loire
Types de produits | PDM de Coopagri | PDM de Terrena | PDM la cible |
Aliments complets, toutes espèces | [0-5] % | [10-20] % | [0-5] % |
Aliments complets pour bovins | [0-5] % | [20-30] % | [0-5] % |
Aliments complets pour ovins et caprins | [0-5] % | [10-20] % | [0-5] % |
Aliments complets pour porcs | [0-5] % | [10-20] % | [5-10] % |
Aliments complets pour porcelets | [0-5] % | [20-30] % | [5-10] % |
Aliments complets pour volailles | [0-5] % | [10-20] % | [0-5] % |
Aliments complets pour lapins | [0-5] % | [30-40] % | [5-10] % |
Aliments complets pour chevaux | [0-5] % | [10-20] % | [0-5] % |
44. Sur la région Pays de la Loire, Terrena disposait , avant l’opération, de parts de marché supérieures à [20-30] % pour les aliments pour bovins, pour porcelets et pour lapins. Coopagri était très peu présent dans cette région. Avec l’addition des parts de marché de Nutréa, les parts de marché de Terrena atteindront [20-30] % sur les deux premiers marchés et [30-40] % sur le dernier. Cependant, il convient de prendre en compte la forte substituabilité de l’offre entre les aliments destinés aux différentes espèces, déjà mentionnée ci-dessus (§13). Toutes espèces confondues, les parts de marché ne dépasseront pas [20-30] %.
45. Sur un marché limité aux aliments composés complets pour lapins, les parties resteront confrontées à la concurrence de groupes tels que Cavac (avec une part de marché estimée à [20-30] %), LDC-Arrivé ([20-30] %), Evialis ([5-10] %) et Glon Sanders ([5-10] %).
46. Sur les marchés de la production et de la commercialisation d’aliments composés complets pour bovins, les parties à l’opération feront face à la concurrence de Cavac ([10-20] % de parts de marchés), Agrial ([10-20] %), CAM 53 ([10-20] %), Evialis ([10-20] %) et d’acteurs plus petits
47. Sur le marché des aliments complets pour porcelets, les parties à l’opération feront face à la concurrence de Cooperl ([10-20] % de parts de marché), Glon Sanders ([5-10] %), et d’acteurs plus petits.
* * *
48. Par ailleurs, Terrena détient des parts de marché importantes sur les marchés des aliments complets pour animaux dans la région Poitou-Charentes ([40-50] % toutes espèces confondues). Cependant, ni la cible, Nutréa, dont les activités seront reprises par N.N.A, ni Coopagri11, ne sont présentes dans cette région.
49. Au total, l’opération aura pour effet de renforcer la présence de Coopagri en Bretagne, et celle de Terrena sur la région Pays de la Loire, sans toutefois qu’au total, toutes espèces confondues, les parts de marché respectives des deux groupes sur ces régions ne dépassent [20-30 %].
3. SUR LE MARCHÉ DE LA PRODUCTION ET DE LA COMMERCIALISATION DE VOLAILLES VIVANTES EN VUE DE L’ABATTAGE
c) Région Bretagne
50. La cible représente, avant l’opération, moins de [10-20] % des volailles abattues sur la région Bretagne, contre [5-10] % pour le groupe Coopagri, la présence de Terrena dans cette région étant marginale.
51. Sur un marché limité à la production de poulet de chair destinés au marché national, la part de marché est de [10-20] % pour la cible, [0-5] % pour Terrena et [10-20] % pour Coopagri. Les parties notifiantes resteront confrontées à la concurrence des groupes Glon Sanders ([10-20] %), Doux ([20-30] %), UKL ([10-20] %) ou Le Gouessant ([5-10] %). Seule la cible est active sur un éventuel segment de la production de poulets de chair destinés à l’exportation, avec une part de marché estimée à [10-20] % en Bretagne, sachant que le groupe Doux assure [50-60]% de la production sur ce segment dans la région.
52. Sur un marché limité aux poules de réforme, la cible assure [10-20] % des ventes contre [0-5] % pour Coopagri. Les groupes Glon Sanders ([20-30] %), Le Gouessant ([10-20] %) et Cecab ([5-10] %) opèrent également sur ce segment dans cette région.
53. Sur le marché de la production de dindes de chair, seules la cible et Coopagri sont présentes sur ce marché ([5-10] % pour Coopagri et [0-5] % pour la cible). Plusieurs autres concurrents sont présents tels que UKL ([20-30] %), Glon ([10-20] %), Le Gouessant ([10-20] %), Doux ([5-10] %) ou encore Cecab ([10-20] %).
d) Région Pays-de-Loire
54. Dans la région Pays de la Loire, tant Coopagri que la cible sont quasiment absents, sauf pour ce qui concerne les poules de réforme, la cible assurant [5-10] % des ventes et Terrena, [30-40] %. Les poules de réforme ne constituent toutefois qu’une très faible part de l’approvisionnement de l’aval en viande de poulet et sont en partie exportées.
4. SUR LES MARCHÉS DE LA PRODUCTION ET DE LA COMMERCIALISATION D’ŒUFS DE POULE À CONSOMMER
55. Les parts de marché des parties à l’opération sur le marché national de la production et de la commercialisation d’œufs de poule à consommer et ses éventuels segments, se répartissent comme suit :
Famille de produits | PDM de Coopagri | PDM de Terrena | PDM la cible |
Œufs de consommation (toutes catégories) | [0-5] % | [5-10] % | [5-10] % |
Œufs de poules en cage | [0-5] % | [0-5] % | [5-10] % |
Œufs de poules au sol | [0-5] % | [0-5] % | [10-20] % |
Œufs de poule plein air | [0-5] % | [5-10] % | [0-5] % |
Œufs biologiques | [0-5] % | [10-20] % | [0-5] % |
56. De plus, les parties feront face à la concurrence de différents acteurs, tels que Glon Sanders, qui détient une part de marché de [10-20] % toutes catégories d’œufs de poule confondues, Gouessant ([5-10] %) et CECAB ([5-10] %).
* * *
57. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés par le moyen d’effets horizontaux.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX ET CONGLOMÉRAUX.
1. EFFETS VERTICAUX
58. En premier lieu, les parties notifiantes et la cible sont présentes sur le marché de la nutrition animale tant en amont (production et commercialisation de matières premières destinées à la fabrication d'aliments composés pour animaux d'élevage) qu'en aval (fabrication et commercialisation d'aliments pour animaux d'élevage). Cependant, leurs parts de marché sont limitées (inférieures à 20 %) sur chacun des segments considérés (céréales, tourteaux et pré- mélanges). En outre, chacun de ces segments compte de nombreux opérateurs concurrents. L’opération ne confère donc pas au groupe Coopagri ou au groupe Terrena la possibilité de verrouiller l'accès des fabricants d'aliments composés concurrents aux approvisionnements en matières premières destinées aux aliments composés pour animaux d'élevage.
59. En aval, la part de marché cumulée du groupe Coopagri et de la cible, d’une part, du groupe Terrena et de la cible, d’autre part, est supérieure à 25 % pour les aliments composés destinés à certaines espèces animales. Cependant, les fournisseurs de matières premières sont des coopératives céréalières (Agralys, Agrial, Axéréal, COC…), des grands groupes internationaux (Cargill, Bunge, Saipol, Louis Dreyfus…) ainsi que des entreprises de négoce nationales (Soufflet) disposant de débouchés plus nombreux que ceux des parties. De plus, les matières premières concernées (céréales, tourteaux et pré-mélanges) peuvent être utilisées pour tous les aliments composés complets, quelle que soit l'espèce animale à laquelle ils sont destinés. Or, toutes espèces confondues, la part des parties à la suite de l’opération ne dépassera pas [20-30] %. L'opération notifiée n'est donc pas de nature à permettre à la nouvelle entité de verrouiller l'accès des fabricants de matières premières au marché aval des aliments composés.
60. De la même façon, les parts de marché conférées par l’opération aux groupes Coopagri et Terrena sur d’éventuels marchés régionaux des aliments complets pour volaille, d’une part, et sur les marchés de la production de volailles vivantes des mêmes régions d’autre part, ne sont pas telles que des effets de verrouillage au dépens de leurs concurrents sur ces marchés puissent être considérés comme probables.
61. En second lieu, l’acquisition en commun par Coopagri et Terrena des activités santé animale, nutrition animale, production et commercialisation de volaille vivantes et production et commercialisation d’œufs de poule d’Unicopa pourrait avoir une incidence sur des marché autres que ceux-là, mais verticalement reliés, sur lesquels une des maisons mères ou les deux seraient présentes.
62. En particulier, les deux groupes sont présents en aval sur les marchés de la collecte de porcins en vue de l’abattage. Cependant, en Bretagne, la part de marché du groupe Coopagri est de [10-20] % et le groupe Terrena n’est que marginalement présent. Dans les pays de la Loire, Coopagri n’est pas présent et la part de marché de Terrena est de [20-30] % depuis la sortie d’Arca du groupe Terrena en septembre 2008. L’opération n’est donc pas de nature à susciter des effets de verrouillage entre ces marchés et d’éventuels marchés de la fabrication et de la commercialisation d’aliments complets pour porcs, sur lesquels les deux groupes disposent, après l’opération, de parts de marché inférieures à [20-30] % dans ces deux régions.
63. Les groupes Coopagri et Terrena sont également actifs sur les marchés de la production et de la commercialisation de bovins en vue de l’abattage. Sur la région Bretagne, elles évaluent leurs parts sur ce marché à respectivement [5-10] % et [0-5] %. Dans les Pays de la Loire, Coopagri n’est pas présent et la part de marché de Terrena est de [10-20] %. Il est donc peu probable que les deux groupes puissent verrouiller l’accès à la clientèle de leurs concurrents actifs sur un éventuel marché de la production et de la commercialisation d’aliments complets pour bovins, en dépit du fait que l’opération renforce leurs positions sur un tel marché en Bretagne ([10-20] % pour Coopagri, [0-5] % pour Terrena et [20-30] % pour la cible) et celle de Terrena dans les pays de la Loire ([20-30] % dont [0-5] % pour la cible).
64. Terrena et Coopagri sont de plus présentes dans le secteur du lait, notamment à travers une entreprise commune avec le groupe Even active dans la transformation du lait et de la production de produits laitiers, dont la création a fait l’objet d’une autorisation tacite du ministre de l’économie en date du 19 juin 2009. Selon la notification adressée au ministre, cette entreprise commune, nommée Laïta (erreur matérielle corrigée), n’est pas présente sur les marchés amont de la collecte de lait, seules les activités de transformation du lait et de commercialisation des produits laitiers ayant été mises en commun. Les groupes Coopagri et Terrena continuent à collecter le lait auprès de leurs éleveurs adhérents respectifs. Le marché de la collecte du lait présente des liens verticaux avec celui d’un éventuel marché de la production et de la commercialisation d’aliments complets pour bovins dans les régions concernées. Cependant, en Bretagne, les parts de Coopagri dans la collecte du lait représentent [5-10] % du total et celles de Terrena, [0-5] %. Dans les pays de la Loire, seule Terrena est présente avec [10-20] % de part de marché. Ces positions ne sont pas suffisamment importantes pour permettre à l’un des groupes de compromettre l’approvisionnement des producteurs de lait concurrents en aliments pour bovins ou l’accès des producteurs d’aliments concurrents aux débouchés.
65. Terrena est par ailleurs un producteur important ([30-40] % de parts de marché) de lapins vivants en vue de l’abattage dans la région Pays de Loire, situé en aval d’un éventuel marché de la production et commercialisation d’aliments complets pour lapins dans la même région, sur lequel Terrena et la cible sont présents (respectivement [30-40] % et [5-10] %). Cependant, les éléments relatifs à la substituabilité de l’offre pour la fabrication d’aliments complets destinés à des espèces différentes, et au caractère marginal des aliments pour lapins dans le total des aliments complets, rendent peu plausible une stratégie de verrouillage amont ou aval de ces marchés par Terrena.
66. Le groupe Terrena est aussi un acteur important sur le marché de la production et de la commercialisation de viande de volaille fraiche, situé en aval des marchés régionaux de la production et de commercialisation de volailles vivantes en vue de l’abattage. Cependant, l’opération n’a pas pour effet de conférer à Terrena sur ces marchés une position susceptible de restreindre le jeu de la concurrence en amont ou en aval puisque, s’agissant des poulets de chair, elle porte sa part de marché au niveau national de [5-10] à [5-10] % et, s’agissant des poules de réforme, de [5-10] à [10-20] %.
67. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés par le moyen d’effets verticaux.
2. EFFETS CONGLOMÉRAUX
68. Une opération de concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d’accroître son pouvoir de marché (hors cas de marchés situés en amont ou en aval l’un de l’autre qui relèvent des effets verticaux).
69. En l'espèce, l’opération renforce les parts du groupe Coopagri, d’une part, et du groupe Terrena, d’autre part sur l’ensemble des marchés de la fabrication et de la commercialisation d’aliments complets destinés aux animaux d’élevage, avec des parts de marché importantes, sur certains d’entre eux, dans la région Bretagne. Cependant, les opérateurs concurrents (notamment Glon Sanders, Cooperl, Evialis, Le Gouessant) sont également présents sur l’ensemble de ces marchés et donc en mesure d’offrir une gamme de produits aussi diversifiée. Par ailleurs, s’agissant du segment des aliments composés pour lapins sur lequel les parties détiennent des parts de marché plus importantes, les parties relèvent que la grande majorité des éleveurs de lapins est spécialisée dans l'élevage de cette espèce et n'achète donc pas d'aliments composés destinés à d'autres espèces animales.
70. Par ailleurs, les liens de connexité, autres que verticaux, entre d’une part, les différents marchés sur lesquels l’acquisition conjointe de la cible renforce les positions du groupe Coopagri ou du groupe Terrena, et d’autre part, les autres marchés, sur lesquels l’un ou l’autre de ces groupes est présent mais pas la cible, ne sont pas suffisants pour que l’opération permette de faire jouer des effets de levier entre les positions occupées par l’un ou l’autre des groupes sur ces marchés. Il s’agit en effet des différents marchés de la production d’animaux vivants en vue de l’abattage ou des marchés de la viande de volaille fraîche, ou encore des marchés du lait, déjà vus ci-dessus au titre des effets verticaux, mais également des marchés de l’agrofourniture et des marchés de la distribution spécialisée de produits de jardinerie.
71. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés par le moyen d’effets congloméraux.
C. ANALYSE DU RISQUE DE COORDINATION ENTRE COOPAGRI ET TERRENA
72. Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission européenne, reprise par les autorités de concurrence nationales12, la création d'une entreprise commune est également susceptible d'entraîner un risque de coordination entre les sociétés mères lorsque les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies : le risque de coordination doit avoir un lien de causalité direct avec la création de l'entreprise commune ; la coordination doit être suffisamment vraisemblable ; la coordination doit avoir un effet sensible sur la concurrence.
73. Le Conseil de la concurrence a considéré, dans l’avis n°07-A-09 précité qu’une telle coordination peut être envisagée de façon plus évidente si les maisons-mères et la filiale commune sont présentes sur les mêmes marchés mais qu’elle ne peut être exclue a priori lorsque les maisons-mères sont présentes sur un marché distinct de celui de leur filiale commune, le contact multi-marché entre des entreprises étant également susceptible de faciliter la coordination de leurs comportements.
1. MARCHÉS SUR LESQUELS TANT LES MAISONS MÈRES QUE LA CIBLE SONT PRÉSENTES
74. En l’espèce, il a été constaté ci-dessus que tant Terrena que Coopagri sont présents et resteront présents après l’opération, sur de nombreux marchés des secteurs de la santé animale, nutrition animale, production et commercialisation de volaille vivantes et production et commercialisation d’œufs de poule. Cette situation accroît les risques de coordination des maisons-mères sur ces marchés.
75. Les parties notifiantes font valoir que N.N.A a été créée par Coopagri et Terrena afin d'acquérir conjointement les actifs de la cible et de réaliser ainsi des gains d'efficacité économique, liés à une optimisation des achats de matières premières et de la logistique, mais que les activités respectives des groupes Coopagri et Terrena continueront à être exercées de manière totalement indépendante postérieurement à l'opération. Elles expliquent également que les activités de Coopagri et de Terrena n'étaient nullement dépendantes des activités de Nutrea préalablement à l'opération et que N.N.A n'a pas vocation ni à produire d' "inputs" qui seraient essentiels pour l'activité de Coopagri et de Terrena ni à constituer un débouché commercial incontournable pour les parties.
76. Les parties mettent également en avant la forte dissymétrie entre les parts de marché de Coopagri et de Terrena, tant sur les marchés de la nutrition animale que sur ceux des productions animales, alors que l'existence d'une forte dissymétrie entre les parts de marché des sociétés-mères constituerait un fort indice de l'absence de vraisemblance d'une éventuelle coordination des sociétés-mères selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence13. Elles ajoutent que les zones de chevauchement géographiques sont extrêmement limitées.
77. En effet, s'agissant des marchés de la nutrition animale, la société Coopagri est principalement présente en Bretagne, région dans laquelle les parts de marché de Terrena sont marginales. Inversement, dans les régions Pays de la Loire et Poitou-Charentes où Terrena est présente principalement, les parts de marché de Coopagri sont marginales. Toutefois, l’acquisition de la cible permet aux deux groupes d’équilibrer leurs parts de marché cumulées sur les deux régions. Sur ces marchés, la complémentarité des positions de Coopagri, de Terrena et de la cible ne permet pas d’écarter la vraisemblance d’une coordination des comportements des deux maisons-mères, qui s’appuierait directement sur la mise en place de la filiale commune et pourrait par exemple prendre la forme d’une répartition géographique de ces marchés entre elles.
78. Il convient donc d’apprécier le troisième critère rappelé ci-dessus, relatif à l’effet sensible qu’aurait sur les marchés concernés une telle coordination, en prenant en compte l’effet du cumul des parts de marché de Coopagri, de Terrena et de la cible.
Parts de marché cumulées de Coopagri, Terrena et la cible sur les marchés des aliments complets
Types de produits Pays de la Loire | PDM cumulées Bretagne | PDM cumulées Pays de la Loire |
Aliments complets, toutes espèces | [20-30] % | [20-30] % |
Aliments complets pour bovins | [30-40] % | [20-30] % |
Aliments complets pour ovins et caprins | [20-30] % | [10-20] % |
Aliments complets pour porcs | [20-30] % | [20-30] % |
Aliments complets pour porcelets | [10-20] % | [20-30] % |
Aliments complets pour volailles | [10-20] % | [10-20] % |
Aliments complets pour lapins | [50-60] % | [40-50] % |
Aliments complets pour chevaux | [20-30] % | [10-20] % |
79. Les constatations déjà faites ci-dessus aux §39 et 44 peuvent cependant être reprises, en particulier en ce qui concerne la substituabilité de l’offre entre les aliments complets destinés aux différentes espèces, dans la mesure où les matières premières utilisées et les modes fabrication sont les mêmes et où les principaux producteurs sont présents sur l’ensemble de ces segments. Sur un marché des aliments complets toutes espèces confondues, les parts de marché des deux groupes, après acquisition de la cible, restent inférieures à [20-30] %. Il convient également de rappeler que les aliments pour lapins ne représentent que [0-5] % du total des ventes d’aliments complets. En outre, les principaux opérateurs intervenant sur le marché des aliments complets à l’échelle nationale sont également présents dans ces régions. En Bretagne, Cooperl, Le Gouessant et Glon Sanders sont présents avec plus de [5-10] % des ventes chacun ; Cooperl réalise [20-30] % des ventes d’aliments complets pour porcs ; Doux et Sanders, respectivement [10-20] % et [10-20] % des ventes d’aliments complets pour volailles ; Glon Sanders, [30-40] % des ventes d’aliments pour lapins ; Destrier, [30-40] % des ventes d’aliments pour chevaux. Dans les pays de la Loire, trois intervenants (CAVAC, Agrial et CAM) détiennent plus de [10-20] % de parts de marché sur les aliments pour bovins : CAVAC réalise plus de [30-40] % des ventes d’aliments pour ovins et caprins ; Cooperl, [10-20] % des ventes d’aliments pour porcs et LDC, [30-40] % des ventes d’aliments complets pour volailles.
80. Une éventuelle coordination des comportements de Terrena et Coopagri ne pourrait donc porter atteinte à la concurrence sur ces marchés,
81. S’agissant des autres marchés sur lesquels les deux maisons mères et la cible sont présentes simultanément, le cumul de leurs parts de marché n’amène pas à modifier les conclusions déjà tirées ci-dessus s’agissant des effets horizontaux de l’opération. En effet, sur le marché national des additifs alimentaires médicamenteux, le cumul des parts de marché s’élève à [10-20] %. De même, le cumul des parts de marché de Coopagri, Terrena et la cible ne dépasse [20-30] % sur aucun des marchés des la production et de la commercialisation de matières premières destinés aux aliments pour animaux, comme sur le marché de la fabrication et de la commercialisation d’aliments composés minéraux et nutritionnels.
82. Sur les marchés de la production de volailles vivantes en vue de l’abattage, le cumul des parts de marché sur les marchés sur lesquels tant Coopagri que Terrena et la cible sont présents ne dépasse [20-30] % sur le marché des poulets de chair qu’en Bretagne, où il atteint [20-30] %. Terrena est cependant très peu présent sur ce marché puisque ses ventes ne représentent que [0-5] % du total.
83. Enfin, s’agissant du marché national de la production et de la commercialisation d’œufs de poule, les parts de marché cumulées des deux maisons mères et de la cible s’élèvent à [10-20] % ([0-5] % pour Coopagri, [5-10] % pour Terrena et [5-10] % pour la cible).
84. Une coordination du comportement de Coopagri Bretagne et Terrena ne serait donc en tout état de cause pas susceptible de produire des effets anticoncurrentiels sensibles sur les marchés sur lesquels elles Ŕmêmes et la cible seront présentes.
2. MARCHÉS SUR LESQUELS TANT LES DEUX MAISONS MÈRES SONT PRÉSENTES MAIS PAS LA CIBLE
85. Compte tenu de la première des conditions rappelées ci-dessus, tenant au lien de causalité direct entre le risque de coordination et la création de l'entreprise commune, un tel risque peut être constaté pour des marchés présentant un lien de connexité avec ceux sur lesquels opèrent l’entreprise commune. Par ailleurs, comme le Conseil de la concurrence l’a considéré dans l’avis n°07-A-09 précité, il ne peut être exclu que d’autres facteurs, tels que les liens financiers tissés dans le cadre de la création de la filiale, soient à l’origine d’une interdépendance accrue entre les maisons-mères. Le montant limité de l’investissement financier représenté par l’acquisition de la cible (9,3 millions d’euros), au regard de la taille des deux groupes concernés permet cependant d’écarter ce cas de figure dans la présente affaire.
86. En l’espèce, il convient donc de reprendre l’analyse faite ci-dessus des éventuels effets verticaux et congloméraux de l’opération, en ne retenant que les marchés sur lesquels les deux maisons mères sont présents mais non la cible.
87. S’agissant des marchés de la production d’animaux destinés à l’abattage, autres que les volailles, les deux groupes ne sont présents ensemble qu’en Bretagne sur le marché des bovins, pour un total limité à [5-10] %, et dans la même région sur le marché des porcs, pour un total limité à [10-20] % (dont [0-5] % pour le groupe Terrena). Une éventuelle coordination des comportements ne serait donc pas susceptible d’entraîner des effets sensibles sur la concurrence que ce soit sur ces marchés eux-mêmes, ou sur les marchés de la nutrition animale situés en amont.
88. De même, s’agissant du marché de la collecte de lait, il a été constaté ci-dessus que les deux groupes n’étaient présents ensemble qu’en Bretagne, avec un cumul de parts de marché de [5-10] % dont [0-5] % pour Terrena.
89. S’agissant des autres marchés sur lesquels les deux groupes sont simultanément présents, comme la distribution spécialisée de produits de jardinerie, ils ne présentent pas, avec les marchés sur lesquels opère l’entreprise commune, un lien de connexité suffisant pour que la création de celle-ci favorise un comportement coordonné des maisons-mères sur ces marchés.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 09-0091 est autorisée.
1 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.1681-Akso Nobel / Hoeschst Roussel Vet du 22 novembre 1999 ainsi que la décision C2007-54 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 25 juin
2007, au conseil de l’Union des coopératives agricoles Invivo, relative à une concentration dans le secteur d’aliments pour le bétail, publiée au B.O.C.C.R.F. n°7 bis du 14 septembre 2007.
2 Voir les décisions COMP/M.1681 et C2007-54 précitées.
3 Voir les décisions C2005-38 précitée, C2007-54 du 25 juin 2007, relative à une concentration dans le secteur d’aliments pour bétail, C2007-79 du 26 juillet 2007, relative à une concentration dans le secteur de la production et de la commercialisation d’aliments pour animaux, santé animale, et production animale, C2008-94 du 2 janvier 2009, relative à une concentration dans le secteur des céréales et des oléoprotagineux, ainsi que les décisions de la commission COMP/M.2956 Ŕ CVC / PAI EUROPE / PROVIMI du 28 octobre 2002, COMP/M.2544 Ŕ Masterfoods / Royal Canin
4 Décision du ministre de l’économie C2007-54 précitée.
5 Décision de la Commission européenne IV/M.1313 Danish Crown/Vestjysjke du 9 mars 1999.
6 Lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2005-19 du 14 avril 2005 relative à une concentration dans le secteur de l’abattage, de la découpe et de la commercialisation de volailles.
7 Lettre du Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-27 du 19 mai 2008 aux conseils de la société Gastronome, relative à une concentration dans le secteur de la commercialisation de viande de poulet et de dinde.
8 Décision n° 09-DCC-67 du 23 novembre 2009 relative à l’acquisition de la société Arrivé par la société LDC Volailles
9 Décision n°09-DCC-42 du 16 septembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Les Fermiers landais par la société Maisadour
10 Voir la décision C2008-80 / Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 28 août 2008, aux conseils de la société Lesieur, relative à une concentration dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sauces froides, publiée au B.O.C.C.R.F. N°8 bis du 23 octobre 2008.
11 A l’exception d’une présence marginale s’agissant des aliments pour lapins (via un partenariat avec CPLB) et pour chevaux.
12 Voir l’avis du Conseil de la concurrence n°07-A-09 du 2 août 2007 et les décisions du ministre de l’économie n° C2007-27 du 28 août 2007 et C2006-45 du 10 août 2006.
13 Voir dans ce sens la décision C2008-94 précitée.