ADLC, 22 septembre 2010, n° 10-DCC-012
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société LVDIS par la société Carrefour France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président, M. Lasserre
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 19 août 2010 et déclaré complet à la même date, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société LVDIS par la société Carrefour France ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Le groupe Carrefour est actif dans la distribution à dominante alimentaire. En France, il exploite des hypermarchés sous enseignes Carrefour et Champion et des supermarchés sous enseignes Champion et Carrefour Market. Il exploite également des magasins de proximité sous enseignes Shopi, 8 à huit, Marché Plus, Sherpa, Proxi et des magasins discompteurs sous enseigne Ed et Dia. En 2009, le groupe Carrefour a réalisé un chiffre d’affaires total mondial hors taxes d’environ 86 milliards d’euros, dont environ 34 milliards d’euros en France. La société Carrefour France est une société par actions simplifiées, filiale du groupe Carrefour. Elle a réalisé, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires de 287 millions d’euros.
2. La société LVDIS est une société anonyme, détenue à 50 % par le groupe Carrefour. Le solde du capital est détenu directement ou indirectement par la famille Liotard. La Société LVDIS est propriétaire et exploitante d’un hypermarché à l’enseigne « Carrefour » à Issoire (63). Elle a réalisé, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires total hors taxes de 68,7 millions d’euros.
3. Selon le protocole de cessions d’actions sous conditions suspensives signé par les parties le 22 juillet 2010, la famille Liotard s’engage à céder l’intégralité de ses actions à la société Carrefour France. La société LVDIS, actuellement contrôlée conjointement par le groupe Carrefour et la famille Liotard sera donc, à l’issue de l’opération, contrôlée exclusivement par le groupe Carrefour. Ce changement de contrôle constitue une concentration aux termes de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence1, deux catégories de marchés peuvent être délimitées2 dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
6. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales3, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
7. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente supérieure à 2 500 m². Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d’espèce, compte tenu que des magasins dont la surface est situé à proximité d’un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe avec les faits.
8. En l’espèce, le magasin racheté occupe aujourd’hui une surface de vente de 7 500 m². Il rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
9. Dans ses décisions récentes4 relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l’Autorité de la concurrence a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
10. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
11. Au cas d’espèce, le magasin concerné par l’opération est un hypermarché puisque sa surface est de 7 500 m². L’analyse concurrentielle portera donc sur un premier marché comprenant les hypermarchés situés dans un rayon de 30 minutes autour d’Issoire et sur un second marché incluant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs situés dans un rayon de 15 minutes autour de la même ville.
B. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
12. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne5 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales6.
13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION
14. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes en voiture autour d’Issoire, l’hypermarché exploité par la société Carrefour représente actuellement 9 % des surfaces de vente. Une autorisation d’extension a été obtenue pour ce point de vente et portera sa part de marché à 9,7 %. Compte tenu des deux autres hypermarchés Carrefour situés dans la même zone, le groupe dispose sur cette zone de chalandise d’une part de marché cumulée de 22,7 %.
15. Ces magasins font face sur cette zone à la concurrence de huit autres hypermarchés dont deux à l’enseigne Auchan (25 % des surfaces de vente) et trois à l’enseigne Leclerc (21 % des surfaces de vente).
16. Sur le marché comprenant les hypermarchés, supermarchés et autres formes de commerce équivalents, situés dans une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour d’Issoire, le Carrefour exploité par la société LVDIS représentera, avec l’extension prévue, 42 % des surfaces de vente. Compte tenu de la présence sur la même zone d’un Carrefour Market et d’un ED, les points de vente à l’enseigne du groupe Carrefour totaliseront 63 % des surfaces de vente. Sont également présents sur cette zone, les groupes Casino (14 % des surfaces de vente), ITM (12 %), Système U (8 %), Auchan (4 %) et Aldi (4 %).
17. Les magasins sous enseignes appartenant au groupe Carrefour détiennent donc une part de marché élevée sur la zone considérée. Toutefois, la présente opération n’a pas d’effets sur la répartition des parts de marché entre enseignes sur la zone, le magasin concerné étant déjà, préalablement à l’opération, contrôlé conjointement par le groupe Carrefour et exploité sous l’enseigne Carrefour.
B. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT
18. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération qui ne concerne qu’un seul magasin, n’est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat du groupe Carrefour, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
19. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval que sur le marché amont de la distribution
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0136 est autorisée.
1 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l’arrêté ministériel du 5 juillet 2000dans l’opération Carrefour/Promodès et les avis de l’Autorité de la concurrence n°97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l’affaire Carrefour/Coran°98-A-06 du 5 mai 1998, dans l’affaire Casino Franprix/Leader Price, et n°00-A-06 du 3 mai 2000, dans l’affaire Carrefour/Promodès.
2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C.2005-98 Carrefour/Penny market du 10 novembre 2005.
3 Décisions C.2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C.2007-172 Carrefour Plane Plamidis du 13 février 2008, C.2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C.2007-05Carrefour Sofadi du 26 mars 2007, C.2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C.2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005 ;
4 Voir notamment les décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09- DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.
5 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C.2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C.2007-172 relatif à la création e l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008et C.2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.