Livv
Décisions

ADLC, 23 septembre 2010, n° 10-DCC-123

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Otava par la société ITM Alimentaire Ouest

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Vice-présidente, Mme Aubert

ADLC n° 10-DCC-123

23 septembre 2010

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 27 août 2010 et déclaré complet à la même date, relatif à la prise de contrôle de la société Otava par la société ITM Alimentaire Ouest ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1.    La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle- même détenue par 1 330 personnes physiques dits « adhérents associés », conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de « Groupement  des  Mousquetaires ». En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l’animation d’un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s’effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d’enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d’approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au « Groupement des Mousquetaires ».

2.    La société ITM Alimentaire Ouest est une société de droit français détenue à [>50] % par la société ITM Alimentaire France, elle-même détenue par la société ITM Entreprises.  La société ITM Entreprises a confié à la société ITM Alimentaire Ouest l’animation, le développement du réseau de franchisés exploitant sous les enseignes Intermarché, Ecomarché et Netto dans la région Ouest de la France.

3.    La société ITM Alimentaire Ouest et le groupe ITM Entreprises auquel elle appartient, ont réalisé, au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2009, un chiffre d’affaires mondial hors taxes de [20-30] milliards d’euros, dont [15-25] en France.

4.    La société Otava est une société par actions simplifiée de droit français qui a pour objet exclusif la détention des titres de la société Lofredo. Le capital de la société Otava est détenu  à [>50] % par les époux X, la société ITM Entreprises détenant une action ne lui conférant aucuns droits particuliers. Elle est liée à la société ITM Entreprises par un contrat d’enseigne signé le 29 mars 1995. M. et Mme X, actionnaires majoritaires de la société Otava, ont signé un contrat d’adhésion avec la société ITM Entreprises.

5.    La société Lofredo est une société anonyme de droit français qui, exploite un point de vente à dominante alimentaire, de type hypermarché, à l’enseigne « Intermarché » situé à Saumur (49). Le capital social de la société Lofredo est détenu à plus de [>50] % par la société Otava.

6.    La société Lofredo a réalisé, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires total hors taxes de [>15] millions d’euros.

7.    L’opération notifiée, formalisée par un protocole de cession en date du 30 juillet 2010, consiste en l’acquisition par ITM Alimentaire Ouest de la totalité des actions de la société Otava. La partie notifiante souligne que l’opération notifiée est provisoire, les titres acquis devant être rétrocédés dans les meilleurs délais à un nouvel exploitant indépendant. L’opération notifiée s’analyse comme une prise de contrôle de la société Otava par la société ITM Alimentaire Ouest et constitue une opération de concentration aux termes de l’article L. 430-1 du code de commerce.

8.    Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L.430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

9.    Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence1 , deux catégories de marchés peuvent être délimitées2 dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

 

A.  MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1.  LES MARCHÉS DE SERVICE

10.   En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales3 , ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente,  leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés :

(i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

11.   Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente supérieure à 2 500 m². Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d’espèce, compte tenu de ce que des magasins dont la surface est située à proximité d’un seuil, soit en-dessous, soit au- dessus, peuvent en fait se trouver en concurrence directe.

12.   En l’espèce, le magasin racheté occupe aujourd’hui une surface de vente de 5 800 m². Il entre donc dans la catégorie des hypermarchés.

 

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

13.   Dans ses décisions récentes4 relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l’Autorité de la concurrence a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes :

-  un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

-  un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et de types  de commerce équivalents situés à moins de       15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces derniers types de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

14.   D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

15.   Au cas d’espèce, le magasin concerné par l’opération est un hypermarché puisque sa surface est de 5 800 m². L’analyse concurrentielle portera donc sur les deux marchés, celui incluant les hypermarchés situés dans un rayon de 30 minutes autour de Saumur et celui incluant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés sur une zone de chalandise de 15 minutes.

 

B. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

16.   En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne5 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales6.

17.   Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

 

III. Analyse concurrentielle

A.  MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION

18.   Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes en voiture autour de Saumur, l’Intermarché exploité par la société Lofredo représente 17 % des surfaces de vente. Sont également présents sur cette zone deux hypermarchés Intermarché situés à Beaufort en vallée et Doue la fontaine, détenant respectivement 9 % et 7 % des surfaces de vente. Les hypermarchés exploités sous une enseigne ITM Entreprises représentent donc, sur la zone de chalandise de 30 minutes autour de Saumur, une part de marché cumulée de 33 %.

19.   Ce magasin est confronté à la concurrence de quatre hypermarchés sous enseignes du groupe Système U détenant une part de marché cumulée de 48 % et d’un hypermarché sous enseigne du groupe Leclerc détenant 19 % des surfaces de vente.

20.   Par ailleurs, la partie notifiante a indiqué que les enseignes concurrentes avaient obtenu des autorisations de création ou d’agrandissement de leurs surfaces de vente, lesquelles auraient pour effet de ramener la part de marché des magasins exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprises à 29 %.

21.   Sur le marché comprenant les hypermarchés, supermarchés et autres formes de commerce équivalents, situés dans une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour de Saumur, l’Intermarché exploité par la société Lofredo représente 29 % des surfaces de vente. Sont également présents sur cette zone deux maxi-discompteurs sous enseigne Netto situés à Distre et à Saumur détenant 6 % de parts de marché cumulée. Les hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs exploités sous une enseigne ITM Entreprises représentent donc, sur la zone de chalandise de 15 minutes autour de Saumur, une part de marché cumulée de 35 %.

22.   Ces magasins font face à la concurrence d’un hypermarché sous enseigne du groupe Leclerc (32 % des surfaces de vente), de plusieurs supermarchés (Shopi, Super U, G20) et maxi- discompteurs (Leader Price, Aldi, Lidl, Spar).

23.   Par ailleurs, la partie notifiante a indiqué que l’une des enseignes concurrentes avait obtenu une         autorisation  de création d’une nouvelle surface de vente  de type hypermarché d’une surface de 3 500 m², laquelle ramènera la part de marché des magasins exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprises à 30 %.

24.   Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés en cause.

 

B. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

25.   En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération qui ne concerne qu’un seul magasin, n’est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.

26.   Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval que sur le marché amont de la distribution

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0138 est autorisée.

 

 

 

 

1 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l’arrêté ministériel du 5 juillet 2000dans l’opération Carrefour/Promodès et les avis de l’Autorité de la concurrence n°97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l’affaire Carrefour/Coran°98-A-06 du 5 mai 1998, dans l’affaire Casino Franprix/Leader Price, et n°00-A-06 du 3 mai 2000, dans l’affaire Carrefour/Promodès.

2 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l’arrêté ministériel du 5 juillet 2000dans l’opération Carrefour/Promodès et les avis de l’Autorité de la concurrence n°97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l’affaire Carrefour/Coran°98-A-06 du 5 mai 1998, dans l’affaire Casino Franprix/Leader Price, et n°00-A-06 du 3 mai 2000, dans l’affaire Carrefour/Promodès.

3 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l’arrêté ministériel du 5 juillet 2000dans l’opération Carrefour/Promodès et les avis de l’Autorité de la concurrence n°97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l’affaire Carrefour/Coran°98-A-06 du 5 mai 1998, dans l’affaire Casino Franprix/Leader Price, et n°00-A-06 du 3 mai 2000, dans l’affaire Carrefour/Promodès.

4 Voir notamment les décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09- DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.

5 Voir notamment les décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09- DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.

6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005,  C.2006-15  Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C.2007-172 relatif à la création e l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008et C.2008- 32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008