ADLC, 23 septembre 2010, n° 10-DCC-127
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Comtrade par le groupe DCC
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Vice-présidente, Mme Aubert
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 25 août 2010, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Comtrade par le groupe DCC, formalisée par la signature, en date du 20 août 2010, d’un accord relatif à l’acquisition par la société GEM Holdings France, filiale du groupe DCC, de la totalité du capital de la société Comtrade ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La société GEM Holdings France, société à responsabilité limitée (SARL), est une filiale à 100 % de la société DCC Sercom Ltd, elle-même détenue directement et intégralement par la société de droit anglais DCC plc, tête du groupe DCC. Ce dernier est actif, en Europe (notamment en Irlande, en Grande Bretagne, en Pologne et en France), en Chine, aux Etats Unis, en Australie, dans la vente et la distribution de différents produits et services dans le secteur de l’énergie, de la santé, de l’environnement, de la distribution alimentaire et des technologies de l’information. En ce qui concerne plus précisément ce dernier secteur, le groupe DCC est spécialisé dans la distribution de produits informatiques et électroniques, ainsi que dans la fourniture de services associés, à une clientèle de revendeurs professionnels et de commerces de détail. Le chiffre d’affaires total mondial hors taxes du groupe DCC, pour le dernier exercice clos au 31 mars 2010, s’est élevé à 6,7 milliards d’euros, dont [>50] millions d’euros réalisés en France.
2. La société Comtrade, société par actions simplifiée de droit français, est principalement active dans l’importation et la vente en gros de périphériques informatiques et d’accessoires multimédia destinés essentiellement à la grande distribution généraliste et spécialisée. Elle a réalisé, au dernier exercice clos le 31 décembre 2009, un chiffre d’affaires total mondial hors taxes de 65 millions d’euros, dont [>50] millions d’euros réalisés en France.
3. L’opération, formalisée par un accord signé par les parties le 20 août 2010, porte sur l’acquisition, par la société GEM Holdings France, filiale du groupe DCC, de la totalité du capital de la société Comtrade1.
4. En ce qu’elle entraîne l’acquisition du contrôle exclusif de la société Comtrade par le groupe DCC, l’opération notifiée est une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, elle n’est pas de dimension communautaire. En revanche, les seuils de notification prévus au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. LES MARCHES DE PRODUITS ET SERVICES
5. Par l’intermédiaire de ses deux filiales Altimate et Banque Magnétique, le groupe DCC intervient, en France, dans deux secteurs distincts : d’une part, dans la distribution de serveurs et de solutions de stockage et de sécurité pour les entreprises ; d’autre part dans la vente en gros de périphériques informatiques et multimédia auprès de revendeurs professionnels et des acteurs de la grande distribution. Comtrade est également un grossiste d’accessoires et de périphériques informatiques (audio, vidéo, jeux) destinés aux commerces de détail. Les parties sont ainsi simultanément présentes dans le seul secteur de la vente en gros de produits des technologies de l’information. Elles interviennent à la fois en amont, en qualité d’acheteurs auprès des différents constructeurs, et en aval, sur les marchés de la distribution de ces produits auprès de nombreux clients.
1. EN AVAL, LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION
6. Le secteur de la distribution de produits des technologies de l’information, qui regroupe notamment la vente d’ordinateurs fixes et portables, la vente de logiciels d’exploitation ou de bureautique, ou encore la vente de périphériques (imprimantes, adaptateurs, clefs USB) et d’accessoires multimédia (stations audio pour Ipod et autres lecteurs MP3, casques audio, etc.), fait intervenir plusieurs catégories d’acteurs.
7. En amont, les constructeurs vendent leurs produits soit directement aux distributeurs, soit, le plus souvent, à des grossistes, dont le rôle est de disposer d’une large gamme de produits informatiques et de fournir ceux-ci à leurs clients distributeurs dans des délais très courts. Il peut également arriver que le constructeur s’adresse directement aux clients finals. Les parties à l’opération appartiennent à la catégorie des grossistes.
8. En aval, trois catégories de distributeurs au détail se distinguent : les grandes et moyennes surfaces généralistes et spécialisées (par exemple Carrefour, Auchan, Boulanger, Fnac, etc.) ; les revendeurs à valeur ajoutée (les « value-added resellers » ou VARS qui intègrent leurs propres logiciels au matériel acheté en gros en vue de leur revente) ; les distributeurs spécialisés pour les clients professionnels (« corporate resellers »).
9. La pratique décisionnelle communautaire2 et nationale3 considère que la vente en gros de produits informatiques aux distributeurs constitue un marché distinct compte tenu de caractéristiques propres. Les grossistes sont en effet en mesure de proposer une gamme de produits très large, en s’approvisionnant auprès de plusieurs constructeurs, et de livrer leurs clients dans des délais courts, grâce à des capacités logistiques importantes. Il se distingue ainsi du marché de la vente au détail de produits informatiques. Par ailleurs, il a été souligné que les ventes directes assurées par les constructeurs auprès des distributeurs exerçaient une certaine pression concurrentielle sur les ventes des grossistes, notamment en termes de prix4.
10. En ce qui concerne plus précisément le marché de la vente en gros de produits informatiques aux distributeurs, les autorités de concurrence communautaire5 et nationales6 ont envisagé de segmenter celui-ci en fonction du canal de distribution et du type de logiciel ou matériel.
11. En effet, trois catégories de distributeurs aux clients finals ont été identifiées : les commerces de détail, les revendeurs à valeur ajoutée et les distributeurs spécialisés pour la clientèle professionnelle. En l’espèce, la société Comtrade commercialise ses produits uniquement auprès de la première catégorie, qui regroupe à la fois les grandes surfaces généralistes, les magasins spécialisés en informatique et les entreprises du e-commerce.
12. Il a ensuite été envisagé de segmenter le marché selon le type de matériel vendu, en distinguant notamment (i) les micro-ordinateurs et serveurs, (ii) les imprimantes et cartouches, (iii) les logiciels, et (iv) les accessoires et autres périphériques. Cette segmentation pourrait notamment se justifier par le fait qu’il existe des grossistes spécialisés sur un certain type de matériel, comme Avenir Telecom, Modelabs ou Comtrade, positionnés principalement sur le segment des périphériques.
13. Au cas d’espèce, la question de la délimitation précise de ce marché de la vente en gros de produits informatiques peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit l’hypothèse retenue, l’analyse concurrentielle demeurera inchangée.
2. EN AMONT, LES MARCHÉS DE L’APPROVISIONNEMENT
14. Dans le cadre de décisions relatives à la distribution d’autres produits7, l’Autorité de la concurrence avait estimé qu’il était nécessaire de distinguer autant de marchés qu’il existe de familles de produits, dans la mesure où les fabricants ne peuvent se convertir facilement dans la fabrication d’autres produits que les leurs et où la structure de l’offre, la dynamique tarifaire ou encore les contraintes de fabrication peuvent varier sensiblement d’une famille de produits à l’autre.
15. Au cas d’espèce, une telle délimitation pourrait être retenue pour l’approvisionnement en produits informatiques auprès des différents constructeurs. En tout état de cause, en l’absence de toute difficulté dans l’analyse concurrentielle, la question de la délimitation précise de ce marché peut être laissée ouverte.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
16. La pratique décisionnelle communautaire et nationale8 a considéré que les marchés de la vente en gros de produits informatiques étaient plutôt de dimension nationale, compte tenu notamment de la nécessité pour les grossistes de communiquer dans la langue de leurs clients et de maintenir une relative proximité géographique avec ces derniers destinée à faciliter une livraison rapide.
17. De même, les marchés de l’approvisionnement en produits informatiques auprès des constructeurs pourraient revêtir une dimension au moins nationale.
18. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de délimiter avec précision la dimension géographique de ces marchés dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.
III. L’analyse concurrentielle
A. LES MARCHÉS AVAL
19. Les analyses ci-après reposent sur les estimations de parts de marché fournies par la partie notifiante, estimations établies à partir du classement annuel des grossistes du secteur des technologies de l’information, effectué par la revue professionnelle Distributique (données de l’année 2009).
20. Sur un marché total français de la distribution en gros de produits informatiques, estimé à hauteur de 11,8 milliards d’euros, le groupe DCC et la société Comtrade présentent respectivement des parts de marché de [0-5] % et [0-5] %, soit une part de marché cumulée de [<5] %. Les parties sont confrontées à la concurrence de plus de 400 acteurs dont les plus importants présentent les parts de marché suivantes : Tech Data ([10-20] %), Ingram ([5- 10] %), Actebis ([0-5] %), ETC ([0-5] %), Dexxon Data Media ([0-5] %), UFP ([0-5] %), Coriolis Telecom/Mobiles&Accessoires ([0-5] %), Extenso Telecom ([0-5] %).
21. En ce qui concerne plus précisément la segmentation du marché selon le canal de distribution, les parties à l’opération sont simultanément présentes sur le seul segment de la distribution auprès des commerces de détail. Sur celui-ci, DCC et Comtrade présentent des parts de marché respectives de [0-5] % et [0-5] %, soit une part de marché cumulée de [5-10] %. Les parties sont confrontées aux mêmes acteurs que ceux listés au paragraphe ci-dessus.
22. En ce qui concerne la segmentation du marché selon le type de matériel, les parties sont simultanément présentes sur le seul segment des périphériques et autres accessoires. Précisément, sur le segment de marché des périphériques commercialisés auprès des commerces de détail, les parties réalisent ensemble environ [10-20] % du marché ([10-20] % pour DCC et [5-10] % pour Comtrade). Elles n’ont pas été en mesure par ailleurs de fournir les parts de marché de leurs concurrents sur ce segment spécifique, en l’absence de données disponibles. Elles ont néanmoins indiqué qu’elles restent confrontées à la concurrence, d’une part, de grossistes positionnés principalement sur le segment des périphériques, tels que Dexxon (5ème rang selon le classement national de la revue Distributique), Computer Unlimited, Modelabs, Avenir Telecom, et, d’autre part, des principaux grossistes généralistes concurrents listés dans le classement Distributique.
B. LES MARCHÉS AMONT
23. Le marché de la distribution en gros de commodités informatiques est caractérisé par un nombre très important de grossistes-acheteurs, de plus de 400 acteurs dont un nombre croissant de grossistes spécialisés dans la vente en ligne. Les parties ont estimé que leurs parts de marché cumulées étaient inférieures à 5 %, quel que soit les segments de marché envisagés.
24. Dans ces conditions, compte tenu de l’atomicité du marché et des faibles parts de marché des parties, l’opération n’est pas susceptible de renforcer la puissance d’achat de la nouvelle entité et de placer les fournisseurs en situation de dépendance économique.
25. Compte tenu des éléments qui précèdent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0137 est autorisée.
1 L’accord prévoit précisément que la société GEM Holdings France doit acquérir, au jour de la réalisation de la présente opération, 80 % du capital, l’acquisition du solde du capital devant se faire en 3 étapes, respectivement les 31 mars 2011, 31 mars 2012 et 31 mars 2013.
2 Décision de la Commission européenne n° IV/M.1179 Tech Data/Computer 2000 du 03/06/1998 ; décision de la Commission européenne n°COMP/M.5091 Tech Data/Scribona du 28/04/2008.
3 Lettre du ministre n°C2007-160 du 14 décembre 2007 au conseil de la société Gem Logistics Ltd ; décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-39 du 4 septembre 2009.
4 Voir notamment la décision n°M.5091 de la Commission européenne précitée.
5 Voir les décisions de la Commission européenne n°1179 et 5091 précitées.
6 Voir les lettres du ministre n°C2007-29 du 6 avril 2007 aux conseils de la société Westcon European Holding, et n°C2007-160 précitée ; voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-39 précitée.
7 Voir par exemple la décision n°10-DCC-68 du 9 juillet 2010.
8 Voir les décisions précitées.