ADLC, 25 novembre 2010, n° 10-DCC-174
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle d’actifs de la société Renault Retail Group par la société NDK
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Vice-présidente, Mme Aubert
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 8 octobre 2010 et déclaré complet le 12 novembre 2010, relatif à l’acquisition par la société NDK SA d’actifs du groupe Renault Retail Group, formalisée par un compromis de cession signé le 29 septembre 2010 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La société NDK SA (ci-après « NDK ») est une société anonyme active dans la distribution, l’entretien et la réparation de véhicules automobiles dans le sud de la France, principalement dans la région Languedoc-Roussillon. Elle contrôle dix sociétés qui exploitent des concessions automobiles des marques Citroën, Volkswagen, Audi, Skoda, Honda, Opel, Kia, Mitsubishi et Fiat. La société NDK est détenue à 97 % par la société SFPC et à 3 % par Mmes Chabrier et Tressol. La société SFPC est détenue entièrement par des personnes physiques membres de la famille Chabrier.
2. Renault Perpignan, succursale de Renault Retail Group, est active dans la distribution, l’entretien et la réparation de véhicules automobiles aux marques Renault et Dacia à Perpignan (66). La société Renault Retail Group est une filiale du groupe Renault Automobile, active dans la distribution, l’entretien et la réparation de véhicules automobiles. Présente dans 12 pays en Europe, elle assure 33 % des ventes de véhicules Renault en France.
3. La société NDK s’est engagée, par un acte de cession signé le 29 septembre 2010, à reprendre l’établissement de Perpignan de la société Renault Retail Group. L’opération notifiée se traduit donc par la prise de contrôle exclusif de Renault Perpignan par NDK, et constitue à ce titre une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros en 2009 (NDK : 228,3 millions d’euros ; Renault Perpignan : 77 millions). Chacune de ces entreprises a réalisé en France, dans le secteur du commerce de détail, un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
5. Dans le secteur de la distribution automobile, la pratique décisionnelle1 distingue : la distribution de véhicules automobiles particuliers neufs et destinés à une clientèle de particuliers ; la distribution de véhicules automobiles particuliers neufs et destinés à une clientèle de professionnels ; la distribution de véhicules automobiles commerciaux (notamment les véhicules utilitaires légers) ; la distribution de véhicules automobiles d’occasion ; la distribution de pièces de rechange et d’accessoires automobiles ; la distribution de services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles ; la distribution de services de location.
6. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de l’examen de la présente opération.
7. Les entreprises concernées sont simultanément présentes sur chacun de ces marchés, à l’exception du marché de la distribution de services de location.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
8. En ce qui concerne la vente au détail de véhicules automobiles, neufs ou d’occasion, de pièces de rechange et d’accessoires automobiles, les services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles, la pratique décisionnelle2 retient une définition locale, l’analyse s’effectuant généralement au niveau départemental.
9. Cependant, il a également été noté à plusieurs reprises3 que pour acheter des véhicules neufs, les particuliers, et plus encore les professionnels ne s’arrêtent pas aux frontières départementales et peuvent étendre leurs recherches aux départements voisins, voire aux pays limitrophes lorsqu’ils résident dans des départements frontaliers. Les professionnels sont par ailleurs susceptibles de s’adresser directement aux constructeurs, leur demande pouvant aussi s’exprimer par voie d’appels d’offres. Au cas d’espèce, la situation de la concurrence sur le département de l’Aude sera prise en compte, la ville de Narbonne étant directement accessible par l’autoroute A9 en moins de 45 minutes depuis Perpignan. Il convient également de tenir compte de la proximité de l’Espagne, et en particulier de la ville de Figuières (Figueras), située à 45 minutes de Perpignan et directement accessible par l’autoroute A9 et son prolongement dans l’autoroute AP-7 sur le territoire espagnol.
10. En revanche, en ce qui concerne les marchés de la distribution de pièces de rechange et d’accessoires et de la distribution de services d’entretien et de réparation, il convient de ne pas surévaluer la distance que les acheteurs sont prêts à parcourir compte tenu de leur propension à faire exécuter les services d’entretien et de réparation, notamment dans le cadre de la garantie contractuelle, à proximité du lieu de garage principal du véhicule.
11. Cependant, en l’absence d’atteinte à la concurrence, la question de la délimitation géographique exacte des marchés peut rester ouverte.
III. Analyse concurrentielle
A. SUR LES MARCHÉS DES VÉHICULES NEUFS
12. S’agissant de la vente de véhicules neufs, la pratique décisionnelle retient comme indicateur, pour le calcul des parts de marché, le rapport entre les ventes de véhicules particuliers neufs réalisées par les parties dans les départements concernés par l’opération et le total des immatriculations de véhicules particuliers neufs enregistrées dans ces mêmes départements.
13. Sur le marché de la distribution de véhicules particuliers neufs, à destination des particuliers, toutes marques confondues, la part de marché ainsi calculée du groupe NDK dans le département des Pyrénées Orientales, avec 3 160 immatriculations enregistrées en 2009 par la préfecture, s’élève à 23,9 % et celle de Renault Perpignan à 18,8 %. Ainsi, à l’issue de l’opération, la part de marché combinée de la nouvelle entité correspondra à 42,6 % du total des ventes de véhicules particuliers neufs dans le département des Pyrénées-Orientales. Est également présente dans ce département une concession de véhicules Peugeot, qui représente 15,2 % des immatriculations du département des Pyrénées-Orientales, et plusieurs autres concessionnaires Ford, Mercedes, Toyota, Nissan, Seat et Skoda.
14. Sur une zone de chalandise plus vaste incluant, en sus des Pyrénées-Orientales, l’Aude, les ventes de l’entité fusionnée, avec 7 386 immatriculations enregistrées en 2009, représentent 32 % du total des ventes de véhicules particuliers neufs. Plusieurs concessionnaires des marques Renault, Peugeot, Citroën, Volkswagen, Audi, Ford, Toyota, Nissan et Skoda sont notamment présents à Narbonne. De plus, des distributeurs des marques Seat, Volkswagen, Audi, Citroën et Renault sont présents à Figueras, en Espagne.
15. Sur le marché de la distribution de véhicules particuliers neufs à destination des professionnels, toutes marques confondues, la part de marché du groupe NDK dans le département des Pyrénées Orientales, avec 525 immatriculations enregistrées en 2009 par la préfecture, s’élève à 25,5 % et celle de Renault Perpignan à 20,2 %. Ainsi, à l’issue de l’opération, la part de marché combinée de la nouvelle entité correspondra à 45,7 % du total des ventes de véhicules particuliers neufs dans le département des Pyrénées-Orientales. La concession Peugeot représente 17,3 % des immatriculations du département des Pyrénées- Orientales pour ce type de véhicules.
16. Sur une zone de chalandise plus vaste incluant l’Aude, l’entité fusionnée aurait une part de marché de 33,7 % du total des ventes de véhicules particuliers neufs et aurait à faire face à la concurrence de nombreux concurrents, notamment les opérateurs de Narbonne déjà mentionnés. Il convient également de tenir compte de la proximité des distributeurs espagnols, ainsi que de la possibilité pour les professionnels de s’adresser directement aux constructeurs.
17. Sur le marché de la distribution de véhicules utilitaires, toutes marques confondues, la part de marché du groupe NDK dans le département des Pyrénées Orientales, avec 495 immatriculations enregistrées en 2009 par la préfecture, s’élève à 23,1 % et celle de Renault Perpignan à 26 %. Ainsi, à l’issue de l’opération, la part de marché combinée de la nouvelle entité correspondra à 49,1 % du total des ventes de véhicules utilitaires dans le département des Pyrénées Orientales. Elle aura à faire face à la concurrence d’opérateurs de plusieurs marques, notamment la concession Peugeot qui représente 17,9 % des immatriculations du département des Pyrénées-Orientales.
18. Sur une zone de chalandise plus vaste incluant l’Aude, l’entité fusionnée, avec 1 233 immatriculations enregistrées en 2009, aurait une part de marché de 30,4 % du total des ventes de véhicules utilitaires et aurait à faire face à la concurrence de nombreux concurrents, notamment les opérateurs de Narbonne déjà mentionnés. La proximité des distributeurs de Figueras, ainsi que de la possibilité pour les professionnels de s’adresser directement aux constructeurs, permettent également d’exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité.
19. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la vente de véhicules neufs.
B. SUR LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DÉ VÉHICULES D’OCCASION
20. Sur le marché de la distribution de véhicules d’occasion, la partie notifiante n’a pas été en mesure de fournir des parts de marchés précises. Il convient cependant de noter que le marché de la vente de véhicules d’occasions est plus atomisé que le marché de la vente de véhicules neufs. Sont en effet présents sur ce marché de nombreux acteurs, y compris internet ou la vente entre particuliers. La proximité avec l’Espagne permet également de présumer que les consommateurs peuvent aisément s’y rendre pour y acquérir une voiture d’occasion.
C. SUR LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL DE PIÈCES DE RECHANGE ET D’ACCESSOIRES AUTOMOBILES ET DES SERVICES D’ENTRETIEN ET DE RÉPARATION DE VÉHICULES AUTOMOBILES
21. Sur les marchés de la distribution au détail de pièces de rechange et d’accessoires automobiles et des services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles, les parties n’ont pas été en mesure de produire leurs parts de marché. Cependant, il convient de relever que le groupe NDK ne comprenait pas, avant l’opération, de concession Renault et que l’opération n’a donc pas pour effet de concentrer l’offre de pièces de rechange et de réparation correspondante. Par ailleurs, la nouvelle entité demeurera confrontée à la concurrence exercée par les autres concessionnaires et les nombreux garagistes et réparateurs indépendants présents dans le Pyrénées Orientales, ainsi que par les enseignes spécialisées telles que Midas, Feu Vert, ou Point S, susceptibles de proposer aux consommateurs des pièces de rechange et accessoires identiques, ou de qualité équivalente, et des services d’entretien et de réparation de véhicules automobiles similaires à ceux distribués par les parties.
22. Compte tenu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.
IV. Restriction accessoire
23. L’article 12 de l’acte de cession de Renault Perpignan prévoit que le vendeur, Renault Retail Group, s’interdit, et se porte fort du respect de cette interdiction par toutes les entités qu’il contrôle, de créer, d’exploiter un établissement ayant la même activité que le fonds cédé dans la ville de Perpignan pendant une durée de deux ans.
24. Conformément aux lignes directrices de l’Autorité de la concurrence4 et à la communication de la Commission européenne sur les restrictions accessoires5, « les clauses de non- concurrence se justifient pour des périodes n'excédant pas trois ans lorsque la cession de l'entreprise inclut la fidélisation de la clientèle sous la forme à la fois du fonds commercial et du savoir-faire ». En l’espèce, la clause de non concurrence, d’une durée de deux ans et limitée à la ville de Perpignan, n’excède pas ce qui est nécessaire.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0170 est autorisée.
1 Voir notamment la décision n°09-DCC-01 de l’Autorité de la concurrence du 8 avril 2009 et la décision n°10-DCC-23 du 1er mars 2010.
2 Voir notamment la décision n°09-DCC-01 de l’Autorité de la concurrence du 8 avril 2009 et la décision n°10-DCC-23 du 1er mars 2010.
3 Voir notamment les affaires Gueudet/Degand, autorisée par lettre du ministre le 17 octobre 2002 (publiée au BOCCRF du 11 août 2002), et G.G.B.A./SNAT autorisée par lettre du 25 octobre 2002 (publiée au BOCCRF du 31 décembre 2002), ainsi que la décision n°09-DCC-01 de l’Autorité.
4 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations.
5 Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration (2005/C 56/03).