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Décisions

ADLC, 13 décembre 2010, n° 10-DCC-182

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle de la société Altitude Télécom par le groupe Altice B2B

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président, M. Lasserre

ADLC n° 10-DCC-182

13 décembre 2010

 L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 10 novembre 2010, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Altitude Télécom par le groupe Altice B2B, formalisée par un contrat d’acquisition en date du 9 novembre 2010 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1.   Altice B2B France (ci-après « Altice »), société par actions simplifiée, est une filiale à 100 % de la société holding Altice B2B Lux. Altice fournit des services de télécommunications aux entreprises et entités du secteur public ainsi que des services aux opérateurs de télécommunications et fournisseurs d’accès Internet grâce à ses filiales Completel et B3G1.

2.   Altitude Telecom est un opérateur de communications électroniques à destination du marché entreprise. Cette société est détenue par Altitude SAS, société holding du groupe Altitude2.

3.  L’opération projetée consiste en l’acquisition par Altice de 100 % du capital et des droits de vote d’Altitude Telecom.

4.  En ce qu’elle consiste en une prise de contrôle exclusif d’Altitude Telecom par Altice, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total mondial de plus de 150 millions d’euros (Altice : […] millions d’euros ; Altitude Telecom : […] millions d’euros). De plus, chacune réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (les chiffres d’affaires mentionnés ci-dessus sont intégralement réalisés en France). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5.  Cette opération concerne les marchés des communications électroniques. En l’espèce, les parties sont simultanément actives en matière de téléphonie fixe et de fourniture d’accès à Internet.

6. La Commission européenne a publié une recommandation C(2007)54406 du 17 décembre 2007 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « cadre » (ci-après recommandation « marchés pertinents »). Au niveau national, l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste (ARCEP) ainsi que le Conseil puis l’Autorité de la concurrence ont analysé plusieurs marchés du secteur des télécommunications sur le fondement de cette recommandation3. Le ministre  de l’économie a également eu l’occasion d’examiner à plusieurs reprises ces marchés4.

7.   Pour les besoins de la présente analyse, il convient de distinguer les marchés de gros (A.) et les marchés de détail (B.).

 

A.   LES MARCHÉS DE GROS

8.  A titre liminaire, les autorités de concurrence ont considéré de manière constante que la dimension géographique de ces marchés est nationale5. En effet, comme l’a indiqué le ministre, la nature des services proposés est suffisamment homogène quelle que soit la partie du territoire national où l’offre rencontre la demande. De plus, les clients et les concurrents sont les mêmes dans toutes les régions et ne se distinguent qu’en fonction des services offerts. Enfin, les politiques tarifaires et de commercialisation des services de communications électroniques sont généralement fixées au niveau national.

 

1. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE DE SERVICES DE GROS DE TÉLÉPHONIE FIXE

9.  Il s’agit principalement de l’acheminement de trafic commuté pour le compte de prestataires commercialisant des services de communications électroniques, qui choisissent ensuite de les commercialiser sous forme de minutes voix ou d’accès Internet bas débit.

10.  Dans sa recommandation précitée, la Commission européenne opère une distinction, reprise par l’ARCEP, le Conseil de la concurrence et le ministre chargé de l’économie, entre trois types de prestations: le départ d’appel (a), la terminaison d’appel (b) et les services de transit (c).

a)   Le marché du départ d’appel

11.  Le départ d’appel correspond à un service d’acheminement de trafic entre un abonné et un point d’interconnexion. Ce marché concerne les prestations d’acheminement d’appel fournies par un opérateur de boucle locale (ci-après « OBL ») à d’autres opérateurs afin de permettre à ces derniers d’offrir des services aux abonnés raccordés par ledit OBL.

12.  En l’espèce, les parties à l’opération sont simultanément présentes sur ce marché.

b)   Le marché de la terminaison d’appel

13.  La terminaison d’appel correspond à un service d’acheminement entre un point d’interconnexion et un abonné. Le marché de la terminaison d’appel est constitué par l’ensemble des utilisateurs raccordés sur la boucle locale d’un opérateur pour lesquels il n’existe pas de liaison de raccordement alternatif.

14.  La Commission européenne, le ministre chargé de l’économie6 et le Conseil de la  concurrence7 ont défini des marchés de la terminaison d’appel sur le réseau individuel de chaque opérateur, de sorte que chaque opérateur de boucle locale peut être considéré comme le fournisseur unique sur le marché de terminaison délimité par son réseau. Les effets de l’opération sur ces marchés ne seront donc analysés qu’au titre d’éventuels effets verticaux.

c)   Le marché des services de transit de minutes commutées

15. Les services de transit consistent en l’acheminement de minutes de communication entre deux points d’interconnexion pour le compte d’opérateurs de détail des marchés de la téléphonie fixe, d’accès Internet bas débit et de téléphonie mobile. Sur ce marché, la demande est constituée des opérateurs désireux d’acheminer du trafic commuté entre deux abonnés mais  ne disposant pas d’un réseau suffisamment capillaire pour s’interconnecter directement avec chaque opérateur.

16. En l’espèce, Completel offre des services de transit tandis qu’Altitude Telecom en est demandeur. De ce fait, ce marché est concerné au titre des effets verticaux de l’opération.

 

2. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE EN GROS D’ACCÈS À LARGE BANDE

17. Ces marchés comprennent essentiellement des services de collecte des flux de type DSL8 au départ de la boucle de cuivre à laquelle est raccordé l’utilisateur final, livrés en un point ou en plusieurs points de livraison. Plusieurs protocoles de livraison coexistent sur le marché et correspondent historiquement à différents niveaux de qualité de service, notamment IP9, ATM10 et Ethernet.

18.  Le secteur s’articule essentiellement autour des différentes prestations fournies par l'opérateur historique, France Télécom, à partir de l’architecture technique de son réseau. Ces services proposent une interconnexion au niveau régional ou au niveau national. Ces prestations sont placées sous le contrôle de l'ARCEP et permettent aux opérateurs, dont les fournisseurs d’accès Internet (ci-après « FAI »), de proposer des offres sur le marché de gros et sur le marché de détail. Comme le relève le Conseil de la concurrence, le cœur de métier des FAI est de proposer des services  Internet : ils doivent donc pouvoir acheter  en  gros des prestations d’accès et de transport des flux de trafic11

19.   Afin de garantir un accès au réseau de France Télécom, l'ARCEP12 distingue trois types de services de collecte : les services de dégroupage (a), les services de collecte DSL livrés en un point de livraison national (b) et les services de collecte DSL livrés en un point de livraison régional (c).

a)   Le marché des services de dégroupage

20.   Les services de dégroupage s’adressent exclusivement aux opérateurs de télécommunications. C’est l’offre techniquement la plus proche du consommateur final puisqu’elle consiste à déconnecter la paire de cuivre qui historiquement relie l’utilisateur à un équipement actif de France Télécom afin de la connecter à un équipement actif d’un autre opérateur. Cette opération permet une plus grande indépendance technique vis-à-vis de l'opérateur historique, et donc une meilleure capacité de différenciation.

21.   Du fait de sa position sur ce marché, France Télécom est contrainte à une obligation de dégroupage qui se traduit par une offre de référence dont les tarifs sont orientés vers les coûts. Tout opérateur présent sur un site de dégroupage de France Télécom peut ainsi obtenir le dégroupage des lignes concentrées sur ce site. Le dégroupage permet aux opérateurs qui l’utilisent d’offrir des services sur les deux marchés de gros suivants (b et c) et sur les marchés de détail.

b)   Le marché des services de collecte DSL livrés en un point de livraison national

22. Ces services s’adressent à des opérateurs qui ne disposent pas d’un réseau de télécommunications ou disposent seulement d’un réseau très peu capillaire. Ces services leur permettent de proposer au consommateur final un accès à des services de contenu (portail Internet, liens vers des sites...) en sous-traitant la collecte de trafic DSL à l’offreur du service de gros.

23.  En l’espèce, seul Completel propose ce type de services, Altitude ne disposant pas d’infrastructure. En effet, Completel vend des services d’accès large bande « nu » à des FAI ou à d’autres opérateurs télécoms mais également des offres « sous marque blanche » à destination de distributeurs ne disposant d’aucune infrastructure technique. Completel assure alors pour le compte du distributeur l’ensemble des prestations d’acheminement sur le réseau ainsi que les services associés d’accès à Internet, de téléphonie ou de télévision. L’Autorité de la concurrence13 a évoqué la question de l’émergence d’un marché sur lequel des opérateurs  de télécommunication fournissent une offre « clé en main » à de purs distributeurs. En l’espèce toutefois, cette question peut être laissée ouverte, Altitude Telecom n’étant ni vendeur ni acheteur de ce type d’offres.

24.  Dans la mesure où Altitude Telecom est acheteur de services de collecte DSL, ce marché est concerné au titre des effets verticaux éventuels de l’opération.

c)   Le marché des services de collecte DSL livrés en un point de livraison régional

25. Ces services s’adressent à des opérateurs qui ont déployé un réseau régional et qui disposent de l’infrastructure nécessaire pour distribuer ce trafic vers le point de collecte national d’un FAI ou vers tout autre point de leur réseau.

26. Toutefois, ce marché n’est pas concerné par l’opération, ni Completel ni Altitude Telecom  n’y étant actifs.

 

3. LE MARCHÉ DE LA FOURNITURE D’INFRASTRUCTURES PASSIVES DE DESSERTE LOCALE

27.  L’infrastructure des réseaux de communications électroniques est assise sur l’architecture du réseau de France Télécom. En effet, l’interconnexion et le raccordement aux points de concentration de ce réseau sont une contrainte technique nécessaire et préalable à une offre de services sur les marchés de détail des communications électroniques. D'un point de vue technique, trois niveaux de « nœuds » doivent être distingués, comme l’a déjà indiqué le ministre14 : les nœuds de commutation et/ou routage régionaux (PRO), les nœuds de commutation et/ou routage locaux (CAA) et les nœuds de raccordements d’abonnés (NRA15).

28.   Compte tenu des différents niveaux de « nœuds », deux niveaux d'infrastructure doivent être distingués : le réseau longue distance et le réseau de desserte locale. Schématiquement, la fourniture d’infrastructures passives longue distance permet de relier les nœuds locaux aux nœuds  régionaux  (PRO  et  CCA),  tandis  que  la  fourniture  d’infrastructures  passives    de desserte locale permet de relier les nœuds de raccordement d’abonnés aux nœuds locaux (NRA). Selon l’étendue de leur réseau, les opérateurs de fourniture au détail de services de communications électroniques au consommateur final, notamment de services  d’accès Internet haut débit, sont demandeurs d’infrastructures passives sur les marchés de gros à ces différents niveaux de concentration de raccordements.

29.  En l’espèce, le marché de la fourniture d’infrastructures passives de desserte locale, où Completel est vendeur tandis qu’Altitude Telecom est acheteur, est seul concerné par l’opération au titre des effets verticaux de l’opération.

30.  Dans sa recommandation du 17 décembre 2007, la Commission européenne a précisé que compte tenu des évolutions technologiques, il était pertinent d’inclure dans ce marché toute infrastructure physique nécessaire à la livraison de services fixes de communications électroniques au client final, sans limiter strictement le marché à la boucle et à la sous-boucle métalliques. Ainsi ce marché comprendrait à la fois l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre, l’accès aux infrastructures de génie civil (fourreaux essentiellement) de la boucle locale et les offres passives de mise à disposition de fibre optique. Au cas d’espèce, il n’apparaît pas nécessaire de trancher cette question dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la délimitation de marché considérée.

 

B. LES MARCHÉS DE DÉTAIL

31.  A titre liminaire, il convient de retenir une dimension géographique nationale pour ces marchés conformément à la pratique décisionnelle des autorités de concurrence16. En effet, les opérateurs de communications électroniques, qui opèrent sur une base nationale, proposent  des offres circonscrites à un territoire national et sont soumis à une réglementation propre à chaque pays.

 

1. LES MARCHÉS DE FOURNITURE DE SERVICES DE DÉTAIL DE TÉLÉPHONIE FIXE

32.  Ces marchés regroupent l’ensemble des services d’accès au réseau et de transmission de voix. Une distinction peut être opérée entre le marché de l’accès au réseau téléphonique public (a)  et le marché des communications sur réseau téléphonique commuté (RTC)17 (b). Dans sa décision n°2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, l’ARCEP et l’Autorité de la concurrence18 ont par ailleurs segmenté chacun  de ces marchés en fonction du type de clientèle, en distinguant les services fournis à des particuliers de ceux fournis à des entreprises.

33.  Au cas d’espèce, les parties ne sont simultanément actives que sur le marché de détail de l’accès au réseau téléphonique public et le marché de détail des  communications téléphoniques pour une clientèle professionnelle.

a)   Le marché de détail de l’accès au réseau téléphonique public pour la clientèle professionnelle

34.  Le marché professionnel de l’accès au RTC se caractérise par trois types de prestations d’accès, susceptibles de former des sous-marchés distincts :

-    les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie, tels que l’abonnement de base pour une ligne téléphonique fixe ;

-   les accès utilisés principalement pour la téléphonie, tels que l’abonnement de base d’une ligne téléphonique fixe en dégroupage partiel permettant l’accès à Internet haut débit ;

-   les accès dont l’usage principal ne se limite pas à la téléphonie, tels qu’une offre en dégroupage total permettant l’accès à Internet haut débit, l’accès au service téléphonique et/ou à la télévision ;

35.  Dans sa décision précitée, l’ARCEP considère que les deux premiers types de services font partie du même marché. Les autres types de services ne sont en revanche pas substituables, ainsi que le ministre a pu le constater dans sa pratique décisionnelle19.

b)   Le marché de détail des communications téléphoniques pour la clientèle professionnelle

36.  Les marchés des communications se sont ouverts à la concurrence par le mécanisme de « sélection du transporteur ». Celui-ci s’est mis en place en deux temps : initialement au travers d’un préfixe de numérotation reconnaissable par l’utilisateur dit « sélection appel par appel », ensuite complété par le dispositif de « présélection » qui permet au travers d’une prestation figurant dans le catalogue d’interconnexion de France Télécom de programmer les commutateurs de l’opérateur historique afin d’envoyer automatiquement les appels téléphoniques vers le réseau de l’opérateur présélectionné par l’utilisateur.

37.  Dans ses décisions20, le ministre chargé de l’économie a laissé ouverte la question de savoir si la distinction entre un marché des communications locales et/ou nationales et un marché des communications internationales était pertinente. Le Conseil de la concurrence a lui eu l’occasion de distinguer un marché des communications à destination des réseaux mobiles21.

38.  En tout état de cause, la question de la délimitation exacte des marchés professionnels des communications sur RTC peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la définition retenue.

 

2. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE D’ACCÈS À INTERNET

39.  Selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence22, il convient de distinguer le marché de la fourniture d’accès à Internet bas débit (via le réseau téléphonique commuté) et le marché de la fourniture d’accès à Internet haut débit et très haut débit (via les technologies du câble, de l’ADSL et de la fibre). Par ailleurs, à l’instar des marchés de fourniture de services de détail de téléphonie fixe, les marchés de la fourniture d’accès à Internet peuvent également être segmentés selon le type de client (clientèle résidentielle / clientèle professionnelle).

40.  En l’espèce, Altitude et Completel ne sont simultanément actifs que sur le marché de la fourniture d’accès à Internet haut débit à destination des professionnels.

41.  Le marché de la fourniture d’accès à Internet haut débit comprend l’ensemble des services haut débit, à savoir, outre l’accès à Internet, les services de voix sur IP, la télévision et la téléphonie fixe. Ces services sont généralement proposés dans le cadre d’une offre « triple- play ». Ces offres évoluent vers des offres dites « quadruple-play » intégrant une offre supplémentaire de téléphonie mobile. Les termes « offres multiservices » ou « offres multiple- play » peuvent également être utilisés pour désigner ce marché.

42.  La question d’une segmentation plus fine de ce marché en fonction de chaque type de service peut être posée mais il n’est pas nécessaire de la trancher dans le cadre de la présente décision dans la mesure où elle ne conditionne pas les conclusions de l’analyse. Par la suite, le terme « Internet haut débit » sera également utilisé en référence aux offres multiservices.

 

III. Analyse concurrentielle

A.  ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

1.  LES MARCHÉS DE GROS

a)   Le marché du départ d’appel sur les réseaux fixes

43. France Télécom détient sur ce marché une position largement dominante23, et ses offres font l’objet à ce titre d’une régulation sectorielle organisée par l’ARCEP24. Celle-ci consiste notamment en la publication d’un catalogue d’interconnexion dont les tarifs sont orientés vers les coûts efficaces de France Télécom. L’opération notifiée n’est donc pas susceptible d’avoir un effet sur ce marché sur lequel Altitude Telecom comme Completel n’occupent qu’une position mineure.

b)   Le marché de la fourniture d’infrastructures passives de desserte locale

44. Completel raccorde […] NRA, à partir desquels il est en mesure d’offrir des offres de gros d’accès dégroupés à la boucle et à la sous-boucle cuivre, soit [0-5] % des ventes d’accès dégroupés à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. Altitude en raccorde […], soit [0-5] % des ventes sur ce marché. Ce marché reste largement dominé par France Télécom qui est présent dans tous les NRA et réalise [60-70] % des ventes en gros d’accès dégroupés à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. D’autres opérateurs significatifs sont présents sur ce marché comme SFR ([10-20] % des accès dégroupés à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre), Free ([10-20] %) ou encore Bouygues Télécom ([5-10] %).

45.  L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d’effets horizontaux.

 

2.  LES MARCHÉS DE DÉTAIL

a)   Les marchés de fourniture de services de détail de téléphonie fixe

Le marché de détail de l’accès au réseau téléphonique public pour la clientèle professionnelle

46.  Altice (Completel et B3G) fournit des accès voix à une clientèle de professionnels sur […] sites en 2009, ce qui représente une part de marché évaluée à [0-5] % tandis qu’Altitude Telecom est présent de manière encore marginale ([…] sites raccordés), soit environ [0-5] % de part de marché.

47. Compte tenu des parts de marché limitées des parties à l’opération et de l’existence de concurrents significatifs comme France Télécom ([70-80] %) ou SFR ([10-20] %), l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché en cause.

Le marché de détail des communications téléphoniques pour la clientèle professionnelle

48. Toutes communications confondues, les parties ont estimé la part de marché d’Altice sur le marché des communications téléphoniques pour la clientèle professionnelle à [0-5] %25. Compte tenu de la part de marché négligeable d’Altitude Telecom ainsi que de la présence de plusieurs opérateurs concurrents dont France Télécom ([80-90] %) et SFR ([10-20] %), l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché en cause.

b)   Les marchés de la fourniture d’accès à Internet

49.  Les parties n’ont pas été en mesure de présenter les parts de marché des différents acteurs sur ce marché en l’absence de données publiques. Toutefois, il résulte de la part de marché  limitée d’Altice et d’Altitude Telecom26 sur le marché global de la fourniture d’accès haut débit à Internet et de la présence de plusieurs concurrents significatifs comme SFR, France Télécom, Colt ou Verizon, que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché en cause.

 

B.   ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

1.  DU FAIT DE LA POSITION DES PARTIES À L’OPÉRATION SUR LES MARCHÉS DE LA TERMINAISON D’APPEL SUR LES RÉSEAUX FIXES

50.  S’agissant de la terminaison des appels chez les abonnés d’Altitude Telecom et Completel,  ces deux opérateurs sont comme l’ensemble des opérateurs de boucle locale, soumis à des obligations sectorielles imposées par l’ARCEP, visant notamment à garantir le caractère non excessif des tarifs de terminaison d’appels géographiques sur les réseaux alternatifs fixes. La présente opération n’est donc pas susceptible par elle-même d’affecter les conditions de la concurrence sur les marchés de la terminaison d’appels sur les réseaux respectifs d’Altitude Telecom et de Completel.

 

2. DU FAIT DE LA POSITION DES PARTIES À L’OPÉRATION SUR LE MARCHÉ DES SERVICES DE TRANSIT DE MINUTES COMMUTÉES

51.  Sur ce marché, les parties ont évalué la part de marché de Completel à [20-30] % (évaluée en nombre de minutes qui transitent sur son réseau pour le compte d’autres opérateurs). L’opérateur fait face à la concurrence de France Télécom et de SFR qui disposent chacun d’une part de marché de [30-40] %. Les concurrents d’Altitude Telecom disposent donc d’alternative à Completel pour leur accès aux services de transit.

52.  Les volumes achetés par Altitude Telecom sur ce marché s’élèvent à […] millions de minutes par mois, soit [0-5] % du volume total estimé. L’opération ne peut donc conduire à priver les concurrents de Completel de débouchés.

53.  Ainsi, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d’effets verticaux.

 

3. DU FAIT DE LA POSITION DES PARTIES À L’OPÉRATION SUR LES MARCHÉS DE GROS D’ACCÈS À LARGE BANDE : SERVICES DE COLLECTE DSL LIVRÉS EN UN POINT  DE LIVRAISON NATIONAL

54.  A titre liminaire, il convient de souligner que ce marché est en déclin. En effet, l’ARCEP,  dans sa décision n° 2007-0089, a eu l’occasion de constater la diminution du poids relatif du marché de l’accès à large bande au niveau national au sein du marché de gros du haut débit en DSL en raison d’un mouvement important d’intégration verticale des différents opérateurs et du déploiement par de nombreux opérateurs de leur réseau jusqu’aux nœuds régionaux de livraison.

55.  Sur ce marché, Completel fournit environ […] accès. Completel est confronté à la concurrence de SFR (environ […] accès27) et de France Télécom ([…] accès). Les  concurrents d’Altitude Telecom disposent donc d’alternative à Completel pour leur accès aux services de transit.

56. Altitude Telecom est, pour sa part, acheteur de […] lignes ce qui représente environ [0-5] % de la demande d’accès. L’opération ne peut donc conduire à priver les concurrents de Completel de débouchés.

57.  L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d’effets verticaux.

 

4. DU FAIT DE LA POSITION DES PARTIES À L’OPÉRATION SUR LE MARCHÉ DE LA FOURNITURE D’INFRASTRUCTURES PASSIVES DE DESSERTE LOCALE

58.   Completel est à la fois acheteur et vendeur sur ce marché tandis qu’Altitude Telecom est uniquement acheteur. Toutefois, compte tenu de la faible part de marché de Completel en tant que vendeur (Completel offre des accès à de la fibre optique sous forme de contrats IRU pour un chiffre d’affaires de […] millions d’euros, ce qui représente environ […] prises en fibre optique, vendues notamment à Colt et Verizon, soit moins de 0,1 % des accès vendus, cuivre et fibre optique confondus) et du petit nombre d’accès achetés sur le marché ([…] pour Completel et environ […] pour Altitude Telecom soit une part d’achat de moins de [0-5] % chacun), l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d’effets verticaux.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0198 est autorisée.

 

 

 

 

 

1 Si l’Autorité de la concurrence a autorisé le rapprochement d’Altice et d’Ypso France (décision 10-DCC-40 en date du 18 mai 2010), cette opération n’a pas été réalisée. Il n’en sera donc pas tenu compte pour l’analyse de la présente opération.

2Altitude SAS détient également le contrôle de la société Altitude Infrastructure, société qui n’entre pas dans le périmètre de la présente opération.

3 Décision n° 2008-0896 de l’ARCEP en date du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, et avis du Conseil de la concurrence n° 08-A-11 du 18 juin 2008, portant sur l’analyse des marchés de détail et de gros de la téléphonie fixe ; Décision n° 2008-0835 de l’ARCEP en date du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire et avis n° 08-A-09 du Conseil de la concurrence du 5 juin 2008 relatif à une demande d’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) dans le cadre de la procédure  d’analyse des marchés de gros du haut débit et du très haut débit ; Décision n° 2007-0089 de l’ARCEP en date du 30 janvier 2007 portant sur la levée de la régulation du marché des offres de gros d’accès large bande livrées au niveau national et avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-21.

4 C2005-44 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 12 août 2005, aux conseils de la société Neuf Telecom, relative à une concentration dans le secteur des communications électroniques ; C2006-108 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 26 octobre 2006, au conseil de la société Neuf Cegetel SA, relative à une concentration dans le secteur des services d’accès à internet, publiée au BOCCRF n°10bis du 18 décembre 2006 ; Décision C2007-181 du ministre de l’économie SFR / Neuf Cegetel en date du 15 avril 2008 ; C2007-181 / Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 15 avril 2008, aux conseils de la société française du Radiotéléphone SA, relative à une concentration dans le secteur des télécommunications.

5 C2007-181 précitée.

6 C2005-44 précitée, C2007-181 précitée.

7 Avis n°05-a-10 du 11 mai 2005 relatif à une demande d'avis présentée par l'Autorité de Régulation des Télécommunication en application de l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques portant sur l'analyse des marchés de la terminaison d'appels géographiques sur le réseaux alternatifs fixes

8 DSL (Digital Subscribe Line) est une technologie permettant de transmettre des données à hauts débits sur la boucle locale en cuivre du réseau téléphonique traditionnel. La transmission jusqu’à l’abonné s’effectue dans des bandes de fréquences élevées, inutilisées par les services téléphoniques.

9 Internet Protocol.

10 ATM (Asynchronous Transfer Mode ou mode de transfert asynchrone) est une technologie de réseau qui permet de transférer simultanément sur une même ligne des données et de la voix. Toutefois, cette technologie n’est quasiment plus utilisée au niveau national.

11 Décision n°07-D-33 du Conseil de la concurrence en date du 15 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l’accès à Internet à haut débit.

12 Décision n° 05-0281 de l’ARCEP en date du 28 juillet 2005 portant sur la définition du marché des offres de gros d’accès large bande livrées au niveau national, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations qui lui sont imposées ; décision n° 200-0089 de l’ARCEP en date du 30 janvier 2007 portant sur la levée de la régulation du marché des offres de gros d’accès large bande livrées au niveau national ; Avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-21 du 17 novembre 2006 relatif à une demande d’avis de l’ARCEP dans le cadre de la procédure d’analyse du marché des accès large bande livrés au niveau national.

13 10-DCC-40 - Décision de l’Autorité de la concurrence du 18 mai 2010 relative à la prise de contrôle du groupe Altice B2B par le groupe Ypso.

14 C2007-181 précitée.

15 Les NRA permettent de raccorder entre quelques centaines et quelques dizaines de milliers de clients finaux. C’est dans les NRA que sont placés les équipements spécifiques des opérateurs ADSL (DSLAM), utilisés pour transformer une ligne téléphonique classique en ligne  ADSL permettant la transmission de données, et en particulier l’accès à Internet haut débit.

16 Décision C2007-181 du ministre de l’économie SFR / Neuf Cegetel en date du 15 avril 2008.

17 Le RTC assure la connexion momentanée de deux installations terminales afin de mettre en relation deux usagers.

18 Dans sa nouvelle recommandation « marchés pertinents », la Commission européenne a considéré que les clientèles résidentielle et professionnelle pouvaient être regroupées au sein d’un même marché pertinent, estimant que les conditions d’accès ne différaient pas substantiellement d’un segment de clientèle à l’autre. L’Autorité de la concurrence et l’ARCEP ont toutefois conclu que dans le cas de la France, la segmentation demeurait pertinente (besoins différents en matière d’accès, services associés, profils d’usage).

19 Cf. décisions du ministre C2007-181, C2005-44 précitées.

20 C2006-108 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 26 octobre 2006, au conseil de la société Neuf Cegetel SA, relative à une concentration dans le secteur des services d’accès à internet, publiée au BOCCRF n°10bis du 18 décembre 2006 ; Décision C2007-181 du ministre de l’économie SFR / Neuf Cegetel en date du 15 avril 2008.

21 Décision n° 01-D-46 du Conseil de la concurrence en date du 23 juillet 2001 relatives à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom à l’occasion d’une offre sur mesure conclue en 1999.

22 Décision C2007-181 précitée.

23 C2005-44 précitée, C2007-181 précitée.

24 Décision n° 2008-0896 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d’opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et  les obligations imposées à ce titre.

25 Les parts de marché ont été évaluées sur la base du chiffre d’affaires réalisé par les parties et leurs concurrents.

26 Altice et Altitude Telecom réalisent respectivement un chiffre d’affaires de […] et […] millions d’euros sur le marché de la fourniture d’accès Internet haut débit (uniquement professionnels) pour un marché total de 5,8 milliards d’euros, selon les estimations de l’ARCEP.

27  Estimation en 2007.