CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 31 mai 2013, n° 12/13618
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Jules (SAS)
Défendeur :
The Kooples production (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mme Nerot, Mme Renard
Avocats :
Me Teytaud, Me Bertrand, Me Bellichach, Me Atlan-El Haik
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 8 juin 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 3ème section),
Vu l'appel interjeté le 18 juillet 2012 par la société Jules,
Vu les dernières conclusions de la société Jules appelante en date du 18 février 2013,
Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. Skullhead Luxembourg, la SAS The Kooples Production, messieurs Alexandre Elicha et Laurent Elicha, intimés et incidemment appelants en date du 27 février 2013,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 mars 2013,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties, Il sera simplement rappelé que :
La société THE KOOPLES PRODUCTION exploite la marque THE KOOPLES, depuis août 2008, dans plus de cent soixante points de vente et possède des corners au PRINTEMPS et aux GALERIES LAFAYETTE à Paris et en Province. Monsieur Alexandre Elicha est le président de la société et son frère, Laurent Elicha, en est le directeur général. Ils indiquent concevoir et créer ensemble les collections THE KOOPLES et prétendent avoir créé :
- une chemise référencée HCC36,
- un pull référencé HMC63 ,
- un pull référencé HMC107,
sur lesquels ils indiquent avoir cédé leurs droits de reproduction et de représentation à la société The Kooples Production, qui les a commercialisés pour les deux premiers, lors de la collection automne/Hiver 2009/20l0 et, s' agissant du pull HMC 107, pour la collection Automne/Hiver 2010/2011.
Ces trois modèles ont été enregistrés à l'lNPl préalablement à leur première commercialisation. La société The Skullhead Luxembourg est titulaire de la marque communautaire semi-figurative n° 84553491 pour les produits des classes 14, et 25 et notamment des vêtements, représentant un écusson stylisé comportant une tête une mort et l'inscription Skullhead. La société The Kooples Production et Messieurs Elicha exposent s'être aperçus qu'une chemise et deux modèles de pulls comportant selon eux les mêmes caractéristiques que leurs modèles originaux référencés HCC36, HMC63 et HMC107, étaient commercialisés sous la griffe JULES, dans de nombreux points de vente à l'enseigne JULES et sur le site internet www.jules.fr,et ont fait constater le 1er mars 2011 par huissier la commercialisation sur ce site des modèles suivants :
- une chemise référencée 45033/727 au prix unitaire de 29,95 euros TTC,
- un pull référencé 45676/115 au prix unitaire de 29,95 euros TTC,
- un pull référencé 45819/109 au prix de 44,95 euros TTC,
Le 15 mars 2011 dûment autorisés ils ont fait pratiquer une saisie-contrefaçon au siège de la société Jules à Roubaix et dans les locaux d'une boutique Jules à Paris. La S.A.R.L. Skullhead Luxembourg, la SAS The Kooples Production messieurs Alexandre Elicha et Laurent Elicha, ont selon acte d'huissier du 8 avril 2011 fait assigner la société Jules en contrefaçon et concurrence déloyale.
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement, avec exécution provisoire :
- déclaré Messieurs Alexandre et Laurent Elicha et la société The Kooples Production irrecevables à agir au titre de leurs droits d''auteur sur la chemise HCC36,
- déclaré Messieurs Alexandre et Laurent Elicha. et la société The Kooples recevables à agir au titre de leurs droits d'auteur sur les pulls HMC63 et HMC107,
- déclaré la société The Kooples Production recevable à agir en contrefaçon de ses trois modèles déposés à l'lNPl sous les n°09 2763 (chemise référencée HCC36), 20100625 (pull référencé HMC 63) et 20103945 (cardigan référencé RMC107),
- dit qu'en offrant à la vente la chemise référencée 45033/127, la société Jules a commis des actes de contrefaçon du modèle français de chemise n° 092763-00S publié le 9 juillet 2010 dont est titulaire la SA.S The Kooples Production,
- débouté la société Jules de sa demande en nullité de la marque communautaire n°8463491,
- débouté la société The Skullhead Luxembourg de sa demande en contrefaçon de marque à l'encontre de la société Jules,
- condamné la société Jules à payer à la société The Kooples Production la somme de 150.000 euros au titre de la contrefaçon,
- prononcé à l'encontre de la société Jules des mesures d'interdiction, destruction sous astreinte et autorisé des mesures de publication, à sa charge,
- condamné la société Jules à payer à la société The Kooples Production la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes des demandeurs.
En cause d'appel la société Jules appelante demande essentiellement dans ses dernières écritures en date du 18 février 2013 de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté messieurs Alexandre et Laurent Elicha et la société The Kooples Production de l'ensemble de leurs demandes et de leur action au titre de la contrefaçon de droits d'auteur et de droits et dessins et modèles du pull référencé HMC 107 et du pull référencé HMC 63,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société The Skullhead Luxembourg de sa demande en contrefaçon de sa marque communautaire,
- annuler pour absence de nouveauté le modèle de chemise gansée référencée HCC36 déposé à l'INPI le 5 juin 2009 sous le N° 092763, en ordonner la radiation,
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle a commis des actes de contrefaçon du modèle français N° 092763-005 publié le 9 juillet 2010 sous le numéro 864482 dont est titulaire la société The Kooples Production,
- débouter la société The Kooples Production de sa demande formée au titre de la concurrence déloyale,
- infirmer le jugement sur le quantum des dommages et intérêts et les ramener à la somme de 10.000 euros,
- infirmer le jugement sur les mesures de destruction et publication,
- condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Jules fait valoir à cet effet que :
- son pull zippé Jules référencé sous le N° 45819 argué de contrefaçon est bien antérieur à la première commercialisation du modèle HMC 107 car il a été réalisé à partir d'un modèle référencé SGN 1319 qui a été présenté le 6 mai 2010 à Istanbul dans le showroom de la société Intem à madame Anne France Enoyelle qui le jour même a demandé qu'il soit modifié selon ses instructions et croquis,
- ce pull modifié a fait l'objet le 31 mai 2010 de 2 commandes et d'une représentation dans une fiche technique du 2 juin 2010 et a été commercialisé en France à partir du 13 août 2010,
- le pull de la société Kooples et celui de la société Jules proviennent du même fournisseur chinois Zhejiang Springair Group co LTD qui a reçu la fiche technique du pull de la société Jules le 16 juillet 2010 et c'est la société Kooples qui a copié son modèle de pull,
- le pull référencé HMC 107 n'est pas différent des dizaines de modèles de pull zippé commercialisés depuis des années dans tous les pays du monde qui sont autant d'antériorités, la société Kooples ayant elle-même déposé un modèle de sweat à capuche le 14 décembre 2009,
- le pull de la société Jules comme l'a jugé le tribunal ne contrefait pas au titre des droits d'auteur et de modèle le pull référencé HMC107,
- aucune des caractéristiques du pull référencé HMC63 par la société Kooples production prise isolément ou dans leur combinaison ne démontrent l'existence d'une création originale marquée par la personnalité de son auteur,
- son modèle comme l'a jugé le tribunal ne contrefait pas le modèle HMC3 au titre des droits d'auteur,
- il ne contrefait pas le pull HMC63 au regard du droit des dessins et modèles,
- concernant le modèle référencé HCC36 de la société Kooples Production, celui-ci n'est pas une création originale marquée par la personnalité de son auteur car la ganse est un style ornemental connu, et la société Kooples avait déjà déposé le 24 décembre 2008 un modèle de chemise gansée quasi-identique au modèle dont elle demande actuellement la protection, alors qu'il existe de nombreuses antériorités de chemises gansées,
- le modèle HCC36 est antériorisé par le modèle déposé le 24 décembre 2008 N° 085847 précité qui est quasi-identique et produit sur l'utilisateur/observateur averti la même impression d'ensemble, et doit être annulé pour absence de nouveauté,
- ce modèle n'est pas contrefait par la chemise de la société Jules car aucun bouton des modèles Jules ne comporte de tête de mort mais comportent soit la lettre J soit une couronne et son col est plus étroit, ne comporte pas de poche sur la poitrine au niveau du coeur, de ganses au niveau des deux manches, de bouton dans l'encolure , tous ses boutons sont marrons/noir, et la chemise est de couleur marron fonçé et ces différences significatives produisent sur l'observateur averti une impression visuelle globale différente,
- de nombreux écussons destinés à être cousus sur des vêtements ont été déposés en classe 25 à titre de marques et comme l'a jugé le tribunal il existe de grandes différences entre les signes opposés excluant tout risque de confusion
- elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale,
- la société The Kooples Production n'ayant toujours pas déposé ses bilans on peut s'interroger sur la pertinence des attestations comptables qu'elle a versées aux débats et qu'il convient d'écarter,
- aucun des modèles 'authentiques' n'étaient en vente lorsqu'elle a commercialisé les produits argués de contrefaçon et la chute des ventes des produits 'authentiques' peut être attribués à diverses origines,
- les vêtements objets du litige ne sont plus commercialisés depuis plus de deux ans.
Les intimés s'opposent aux prétentions de l'appelante, et pour l'essentiel, incidemment demandent dans leurs dernières conclusions du 27 février 2013 de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées au titre du droit d'auteur, sur la contrefaçon de marque, des modèles de pull N° 201000625 et 20103945,
- le confirmer pour le surplus,
- y ajoutant,
- déclarer Alexandre et Laurent Elicha et la société The Kooples Production recevables à agir au titre de leurs droits d'auteur,
- dire et juger que la société Jules a commis des actes de contrefaçon des modèles français de pulls N° 20100625 et 20103 945 dont est titulaire la SAS The Kooples production,
- dire et juger que la société Jules s'est rendue coupable de contrefaçon par imitation de la marque communautaire N° 8453491,
- instaurer une mesure d'expertise à l'effet de permettre l'établissement de la masse contrefaisante,
- condamner la société Jules à payer à titre provisionnel à la société The Kooples Production la somme de 1.300 000 euros au titre de la contrefaçon des droits d'auteur et des dessins et modèles référencés HMC 107, HMC 63 et HCC 36,
- condamner la société Jules à payer à la société The Skullhead Luxembourg la somme de 200.000 euros au titre de la contrefaçon de sa marque communautaire,
- condamner la société Jules à payer à la société The Kooples Production la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamner la société Jules à payer à chacun des auteurs, Laurent et Alexandre Elicha la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- condamner la société Jules à payer à la société The Kooples Production la somme de 500.000 euros aux titre du parasitisme et de la concurrence déloyale,
- ordonner des mesures de publication,
- condamner la société Jules à payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Ils exposent à cet effet que :
- les éléments de preuve qu'ils versent aux débats établissent la qualité d'auteurs des frères Elicha sur les modèles dont s'agit, et l'attestation du fournisseur commun des sociétés n'est pas pertinente,
- la société Jules ne rapporte pas la preuve d'une absence d'originalité des créations,
- les trois modèles dont ils décrivent les caractéristiques du fait de leur choix arbitraire et de leur parti pris esthétique reflètent parfaitement l'effort créatif et l'empreinte de la personne de ses créateurs,
- leurs modèles s'inscrivent dans un style dandy chic combiné avec des éléments appartenant à un tout autre univers rock, rebelle et décalé,
- c'est l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments propres aux modèles qui leur confèrent une physionomie singulière distincte des autres modèles du même genre qui procèdent d'un effort créatif qui marque la personnalité des auteurs,
- la société Jules ne communique aucun modèle qui détruit l'originalité des modèles commercialisés par la société Kooples production,
- le pull commercialisé par la société Jules sous la référence N° 45819/109 contrefait le modèle HMC 107, celui commercialisé sous la référence 45676115 et la chemise référencée N°45033/727 par la société Jules contrefont la chemise référencée HCC36 et le pull référencé HMC63 de la société The Kooples Production car la physionomie d'ensemble de ces modèles est strictement la même, les différences de détails ne suffisant pas à altérer cette impression générale de similarité,
- le modèle antérieur opposé déposé par la société The Kooples Production le 24 décembre 2008 ne produit pas la même impression d'ensemble et ne constitue pas une divulgation pouvant être prise en considération en raison de son délai de dépôt,
- concernant la marque communautaire, la comparaison objective des deux écussons permet de relever de nombreuses ressemblances l'écusson principal a une forme arrondie finissant en pointe, l'initiale de la marque est représentée dans un petit écusson, cette initiale est en caractère gothique, une couronne surplombe l'écusson, l'écusson encadrant l'initiale est bordée d'une couronne de laurier symbole de la victoire, et un mot décrivant la marque est inscrit en caractère majuscule arrondi,
- l'appelante a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en se plaçant de façon injustifiée dans son sillage alors qu'elle a procédé à des investissements publicitaires considérables, en apposant un écusson sur son modèle de pull contrefaisant fortement semblable à celui du pull Kooples, et en reprenant une partie de sa gamme générant un risque de confusion, alors que ses produits de qualité inférieure ont été commercialisés à des prix inférieurs sur des points de vente parisiens situés à proximité des siens, ce qui a par ailleurs avili l'image de la marque The Kooples lui occasionnant par ces faits de très importants préjudices.
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Sur le pull référencé HMC 107 par la société The Kooples Production : * sur la protection au titre du droit d'auteur : L'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Le droit de l'article sus mentionné est conféré selon l'article L 112-1 du même code, à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale. Messieurs Alexandre et Laurent Elicha se présentent comme auteurs des trois modèles litigieux en cause dont ils ont cédé leurs droits de reproduction et de représentation à la société The Kooples Production qui les a commercialisés lors de la collection 2009/2010 pour le pull référencé et la chemise référencée HCC36 et lors de la collection Automne/Hiver 2010/2011 pour le pull référencé HMC 107 et sont donc tenus de rapporter la preuve d'une création déterminée, à une date certaine et de caractériser l'originalité de cette création, l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est à dire originale. Messieurs Alexandre et Laurent Elicha prouvent la réalité de leur création de ce modèle, ainsi que ceux des deux autre en cause, par le contrat de cession de droits d'auteurs conclu entre eux et la société The Kooples Production auquel est annexée une fiche du croquis du modèle, trois pages de croquis supplémentaires, un courriel adressé le 19 janvier 2010 au fabriquant chinois, annonçant un nouveau modèle et un autre courriel adressé le 14 juin 2010 à ce même fabriquant portant des indications de corrections, un tableau de mesure et lançant la production. La société Jules ne communique pour s'opposer à cette création que des pièces internes, une photographie et un croquis de pull non datés et des documents dont il n'est pas possible de les relier entre eux de sorte qu'elle n'établit pas que le modèle argué de contrefaçon ait été divulgué antérieurement au modèle HMC 107 déposé le 29 juillet 2011. L'attestation contradictoire et tardive du fabriquant commun des deux sociétés, avec qui la société The Kooples Production a cessé toute relation n'est pas de nature à justifier d'une fabrication et divulgation antérieures du modèle de la société Jules.
L'originalité de ce pull est caractérisé selon les intimés comme suit :
- pull zippé,
- poche poitrine droite surmontée d'un écusson, faisant l'objet d'une marque,
- pattes épaules,
- pièces en cuir au niveau des coudes,
- découpes devant et dos en bord côte,
- poches à rabat triangulaire surmontées de boutons personnalisés,
- 3 boutons personnalisés en bas des manches,
La société appelante conteste l'originalité de celui-ci en faisant valoir qu'il existe des dizaines de sweat à capuches sur le marché français, mais ne communique aux débats aucune pièce destinée à combattre l'effort créatif qui ressort de l'impression d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments propres à ce modèle examiné par la cour qui lui confère une physionomie singulière traduisant un parti pris esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de leurs auteurs. C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que ce modèle de pull était éligible à la protection au titre du droit d'auteur. * sur la protection au titre du modèle déposé référencé HMC 107 : L'article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre. La société The Kooples Production a déposé à l'INPI le 29 juillet 2010 sous le N° 201103945 publié le 1er octobre 2010 sous le N° 8699352 un modèles cardigan qui est caractérisé par :
- une capuche,
- un zip sur la partie ventrale,
- des pièces en cuir au niveau des deux coudes,
- deux poches sur la hanche gauche et la hanche droite,
- un écusson sur le coté gauche de la poitrine,
La société Jules ne conteste pas la caractère propre et nouveau de ce modèle en regard du dépôt mais conclut à l'absence de contrefaçon. Sur le pull référence HMC63 par la société The Kooples production : *sur la protection au titre du droit d'auteur : Comme mentionné précédemment dès lors qu'un vêtement est original il est éligible à la protection au titre du droit d'auteur, sans aucune formalité. La qualité d'auteurs de Alexandre et Laurent Elicha est justifiée par le contrat de cession de droits d'auteurs conclu entre eux et la société The Kooples Production auquel est annexée une fiche du croquis du modèle, seul le caractère d'originalité de ce vêtement est contesté.
Le pull référencé HMC63 est caractérisé par les intimés comme suit :
- pull de couleur bleu foncé,
- col ouvert boutonné,
- pattes épaules surmontées de boutons personnalisés,
- pochette poitrine trompe l''il,
- découpe dos,
- bandes de maille appliquées sur les poignets avec boutons personnalisés,
- encoche en V dans la partie supérieure du col
- sur lequel sont apposés 4 boutons
L'appelante se contente de dénier tout caractère d'originalité à ce pull sans toutefois communiquer de document susceptible de combattre l'effort créatif de ce modèle dont la combinaison des éléments lui donne une impression d'ensemble qui lui est propre, un agencement particulier qui résulte de choix créatifs, traduisant le parti pris esthétique de leurs auteurs qui porte l'empreinte de leur personnalité. C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que ce modèle était éligible à la protection au titre du droit d'auteur. * sur la protection au titre du modèle déposé référencé HMC 63 : La société The Kooples Production a déposé le modèle référencé HMC63 à l'INPI le 5 février 2010 sous le N° 20100625 publié le 2 avril 2010 sous le N° 858617. Les intimés revendiquent la nouveauté de ce modèle selon les caractéristiques suivantes :
- son col qui dans sa partie haute comporte 2 petites découpes en V, de chaque côté du col,
- quatre boutons sur le côté droit de son col,
- une poche droite sur sa poitrine,
- deux épaulettes,
- trois boutons sur ses manches,
La nouveauté et le caractère propre de ce modèle de ce modèle ne sont pas contestés par l'appelante.
Sur la chemise gansée référencée HCC36 par la société The Kooples Production :
Ce vêtement est éligible au titre du droit de propriété dans les conditions mentionnées comme précédemment, seule l'originalité et non la titularité des droits étant contestée;
* sur la protection au titre du droit d'auteur :
Les intimées caractérisent l'originalité de cette chemise comme suit :
- chemise gansée col et devant
- coupe cintrée
- boutons en métal personnalisé tête de mort personnalisés (écusson) dans l'exacte lignée de la pointe du col et bas de manches,
- passepoil contrasté col et de part et d'autre de la patte de boutonnage,
Cependant cette chemise sur laquelle est appliquée un passepoil contrasté tout autour du col, ainsi que de part et d'autre de la patte de boutonnage ne présente pas de caractère original dès lors que cette configuration ornementale reproduit exactement celle déjà présente sur des modèles de chemise Miu Miu collection printemps/été 2008, Lanvin collection printemps/été 2008 et Emporio Armani de la saison printemps/été 2009, la seule adjonction des boutons dans la lignée de la pointe du col déjà connue dans la collection Armani sur un des cols et du bas des manches, éléments communs ne revêt pas de caractère original et ne porte pas l'empreinte de la personnalité de leurs auteurs. C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées à ce titre par les intimés. * sur la protection au titre du modèle déposé : Le 5 juin 2009 la société Kooples production a déposé à l'INPI le modèle de chemise gansée N° 092763 qui est accompagné de la description suivante ;
- piping (liseré) contrasté au col,
- patte de boutonnage et bas de manche,
- boutons métal tête de mort personnalisés,
- au milieu encolure dos, au col et au bas de manche,
- chemise avec piping contrasté et boutons métal homme,
La société Jules lui oppose le modèle de chemise déposé par la société The Kooples Production le 24 décembre 2008 à l'INPI sous le N° 085847 018 et publié le 7 août 2009 qui constituerait une antériorité à ce modèle.
Cependant, d'une part, ce modèle antérieur divulgué moins de 12 mois avant le dépôt du modèle revendiqué, ne peut en application des dispositions de l'article L 511-6 du code de le propriété intellectuelle constituer une divulgation opposable, et, d'autre part, ce modèle qui comporte un passepoil qui ne borde qu'un seul côté de la patte de boutonnage qui lui confère une impression d'ensemble différente ne constitue pas une antériorité de toute pièce destructrice de nouveauté. C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que ce modèle était éligible à la protection au titre des modèles et rejeté la demande de nullité du dépôt de ce modèle.
Sur la contrefaçon :
En matière de propriété littéraire et artistique en vertu de l'article L122-4 code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.( ... ). Aux termes de l'article L 521-1 du code de la propriété intellectuelle toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, tels qu'ils sont définis aux articles L 513-4 à L 513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. En vertu de l'article L 513-5 code de la propriété intellectuelle, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente. Sur le pull référencé HMC63 protégeable tant au titre du droit de la propriété intellectuelle et artistique qu'au titre du modèle déposé est caractérisé comme suit
- pull de couleur bleu fonçé,
- col ouvert boutonné,
- pattes épaules surmontées de boutons personnalisés,
- pochette poitrine trompe l''il,
- découpe dos,
- bandes de maille appliquées sur les poignets avec boutons personnalisés,
- encoche en V dans la partie supérieure du col,
- sur lequel sont apposés 4 boutons,
l'examen du modèle de pull zippé commercialisé par la société Jules fait apparaître qu'il comporte comme le précédant une poche poitrine surmonté d'un écusson ton sur ton avec la couleur du pull, des pattes aux épaules avec un bouton personnalisé, des poches à rabat triangulaires surmontées des mêmes boutons personnalisés, boutons personnalisés en bas des manches au niveau des poignets et une coupe cintrée. Cependant ce pull ne reprend ni la capuche, ni les empiècements en cuir au niveau des coudes du pull précédant qui confèrent à sa combinaison une empreinte caractéristique de la personnalité de ses auteurs et lui donnent une physionomie particulière. De sorte que par une appréciation pertinente que la cour fait sienne le tribunal a considéré que la reprise partielle d'éléments qui sont en eux-mêmes banals (écusson sur la poitrine, poches latérales à rabat triangulaire, boutons aux poignets, coupe cintrée, fermeture éclair, pattes boutonnées sur les épaules) ne peut caractériser une contrefaçon, faute de reprise des caractéristiques originales de la combinaison protégeable. Il en est de même sur le fondement du modèle déposé dès lors que les éléments qui confèrent un caractère propre au modèle revendiqué ne se retrouvent pas dans le modèle de la société Jules qui présente une physionomie différente de sorte que l'acheteur de vêtement masculin aura une impression d'ensemble différente entre les deux modèles excluant tout risque de confusion. C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées au titre de ce modèle. Sur le modèle de pull référencé HMC63 protégeable tant au titre du droit de la propriété intellectuelle et artistique qu'au titre du modèle déposé est caractérisé comme suit :
- pull de couleur bleu fonçé,
- col ouvert boutonné (4),
- pattes épaules surmontées de boutons personnalisés (têtes de mort),
- pochette poitrine trompe l''il,
- découpe dos,
- bandes de maille appliquées sur les poignets avec boutons personnalisés,
- encoche en V dans la partie supérieure du col,
- sur lequel sont apposés 4 boutons.
Le pull de la société Jules comporte comme le précédant : une couleur foncée présentant un col ouvert boutonné, des pattes sur les épaules, une poche poitrine en trompe-l'oeil et des boutons personnalisés. Cependant le modèle de la société Jules présente un col plus étroit pourvu de deux boutons, une poche poitrine à boutonnière à deux boutons, il est dépourvu de boutons sur les manches et les pattes et comporte une réalisation de la poche poitrine, des encoches, différentes et placées pour ces dernières différemment sur le col. Par des motifs pertinents que la cour fait siens, le tribunal a considéré que dès lors que la contrefaçon de droit d'auteur suppose la reproduction des caractéristique originales, la simple reprise d'éléments du fonds commun de la mode : col en V, boutons sur le col, poche poitrine en trompe l''il, dans une formalisation différente ne suffit pas à caractériser des actes de contrefaçon. Il en est de même au titre du modèle déposé dès lors que le modèle argué de contrefaçon qui comporte seulement 2 boutons au col, ne présente aucune découpe en forme de V, dont la boutonnière contient une boutonnière avec un bouton et qui ne comporte aucun bouton sur ses manches, de sorte que ces différences majeures confèrent aux deux modèles une impression globale différente aux yeux de l'observateur averti. C'est en conséquence à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées au titre de ce modèle. Sur le modèle de chemise HCC36 protégeable au titre du modèle déposé est caractérisé comme suit :
- piping (liseré) contrasté au col,
- patte de boutonnage et bas de manche,
- boutons métal tête de mort personnalisés,
- au milieu encolure dos, au col et au bas de manche,
- chemise avec piping contrasté et boutons métal homme,
La chemise de la société Jules est une chemise cintrée, qui comporte des boutons ornant les manches et le col de même style, possède un passepoil contrasté tant au niveau du col qu'au niveau de la patte de boutonnage reproduisant de façon quasi servile la chemise antérieure, à l'exception de sa couleur foncée. Dès lors que les éléments essentiels et caractéristiques du modèle déposé ont été reproduits sur le modèle argué de contrefaçon et que les modifications opérées ne lui confèrent pas une impression visuelle d'ensemble différente du modèle revendiqué, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la société Jules a, à ce titre commis des actes de contrefaçon.
Sur l'atteinte à la marque de la société Skullhead :
La société Skullhead est titulaire de la marque semi-figurative communautaire Skullhead déposée le 28 juillet 2009 sous le N° 8453491 notamment en classe 25 pour désigner les vêtement. L'article 9 § l b) du règlement (CE) n° 201/2009 du 26 février 2009 dispose que "la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en absence de on consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque". Dès lors que le signe argué de contrefaçon est apposé sur des produits identiques a ceux visés dans l'enregistrement de la marque, en l'espèce, des vêtements, il y a lieu de rechercher si, au regard d'une d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
La marque de la société The Skullhead se présente comme suit : écusson principal avec une forme arrondie finissant en pointe, l'initiale de la marque est représentée dans un petit écusson, cette initiale est en caractère stylisée gothique, une couronne surplombe l'écusson encadrant l'initiale, l'écusson encadrant l'initiale est bordé d'une couronne de laurier ,une tête de mort est apposée sur la couronne en son centre. L'écusson de la société Jules comporte un écusson principal de forme arrondie finissant en pointe, l'initiale de la marque est représentée dans un petit écusson, l'initiale est en caractère gothique, une couronne surplombe l'écusson encadrant l'initiale, l'écusson encadrant l'initiale est bordé de lauriers, un mot décrivant la marque est inscrit en caractère majuscule et arrondi. Sous l'écusson intérieur. Les deux signes sont composés d'une représentation graphique des éléments communs différente qui comprend des lettres différentes J et TK, des emplacements en hauteur différents, et une absence de représentation d'une tête de mort, ce qui leur confèrent des différences visuelles. Phonétiquement les lettres inscrites en majuscules sont différentes J et Tk et les inscriptions Skullhead et The Final Label dans l'écusson Jules sont très distinctives.
Conceptuellement les lettres TK renvoient le consommateur à la marque the Kooples tandis que l'écusson de la société Jules, J, the Finest Label renvoie à la dénomination Jules. En raison de ces différences essentielles entre les signes opposés, aucun risque de confusion n'existe et la contrefaçon par imitation de cette marque n'est pas caractérisée. C'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande formée à ce titre. Sur le parasitisme et la concurrence déloyale : Les intimés soutiennent que la société appelante s'est rendue coupable d'actes de parasitisme en se plaçant dans le sillage de l'activité développée grâce à d'importants investissements publicitaires par la société the Kooples Production, afin d'en tirer indûment profit.
Cependant ils ne procèdent que par voie d'affirmation sans caractériser les actes de parasitisme distincts de ceux évoqués au titre de la contrefaçon, par ailleurs partiellement écartés. Au soutien de leurs demande formée au titre de la concurrence déloyale ils font état de l'apposition sur le modèle de pull contrefaisant référencé HMC 107 d'un écusson fortement semblable à celui apposé sur celui-ci, voulant de ce fait capter la clientèle de la société The Kooples.
Mais comme mentionné ci-dessus l'écusson apposé sur le pull argué de contrefaçon ne génère aucun risque de confusion avec celui de la société The Skullhead. La commercialisation de trois modèles portant atteinte aux modèles de la société the Kooples Production n'est pas de nature à créer, comme le soutiennent les intimés, un effet de gamme en regard de ses 788 modèles déposés à l'INPI. La qualité inférieure invoquée et non établie de modèles commercialisés dans des lieux de vente proches à Paris, ne peuvent, en regard de la liberté régissant les relations commerciales, être constitutives d'actes de concurrence déloyale et c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées de ces deux chefs.
Sur les mesures réparatrices :
En regard des éléments communiqués aux débats, 18.012 pièces commandées par la société Jules, 8.553 vendues au sein de son important réseau de distribution, 9.403 restant en stock, le tout pour un bénéfice au 15 mars 2011 de 243.065 euros, modèles contrefaisant une collection vendue par la société The Kooples la saison précédente, des dépenses publicitaires importantes engagées par la société the Kooples pour promouvoir ses produits, c'est par de justes motifs que le tribunal a fixé à la somme de 150.000 euros le préjudice subi par la société the Kooples à laquelle ont été ajoutées à bon droit des mesures d'interdiction et de destruction du modèle de chemise Jules référencée 45033/727, de publication en regard de la quantité d'articles contrefaisants proposés à la vente, mesures suffisantes à réparer l'entier préjudice subi par la société the kooples production.
Les atteintes à ses droits sur les modèles dans les circonstances ci-dessus relatées, les vulgarisant, ont occasionné à la société The Kooples Production un préjudice moral sur lequel le tribunal n'a pas statué, qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes :
L'équité commande d'allouer aux intimés la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par l'appelante. Les dépens resteront à la charge de l'appelante qui succombe et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence,
Rejette l'ensemble des demandes de la société Jules,
Y ajoutant,
Condamne la SA Jules à payer à la société the Kooples la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
Condamne la société Jules à payer aux intimés la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes des intimés,
Condamne la société Jules aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.