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Décisions

Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-12.357

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Edenred France (SAS)

Défendeur :

Conforama Holding (SA), Conforama France (SA), Kering (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Michel-Amsellem

Avocats :

SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Alain Bénabent

T. com. Paris, 14 mars 2016

14 mars 2016

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2018), par un contrat conclu le 30 mars 2007, les sociétés Pinault Printemps Redoute (la société PPR, devenue la société Kering), Conforama Holding, Fnac et Redcats ont cédé l'intégralité du capital de leur filiale commune, la société Kadéos, qui regroupait les activités des enseignes Conforama, Fnac, Printemps et La Redoute, en matière de titres-cadeaux (chèques cadeaux et cartes-cadeaux multi-enseignes) à la société Accor services, qui était alors déjà active dans le secteur des titres-cadeaux, par l'intermédiaire de sa filiale, la société Accentiv'House.

2. L'article 6-1 de ce contrat, intitulé « engagement d'exclusivité » imposait à ces sociétés de n'accepter que les bons cadeaux proposés par les sociétés Accentiv'House et Kadéos en ces termes : « les Enseignes [Fnac, Conforama, Redcats et leurs filiales, à l'exception de celles figurant à l'Annexe 1(e)], s'engagent, tant en leur nom que pour le compte des sociétés qu'elles contrôlent respectivement, à ce que, pendant une durée de cinq (5) ans à compter des présentes, en France, (elles) les enseignes n'acceptent, en règlement des marchandises vendues, aucun règlement par bons cadeaux autres que ceux proposés par la société [Kadéos] ou par Accentiv'House ». L'article 6.2, intitulé « non-concurrence », interdisait à chacun des cédants, pendant une durée de cinq ans, d'« émettre des Bons cadeaux concurrençant ceux proposés par la société (Kadéos) ».

3. Le même jour, en application de l'article 2 d) du contrat de cession, les sociétés Kadéos et Accentiv'House ont conclu des contrats de partenariat avec la société Fnac et avec la société Conforama, conformes au modèle annexé au contrat de cession, qui mettaient à leur charge des obligations d'exclusivité et une obligation de non-concurrence.

4. Ainsi, ces contrats de partenariat, conclus pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2007, prévoyaient à l'article 1.1 a) l'engagement de chacune de ces sociétés « aux opérations essentielles suivantes » : « (i) distribuer auprès de sa clientèle les Solutions Cadeaux Kadéos, (ii) accepter, en échange de produits ou services qu'elle distribue les Solutions Cadeaux Kadéos et les Solutions Cadeaux Accentiv'House [...]. »

5. Chacune des sociétés Fnac et Conforama s'engageait aussi, aux termes du même article, à : « (iii) pour la durée des présentes […] ne pas mettre sur le marché français à travers son système de distribution d'autres cartes prépayées ou chèques cadeaux que les Solutions Cadeaux Kadéos (…). »

6. L'article 3.1 des contrats de partenariat précisait que les obligations de distribution et d'acceptation mises à la charge des sociétés Fnac et Conforama étaient souscrites « à titre exclusif » et que chacune des enseignes s'interdisait de distribuer, émettre ou accepter « tout autre titre offrant des services identiques ou similaires aux solutions cadeaux Kadéos ». En particulier, l'article 3.1 b) énonçait que « L'enseigne s'engage, pendant la durée du présent contrat à ne pas émettre directement ou indirectement par une entité sous son contrôle, un/des titre(s) offrant des services identiques ou similaires aux solutions Kadéos ou Accentiv, à l'exception des solutions listées à l'article 1.1.a (iii). »

7. En 2009, la société Kadéos a fusionné avec la société Accentiv'House et pris le nom d'Accentiv'Kadéos. En 2010, la société Accor services a été séparée de la branche hôtelière du groupe Accor et a pris la dénomination d'Edenred France (la société Edenred).

8. Saisie en 2009, par une société concurrente de la société Kadéos, qui soutenait que les clauses d'exclusivité et de non-concurrence précitées avaient pour objet ou pour effet de verrouiller les marchés de la distribution et de l'acceptation des cartes-cadeaux, l'Autorité de la concurrence a, par une décision n° 11-D-08 du 27 avril 2011, rendu obligatoires les engagements portant sur l'abandon des exclusivités en matière d'acceptation et de distribution des cartes-cadeaux pris par la société Accentiv'Kadéos.

9. En septembre et octobre 2010, les sociétés Fnac et Conforama ont décidé de mettre en vente leurs propres cartes-cadeaux utilisables dans leurs seules enseignes (les cartes-cadeaux mono-enseigne).

10. À la suite du prononcé d'une ordonnance de référé lui enjoignant, sous astreinte, de cesser de distribuer sa carte mono-enseigne, la société Fnac, aux droits de laquelle est venue la société Kering, a assigné la société Accentiv'Kadéos afin que soit ordonnée la levée de la clause de non-concurrence et l'allocation de dommages-intérêts. Les sociétés Conforama France et Conforama Holding, contre lesquelles une interdiction identique avait été prononcée, sont intervenues à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses neuf premières branches, ci-après annexé

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa dixième branche

Enoncé du moyen

12. La société Edenred fait grief à l'arrêt de dire que la clause de non-concurrence constituait une entente, contraire aux articles 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce, de rejeter en conséquence ses demandes de condamnation des sociétés Kering, Conforama France et Conforama Holding pour violation de cette clause, de la condamner à restituer à ces sociétés les sommes qu'elles lui avaient versées au titre des liquidations d'astreintes, soit 7 914 529,04 euros pour la société Kering et 3 815 718,08 euros pour les sociétés Conforama France et Conforama Holding et de la condamner à payer à chacune de ces sociétés une somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que seuls les éléments de l'accord jugés non conformes au droit des ententes peuvent être déclarés illicites ; que la cour d'appel ayant retenu que l'article 1.1.a. (iii) des contrats de partenariat interdisait à la Fnac et Conforama d'émettre et de distribuer des cartes concurrentes aux « Solutions Cadeaux Kadéos », elle a jugé cette clause non conforme au droit des ententes en tant seulement qu'elle privait les enseignes de la faculté d'émettre des cartes-cadeaux mono ou multi-enseignes concurrentes de Kadéos ; qu'ainsi, en déclarant cette clause illicite dans son ensemble, en ce donc compris, même si elle n'en constatait pas la contrariété avec le droit des ententes, l'interdiction de distribution dans les magasins Fnac et Conforama et sur leurs sites Internet de leurs cartes-cadeaux mono-enseigne, la cour d'appel a violé les articles L. 420-3 du code de commerce et 101, paragraphe 2, TFUE. »

Réponse de la Cour

13. L'arrêt retient qu'il résulte de la combinaison des articles 1.1 a) (iii) et 3.1.b) du contrat de partenariat que les sociétés Fnac et Conforama étaient privées de la possibilité d'émettre des cartes-cadeaux mono ou multi-enseignes concurrentes de celles de la société Accentiv'Kadéos. Il précise que l'objet de cette obligation était d'empêcher ces enseignes de concurrencer la société Accentiv'Kadéos pendant cinq ans en exerçant une activité d'émetteurs de titres cadeaux mono et pluri-enseignes et constate que cette interdiction portait un frein à leur liberté commerciale et les empêchait de satisfaire la demande des consommateurs, obligés d'acheter une carte multi-enseignes comportant la Fnac ou Conforama parmi d'autres enseignes, même s'ils ne souhaitent acheter que le service de l'une de ces deux enseignes.

14. L'arrêt retient encore que l'intérêt d'une carte mono-enseigne est d'être distribuée dans le magasin de l'enseigne en question, que les termes de la clause de non-concurrence eux-mêmes, éclairés par ceux du contrat de cession, évoquaient bien les notions d'« émettre » et de « mettre sur le marché » des titres concurrents, et que la clause concernait à la fois l'émission et la distribution. Il relève que l'Autorité de la concurrence a analysé l'article 1.1.a (iii) des contrats de partenariat et énoncé que celui-ci contribuait au pouvoir de la société Accentiv'Kadéos sur le marché des cartes-cadeaux et, par conséquent, à l'effet de forclusion de ce marché. Il ajoute que cette autorité a, dans sa décision n° 10-D-07, retenu, d'une part, que l'effet de verrouillage du marché, produit par l'exclusivité d'acceptation des cartes-cadeaux multi-enseignes, était amplifié par les exclusivités de distribution interdisant aux enseignes partenaires de distribuer leur propre carte-cadeau mono-enseigne et, d'autre part, que le couplage d'une exclusivité d'acceptation et d'une exclusivité de distribution interdisant à l'enseigne affiliée l'émission d'une carte mono-enseigne pourrait avoir pour effet de permettre à la société Accentiv'Kadéos de capter une part importante des recettes de l'enseigne.

15. Du constat de l'objet et des effets potentiels de la clause de non-concurrence, qui était de nature à empêcher tout transfert de la demande des consommateurs de la carte multi-enseignes vers la carte mono-enseigne et donc à préserver la position prééminente de la société Accentiv'Kadéos sur le secteur des cartes multi-enseignes, mais aussi à retarder l'émergence d'acteurs importants tels que la Fnac ou Conforama, privés d'émettre leur propre carte, l'arrêt déduit que l'obligation de non-concurrence énoncée par l'article 1.1.a (iii) des contrats de partenariat constitue une entente anticoncurrentielle contraire aux articles 101, alinéa 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

16. De ces constatations et appréciations, dont il résulte qu'elle a établi que la clause de non-concurrence constituait, tant en ce qui concerne l'émission que la distribution des cartes-cadeaux mono-enseigne, une entente anticoncurrentielle prohibée par les articles 101, alinéa 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, la cour d'appel a déduit à bon droit que cette clause était illicite dans son ensemble.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

18. La société Edenred fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°) qu'une obligation de non-concurrence constitue l'accessoire de l'opération principale lorsqu'elle est directement liée à la réalisation de celle-ci et qu'elle lui est objectivement nécessaire ; que la cour d'appel a retenu que la société Edenred ne démontrait pas que l'obligation de non-concurrence était directement liée à la réalisation de la cession de Kadéos, dès lors que cette opération était intervenue à une date où cette société était active uniquement sur le marché des cartes-cadeaux multi-enseignes et non sur celui des cartes-cadeaux mono-enseigne ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que les services offerts par les cartes-cadeaux multi et mono-enseigne étaient « identiques ou similaires », ce dont il résultait que ces cartes étaient substituables ou interchangeables entre elles au sens du droit de la concurrence et qu'elles constituaient un marché unique au regard duquel apprécier la restriction accessoire, la cour d'appel a violé les articles L. 420-1, L. 420-4 du code de commerce et 101, paragraphe 3, TFUE ;

2°) qu'une obligation de non-concurrence constitue l'accessoire de l'opération principale lorsqu'elle est directement liée à la réalisation de celle-ci et qu'elle lui est objectivement nécessaire ; que la cour d'appel a retenu que la société Edenred ne démontrait pas que l'obligation de non-concurrence était objectivement nécessaire à la mise en œuvre de la cession de la société Kadéos, ce même type de clause ayant été conclu avec d'autres enseignes que celles parties au contrat de cession, ce qui démontrait qu'elle ne répondait pas aux préoccupations de ce contrat, à savoir garantir le transfert à la société Accor, mais visait en réalité d'autres objectifs ou excédait celui-ci ; qu'en statuant ainsi, cependant que la société Kadéos ne commercialisant pas d'autres produits ou services que la carte-cadeaux multi-enseignes, la valeur cédée à garantir, au sens du droit des ententes, résidait dans la valeur d'émission de cette carte et le réseau d'enseignes référencées par celle-ci, toutes appartenant au groupe Pinault Printemps Redoute (le groupe PPR) même si elles n'étaient pas toutes directement signataires du contrat de cession, rendant dès lors indispensables les obligations de non-concurrence des sociétés Fnac et Conforama pour garantir le transfert au groupe Accor de la valeur complète de la société Kadéos, la cour d'appel a violé les articles L. 420-1, L. 420-4 du code de commerce et 101, paragraphe 3, TFUE ;

3°) que les obligations de non-concurrence se justifient pour des périodes n'excédant généralement pas cinq ans lorsque la cession de l'entreprise intervient dans le cadre de la scission de l'entité économique du vendeur et le transfert partiel des actifs à l'acquéreur ; que l'arrêt attaqué ayant constaté que la société Kadéos avait été cédée à la société Accor par les sociétés du groupe PPR tandis que ses seules clientes continuaient d'être des enseignes filiales de ce groupe, la cour d'appel, en retenant que la durée communément admise d'une clause de non-concurrence dans le contexte de l'espèce était de trois années cependant qu'elle était en réalité de cinq années maximum, a violé les articles L. 420-1, L. 420-4 du code de commerce et 101, paragraphe 3, TFUE ;

4°) que, subsidiairement, si les obligations de non-concurrence se justifient pour des périodes n'excédant généralement pas trois ans lorsque la cession de l'entreprise inclut la fidélisation de la clientèle sous la forme à la fois du fonds commercial et du savoir-faire, chaque période de non-concurrence doit cependant être appréciée dans le contexte qui lui est propre, en tenant compte de la période nécessaire à l'acquéreur pour consolider la clientèle cédée ; qu'en jugeant excessive la durée de cinq ans non reconductibles de l'obligation de non-concurrence, tout en constatant que le lancement par les sociétés Fnac et Conforama de leurs cartes-cadeaux mono-enseigne en septembre et octobre 2010 avait d'emblée impacté fortement les ventes de la société Kadéos, révélant ainsi l'insuffisance du délai de trois ans qu'elle retenait pour consolider la clientèle cédée, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient, en violation des articles L. 420-1, L. 420-4 du code de commerce et 101, paragraphe 3, TFUE. »

Réponse de la Cour

19. L'arrêt énonce que la notion de restriction accessoire, qui conduit à ne pas appliquer les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce à une situation qui le justifierait, concerne toute disposition directement liée et nécessaire à une opération, dite principale, qui, elle-même, ne constitue pas une restriction de concurrence. Il précise que l'application de cette notion impose, d'une part, que la restriction en cause soit subordonnée, en importance et par un lien évident, à l'opération principale, d'autre part, qu'elle soit objectivement nécessaire et, enfin, qu'elle soit proportionnée à sa réalisation.

20. Après avoir encore rappelé que la communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration, qui constitue un guide d'analyse utile, énonce au point 23 que « [...] les clauses de non-concurrence doivent rester limitées aux produits (y compris leurs versions améliorées ou actualisées et les produits qui les remplacent) et aux services qui constituaient l'activité économique de l'entreprise cédée. [...] La protection contre la concurrence du vendeur sur les marchés de produits ou de services sur lesquels l'entreprise cédée n'était pas active avant la cession n'est pas considérée comme nécessaire », l'arrêt relève que l'opération est intervenue à une date à laquelle seule la carte multi-enseignes était commercialisée par la société Kadéos.

21. L'arrêt rappelle ensuite que la Commission, dans la même communication, précise, au point 19, que « De telles clauses de non-concurrence ne sont cependant justifiées par l'objectif légitime de réalisation de la concentration que dans la mesure où leur durée, leur champ d'application territorial et leur portée matérielle et personnelle n'excèdent pas ce qui est raisonnablement nécessaire à cette fin » et, au point 20, que ces clauses se justifient pour des périodes n'excédant généralement pas trois ans lorsque la cession de l'entreprise inclut la fidélisation de la clientèle sous la forme à la fois du fonds commercial et du savoir-faire.

22. Il retient enfin que la société Edenred, sur laquelle repose la charge de la preuve du caractère proportionné de la clause, ne tente aucunement de démontrer que la durée de cinq ans était justifiée par le montant des investissements réalisés pour la cession, ainsi qu'elle le soutient comme seule explication économique de cette disposition.

23. Par ces énonciations, constatations et appréciations, dont elle a justement déduit que le lien direct avec l'opération de cession n'était pas démontré, dès lors que les cartes mono-enseigne n'existaient pas au moment de la cession, sans qu'importe qu'elles aient présenté des éléments de similitude avec les cartes pluri-enseignes, et considéré, dans le cadre de son appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la société Edenred ne démontrait pas, ainsi qu'il lui incombait, que la durée de la clause qui comportait une obligation de non-concurrence et non des obligations d'achats et de livraisons comme invoqué dans le moyen, était proportionnée à la réalisation de l'opération principale, la cour d'appel a pu, sans encourir le grief de la deuxième branche, rendu inopérant par le rejet des autres griefs, retenir que la clause de non-concurrence contestée ne pouvait être qualifiée de restriction accessoire.

24. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

25. La société Edenred fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°) qu'en application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2790/1999, l'exemption par catégorie bénéficie au fournisseur dont la part de marché ne dépasse pas 30 % du marché pertinent sur lequel il vend les biens ou services contractuels ; que, pour écarter l'exemption automatique de l'article 5 du règlement susvisé concernant les clauses de non-concurrence contractuelles dont la durée est au plus égale à cinq ans, la cour d'appel a retenu que la lettre d'autorisation C2006-06 du ministre chargé de l'économie en date du 17 février 2006 décrivait les positions suivantes : Kadéos ([20-30] % de parts de marché en valeur) et Accentiv ([0-10] %), ce qui conduisait, en additionnant les parts de marché des deux sociétés, à une fourchette de 20-40 % pour Accentiv'Kadéos ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il lui appartenait d'apprécier la position exacte des parties sur le marché au jour de la signature des contrats de partenariat et de vérifier concrètement que leur part de marché était inférieure à 30 % du marché pertinent, et non pas seulement comprise dans une fourchette de 20-40 %, la cour d'appel a privé son arrêt attaqué de base légale au regard des articles 101, paragraphe 3, TFUE, 2, 3 et 5 du règlement (CE) n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 ;

2°) que le bénéfice de l'exemption par catégorie n'est pas perdu pour les aspects verticaux des accords conclus entre entreprises concurrentes ; que la cour d'appel a retenu que le règlement d'exemption par catégorie (CE) n° 2790/1999 ne s'appliquait pas à la pratique concernée, dès lors que celle-ci constituait une entente horizontale dont les effets venaient renforcer ceux d'une entente verticale ; qu'en statuant ainsi, cependant que, l'arrêt attaqué ayant constaté que l'obligation de non-concurrence prévue à l'article 1.1. a. (iii) des contrats de partenariat, interprétée conjointement avec les clauses d'exclusivité de ces contrats et du contrat de cession, présentait, prises toutes ensemble, des restrictions à la fois d'ordre horizontal (émission des cartes-cadeaux mono ou multi-enseignes) et vertical (acceptation et distribution des cartes-cadeaux multi-enseignes), il appartenait à la cour d'appel de procéder à un examen différencié de ces effets verticaux pour apprécier s'ils remplissaient les conditions pour bénéficier d'une exemption catégorielle ; qu'en s'en abstenant, elle a violé l'article 101, paragraphe 3, TFUE, et les articles 2 et 5 du règlement susvisé. »

Réponse de la Cour

26. L'article 2, paragraphe 4, du règlement de la Commission du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dispose que « L'exemption prévue au paragraphe 1 ne s'applique pas aux accords verticaux conclus entre entreprises concurrentes [...] ». L'article 1er de ce règlement précise que, pour son application, sont des « entreprises concurrentes » des fournisseurs actuels ou potentiels sur le même marché de produits.

27. Après avoir relevé que l'interdiction d'émission de cartes-cadeaux mono ou multi-enseignes s'inscrit dans un cadre de relations horizontales de concurrence, puisque les partenaires intervenaient alors sur un même produit, et que les obligations d'exclusivité relatives à l'acceptation et à la distribution de cartes-cadeaux s'inscrivaient dans une relation verticale, l'arrêt retient que le règlement d'exemption n° 2790/1999 ne s'applique pas à la pratique concernée, qui constitue une entente horizontale renforçant une entente verticale.

28. Ayant ainsi fait ressortir que les obligations instaurées dans le cadre d'un accord vertical étaient conclues entre entreprises concurrentes puisqu'elles étaient fournisseurs actuels ou potentiels sur le même marché de produits, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir négligée, a exactement retenu que le règlement d'exemption n° 2790/1999 ne s'appliquait pas à l'accord concerné.

29. Le rejet du premier grief rend sans objet le second, qui manque par le fait qui lui sert de base.

30. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

31. La société Edenred fait encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°) qu'est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique anticoncurrentielle prohibée ; que, pour débouter la société Edenred de ses demandes de condamnation pour violation de l'obligation de non-concurrence et la condamner à restituer les sommes versées au titre des liquidations d'astreintes, la cour d'appel a retenu que les sociétés Kering et Conforama ne demandaient pas la nullité de l'obligation de non-concurrence, mais que l'illicéité de celle-ci au regard du droit des ententes privait néanmoins les décisions de liquidation d'astreintes de leur fondement juridique et faisait obstacle à ce que les sociétés Kering et Conforama soient sanctionnées pour l'avoir violée ; qu'en statuant ainsi, en retenant, implicitement mais nécessairement, que l'obligation de non-concurrence était réputée non écrite cependant qu'elle ne pouvait prononcer une autre sanction que celle de la nullité prévue par les articles L. 420-3 du code de commerce et 101, paragraphe 2, TFUE, la cour d'appel a violé ces textes ;

2°) que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l'inexécution ; que, pour débouter la société Edenred de ses demandes de condamnation pour violation de l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel a retenu que les sociétés Fnac et Conforama ne pouvaient pas être sanctionnées pour avoir violé cette clause jugée illicite au regard du droit des ententes ; qu'en statuant ainsi, cependant que le manquement contractuel invoqué par la société Edenred au soutien de sa demande de condamnation de la Fnac et Conforama, et le préjudice d'exploitation dont elle leur demandait réparation, concernaient tous deux uniquement la distribution des cartes mono-enseigne Fnac et Conforama sur leurs sites Internet et dans leurs magasins respectifs, et non l'émission de ces cartes-cadeaux qu'elle jugeait seule contraire au droit des ententes, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147, en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenus 1103, 1217 et 1231-1, du code civil ;

3°) que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ; que, pour condamner la société Edenred à restituer les sommes versées au titre des liquidations d'astreintes, la cour d'appel a retenu que l'illicéité de l'obligation de non-concurrence au regard du droit des ententes privait les décisions de liquidation d'astreintes de leur fondement juridique ; qu'en statuant ainsi, cependant que la Fnac et Conforama avaient été condamnées sous astreinte à cesser la distribution sur le marché français de leurs cartes mono-enseigne, et non l'émission de celles-ci qui était seule jugée illicite au regard du droit des ententes, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1134, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

32. Ayant, par des motifs vainement critiqués par les premier, deuxième et troisième moyens, retenu le caractère anticoncurrentiel des obligations résultant de l'article 1.1. a (iii) des contrats de partenariat, s'attachant tant à l'émission qu'à la distribution des cartes-cadeaux mono-enseigne, la cour d'appel, bien qu'elle n'ait, à tort, pas prononcé l'annulation de cette clause, en méconnaissance des articles 101, alinéa 2, du TFUE et L. 420-3 du code de commerce, ce qu'elle aurait dû faire en relevant ce moyen d'office après avoir recueilli les observations des parties, a néanmoins, à bon droit, décidé, d'abord, que les sociétés Fnac et Conforama ne pouvaient être sanctionnées pour ne pas avoir respecté la clause de non-concurrence et, ensuite, que les astreintes ainsi que leur liquidation, prononcées sur le fondement de cette clause, étaient dépourvues de fondement juridique, de sorte que les sommes qu'elles avaient payées en exécution des décisions les prononçant devaient leur être restituées.

33. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.