Cass. com., 28 septembre 2004, n° 03-12.023
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Vaissette
Avocat général :
M. Viricelle
Avocats :
SCP Tiffreau, Me Le Prado
Attendu, selon l'arrêt déféré (Nîmes, 19 décembre 2002) que la société Tuilerie et briqueterie du Pont d'Avignon-Marchat Matériaux (TBPA) était titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la Banque Bonasse et avait souscrit un prêt auprès de cette banque en 1995 ; que le 1er juillet 1996, la société Lyonnaise de Banque (la banque) a acquis le fonds de commerce de l'agence d'Avignon de la banque Bonasse, cette cession de fonds comprenant celle des créances et dettes de la banque cédante ; que la société TBPA a été mise en redressement judiciaire le 9 septembre 1998, de même que la société Marchat Matériaux ; que le 14 septembre 1999, le tribunal a ordonné "la jonction des masses actives et passives de ces sociétés" ; que la banque a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire le 26 octobre 1998, au titre du solde débiteur du compte courant et du solde du prêt ; que par ordonnances du 10 juillet 2000, le juge-commissaire a rejeté les créances déclarées ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés TBPA et Marchat Matériaux font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la déclaration de créance de la banque signée par un préposé le 26 octobre 1998, alors, selon le moyen, que seul le représentant légal d'une personne morale peut créer et transmettre le pouvoir de subdéléguer celui de déclarer les créances de celle-ci ; que la banque a déclaré ses deux créances par une déclaration signée de M. X... ; que, pour décider que ce dernier était habilité à procéder à cette déclaration, l'arrêt se fonde sur deux attestations certifiant que ses pouvoirs lui auraient été subdélégués par M. Y..., lui-même étant en droit de subdéléguer ses propres pouvoirs de déclaration de créance en vertu d'une délibération du conseil d'administration de ladite banque en date du 30 novembre 1995 ; qu'en statuant ainsi bien que le conseil d'administration d'une société anonyme ne dispose d'aucun pouvoir de représentation légale de cette société, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 853 du nouveau Code de procédure civile, 175 du décret du 27 décembre 1985 et L. 621-43 du Code de commerce ;
Mais attendu que le conseil d'administration a le pouvoir de nommer un préposé de la société pour déclarer les créances avec ou sans faculté de délégation ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les sociétés TBPA et Marchat Matériaux font encore reproche à l'arrêt d'avoir dit que la banque bénéficiait d'une cession de créance de la banque Bonasse justifiant son action en paiement envers la société TBPA, emprunteur au titre du contrat de prêt conclu le 27 septembre 1995, alors, selon le moyen, que la cession de créance n'est opposable au débiteur cédé que si elle lui a été régulièrement signifiée ; qu'il a été tenu constant que ni la banque Bonasse, prêteur, ni la banque cessionnaire de la créance de remboursement du prêt, n'ont jamais signifié la cession de créance à la société TBPA, de sorte que cette société était bien fondée à soutenir que la banque n'avait pas la qualité de créancier à son égard, et ce d'autant que la société débitrice avait toujours cru que cette seconde banque n'intervenait qu'en tant que gestionnaire de son compte au nom de la banque prêteuse ce qui excluait qu'elle eût pu accepter sans réserve même tacitement la cession de créance ; que, pour rejeter la demande tendant à voir déclarer que la banque n'avait pas la qualité de créancier au titre de ce prêt, la cour s'est bornée à estimer qu'il n'était fait état d'aucun grief causé par le remboursement du prêt à la banque ou par la déclaration au passif de la société TBPA ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1690 du Code civil ;
Mais attendu que si la signification de la cession de créance ou l'acceptation authentique de la cession par le débiteur cédé est en principe nécessaire pour que le cessionnaire puisse opposer au tiers le droit acquis par celui-ci, le défaut d'accomplissement de ces formalités ne rend pas le cessionnaire irrecevable à réclamer au débiteur cédé l'exécution de son obligation quand cette exécution n'est susceptible de faire grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance soit audit débiteur cédé, soit à une autre personne étrangère à la cession ;
que l'arrêt, relevant que la société TBPA, débiteur cédé, n'allègue aucun grief susceptible d'être causé par le fait qu'elle aurait remboursé les sommes dues à la banque après la cession de sa créance par le prêteur, ni par l'action en paiement engagée par la banque cessionnaire par la voie de la déclaration de créance, rejette à juste titre le moyen tiré du défaut de la qualité de créancier de la banque ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu que les sociétés TBPA et Marchat Matériaux font grief à l'arrêt d'avoir ordonné l'admission, à titre privilégié hypothécaire, de la créance de la banque envers la société TBPA, comme suit : 3 758, 11 euros, échue au jour du jugement d'ouverture du redressement judiciaire et 63 887, 03 euros, à échoir en 17 trimestrialités à compter de septembre 1998, intérêts au taux conventionnel de 9, 50 % l'an, hors assurance, compris tels que résultant du tableau d'amortissement joint à l'acte notarié du 27 septembre 1995, alors, selon le moyen :
1°) que la décision statuant sur l'admission d'une créance doit être motivée, une simple affirmation n'équivalant pas à une motivation ; que la société TBPA contestait la créance déclarée par la banque dans la mesure où la somme déclarée correspondait à une créance entièrement échue calculée suivant les modalités prévues en cas de déchéance du terme, en soutenant que la déchéance avait été prononcée à tort, la banque ayant abusivement annulé le paiement de l'échéance du mois de juin 1998 en contrepassant le montant de ce paiement au mois d'août pour prononcer à tort la déchéance du terme ;
que sans se prononcer sur cette contestation, la cour d'appel a admis la créance de la banque pour des montants qui n'ont aucun rapport avec la créance réelle de la banque ; que faute d'avoir motivé sa décision, en ne procédant que par simple affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) que la contestation d'une créance déclarée ne peut porter que sur son existence, sa nature et son montant, le juge-commissaire et la cour d'appel ne pouvant admettre une créance autre que celle ayant été déclarée, toute créance non déclarée étant éteinte ou n'ayant pas d'existence ; que la déclaration de créance de la banque mentionnait au titre du prêt du 27 septembre 1995 la somme de 572 652, 92 francs échue ; qu'en admettant une créance au titre de ce prêt décomposée en une somme de 24 651, 61 francs prétendument échue au jour du jugement d'ouverture et une somme de 419 077, 37 francs à échoir en 17 trimestrialités à compter de septembre 1998, intérêts au taux conventionnel de 9, 50% l'an, hors assurance, compris, tels que résultant du tableau d'amortissement joint à l'acte notarié du 27 septembre 1995, la cour d'appel a admis une créance autre que celle ayant été déclarée ou bien a modifié la créance telle qu'elle avait été déclarée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 51 et 101 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-44 et L. 621-104 du Code de commerce, ensemble l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
3°) que le juge de la vérification des créances ne peut ajouter à la déclaration de créance initiale des éléments qui n'y sont pas indiqués ; que la déclaration de créance de la banque se limitait à déclarer une créance entièrement échue sans porter aucune mention relative aux intérêts contractuels qu'elle aurait pu générer ; qu'en décidant pourtant que la créance de la banque devait être assortie d'un intérêt conventionnel de 9, 50% l'an hors assurance, la cour d'appel a violé les articles 51 et 101 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-44 et L. 621-104 du Code de commerce et l'article 67 du décret du 27 décembre 1985 ;
4°) que l'admission des créances ne peut se faire qu'au seul vu des pièces justificatives jointes à la déclaration de créance ; que la cour d'appel a fixé le mode de calcul des intérêts à échoir à 9, 50 % en se référant à l'acte authentique du 27 septembre 1995 ; qu'en statuant ainsi, bien que cette convention n'était ni visée par le bordereau de déclaration de créance, ni même annexée à celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 51 et 101 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-44 et L. 621-104 du Code de commerce et l'article 67 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu que, répondant aux conclusions prétendument délaissées, l'arrêt retient que l'irrégularité de la déclaration de créance tenant à la présentation des sommes déclarées comme échues alors qu'elles étaient à échoir n'est pas sanctionnée par l'extinction de la créance ; qu'il constate que la somme restant due en capital, ainsi que les intérêts conventionnels avec précision du taux figuraient dans la déclaration de créance, de sorte que la banque avait exprimé de façon non équivoque sa volonté de réclamer des sommes échues et à échoir, outre les intérêts conventionnels ; que se référant légitimement au contrat de prêt qui était versé au débat, peu important le fait que ce contrat n'ait pas été initialement annexé à la déclaration de créance dont la validité n'avait pu en être affectée, la cour d'appel a, par une décision justifiée, tranché la contestation relative à la validité du taux d'intérêt conventionnel sollicité par la banque pour fixer le montant à admettre de la créance litigieuse ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.