Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-17.042
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Nicolas international (SARL)
Défendeur :
Joseph Verdier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Bellino
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SAS Cabinet Colin - Stoclet, SCP Marlange et de La Burgade
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 26 mars 2019), la société Joseph Verdier (la société Verdier), qui commercialise des vins, a fait appel en 2001 à la société Nicolas international (la société Nicolas) pour vendre ses produits en Russie, sans qu'aucun contrat écrit ne soit formalisé.
2. Le 9 octobre 2015, la société Verdier a informé la société Nicolas qu'elle mettait fin à ses relations avec la société Luding, qui représentait 90 % de ses ventes en Russie, à la suite des difficultés rencontrées avec ce client.
3. Estimant que la société Verdier avait rompu le contrat d'agent commercial les liant, la société Nicolas l'a assignée en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité de rupture.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. La société Nicolas fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnités, alors « que le fait pour le mandataire de négocier les contrats au nom et pour le compte du mandant sur les bases établies par ce dernier, y compris pour ce qui concerne les prix et les conditions contractuelles, n'exclut pas la qualification d'agent commercial ; qu'en déduisant de ce que la société Verdier s'est gardé la maîtrise et la détermination des conditions des contrats, en particulier des prix, la conséquence que la société Nicolas ne s'était pas vue confier la négociation des contrats, la cour d'appel a encore violé l'article L. 134-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 134-1, alinéa 1er, du code de commerce, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants :
6. Aux termes de ce texte, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
7. Interprétant l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986, dans son arrêt du 4 juin 2020, Trendsetteuse (C-828/18, points 33 et 34), la CJUE énonce que les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants et que l'accomplissement de ces tâches peut être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération de vente des marchandises pour le compte du commettant, même si l'agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix desdites marchandises. Il résulte de la généralité de ces termes qu'il n'est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial.
8. Pour rejeter les demandes de la société Nicolas, après avoir rappelé que c'est au regard des missions effectivement exécutées par cette dernière que devait être vérifié si elle était chargée de manière permanente de négocier et, éventuellement, de conclure les contrats au nom et pour le compte de la société Verdier, l'arrêt constate qu'il résulte des pièces examinées que la société Verdier n'avait pas confié à la société Nicolas la négociation des contrats avec la société Luding, gardant la maîtrise et le contrôle de la détermination des conditions des contrats et, en particulier, des prix. L'arrêt retient que le fait que la société Verdier ait pu demander à la société Nicolas de se faire remettre les contrats ou de les faire signer et les rapporter s'inscrit dans la mission de présentation des produits et de soutien des relations commerciales de la société Verdier, qui ne se confond pas avec une mission d'agent commercial telle que définie par la loi. L'arrêt ajoute que le fait que la société Nicolas ait assuré le suivi des livraisons et des paiements ne permet pas d'établir l'existence d'un contrat d'agent commercial, pas plus que le fait qu'elle ait amené les relations commerciales de la société Verdier à se développer.
9. En statuant ainsi, en se fondant sur l'impossibilité de la société Nicolas de modifier les conditions des contrats, et en particulier les prix, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt rejetant les demandes d'indemnité de la société Nicolas entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande d'indemnisation pour procédure abusive de la société Verdier, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.