Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-17.701
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Soret (ès qual.), At Ultimum (SARL)
Défendeur :
Loding (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Boisselet
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Le Bret-Desaché, SCP Le Griel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2019), la société Loding, qui a pour activité la vente de chaussures et d'habillement dans le cadre d'un réseau de franchise, a consenti le 18 janvier 2013 à la société AT-Ultimum un contrat de franchise en vue de l'exploitation, sous sa marque, d'un magasin de vente au détail de chaussures, vêtements et accessoires à Quimper. Considérant que la société Loding avait failli à ses obligations en tant que franchiseur, la société AT-Ultimum l'a assignée en annulation du contrat ou, à défaut, en sa résolution.
2. Le 2 octobre 2015, la société AT-Ultimum a été mise en liquidation judiciaire et M. Soret, désigné en qualité de liquidateur, est intervenu volontairement à l'instance.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. Soret, ès qualités, fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité du contrat de franchise concédé par la société Loding, alors « que si le franchiseur a communiqué, par document précontractuel, un prévisionnel de résultats au franchiseur (lire le franchisé), il importe que celui-ci ne soit pas gravement erroné ; qu'en ayant jugé que les chiffres prévisionnels communiqués par la société Loding à la société AT-Ultimum n'apparaissaient pas comme fantaisistes, quand il résultait de ses propres constatations que les résultats obtenus par la franchisée, comme ceux réalisés dans des villes jugées comparables par les juges du second degré, étaient très éloignés de ceux annoncés par le franchiseur, la cour d'appel a violé les articles L. 330-3, R. 330-1 du code de commerce et 1110 ancien du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 330-3 et R. 330-3 du code de commerce :
4. Selon le premier de ces textes, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Selon les seconds, toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause, les comptes prévisionnels éventuellement fournis devant revêtir un caractère sérieux.
5. Pour rejeter la demande d'annulation du contrat de franchise, l'arrêt, après avoir constaté que la société Loding avait fourni à la société AT-Ultimum un document d'information précontractuel comprenant des comptes prévisionnels faisant apparaître, pour les trois premières années d'exploitation du magasin franchisé, des résultats d'exploitation largement positifs cependant que ceux de la société AT-Ultimum ont toujours été négatifs, retient que le seul fait pour cette dernière de ne pas atteindre les objectifs prévisionnels ne peut suffire à démontrer que les chiffres communiqués par la société Loding ne présentaient pas de caractère sérieux, et qu'il ressortait des éléments communiqués par la société AT-Ultimum que les chiffres d'affaires et résultats obtenus par des franchisés implantés dans des villes comparables à Quimper étaient similaires sur les mêmes périodes.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que les résultats de la société AT-Ultimum étaient négatifs de 28 700 euros la première année et de 11 328 euros la deuxième année, inférieurs dans une proportion très importante aux résultats prévisionnels annoncés par la société Loding, soit 27 749 euros la première année et 37 657 euros la deuxième année, et que la quasi-totalité des franchisés cités par M. Soret, implantés dans des villes de tailles diverses, avaient eu, à l'exception de Rennes, peu comparable à Quimper, des résultats faiblement positifs, négatifs, voire lourdement négatifs pour les années considérées malgré des chiffres d'affaires parfois largement supérieurs, ce qui privait de tout caractère sérieux les prévisions communiquées par le franchiseur au franchisé et était, par conséquent, de nature à induire celui-ci en erreur sur la rentabilité du magasin concerné, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande d'annulation du contrat entraîne, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif rejetant la demande subsidiaire de résolution dudit contrat.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,
La Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.