CA Lyon, 6e ch., 6 mai 2021, n° 19/03454
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
Group France Eco Logis (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Allais, Mme Delaby
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Dans le cadre d'un démarchage à domicile, Sébastien H. a passé commande le 28 novembre 2016 de la fourniture, livraison et pose d'une centrale photovoltaïque auprès de la Sarl Group France Eco-Logis.
Le prix de 23 900 euros a été financé au moyen d'un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance (exerçant sous l'enseigne Cetelem), remboursable en 120 échéances mensuelles de 248,61 euros.
La société Group France Eco-Logis a fait procéder par un sous-traitant à l'installation du kit photovoltaïque le 5 janvier 2017 mais a émis une facture acquittée le 30 décembre 2016.
Le prêteur a débloqué les fonds entre les mains du vendeur le 11 janvier 2017 au vu d'une attestation de fin de travaux signée par M. H. en date du 9 janvier 2017.
L'installation n'a pas été raccordée au réseau électrique public, M. H. ayant demandé l'annulation du contrat par lettre du 24 janvier 2017 adressée à la société Group France Eco-Logis.
Par acte d'huissier de justice des 26 décembre 2017 et 2 janvier 2018, M. H. a fait assigner la Sarl Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance à comparaître devant le tribunal d'instance de Villeurbanne.
En dernier lieu, il a demandé au tribunal de :
En principal,
- constater l'exercice de son droit de rétractation le 10 janvier 2017, réitéré le 25 septembre 2017,
- juger en conséquence caduc le bon de commande et de nul effet le contrat de prêt affecté conclu avec la SA BNP Paribas Personal Finance,
- condamner la Sarl Group France Eco-Logis à lui payer, conformément aux dispositions de l'article L 221-14 du code de la consommation, la pénalité prévue par le texte,
- condamner la S.A. BNP Paribas Personal Finance à lui restituer toutes sommes déjà versées au titre du prêt, et juger qu'elle fera son affaire du remboursement du capital versé entre les mains de la Sarl Group France Eco-Logis,
- constater les fautes commises par le prêteur et retenir qu'elles le privent de tout droit à remboursement à son égard,
- condamner enfin solidairement les défenderesses à prendre en charge le coût des travaux de remise en état,
Subsidiairement :
- ordonner la nullité des contrats de vente et de prêt, pour violation des lois régissant le démarchage à domicile pour le contrat de vente,
- condamner la S.A. BNP Paribas Personal Finance à lui restituer toutes sommes déjà versées au titre du prêt, et juger qu'elle fera son affaire du remboursement du capital versé entre les mains de la Sarl Group France Eco-Logis,
- constater les fautes commises par le prêteur et de retenir qu'elles le privent de tout droit à remboursement à son égard,
- condamner enfin solidairement les défenderesses à prendre en charge le coût des travaux de remise en état,
Très subsidiairement :
- ordonner la résolution du contrat de vente au titre de l'inexécution contractuelle imputable à la Sarl Group France Eco-Logis et ordonner la résolution consécutive du contrat de prêt affecté,
- condamner la Sarl Group France Eco-Logis à lui fournir le justificatif de son assurance de responsabilité décennale sous astreinte,
- condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui restituer toutes sommes déjà versées au titre du prêt, et juger qu'elle fera son affaire du remboursement du capital versé entre les mains de la SARL Group France Eco-Logis.
- constater les fautes commises par le prêteur et retenir qu'elles le privent de tout droit à remboursement à son égard,
- condamner enfin solidairement les défenderesses à prendre en charge le coût des travaux de remise en état,
En toute hypothèse :
- condamner solidairement la SARL Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance à lui payer en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2 500 euros, outre les dépens de l'instance,
- débouter les défenderesses de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- ordonner l'exécution provisoire.
La Sarl Group France Eco-Logis s'est opposée aux diverses demandes de M. H. ainsi qu'à la demande de garantie de la société BNP Paribas Personal Finance.
Elle a réclamé la condamnation de M. H. à lui payer 7 500 euros au titre de l'indemnisation de la dépréciation subie et 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA BNP Paribas Personal Finance s'est opposée en principal aux prétentions de M. H..
A titre subsidiaire, elle a réclamé sa condamnation à lui payer la somme de 23 900 euros, déduction faite des règlements effectués au jour du jugement, avec garantie du vendeur.
A titre plus subsidiaire, elle a sollicité la condamnation de la Sarl Group France Eco-Logis à lui payer la somme de 23 900 euros au titre du capital prêté.
En tout état de cause, elle a conclu à la condamnation de M. H. à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement en date du 29 mars 2019, le tribunal d'instance de Villeurbanne a :
- rejeté le moyen tiré de l'exercice de son droit de rétractation par M. H.,
- prononcé la nullité, pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation, du contrat de vente et d'installation d'un kit photovoltaïque conclu le 28 novembre 2016 entre M. H. d'une part et la Sarl Group France Eco-Logís d'autre part,
- constaté, en conséquence, la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté conclu le même jour entre M. H. d'une part et la SA BNP Paribas Personal Finance d'autre part,
- condamné la Sarl Group France Eco-Logis à remettre les lieux en leur état antérieur à la vente,
- dit que M. H. devra maintenir le matériel installé à disposition de la Sarl Group France Eco-Logis pour une reprise dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, faute de quoi le matériel sera considéré comme abandonné,
- débouté la Sarl Group France Eco-Logis de sa demande en paiement de la somme de 7 500.00 euros au titre de la dépréciation du matériel vendu à M. H.,
- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. H. toute somme versée en exécution du contrat de crédit affecté annulé, outre intérêts au taux légal à compter de chaque versement,
- constaté la faute commise par la SA BNP Paribas Personal Finance dans la libération des fonds prêtés et dit que cette faute la prive de son droit au remboursement des dits fonds,
- en conséquence, débouté la « SA Franfinance » de sa demande tendant à la restitution des fonds prêtés après annulation du contrat de prêt,
- débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement de la somme de 23 900 euros formulée à l'encontre de la Sarl Group France Eco-Logis,
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire au présent dispositif,
- débouté la Sarl Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance de leurs demandes en paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la SARL Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. H., en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros,
- condamné la SARL Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance in solidum aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La SA BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 16 mai 2019.
En ses dernières conclusions du 11 septembre 2020, la SA BNP Paribas Personal Finance demande à la Cour ce qui suit, au visa des articles L.111-1, L.221-18, L.221-5, L.221-9, L.312-2 et L.312-56 du code de la consommation, 1224, 1240, 1241, 1338 et 1792 du code civil :
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal d'instance de Villeurbanne, sauf en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'exercice de son droit de rétractation par M. H.,
Par conséquent, statuant nouveau et y ajoutant :
À titre principal,
Juger que le contrat de vente et le contrat de crédit ne sont pas caducs, en l'absence d'exercice régulier par M. H. de son droit de rétractation,
Juger que les conditions de nullité des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies,
Juger que les manquements invoqués au soutien d'une demande de résolution judiciaire du contrat de vente, et donc du contrat de crédit, ne sont pas justifiés et ne constituent en toute hypothèse pas un motif de résolution de contrat,
Juger que la société BNP Paribas Personal Finance n'a commis aucune faute,
En conséquence,
Débouter M. H. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Juger que M. H. sera tenu d'exécuter le contrat de crédit jusqu'au terme.
À titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée,
Juger que l'absence de faute de la société BNP Paribas Personal Finance laisse perdurer les obligations de restitutions réciproques,
Condamner M. H. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 23 900 euros, déduction faite des règlements effectués au jour du « jugement », avec garantie du vendeur,
À titre plus subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute des établissements de crédit retenue,
Débouter M. H. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la Sarl Group France Eco-Logis à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 23 900 euros au titre du capital prêté,
En tout état de cause,
Condamner M. H. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamner le même aux entiers dépens de l'appel.
Par dernières conclusions du 26 mars 2020, Sébastien H. demande à la Cour de statuer comme suit, en visant les articles L.111-1 s. et L.221-1 s. L.311-1 s. L.341-1 et L.312-48 s. et L.242-1 du code de la consommation (rédaction en vigueur au 1er juillet 2016), 1103, 1104 et 1224 du code civil (rédaction postérieure au 1er octobre 2016), et L.243-3 du code de la construction :
- débouter la SA BNP Paribas Personal Finance de son appel comme infondé ainsi que de l'intégralité de ses demandes,
Principalement, confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Subsidiairement, sur la résolution,
- ordonner la résolution du contrat de vente conclu entre Group France Eco-Logis et M. H. au titre de l'inexécution contractuelle imputable à Group France Eco-Logis,
- ordonner la résolution consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre M. H. et BNP Paribas Personal Finance,
Très subsidiairement, sur la caducité,
- constater l'exercice du droit de rétractation de M. H. au titre du bon de commande signé avec Group France Eco-Logis,
- juger que le bon de commande conclu entre M. H. et la société Group France Eco-Logis est caduc,
- juger que le contrat affecté signé avec BNP Paribas Personal Finance est également de nul effet,
- juger qu'en cas d'anéantissement du contrat fondé sur l'exercice du droit de rétractation, la société Group France Eco-Logis sera condamnée en plus à verser à M. H. une indemnité au titre du taux de pénalité applicable selon l'article L.221-24 du code de la consommation,
À savoir :
- majoration de la somme du taux d'intérêt légal entre 0 et 10 jours de retard
- pénalité de 5% entre 10 et 20 jours de retard
- pénalité de 10% entre 20 et 30 jours de retard
- pénalité de 20% entre 30 à 60 jours de retard
- pénalité de 50% entre 60 et 90 jours de retard
- 5% supplémentaire par nouveau mois de retard au-delà,
Par conséquent, en toutes hypothèses,
- condamner BNP Paribas Personal Finance à restituer toute somme d'ores et déjà versées par M. H. au titre de l'emprunt souscrit,
- juger que BNP Paribas Personal Finance fera son affaire du remboursement du capital directement entre les mains de la société Group France Eco-Logis,
- constater les fautes imputables à BNP Paribas Personal Finance,
- priver BNP Paribas Personal Finance de fait de tout droit à remboursement contre M. H. s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Group France Eco-Logis,
Si, par extraordinaire, la faute du prêteur n'était pas retenue, condamner Group France Eco-Logis au paiement de la somme de 23 900 euros correspondant au montant du bon de commande,
- condamner solidairement les sociétés Group France Eco-Logis et BNP Paribas Personal Finance à prendre en charge le coût des travaux remise en état,
- condamner solidairement Group France Eco-Logis et BNP Paribas Personal Finance à payer à M. H. la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître R., avocat, sur son affirmation de droit.
Par dernières conclusions du 2 novembre 2020, la Sarl Group France Eco-Logis, se fondant sur les articles L.111-1 et 121-23 et suivants applicables du code de la consommation et 909 du code de procédure civile, soutient ce qui suit :
À titre principal,
- juger que M. H. n'a pas sollicité la réformation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de caducité fondée sur la rétractation du bon de commande signé le 28 novembre 2016,
- déclarer irrecevables les demandes de M. H. relatives à la rétractation du bon de commande, la caducité et le paiement de pénalités de retard,
- débouter M. H. de toute demande à ce titre,
- confirmer le jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal d'instance de Villeurbanne en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'exercice de son droit de rétractation par M. H.,
- débouter M. H. de sa demande relative à la caducité du bon de commande dans la mesure où il ne fait pas la preuve de l'exercice de son droit à rétractation,
À titre subsidiaire,
Réformer le jugement en ce qu'il a :
- prononcé la nullité, pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation, du contrat de vente et d'installation d'un kit photovoltaïque conclu le 28 novembre 2016 entre M. H. d'une part et la SARL Group France Eco-Logis d'autre part,
- constaté en conséquence la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté conclu le même jour entre M. H. d'une part et la SA BNP Paribas Personal Finance d'autre part,
- condamné la SARL Group France Eco-Logis à remettre les lieux en leur état antérieur à la vente,
- dit que M. H. devra maintenir le matériel installé à disposition de la SARL Group France Eco-Logis pour une reprise dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, faute de quoi le matériel sera considéré comme abandonné,
- juger que la société Group France Eco-Logis a respecté l'ensemble de ses obligations légales,
- constater que le bon de commande de la société Group France Eco-Logis, signé par M. H. le 28 novembre 2016, contient l'ensemble des informations nécessaires à la bonne compréhension par le consommateur,
- juger que le bon de commande respecte les dispositions du code de la consommation,
- juger que l'installation effectuée par la société Group France Eco-Logis est conforme au bon de commande et qu'il n'existe aucun préjudice pour M. H.,
- juger que le contrat liant les parties est parfaitement conforme,
En conséquence,
- débouter M. H. de l'ensemble de leurs demandes,
À titre plus subsidiaire,
- débouter M. H. de sa demande de résolution du contrat dans la mesure où il n'a pas donné suite aux relances de la société et n'a pas effectué les démarches de raccordement qui lui impartissaient,
- juger en toute hypothèse que cette résolution lui incombe pour les mêmes raisons et le condamner à verser à l'entreprise Group France Eco-Logis la somme de 23 900 euros à titre de réparation du préjudice, soit le montant du contrat,
En toute hypothèse,
- constater la confirmation du contrat par M. H.,
En conséquence,
- débouter M. H. de l'ensemble de leurs demandes,
Confirmer le jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal d'instance de Villeurbanne en ce qu'il a débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement de la somme de 23.900 euros formulée à l'encontre de la SARL Group France Eco-Logis,
- débouter la BNP PARIBAS de sa demande de versement de la somme de 23 500 euros à l'encontre de la société Group France Eco-Logis,
Réformer le même jugement en ce qu'il a débouté la SARL Group France Eco-Logis de sa demande en paiement de la somme de 7 500,00 euros au titre de la dépréciation du matériel vendu à M. H.,
- condamner M. H. à verser la somme de 7 500 euros à la société Group France Eco-Logis au titre de l'indemnisation de la dépréciation subie,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance et M. H. de la demande de garantie de remboursement à l'encontre de la société Group France Eco-Logis,
Réformer le même jugement en ce qu'il a :
- débouté la SARL Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance de leurs demandes en paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la SARL Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. H., en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros,
- condamné la SARL Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance in solidum aux dépens,
- condamner M. H. au règlement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2020.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le bon de commande et le contrat de crédit affecté ayant été signés en date du 28 novembre 2016, les articles du code de la consommation visés ci-après s'entendent dans leur rédaction actuelle, issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
Sur la rétractation
M. H. demande en principal la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, ce qui inclut le rejet du moyen tiré de l'exercice de son droit de rétractation. En conséquence, ainsi que le font valoir les autres parties, il est irrecevable en sa demande subsidiaire visant à faire déclarer les contrats caducs à raison de l'exercice de son droit de rétractation.
La Cour n'est pas saisie d'un appel principal ou incident sur cette disposition du jugement qui ne peut qu'être confirmée.
Sur la nullité du contrat de vente
Le tribunal a rappelé que l'article L.221-5 du code de la consommation prévoit que, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 du même code, parmi lesquelles figurent :
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
- le prix de bien ou du service,
- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou exécuter le service.
En l'espèce, le bon de commande prévoit ce qui suit :
- un kit photovoltaïque d'une puissance totale de 3500 Wc « Solarworld »
- un système intégré au bâti - coffret de protection - disjoncteur - parafoudre
- 12 onduleurs « micro-emphase »
- coût de l'installation de l'ensemble inclus
- coût de l'installation du raccordement ERDF pris en charge par France Eco-Logis
- démarches administratives (Mairie, région, ERDF, Consuel). Assurance RC
- la mise en service, le consuel et le raccordement entre le compteur et l'onduleur sont inclus.
- la visite technique.
Il est spécifié un prix global de 23 900 euros dont TVA 20 %.
Contrairement à l'appréciation du premier juge, l'indication « micro emphase » ne correspond pas à une technologie mais se rapporte à la marque de micro-onduleurs Emphase.
Cela étant, la seule indication de la puissance totale et de la marque du 'kit photovoltaïque' est pour le moins insuffisante à décrire le produit vendu, en l'absence d'indication des caractéristiques de cet équipement : le nombre, la surface des panneaux, leur type (mono ou polycristallin) et le modèle dans la marque du fabricant.
Le modèle des micro-onduleurs n'est pas non plus spécifié.
Aucun détail n'est donné quant au prix des équipements et de la main d'œuvre.
Le niveau de l'exigence légale quant à la précision des caractéristiques essentielles du bien et du service doivent nécessairement tenir compte de leur nature et de l'importance de l'engagement financier pour l'acquéreur.
Au stade de la souscription du contrat de vente, rien n'empêchait le vendeur de spécifier les données manquantes, non plus que distinguer les prix des principaux équipements et le coût de la main d'oeuvre. Au demeurant, de nombreuses précisions ont été fournies a posteriori par le bon de livraison et la facture quelques semaines plus tard, ce qui démontre que le vendeur pouvait disposer des données utiles au stade l'établissement du bon de commande.
Le caractère sommaire de ces spécifications est donc délibéré et nullement anodin, en ce qu'il ne permet pas au consommateur de comparer l'offre avec celle des concurrents, en dépit de l'importance de l'investissement pour un particulier et du fait qu'il le conduit à un engagement de dix années de remboursement du crédit. L'imprécision dans la description du produit vendu est un manquement flagrant, à la lettre et à l'esprit des dispositions légales d'ordre public précitées, destinées à garantir un choix éclairé du consommateur.
Au seul regard de ces éléments, sans qu'il y ait lieu de débattre des autres moyens développés par M. H., le bon de commande est affecté de nullité pour violation des dispositions précitées d'ordre public.
De manière générale, la prestation à la charge du vendeur n'est pas suffisamment décrite pour que le consommateur contractant puisse vérifier sa bonne exécution. La signature par M. H. d'une attestation de fin de travaux, désignant le produit livré de manière toujours imprécise, ne caractérise nullement une renonciation de sa part à se prévaloir de la nullité du contrat résultant de l'insuffisance de description du bien vendu.
Par la suite, le courrier adressé le 24 janvier 2017 par M. H. à la société Group France Eco-Logis, s'il énonce de manière confuse une multitude de griefs et d'exigences de pièces, manifeste à tout le moins son refus de passer outre aux causes de nullité du contrat.
En conséquence, le vendeur et le prêteur ne sont pas fondés à soutenir que l'emprunteur a renoncé en connaissance de cause à se prévaloir des chefs de nullité affectant le contrat de vente.
Sur la nullité du contrat de crédit affecté
En application de l'article L.312-55 du code de la consommation, l'annulation du contrat de vente entraîne celle du contrat de crédit en vue duquel il a été conclu. Le contrat souscrit par M. H. auprès de la société BNP Paribas Personal Finance est annulé en conséquence de l'annulation du contrat passé entre M. H. et la société Groupe France Eco Logis.
Sur les conséquences de la nullité du contrat de vente
La nullité du contrat de vente remet les parties dans l'état qui aurait été le leur si elles n'avaient pas contracté. En conséquence, il appartient à la société Group France Eco-Logis de récupérer son matériel en remettant les lieux en l'état à ses frais, compte tenu du fait qu'elle est à l'origine de la nullité du contrat.
Le jugement mérite confirmation en ce qu'il a condamné cette société à remettre les lieux en leur état antérieur à la vente et dit que M. H. devra maintenir le matériel à sa disposition pendant un délai de deux mois, sauf à dire que ce délai partira de la signification du présent arrêt.
La société Group France Eco-Logis est dépourvue de tout fondement de droit à réclamer une indemnité pour dépréciation de son matériel, le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité de 7 500 euros à ce titre.
L'annulation de la vente entraîne l'obligation du vendeur à la restitution du prix, soit entre les mains de l'emprunteur soit, comme il sera dit après, directement entre les mains du prêteur en garantie de l'emprunteur.
Sur les conséquences de la nullité du contrat de crédit
Concernant le contrat de crédit affecté, les dispositions relatives aux intérêts contractuels sont dépourvues d'effet et le prêteur ne peut prétendre qu'à restitution du capital emprunté.
Les fautes commises par le prêteur sont de nature à le priver du droit à restitution du capital. Contrairement à ce que soutient M. H., il ne s'agit pas d'une « sanction prétorienne », laquelle, à la différence des sanctions de privation du droit aux intérêts prévues par les dispositions d'ordre public du code de la consommation, serait dépourvue de tout fondement légal. Il s'agit en réalité de l'application de la responsabilité contractuelle du prêteur lorsque ses fautes ont occasionné un préjudice à l'emprunteur.
En l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance a consenti un contrat de crédit affecté au vu d'un bon de commande particulièrement imprécis quant à la désignation du matériel commandé.
En outre, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de l'exécution de la prestation de services qui doit être complète et le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté son obligation commet une faute.
On ne saurait certes imposer au prêteur de vérifier la bonne exécution de la prestation en tous ses éléments matériels, mais il lui appartient, avant de débloquer les fonds, de s'assurer que le contrat a été entièrement exécuté pour justifier le paiement du vendeur.
Un procès-verbal de fin de travaux, même complété par l'ordre de paiement donné par l'emprunteur, ne peut légitimer le déblocage des fonds si le prêteur a connaissance de l'inachèvement de la prestation contractuelle, contrepartie du prix convenu.
En l'espèce, la prestation de la société Group France Eco-Logis devait comprendre, selon les indications du bon de commande, le raccordement au réseau ERDF et les démarches administratives (Mairie, Consuel, ERDF). La société BNP Paribas Personal Finance n'ignorait pas que la livraison et la pose de l'installation photovoltaïque ne constituait que l'exécution partielle du contrat et qu'en conséquence, en l'absence de spécification contractuelle du paiement d'un acompte à ce stade d'exécution, le client n'était pas tenu de payer le prix correspondant à l'exécution complète du contrat.
Le court délai écoulé entre la signature du bon de commande (28 novembre 2016) et celle de l'attestation de fin de travaux (9 janvier 2017) ne pouvait laisser aucun doute sur le fait que l'installation ne pouvait pas déjà être raccordée et mise en service. Qui plus est, cette attestation, outre qu'elle reste aussi imprécise que le bon de commande quant à la désignation du matériel livré, est d'évidence abusive lorsqu'elle conduit le client à reconnaître que le matériel livré est en parfait état de fonctionnement alors que le défaut de mise en service ne permet pas de vérifier cet état.
L'empressement du prêteur à débloquer les fonds deux jours après l'établissement de cette attestation est d'autant plus fautif que ce déblocage est intervenu sans attendre l'expiration du délai de rétractation du client.
Le déblocage prématuré des fonds cause un préjudice à l'emprunteur lorsqu'il le prive de la possibilité de retenir le paiement du prix jusqu'à l'exécution complète des obligations du vendeur. Toutefois, dans le cas présent, ce défaut d'exécution est le fait de M. H. qui s'est opposé à la poursuite de l'exécution du contrat et l'intéressé ne subit pas de préjudice puisque le prix lui sera restitué par le vendeur.
En conséquence, le jugement est réformé en ce qu'il prive la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de restitution du capital prêté. M. H. est condamné à rembourser au prêteur le capital emprunté de 23 900 euros.
De son côté, le prêteur est condamné à restituer les sommes perçues dans le cadre de l'exécution du contrat mais il n'y a pas lieu d'ajouter des intérêts légaux à compter des règlements.
Conformément aux dispositions de l'article L.312-56 du code de la consommation, la société BNP Paribas Personal Finance est fondée à voir la société Group France Eco-Logis condamnée à garantir M. H. du remboursement du capital prêté.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu des manquements respectifs du vendeur et du prêteur, c'est à bon droit que le tribunal les a condamnés solidairement à supporter les dépens de première instance et le paiement à M. H. d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Group France Eco-Logis, partie perdante, supporte les dépens d'appel, conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés et doit indemniser M. H. de ses propres frais à hauteur de 2 000 euros, en sus de l'indemnité de 1 000 euros allouée par le premier juge.
Il n'y pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société BNP Paribas Personal Finance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement prononcé le 29 mars 2019 par le tribunal d'instance de Villeurbanne en ce qu'il a :
- rejeté le moyen tiré de l'exercice de son droit de rétractation par M. H.,
- prononcé la nullité, pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation, du contrat de vente et d'installation d'un kit photovoltaïque conclu le 28 novembre 2016 entre M. H. d'une part et la Sarl Group France Eco-Logís d'autre part,
- constaté, en conséquence, la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté conclu le même jour entre M. H. d'une part et la SA BNP Paribas Personal Finance d'autre part,
- condamné la Sarl Group France Eco-Logis à remettre les lieux en leur état antérieur à la vente,
- dit que M. H. devra maintenir le matériel installé à disposition de la Sarl Group France Eco-Logis pour une reprise dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, faute de quoi le matériel sera considéré comme abandonné,
- débouté la Sarl Group France Eco-Logis de sa demande en paiement de la somme de 7 500,00 euros au titre de la dépréciation du matériel vendu à M. H.,
- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. H. toute somme versée en exécution du contrat de crédit affecté annulé,
- condamné solidairement la SARL Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. H., en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros,
- débouté la Sarl Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance de leurs demandes en paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- et condamné la SARL Group France Eco-Logis et la SA BNP Paribas Personal Finance in solidum aux dépens,
Réforme le jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau,
Condamne Sébastien H. à rembourser à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 23 900 euros,
Condamne la SARL Group France Eco-Logis à garantir Sébastien H. du paiement de cette somme,
Condamne la SARL Group France Eco-Logis aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me R. en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Group France Eco-Logis à payer à Sébastien H. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.