Cass. com., 24 janvier 2006, n° 04-19.061
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Soury
Avocats :
Me Copper-Royer, SCP Célice, Blancpain et Soltner
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2004), rendu en matière de référé, que par jugement du 14 novembre 2001, la SCI du domaine Michel Pacha (la SCI Pacha) a été condamnée à payer à la société CDR Créances (la société CDR) une certaine somme en remboursement d'emprunts ; que la SCI Pacha a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, respectivement les 9 janvier et 5 juin 2003 ; que la société CDR a déclaré sa créance et obtenu, par ordonnance de référé du 22 septembre 2003, la condamnation de la SCI Azur Investissement, actionnaire à 99% de la SCI Pacha, à lui payer une provision ; que la SCI Azur Investissement a été mise en liquidation judiciaire le 6 novembre 2003 ; que la société CDR a assigné en référé la SCI Azur Investissement Holding, associée détentrice de 50% du capital social de la SCI Azur Investissement, en paiement d'une provision sur le fondement de l'article 1858 du Code civil ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X..., liquidateur de la SCI Azur Investissement Holding, fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société CDR, alors, selon le moyen, que le liquidateur auquel sont dévolues les fonctions du représentant de ceux-ci a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêts des créanciers ; que le liquidateur a donc seul qualité pour agir au nom des créanciers d'une société civile pour recouvrer le montant des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital ; qu'en conséquence, seul M. X..., liquidateur des sociétés mises en liquidation judiciaire à la demande de la société CDR, avait qualité pour agir au nom des créanciers ; qu'en déclarant dès lors recevable l'action de la société CDR qui se prévalait du préjudice collectif subi par les créanciers, la cour d'appel a violé par refus d'application les dispositions d'ordre public des articles L. 622-4 et L. 621-39 du Code de commerce ;
Mais attendu que les associés d'une socété civile demeurent tenus personnellement à l'égard des créanciers sociaux même en cas de procédure collective de cette société ; que, dès lors, ni le représentant des créanciers de cette société, ni, en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur, n'ont qualité pour exercer l'action ouverte par l'article 1857 du Code civil à chacun des créanciers contre les associés ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X..., liquidateur de la SCI Azur Investissement Holding, fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°) que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé d'une société civile qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ; que la SCI Azur investissement détient 99% des parts de la SCI du domaine Michel Pacha ; que le premier juge a pu constater que les opérations de liquidation de deux SCI dont cette dernière est associée principale venaient de commencer et que la SCI du domaine Michel Pacha disposait d'un patrimoine immobilier évalué à plus de cinq millions d'euros ; que pour condamner la SCI Azur Investissement Holding à payer à la société CDR une provision de 2 813 321,77 euros, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que cette dernière disposait d'un titre contre la SCI Azur Investissement qui ne disposait d'aucun actif et que l'incertitude subsistant quant à la valeur du patrimoine était indifférente à l'appréciation de la demande de la société CDR ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à établir que les poursuites exercées préalablement à l'encontre de la SCI Azur Investissement avaient été vaines du fait de l'insuffisance de son patrimoine social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1858 du Code civil et 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
2°) qu'en toute occurrence, les créanciers d'une société faisant l'objet d'une procédure collective ne peuvent poursuivre ses associés que si leur créance a été produite et admise, pour établir que l'actif social est insuffisant pour les désintéresser ; qu'en se bornant à énoncer que la société CDR avait déclaré sa créance auprès du représentant des créanciers de la SCI Azur Investissement, sans constater que cette créance avait été admise pour pouvoir en déduire que le patrimoine social de la SCI était insuffisant pour désintéresser la société CDR, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1858 du Code civil et 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la société CDR bénéficiait à l'encontre de la SCI Azur Investissement d'un titre constatant une créance dont elle avait préservé l'existence et le caractère exécutoire par la déclaration qu'elle en avait faite auprès du représentant des créanciers de cette SCI, l'arrêt relève que toute poursuite préalable à l'encontre de cette dernière, qui ne disposait d'aucun actif disponible, avait été vaine ; qu'en l'état de ses appréciations et énonciations, la cour d'appel a pu retenir que la demande de paiement d'une provision dirigée contre son associée, la SCI Azur Investissement Holding, qui n'était pas subordonnée à la preuve de l'admission de la créance, ne se heurtait à aucune contestation sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.