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Décisions

Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-22.707

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Everblue France (Sasu)

Défendeur :

La Jardinerie de l'Atelier du Paysage - Piscines et Traditions 38 (SARL), Evasiom (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Bessaud

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Toulouse, 2e ch., du 15 mai 2019

15 mai 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 mai 2019), la société Everblue PMA, devenue Everblue France (la société Everblue), qui fabrique et distribue des piscines et produits d'entretien par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs, a conclu avec la société La Jardinerie de l'atelier du paysage - Piscines et traditions 38 (la société Jardinerie), les 16 octobre 2001 et 1er avril 2002, un contrat de distribution exclusive d'une durée déterminée, renouvelable par tacite reconduction tous les deux ans.

2. La société VBIAS - Piscines et traditions 26, devenue Evasiom (la société Evasiom), créée postérieurement, a également conclu avec la société Everblue un contrat de distribution sélective, non formalisé par un écrit.

3. Par lettre du 17 décembre 2014, la société Everblue a notifié la résiliation de ces contrats de distribution avec effet immédiat.

4. Les distributeurs ont contesté la rupture, l'estimant abusive, et ont mis en demeure la société Everblue de reprendre leurs stocks et de leur rembourser diverses sommes, ce que la société Everblue a refusé.

5. Le 7 décembre 2015, les sociétés Jardinerie et Evasiom ont assigné la société Everblue devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement de diverses sommes dues, selon elles, au titre de la reprise contractuelle de leurs stocks ainsi que des frais y afférents et de dommages-intérêts, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation de leurs préjudices résultant de la rupture abusive des contrats.

6. A titre reconventionnel, la société Everblue a formé une demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. La société Everblue fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes fondées sur une concurrence déloyale ou parasitaire de la société Jardinerie et de la société Evasiom, alors « qu'il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un préjudice, fût-il seulement moral ; que, pour débouter la société Everblue de ses demandes fondées sur une concurrence déloyale ou parasitaire, la cour d'appel a énoncé qu'il revenait à la société Jardinerie et à la société Evasiom de faire supprimer de leurs sites respectifs les photographies de leurs points de vente à proximité desquels apparaissait l'enseigne « Everblue », dont ils savaient ne plus pouvoir faire usage, mais qu'il n'est en rien démontré qu'un quelconque préjudice ait pu résulter de la seule présence d'une image figurant sur le site de l'ancien distributeur rappelant son appartenance au réseau dont il ne faisait plus partie depuis deux ans ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il s'inférait nécessairement de l'acte de concurrence déloyale qu'elle constatait l'existence d'un préjudice, fût-il seulement moral, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

9. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

10. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Everblue, l'arrêt retient qu'il revenait aux anciens distributeurs de faire supprimer de leurs sites internet respectifs les photographies de leurs points de vente à proximité desquels apparaissait l'enseigne « Everblue », dont ils savaient ne plus pouvoir faire usage mais que cette mise à jour a été effectuée après que sa nécessité leur a été signalée et qu'il n'est en rien démontré qu'un quelconque préjudice ait pu résulter de la seule présence d'une image figurant sur le site de l'ancien distributeur rappelant son appartenance au réseau dont il ne faisait plus partie depuis deux ans.

11. En statuant ainsi, alors qu'il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Les sociétés Jardinerie et Evasiom font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes fondées sur la rupture des relations commerciales et tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture, d'investissements engagés courant 2014 et de l'achat d'un logiciel de gestion dédié au réseau Everblue, alors « que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que dans leurs conclusions du 13 février 2019 visées par la cour d'appel, les sociétés La jardinerie de l'atelier du paysage et Evasiom se fondaient sur les règles de la responsabilité contractuelle pour demander, au visa des « articles 1134, 1146 et suivants, 1153 et suivants du code civil », dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la réparation des préjudices nés de la rupture abusive de leurs relations avec la société Everblue ; qu'en regardant ces demandes comme fondées sur l'article L. 442-6, I, 5° , du code de commerce, instaurant une responsabilité délictuelle au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, pour en déduire qu'elles relevaient exclusivement du pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Bordeaux et de la cour d'appel de Paris, la cour d'appel de Toulouse a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. La société Everblue soutient que le moyen est irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait et de droit.

14. Cependant, né de la décision attaquée, le moyen est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

15. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

16. Pour déclarer irrecevables les demandes de dommages-intérêts formées par les sociétés Jardinerie et Evasiom, l'arrêt énonce que l'article L. 442-6, III du code de commerce sanctionne par une fin de non-recevoir les demandes présentées au titre d'une rupture abusive de relations contractuelles établies devant une juridiction autre que celles désignées par l'article D. 442-4 issu du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 comme étant les seules amenées à connaître de ces litiges et que seuls le tribunal de Bordeaux et la cour d'appel de Paris ont et avaient une compétence pour en connaître.

17. En statuant ainsi, alors que, dans leur assignation et leurs conclusions, les sociétés Jardinerie et Evasiom s'étaient fondées sur les règles de la responsabilité contractuelle pour demander, au visa des articles 1134, 1146 et suivants, 1153 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la réparation des préjudices nés de la rupture abusive de leurs relations avec la société Everblue, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, infirmant le jugement, il déclare irrecevables les demandes de la société La Jardinerie de l'atelier du paysage - Piscines et traditions 38 et de la société VBIAS - Piscines et traditions 26, devenue Evasiom, fondées sur la rupture abusive des relations commerciales et tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture, d'investissements engagés courant 2014 et de l'achat d'un logiciel de gestion dédié au réseau Everblue et en ce que, d'autre part, il déboute la société Everblue PMA, de sa demande d'indemnisation pour concurrence déloyale et parasitaire, l'arrêt rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.