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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 12 mai 2021, n° 21/02163

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Roche (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l’Economie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ienne-Berthelot

Avocats :

Me Hardouin, Me Thill-Tayara, Me Bary

CA Paris n° 21/02163

12 mai 2021

Par assignation en référé enregistrée au greffe de la Cour d'appel de PARIS (Chambre 5-15) le 5 février 2021, la société ROCHE SAS a déposé une demande, sur le fondement des articles L. 464-8 et R. 464-22 du code de commerce, suite à la décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

Par la décision susmentionnée, l'Autorité a condamné, à hauteur de 444 millions d'euros, plusieurs sociétés du groupe NOVARTIS et du groupe ROCHE, dont la société ROCHE SAS, pour avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (ci-après DMLA) exsudative, en mettant en œuvre plusieurs pratiques contraires aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).

Le 15 octobre 2020 les sociétés du groupe ROCHE ont formé un recours contre cette décision devant la Cour d'appel de PARIS.

Il ressortait des éléments du dossier que le groupe ROCHE a notamment été sanctionné au titre du grief n° 2 pour avoir diffusé, à l'instar de NOVARTIS et GENENTECH, un discours alarmiste, voire trompeur, sur les risques liés à l'utilisation d'AVASTIN sur les marchés français du traitement de la DMLA exsudative par anti-VEGF et des autres indications oculaires traitées par anti-VEGF.

La décision de l’ADLC est composée de 4 articles, dont l’article 4 inflige des sanctions pécuniaires aux sociétés du groupe ROCHE à hauteur de 59,7 millions d'euros.

Dans son assignation enregistrée le 5 février 2021, visant les articles L. 464-8 et R. 464-22, la société ROCHE SAS demande, à titre principal, qu'il soit enjoint à l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) de cesser toute publication relative à sa décision n° 20-D-11 en date du 9 septembre 2020 et, à titre subsidiaire, qu'il lui soit enjoint, d'une part, de mentionner dans toute déclaration relative à cette décision l'existence d'un recours pendant devant la cour d'appel de Paris et, d'autre part, de « s'abstenir d'initier toute démarche, courrier ou autre forme de communication adressée à des tiers spécifiquement ciblés ».

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 24 mars 2021 et mise en délibéré pour être rendue le 12 mai 2021.

Par assignation du 5 février 2021 et par conclusions en réplique déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 22 mars 2021, la société demanderesse fait valoir :

La présente assignation a pour objet de faire cesser le trouble grave et manifestement illicite qui découle de la communication biaisée et trompeuse - sans précédent à ce jour - mise en œuvre par l’Autorité de la concurrence au détriment de Roche et des autres sociétés du groupe Roche sanctionnées dans le cadre de la décision de l’Autorité du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la DMLA. Ces pratiques de l’Autorité, dépourvues de toute base légale et manifestement disproportionnées à tout objectif d’information du public, portent gravement atteinte à l’image et aux intérêts financiers du groupe Roche, elles portent atteinte à la présomption d’innocence de Roche alors que la sanction prononcée par l’Autorité dans le cadre de la décision n’est pas définitive. Il appartient à la Cour, statuant en référé, de mettre fin à de telles pratiques.

I Rappel des faits et de la procédure :

Par sa décision, l’Autorité a condamné les sociétés du groupe Novartis ainsi que Roche, sa société mère Roche Holding AG et sa société sœur Genentech Inc, pour des pratiques qu’elle a choisi de qualifier d’abus de position dominante sur le marché français du traitement de la DMLA. L’Autorité a imposé une amende totale de 385,1 millions d’euros au groupe Novartis et 59,7 millions d’euros au groupe Roche (décision contre laquelle un appel a été interjeté). En parallèle, l’Autorité a publié sur son site internet, comme c’est l’usage, le texte intégral de la décision ainsi qu’un communiqué de presse en résumant le contenu. Ceci n’est pas contesté. Il est précisé qu'il n'est pas fait grief à l'Autorité de la publication du texte intégral de la décision sur son site internet, conformément à l'article D. 464-8-1 du code de commerce. Mais l’Autorité a également publié en français et en anglais une vidéo de 1mn 40s, sur différents réseaux sociaux et dans différents médias, censée résumer le contenu de cette décision, mode de communication de l’Autorité par ailleurs inhabituel. Cette vidéo qui comporte de nombreux raccourcis et approximations omet des éléments essentiels à la bonne compréhension par le public de la portée de la décision. Roche a mis en demeure le 17 septembre l’Autorité de retirer la vidéo, ce qu’elle a refusé de faire. Le 5 janvier, l’Autorité a adressé au syndicat représentatif des entreprises du médicament un courrier visant à porter à son attention la décision de l’ADLC, laissant entendre que les pratiques visées se poursuivraient encore aujourd’hui.

II Exposé des moyens :

Ainsi, la communication adoptée par l’Autorité en ce qui concerne la Décision constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient à la Cour d’appel de Paris de remédier.

A – Sur la compétence de la Cour d'appel de Paris

Il est soutenu que la communication de l'Autorité relative à la décision est indissociable de la décision elle-même et constitue, en réalité, une sanction complémentaire, non prévue par les textes, qui s'ajoute à la sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de ROCHE et NOVARTIS.

Aux termes de l'article L. 464-8, alinéa 2 du code de commerce, « le premier président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ». Il en découle que la Cour d'appel de Paris est a fortiori compétente pour toute question concernant une difficulté d'exécution suivant l'adoption et la publication par l'Autorité d'une décision de sanction. Il est cité une décision du Tribunal des conflits en date du 5 octobre 2020 à l'appui de cette argumentation.

En l'espèce, s'agissant d'une difficulté d'exécution (et même d'une sanction complémentaire) indissociable de la décision elle-même, la compétence de la Cour d'appel de Paris ne saurait être contestée.

Il est argué que la jurisprudence citée par l'Autorité est inopérante au cas présent, dès lors que la question a été tranchée postérieurement par la décision du Tribunal des conflits susvisée.

B – Sur la recevabilité des demandes en référé formulées par ROCHE

Contrairement à ce qu'affirme l'Autorité, les demandes de ROCHE portent bien sur une difficulté d'exécution de la décision, dans la mesure où les agissements de l'Autorité ajoutent à celle-ci une sanction qu'elle ne prévoit pas, et qui a ainsi échappé à tout débat contradictoire. Il est souligné que l'arrêt du Tribunal des conflits susmentionné a confirmé la possibilité de contester l'absence d'injonction, dans la décision, dont la société demanderesse serait recevable à demander la suspension.

Par ailleurs, l'assignation intervient bien à la suite de « faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité », constitués par la décision de l'Autorité d'adresser le 5 janvier 2020 un courrier spécifique au syndicat représentatif des entreprises du médicament, le « LEEM ».

En tout état de cause, la demanderesse soutient que son assignation n'est pas uniquement une « assignation aux fins de sursis à exécution de la décision n° 20-D-11 », mais bien une assignation aux fins de faire cesser le trouble grave et manifestement illicite créé par la communication de l'Autorité relative à la décision, indissociable de celle-ci et qui constitue de facto une sanction complémentaire imposée à Roche dans le cadre de la décision.

Dans ces conditions, les demandes de ROCHE sont formulées non seulement au visa des articles L. 464-8 et R. 464-22 du code de commerce mais également au visa des articles 834 à 837 du code de procédure civile. Or l’article 835 du Code de procédure civile al 1er dispose « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Selon une jurisprudence constante, l'existence, pour le droit de la concurrence, de textes spécifiques ne prive pas d'application l'article 835 du code de procédure civile. Dans ces conditions, dès lors qu’il a été démontré que les demandes formulées par la requérante rentrent dans le champ de compétence de la Cour d’appel de Paris, l’article 835 trouve à s’appliquer sans restriction. Le premier président de ladite cour dispose des pouvoirs les plus étendus pour faire cesser le trouble manifestement illicite causé par la communication de l’Autorité relative à la décision.

Par conséquent, les demandes de ROCHE sont recevables.

C – Sur l'imposition d'une sanction complémentaire illégale, qui porte une atteinte disproportionnée aux droits de ROCHE

La communication de l'Autorité constitue une sanction complémentaire dépourvue de toute base légale

Aux termes de l'article L. 464-2, I alinéa 5 du code de commerce, l'Autorité peut, à titre de sanction complémentaire, « ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise ». La publicité donnée à une décision de l'Autorité au-delà du site internet de cette dernière constitue donc bien une sanction administrative.

A ce titre, l’injonction de publication visée par l’article L. 464-2 doit être prévue par le dispositif de la décision et motivée.

Au cas présent, l'Autorité a choisi de ne pas avoir recours à la faculté prévue par l'article L. 462- 2, I, alinéa 5 du code de commerce mais a, en revanche, relayé dans la presse traditionnelle et spécialisée ainsi que sur les réseaux sociaux et directement auprès de tiers pourtant non concernés par les pratiques en cause, le contenu de la décision, en en présentant, de surcroît, certains aspects de manière tronquée ou incomplète. Il est soutenu qu'une telle communication porte gravement atteinte à l'image de ROCHE et, potentiellement, à ses intérêts financiers, d'autant qu'elle est actuellement en train de préparer son entrée sur le marché du traitement des affections ophtalmiques en FRANCE.

Dans ces conditions, l'absence totale de base légale pour l'imposition à ROCHE, par l'Autorité, d'une sanction complémentaire non prévue par les textes, non motivée et qui crée pour l'entreprise un dommage grave et persistant, caractérise l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile. Il est demandé donc d'enjoindre à l'Autorité de mettre fin à sa communication sur la décision dans les plus brefs délais.

La communication de l'Autorité est disproportionnée et cause un préjudice grave à ROCHE Il est fait valoir que la communication adoptée par l'Autorité est, en tout état de cause, gravement disproportionnée et cause à ROCHE un préjudice grave et irréparable. Il découle en effet de la jurisprudence qu'il appartient à l'Autorité de veiller à adapter sa communication à l'ampleur et la nature de la pratique sanctionnée, et de mentionner l'existence d'un recours le cas échéant. La Cour d'appel de Paris a également précisé que le résumé d'une décision de l'Autorité ne peut être spécifiquement adressé « à des personnes qui ne sont pas directement concernées par les pratiques dont il s'agit ».

Or, en l'espèce, la communication de l'Autorité – au-delà même de son absence de toute base légale – présente un caractère manifestement excessif, de par son ampleur d'une part et son contenu, d'autre part.

En effet, ladite communication vise tous les supports : presse traditionnelle, presse spécialisée, réseaux sociaux (Twitter, LinkedIn), plateforme vidéo (YouTube), conférences et podcast, et même courriers directement adressés à certains acteurs du secteur pharmaceutique. Elle ne présente d'ailleurs aucune limite dans le temps puisque près de quatre mois après l'adoption de la décision, l'Autorité continuait à communiquer activement sur celle-ci. En outre, ces communications contiennent de nombreuses omissions de nature à donner au public une vision faussée des éléments de fait ayant donnée lieu à la décision. Ainsi, par exemple, il est omis de rappeler que les faits visés par la décision, à supposer même qu'ils soient avérés, ont pris fin en 2013 et qu'aucune violation du droit de la concurrence n'est reprochée aux entreprises en cause depuis cette date. Il est argué que la présentation de l'Autorité est également trompeuse en ce qui concerne la différence de prix entre AVASTIN et LUCENTIS (et donc l'atteinte aux finances publiques qui pourrait résulter de l'infraction alléguée).

En tout état de cause, en l'espèce, deux éléments devraient, à eux seuls, entraîner la sanction par la Cour de la stratégie de communication de l'Autorité, au vu des précédents applicables. -Premièrement, aucune des communications de l'Autorité concernant la décision ne mentionne que cette décision est frappée d'un appel, alors même que le recours de ROCHE a été formé le 6 octobre 2020. Contrairement aux allégations de l'Autorité, ces communications ne renvoient pas davantage vers la page du site de l'Autorité qui, seule, fait mention de l'existence du recours. - Deuxièmement, le courrier de l'Autorité adressé au LEEM vise une organisation professionnelle qui n'est pas « directement concernée » par les pratiques relevées par la décision, puisque le LEEM n'est ni un client, ni un partenaire commercial de ROCHE et NOVARTIS, et n'est pas concerné par les pratiques portées à sa connaissance, dont il n'est pas allégué qu'elles aient eu lieu sous son égide ou en son sein. Au regard de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris susvisée, cette communication apparaît donc clairement injustifiée. Par conséquent, il est demandé d'enjoindre à l'Autorité de cesser toute communication relative à la décision.

D – Sur la violation de la présomption d'innocence dont bénéficie ROCHE

Il ressort de l'article 9-1 du code civil le droit de chaque personne au respect de la présomption d'innocence.

En l'espèce, la présentation par l'Autorité, dans l'ensemble de ses communications, des constats d'infractions relevés par la décision comme des faits avérés et définitifs, alors même que cette décision est frappée d'appel (ce qu'aucune de ces communications ne rappelle) et que la présentation de l'Autorité ne reprend aucun des arguments présentés en défense par ROCHE, doit être considérée comme une atteinte à la présomption d'innocence de l'entreprise.

Dans ces conditions, l'existence d'un trouble manifestement illicite est à nouveau caractérisée. Il est donc demandé d'enjoindre à l'Autorité de cesser toute communication relative à la décision.

E – Sur la violation par l'Autorité de son obligation de discrétion et du devoir de réserve, portant atteinte aux droits de la défense de ROCHE

Il est soutenu que la stratégie de communication adoptée par l'Autorité constitue également une violation manifeste de l'obligation de discrétion et du devoir de réserve qui s'imposent à l'ensemble de ses agents et membres du Collège, prévus par l'article 9 de la loi du 20 janvier 2017 et dont la portée est précisée par la Charte de déontologie de l'Autorité.

Il est fait valoir que non seulement l'Autorité ne s'est pas abstenue de prises de position publiques nombreuses et répétées sur les questions ayant fait l'objet de sa décision, sur tout support et en ciblant spécifiquement des tiers non concernés par les pratiques en cause, mais le contenu de ses déclarations, loin de contribuer à une bonne information du public sur la décision, est au contraire biaisé et de nature à gravement induire en erreur les tiers qui y sont confrontés.

De surcroît, l'ensemble de ces déclarations intervient alors que l'Autorité est, en application de l'article R. 464-11 du code de commerce, partie au recours pendant devant la Cour d'appel de Paris et visant, à la demande de ROCHE, l'annulation et subsidiairement la réformation de la décision.

Dans un tel contexte, dont elles ne font pourtant pas mention, ces déclarations sont nécessairement de nature à porter gravement atteinte aux droits de la défense de ROCHE dans le cadre de la procédure d'appel en cours. Dans ces conditions, il sera donc enjoint à l'Autorité de cesser toute communication relative à la décision.

En conclusion, il est demandé de :

- juger que la communication de l'Autorité de la concurrence portant sur sa décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) constitue une sanction complémentaire non prévue par les textes à l'encontre des entreprises mises en cause et doit donc être considérée comme manifestement illégale ;

- juger en outre que cette communication présente un caractère manifestement disproportionné qui porte gravement atteinte aux intérêts de la société ROCHE SAS ;

- juger que cette communication porte également atteinte à la présomption d'innocence de ROCHE SAS, ROCHE HOLDING et GENETECH Inc. Dans le cadre du recours formé le 15 octobre 2020 devant la Cour d'appel de Paris aux fins d'annulation et, subsidiairement, de réformation de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), et constitue de ce fait un trouble manifestement illicite ;

- juger que cette communication constitue enfin une violation, par les agents et membres du collège de l'Autorité de la concurrence, de leur obligation de discrétion et de leur devoir de réserve qui porte une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense de ROCHE SAS, ROCHE HOLDING et GENETECH Inc. Dans le cadre du recours formé le 15 octobre 2020 devant la Cour d'appel de Paris aux fins d'annulation et, subsidiairement, de réformation de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ;

Le cas échéant,

- ordonner la production par l'Autorité de la concurrence de l'ensemble des courriers envoyés à des tiers pour les informer sur l'existence et le contenu de sa décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ;

En conséquence, à titre principal,

- enjoindre à l'Autorité de la concurrence de cesser toute communication relative à sa décision n° 20-D-1 du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), quelle que soit la forme et le support de cette communication, dès lors que celle-ci excède la mention de cette décision dans le cadre de la présentation au public, par l'Autorité, de son activité, au moins tant que la décision n'est pas devenue définitive ;

A titre subsidiaire et en tout état de cause,

- enjoindre à l'Autorité de la concurrence de mentionner, dans toute communication relative à sa décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), quelle que soit la forme et le support de cette communication, l'existence d'un recours pendant contre cette décision devant la Cour d'appel de Paris ; -enjoindre à l'Autorité de la concurrence de s'abstenir d'initier toute démarche, courrier ou autre forme de communication adressée à des tiers spécifiquement ciblés et relatif à sa décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ;

En tout état de cause,

- condamner l'Autorité de la concurrence à la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société ROCHE SAS a fait parvenir le 30 mars 2021 une note en délibéré concernant la question de l’applicabilité de l’article 835 du Code de procédure civile évoquée à l’audience du 24 mars 2021. Elle argue que le recours aux différents textes précités n’est pas nécessaire dès lors que la demande de Roche découle de la compétence reconnue par le Tribunal des conflits à la Cour d’appel de Paris dans tous les cas qui mettent en jeu un acte indissociable d’une décision de l’Autorité. Il est proposé à la présidente de réouvrir les débats sur ce point ou de solliciter la Cour de Cassation pour avis suivant la procédure des articles 1031-1 et SS du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 17 mars 2021, l'Autorité de la concurrence fait valoir :

I - A titre liminaire, sur les principes applicables en matière de publications des décisions de l'Autorité

Il résulte des dispositions de l'article L. 490-11 du code de commerce que les décisions de l'Autorité sanctionnant des pratiques anticoncurrentielles, prises sur le fondement de l'article L. 464-2 du même code, doivent être rendues publiques. Cette obligation de publication qui incombe à l’autorité tient compte à la fois de l’intérêt public qui s’attache à la publication de la motivation de ses décisions et de la protection du secret des affaires (art D. 464-8-1 du code de commerce).

Il est soutenu que les modalités selon lesquelles l'Autorité assure, sur le fondement des dispositions susvisées, la publicité de ses décisions de sanction doivent être distinguées des injonctions de publication qu'elle peut être amenée à prononcer, le cas échéant, sur le fondement de l'article L. 464-2, I, 5° alinéa du code de commerce.

En effet, l'injonction de publication constitue une sanction qui s'impose à l'entreprise et crée une obligation qui pèse sur elle – procéder à une publication à ses frais, selon les modalités définies par l'Autorité. Cette sanction ne peut découler que de la décision elle-même et est soumise à toutes les contraintes procédurales applicables à la procédure de sanction (principe du contradictoire, proportionnalité et motivation).

Par ailleurs, la communication de l'Autorité sur les décisions qu'elle rend contribue à assurer l'information des entreprises, des pouvoirs publics, mais aussi des citoyens. Les différents moyens de communication utilisés par l'Autorité servent ainsi à diffuser, de façon appropriée, les informations pertinentes relatives à sa pratique décisionnelle.

Enfin, l'Autorité peut assurer l'information des organismes intéressés par les décisions qu'elle rendu, par exemple, en adressant, comme dans la présente affaire, un courrier à un syndicat professionnel d'entreprises du médicament afin de les informer de la décision intervenue et ce, pour faciliter la mise en place par les entreprises ou les organismes professionnels de démarches de conformité. Il est argué que dès lors qu'elle n'est pas rendue publique et vise certains destinataires particuliers, une telle démarche ne peut être regardée comme s'inscrivant dans la politique de communication de l'Autorité.

II – Sur l'incompétence de la cour d'appel de Paris pour connaître du recours formé par la société ROCHE SAS

Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu'à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle. (Décision DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence).

Il est rappelé que l'Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante qui exerce des prérogatives de puissance publique lorsqu'elle prend des décisions dans le domaine de la répression des pratiques anticoncurrentielles ou en matière de contrôle des concentrations. Ses actes et décisions ressortissent, en principe, à la compétence du juge administratif.

Il est fait valoir que s’agissant des catégories de décisions pour lesquelles le législateur a expressément prévu, par exception à ce principe, la compétence du juge judiciaire. Ainsi relèvent de la compétence du juge judiciaire les recours formés contre les catégories de décisions limitativement énumérées aux articles L. 464-7 et L. 464-8 du code de commerce.  Par ailleurs, dans son arrêt en date du 5 octobre 2020 (aff. GOOGLE IRELAND LTD et autres), le Tribunal des conflits a admis la compétence du juge judiciaire pour connaître des décisions qui ne sont pas détachables de décisions dont le contentieux relève de la compétence de ce dernier.

Au cas présent, les actes contestés par la société ROCHE SAS relèvent soit de la mise en œuvre par l’ADLC de sa politique de communication, soit de ses missions générales de protection de la concurrence rappelées ci -avant. Dans le cadre du présent recours, la société demanderesse n'attaque aucune décision relevant des catégories dont la loi attribue expressément la compétence au juge judiciaire. Elle ne conteste pas davantage une décision qui serait indissociable d'une autre décision dont le contentieux relève de la compétence de ce dernier.

En effet, la société ROCHE SAS indique contester « la communication de l'Autorité relative à la décision » n° 20-D-11.

Or, lorsque l'Autorité met en œuvre des moyens de communication (conférence de presse, diffusion de vidéos, interviews...), elle exerce sa mission générale qui est de contribuer à une protection effective de l'ordre public économique, notamment en faisant preuve de pédagogie, mais ne prend pas une décision ni ne met en œuvre un comportement qui pourrait relever de la compétence du juge judiciaire.

Par conséquent, la société ROCHE SAS ne peut utilement se prévaloir de la décision du Tribunal des conflits du 5 octobre 2020 susvisée, qui concerne la publicité d'une décision de l'Autorité organisée par un texte spécifique, l'article D. 464-8-1 du code de commerce, et n'est, partant, pas transposable à la présente espèce.

Contrairement à ce que soutient la société, la communication organisée par l'Autorité, sur une décision qu'elle a rendue, ne saurait être assimilée à la décision par laquelle l'Autorité décide de soumettre une entreprise à une injonction de publication, qui constitue une sanction complémentaire infligée à une entreprise. Dès lors, la mise en œuvre par l'Autorité elle-même de sa politique de communication ne saurait sérieusement être comparée, sur le plan juridique, à une décision portant injonction de publication.

Il en résulte que les modalités de la politique de communication portant sur la décision n° 20-D-11 ne sauraient être regardées comme étant indissociables de la décision elle-même, dans le cadre retenu par le Tribunal des conflits dans sa décision précitée, et que leur contentieux ne relève donc pas de la compétence du juge judiciaire.

Par conséquent, le juge judiciaire n'est compétent ni pour prescrire les mesures que la société ROCHE SAS demande sur le fondement de l'article L. 464-8 du code de commerce, ni pour prononcer les mesures demandées sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile.

Il s'en déduit que le présent recours relève de la compétence du juge administratif.

III – A titre subsidiaire, sur l'irrecevabilité du recours

Il est fait valoir qu'en tout état de cause, le présent recours, formé sur le fondement de l'article L. 464-8 du code de commerce, doit être rejeté comme irrecevable.

En effet, en l'espèce, la société ROCHE SAS ne demande pas qu'il soit sursis au paiement de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée solidairement avec les sociétés GENETECH Inc. et ROCHE HOLDING AG mais demande, à titre principal, qu'il soit enjoint à l'Autorité de cesser toute communication relative à la décision n° 20-D-11 et, à titre subsidiaire, qu'il soit enjoint à l'Autorité, d'une part, de mentionner dans toute communication relative à cette décision l'existence d'un recours pendant devant la cour d'appel de Paris et d'autre part, de « s'abstenir d'initier toute démarche, courrier ou autre forme de communication adressée à des tiers spécifiquement ciblés ».

Il est argué que de telles mesures, qui ne tendent pas au sursis de la décision n° 20-D-11 ou de certains articles de son dispositif, ne sont pas au nombre de celles que le Premier président de la cour d'appel de Paris peut prescrire dans le cadre d'un recours formé sur le fondement des dispositions de l'article L. 464-8 du code de commerce.

A titre surabondant, il est fait observer que les publications dénoncées par la demanderesse ont été mises en ligne au début du mois de septembre 2020 mais qu'elle n'a introduit le présent recours qu'au mois de février 2021.

Ainsi, force est de constater que ledit recours, qui ne fait pas état de « faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité » qui auraient justifié son introduction tardive, ne s'inscrit pas dans le cadre prévu par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 464-8 du code de commerce.

Il est donc demandé de déclarer le recours irrecevable.

IV – A titre infiniment subsidiaire, sur le caractère infondé du recours

Il est encore rappelé que la publication en ligne des décisions présentant le caractère d'une sanction sur le site internet de l'Autorité constitue une obligation pour cette dernière.

Ainsi, la publication en ligne de la décision contestée ne saurait être regardée comme une sanction complémentaire infligée à la société ROCHE SAS.

Par ailleurs, les modalités selon lesquelles il a été décidé de communiquer ne peuvent être regardées comme excessives ou disproportionnées, l'Autorité ayant procédé, en l'espèce, comme il est d'usage lorsqu'elle rend des décisions de l'importance de celle en litige (conférence de presse, publication sur son site internet d'un communiqué de presse présentant la décision et le texte de cette dernière, un résumé de celle-ci et une vidéo explicative).

Il est précisé que diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux n'est pas inhabituelle et s'inscrit dans l'évolution actuelle des modes de communication employés de façon de plus en plus courante par les autorités et les pouvoirs publics, y compris au niveau européen. Contrairement à ce que soutient la société ROCHE SAS, la communication de l'Autorité n'est pas tronquée ou incomplète : la vidéo critiquée reprend les points essentiels de la décision de façon sobre, sans trahir son contenu. Elle n'insinue nullement que les pratiques se seraient poursuivies après 2013.

Compte tenu de la durée et du format de ladite vidéo, la demanderesse ne saurait faire grief à l'Autorité de ne pas avoir y précisé que l'amende infligée au groupe ROCHE ne représente que 13 % du montant total des sanctions infligées.

En outre, la vidéo invite à consulter sur le site internet de l'Autorité le texte de la décision et le communiqué de presse qui l'accompagne de sorte que le lecteur ne peut se méprendre sur la portée de la décision.

Il est fait valoir que le site internet précise que la décision n° 20-D-11 fait l'objet d'un recours (pièce n° 3) et que par conséquent, aucune atteinte à la présomption d'innocence ne peut être caractérisée en l'espèce.

Il est argué qu'aucune méconnaissance de l'obligation de discrétion ou du devoir de réserve, qui s'appliquent aux membres et aux agents de l'Autorité, ne peut résulter de la communication publique et institutionnelle de l'Autorité.

Enfin, cette communication ne porte nullement atteinte aux droits de la défense, dès lors que la décision n° 20-D-11 a été adoptée à l'issue d'une procédure contradictoire respectant les droits de la défense et que cette société dispose en outre de la faculté, dans le cadre du recours introduit contre la décision n° 20-D-11, de soulever tout moyen visant à contester la légalité de ladite décision.

Il résulte de ce qui précède que la société ROCHE SAS n'est pas fondée à soutenir que la communication de l'Autorité serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou causerait un trouble manifestement illicite. Sa demande est donc mal-fondée.

En conclusion, l'Autorité demande à ce que le recours présenté par la société ROCHE SAS soit rejeté en toutes ses conclusions.

Par observations déposées le 1er avril 2021 en réponse à la note en délibéré, l’Autorité de la Concurrence maintient ses observations en rappelant que les arguments développés par la société Roche SAS ne sont pas nouveaux, que la demanderesse invoque une interprétation large de l’article L. 464-8 du Code de commerce, de l’article 835 du CPC ainsi que d’une voie de recours ouverte sans texte devant le premier président à l’encontre de la communication des décisions organisée par l’ADLC, alors que le litige relève de la compétence du juge administratif.

Par courrier en date du 20 mars 2021, le Ministre de l’Économie a informé la Cour qu'il n'userait pas de la faculté de présenter des observations écrites et orales, prévue par les articles R. 464-18 et R. 464-19 du code de commerce, dans le cadre du présent recours.

Par avis déposé au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 19 mars 2021, le Ministère Public soutient :

I – Sur les textes et la jurisprudence applicables

Il résulte de l'article L. 464-8 du code de commerce que l'exécution immédiate des décisions de l'Autorité, y compris des injonctions prononcées, est de droit et qu'aucune condition particulière d'urgence ou aucun motif d'intérêt général ne sont requis. Par ailleurs, selon l'article L. 490-11 du code de commerce, les décisions de l'Autorité sanctionnant des pratiques anticoncurrentielles, prises sur le fondement de l'article L. 464-2 du même code, doivent être rendues publiques.

Le Ministère public rappelle que s'agissant de la juridiction de recours compétente, les actes et décisions pris par l'Autorité ressortissent, en principe, à la compétence du juge administratif, sauf si le législateur a expressément prévu la compétence du juge judiciaire comme pour les recours formés contre les catégories de décision limitativement énumérées aux articles L. 464-7 et L. 464-8 du code de commerce.

Dans son ordonnance du 5 octobre 2020, le Tribunal des conflits a précisé la compétence judiciaire pour connaître des décisions qui ne sont pas détachables de décisions dont le contentieux relève de la compétence de ce dernier.

Au cas présent, les actes contestés par la société ROCHE SAS ne rentrent dans les catégories de décisions dont la loi attribue expressément la compétence au juge judiciaire, ni sont indissociables de telles décisions.

Par conséquent, leur contentieux ne relève pas de la compétence du juge judiciaire mais du juge administratif.

II – Sur l'irrecevabilité du recours et, en tout état de cause, son caractère infondé

Selon une jurisprudence constante, une société est recevable à demander qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision lui infligeant une sanction pécuniaire ou lui adressant une injonction quelle qu'en soit leur nature, injonction de publication ou injonction de modifier les clauses d'un contrat, par exemple.

Or, en l'espèce, la société ROCHE SAS ne demande pas qu'il soit sursis au paiement de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée et la décision ne comporte aucune mesure d'injonction, de sorte qu'il ne pourra qu'être constaté que les mesures demandées ne s'inscrivent pas dans l'exécution de la décision contestée.

Ainsi, la demande de sursis à exécution sera déclarée irrecevable.

En tout état de cause, cette demande est infondée.

En effet, comme le souligne l'Autorité, sa communication, que selon la demanderesse caractérise l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile, s'inscrit dans une pratique homogène au niveau européen et international et elle n'est ni tronquée ni incomplète. Son site internet indique bien que la décision fait l'objet d'un recours, de sorte qu'aucune atteinte à l'image de la requérante ou à la présomption d'innocence ne saurait être valablement invoquée.

Enfin, aucune atteinte aux droits de la défense ne résulte de cette communication dans la mesure où la société a introduit un recours à l'encontre de la décision et est donc en capacité d'invoquer tout moyen pour la contester.

En conclusion, le Ministère public invite la Cour, à titre principal, à se déclarer incompétente pour connaître du recours de la société ROCHE SAS, à titre subsidiaire, à déclarer ce recours irrecevable et, en tout état de cause, infondé.

SUR CE

Sur la demande de sursis à exécution en vertu des articles L. 464-8 et R. 464-22 du code de commerce :

Considérant qu'aux termes de l’article L. 464-8 du code de commerce « les décisions de l’Autorité de la concurrence mentionnées aux articles L. 462-8, L. 464-2, L. 464-3, L. 464-5, L. 464-6, L. 464-6-1 et L. 752-27 sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l’économie, qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la Cour d'appel de Paris.

Le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l’exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ».

Considérant que la décision n° 20-D-11 du 09 septembre 2020 de l’Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la DMLA, qui inflige aux sociétés du groupe ROCHE des sanctions pécuniaires, a été notifiée à la société ROCHE SAS.

Considérant que par assignation du 5 février 2021, la société ROCHE SAS a saisi le Premier Président de la cour d’appel de Paris sur le fondement des articles L. 464-8 et R. 464-22 du code de commerce, soit sur le fondement d’une demande de sursis à exécution d’une décision de l’Autorité de la concurrence, que néanmoins dans ses écritures la demanderesse ne sollicite à aucun moment le sursis à exécution d’une injonction prévue dans la décision du 9 septembre 2020,

Considérant qu’il convient de déclarer cette demande fondée sur les articles L. 464-8 et R. 464- 22 du code de commerce irrecevable.

Sur la demande de la société ROCHE SAS sur le fondement de l’article 835 du Code de procédure civile :

Considérant que la société ROCHE SAS demande dans le cadre de cette action au Premier Président de la cour d’appel de juger que la communication de l’Autorité de la concurrence portant sur la décision constitue une sanction complémentaire à l’encontre des entreprises mises en cause, que cette communication présente un caractère disproportionné, qu’elle porte atteinte à la présomption d’innocence, qu’elle est une violation par les agents de l’Autorité de leurs obligations de discrétion et réserve, que la société ROCHE SAS demande à la cour d’appel d’ordonner à l’Autorité de produire les courriers envoyés à des tiers, d’enjoindre à l’Autorité de cesser toute communication relative à la décision du 9 septembre 2020, de mentionner qu’un recours a été déposé devant la cour d’appel de Paris et de s’abstenir d’initier toute autre forme de communication, que la demanderesse argue que la cour d’appel peut statuer sur le fondement de l’article 835 du Code de procédure civile et sur le fondement de la décision du Tribunal des conflits du 5 octobre 2020, qu’elle bénéficie d’une voie de recours ouverte sans texte ;

Mais considérant que la société ROCHE SAS conteste la décision de communication de l’Autorité, que la communication organisée par l'Autorité, sur une décision qu'elle a rendue, ne peut être assimilée à la décision par laquelle l'Autorité décide de soumettre une entreprise à une injonction de publication, qui constitue une sanction complémentaire infligée à une entreprise, que la mise en œuvre par l'Autorité elle-même de sa politique de communication ne peut être considérée sur le plan juridique comme une décision portant injonction de publication, que les modalités de communication portant sur la décision obéissent à un régime juridique propre rappelé par l’Autorité et le ministère public et ne sont pas indissociables de la décision elle-même, que ce contentieux ne relève donc pas de la compétence du juge judiciaire mais relève de la compétence du juge administratif ;

Considérant qu’il convient de se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes présentées par la société ROCHE SAS ;

Considérant qu’il convient de rejeter la demande de la société ROCHE SAS au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

- Disons que la demande présentée par la société ROCHE SAS à l’encontre de la communication de l’Autorité de la concurrence relative à la décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 ne constitue pas une demande de sursis à exécution et sera déclarée irrecevable sur le fondement des articles L. 464-8 et R. 464-22 du code de commerce ;

- Nous déclarons incompétent pour statuer sur les demandes présentées par la société ROCHE SAS à l’encontre de la communication de l’Autorité de la concurrence relative à la décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 et renvoyons la requérante à mieux se pourvoir ;

- Rejetons la demande de la société ROCHE SAS au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et la condamnons aux dépens de l’instance.