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Décisions

Cass. 3e civ., 3 octobre 1991, n° 90-15.889

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Senselme

Rapporteur :

Mlle Fossereau

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Boré et Xavier, Me Odent

Riom, du 21 mars 1990

21 mars 1990

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 21 mars 1990), que Mme Sanchez X..., locataire de locaux à usage commercial et d'habitation appartenant à la société civile immobilière Matière, a sollicité le bénéfice du droit au renouvellement ;

Attendu que la bailleresse fait grief à l'arrêt d'exclure le caractère emphytéotique du bail, alors, selon le moyen, qu'il est constant que le bail emphytéotique est un louage d'immeuble, par lequel le preneur reçoit pour une longue durée un droit réel immobilier spécial appelé emphytéose, qui lui confère un usage et une jouissance plus complets que dans le louage ordinaire et ce, moyennant le paiement de redevances annuelles ayant un caractère modique ; que ses caractéristiques essentielles sont la durée exceptionnelle du bail dépassant dix-huit ans, le droit de disposition presque absolu de l'immeuble, notamment la possibilité de céder et sous-louer le bail sans restriction, la modicité du loyer et l'obligation pour l'emphytéote de supporter la dépense des améliorations prévues au contrat ; qu'il résulte des constatations, qui figurent dans l'arrêt attaqué, que le bail consenti à Mme Sanchez X... comportait toutes ces caractéristiques, notamment la longue durée (25 ans), la modicité de la redevance, le droit de cession et de sous-location, la possibilité d'hypothèques résultant de la stipulation prévoyant la publication du bail au bureau des hypothèques ; que, de l'ensemble de ces clauses et stipulations exorbitantes du droit commun et toutes profitables au preneur, les juges devaient tirer la conséquence légale nécessaire que les parties avaient conclu un bail emphytéotique, sans s'attacher au défaut de qualification figurant au contrat ; qu'ils ont ajouté aux conditions nécessaires, qui déterminent l'existence du bail emphytéotique, des conditions supplémentaires qui ne figurent pas dans la loi, telles que l'obligation pour le locataire d'effectuer certaines améliorations ; que c'est donc par une dénaturation manifeste du contrat liant les parties et en violation des articles L. 451-1, L. 451-13 du Code rural, ainsi que de l'article 1134 du Code civil, que les juges refusent de reconnaître le caractère emphytéotique du bail conclu entre les parties ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la modicité du loyer n'était que relative et n'avait pas pour contrepartie la prise en charge d'améliorations par le preneur, que l'autorisation de construire était limitée à une pièce, ce qui interdisait tous autres aménagements, que la liberté de sous-louer ou céder le bail était très atténuée par une clause de responsabilité solidaire du locataire avec le cessionnaire ou sous-locataire et que la possibilité d'exercer d'autres commerces n'était pas générale, la cour d'appel, qui a rappelé que tout bail supérieur à 12 ans devait être publié, a pu, sans dénaturation, en déduire que le bail, même de longue durée, ne présentait pas les caractéristiques de l'emphytéose ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS ;

REJETTE le pourvoi.